CE 8éme et 9éme sous-sections réunies., 1992-03-23, n° 99425
A1040AID
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant du Contentieux
N° 99425
Ministre du budget
contre
SARL "Société nouvelle Rivastella" et autres
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux 8éme et 9éme sous-sections réunies.)
Vu les recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT,
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET
enregistrés le 24 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil
d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule les jugements en date du 18 février 1988 par lesquels
le tribunal administratif de Paris a déchargé d'une part la SARL
"Société nouvelle Rivastella" et d'autre part MM Jacques Harmel et
Roger Brandely respectivement gérant statutaire et gérant de fait de
ladite société, tous deux déclarés débiteurs solidaires en vertu d'un
jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 24
février 1984, du complément de taxe sur la valeur ajoutée et de
l'intérêt de retard qui ont été assignés à la société, pour la
période du 18 février 1976 au 31 décembre 1979, par avis de mise en
recouvrement en date du 13 août 1980 ;
2°) remette à la charge de la SARL "Société nouvelle Rivastella",
et, par voie de conséquence, à celle de MM Harmel et Brandely le
complément de taxe et l'intérêt de retard susmentionnés ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°
53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M du Marais, Auditeur,
- les conclusions de M Chahid-Nouraï, Commissaire du
gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'agent chargé de
la vérification de la comptabilité de la société à responsabilité
limitée "Société nouvelle Rivastella", qui avait, notamment, pour
objet la fabrication et la vente de caravanes et d'unités mobiles
dotées d'équipements spécifiques, a remis le 25 février 1980 à M
Brandely un avis de vérification dont il n'est pas contesté qu'il
mentionnait expréssement la faculté pour le contribuable de se faire
assister par un conseil de son choix ; que M Brandely ayant indiqué
que les documents comptables de la société avaient été saisis dans le
cadre d'une information judiciaire, le vérificateur a dû consulter, à
plusieurs reprises ces documents, à partir du 19 mars 1980, au greffe
du tribunal de grande instance de Créteil, après avoir préalablement
informé M Brandely de cette démarche ; qu'il n'est pas allégué, que
le vérificateur se serait opposé à ce que cette consultation se
déroulât en présence des représentants de la société ; que le
vérificateur a eu avec ceux-ci, assistés de leur conseil, trois
entretiens dont deux au siège de l'entreprise et le troisième dans
les locaux de l'administration ; que, dans ces conditions, c'est à
tort que le tribunal administraif s'est fondé, pour accorder la
décharge des impositions litigieuses, sur le motif que la
consultation de la comptabilité de l'entreprise aurait eu lieu en
dehors de la présence du contribuable et sans que celui-ci en ait été
informé en temps utile et qu'ainsi l'administration n'aurait pas
respecté en l'espèce les dispositions alors en vigueur de l'article
1649 septies du code général des impôts selon lesquelles les
contribuables peuvent se faire assister, au cours des vérifications
de comptabilité, d'un conseil de leur choix et doivent être avertis
de cette faculté à peine de nullité de la procédure ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi
de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner
les autres moyens présentés par les intéressés tant devant le
tribunal administratif que dans leur défense en appel ;
Considérant que la circonstance que la notification de l'avis de
vérification ait été effectuée par simple remise de la main à la main
est sans influence sur sa régularité ; que le moyen tiré de ce que
ledit avis indiquait que la période vérifiée se terminait le 31
décembre 1979 alors qu'en réalité la vérification aurait également
concerné les mois de janvier et de février 1980, est inopérant dès
lors que le redressement contesté a été limité, comme il a été
indiqué ci-dessus, à la période s'étendant du 18 février 1976 au 31
décembre 1979 ; qu'en remettant l'avis de vérification non au gérant
statutaire de la société mais à M Brandely dont il n'est pas
contesté qu'il était son gérant de fait et en menant avec celui-ci le
débat oral et contradictoire, le vérificateur n'a commis aucune
irrégularité nonobstant la circonstance que le jugement du tribunal
de grande instance de Créteil condamnant M Brandely, en tant que
gérant de fait de ladite société, au paiement solidaire d'une partie
de l'imposition litigieuse, ne soit intervenu que postérieurement à
ladite vérification ; qu'enfin si les intéressés soutiennent que le
vérificateur aurait refusé d'examiner des documents comptables qui
seraient restés à la disposition de la société, ils n'apportent
aucune preuve à l'appui de leur allégation laquelle est, en outre,
contredite par les affirmations non contestées faites par M Brandely
au cours de la vérification ; qu'ainsi la vérification de
comptabilité n'a pas été irrégulière ;
Considérant que la SARL "Société nouvelle Rivastella" se trouvant
pour la période en cause en situation de rectification d'office du
fait des omissions et inexactitudes graves et répétées dont était
entâchée sa comptabilité par suite, notamment, d'un nombre important
de ventes sans factures ou facturées à des prix minorés, il
appartient à la société et aux intéressés d'apporter la preuve de
l'exagération des bases d'imposition ayant servi pour l'établissement
des impositions contestées ;
Considérant que, pour déterminer le chiffre d'affaires
effectivement réalisé par la société, l'administration a appliqué aux
ventes de caravanes neuves effectuées par ladite société les prix
figurant sur le tarif de l'entreprise pour l'année 1979, en
effectuant, pour les ventes réalisées de 1976 à 1978, des réfactions
pour tenir compte de l'évolution des prix ; que, s'agissant de la
vente de caravanes d'occasion, l'administration a retenu un
coefficient de marge bénéficiaire de 25 % justifié, selon elle, par
les marges constatées sur les ventes facturées et par le fait que la
société effectuait des travaux de remise en état ; que MM Harmel et
Brandely, et la société, qui ne sont pas fondés à soutenir que la
méthode ainsi retenue par l'administration a été trop sommaire ou
aléatoire et qui ne proposent pas de méthode permettant de parvenir à
une meilleure approximation du chiffre d'affaires de la société,
n'apportent pas la preuve que, pour les ventes de caravanes neuves,
les prix pratiqués auraient été inférieurs à ceux résultant du tarif
susmentionné et que, pour les ventes de caravanes d'occasion, le taux
de bénéfice réalisé par la société aurait été inférieur à celui
retenu par le service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre
est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements
attaqués, le tribunal administratif a déchargé la SARL "Société
nouvelle Rivastella" et, par voie de conséquence, MM Harmel et
Brandely, du complément de taxe sur la valeur ajoutée contesté ;
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Paris, en
date du 18 février 1988, sont annulés.
Article 2 : Le complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel la
SARL "Société nouvelle Rivastella" a été assujettie au titre de
la période du 18 février 1976 au 31 décembre 1979 est remis
intégralement à sa charge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL "Société nouvelle Rivastella", à M Jacques Harmel, à M Roger Brandely et au ministre délégué au budget.
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