Jurisprudence : CA Paris, 6, 12, 19-05-2023, n° 19/10653, Confirmation


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12


ARRÊT DU 19 Mai 2023


(n° , 11 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10653 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2YF


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 18/00843



APPELANTE

SARL [7] ([7])

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Nathalie FAUDOT, avocat au barreau d'ESSONNE


INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Mme [P] [Z] en vertu d'un pouvoir général



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère


qui en ont délibéré


Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats


ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 17 mars 2023 et prorogé au 21 avril 2023 puis au 19 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la S.A.R.L. [7] (la société) d'un jugement rendu le 16 septembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Évry dans un litige l'opposant à l'Urssaf d'Île-de-France (l'Urssaf).



FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle portant sur la législation sociale, la CSG/CRDS et l'allocation chômage, l'Urssaf d'Île-de-France a notifié à la société plusieurs chefs de redressement et qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable (CRA), la société a formé un recours devant un tribunal des affaires de sécurité sociale.


Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance d'Évry 1er janvier 2019.



Par jugement du 16 septembre 2019, ce tribunal a :

- Déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;

- Débouté la société de l'ensemble de ses demandes, sauf partiellement pour le point 7 du redressement ;

- Constaté la régularité de la mise en demeure délivrée par l'Urssaf en date du 23 mars 2018 ;

- Confirmé les décisions de la commission de recours amiable de l'Urssaf en date du 15 octobre 2018 concernant les redressements opérés concernant l'avantage en nature logement, l'avantage en nature véhicule, les dépenses personnelles de Mme [S], les indemnités panier, les frais professionnels non justifiés et les dépenses personnelles du gérant, soit les points 1, 2, 4, 5, 8 et 9 du redressement ;

- Dit que le redressement concernant le rappel de salaires suite à la décision de justice figurant au point 7 du redressement est abandonné ;

- Constaté que le reste du redressement n'est pas contesté, soit les points 3 et 6 de celui-ci ;

- Condamné la société à payer à l'Urssaf la somme de 101 609 euros, composée de 87 145 euros de cotisations et de 14 464 euros de majorations de retard, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, concernant l'ensemble du redressement opéré dont le point 7 abandonné ;

- Prononcé l'exécution provisoire de la décision ;

- Rejeté les demandes de la société et de l'Urssaf au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.



La société a interjeté appel de ce jugement le 23 octobre 2019, lequel lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces du dossier.


La société a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour de :

- La déclarer recevable en ses demandes, fins et conclusions ;

- Réformer le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

- Annuler la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf en date du 18 octobre 2018 ;

- Annuler la mise en demeure de l'Urssaf en date du 23 mars 2018 ;

- Débouter l'Urssaf de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'Urssaf aux entiers dépens.


L'Urssaf a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant à la cour de :


- Confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2019 par le tribunal des affaires de la sécurité sociale d'Évry ;

- Condamner la société à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société aux entiers dépens.


Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l'audience, et visées par le greffe à la date du 26 janvier 2023, pour un exposé complet des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions.



SUR CE,


Sur la nullité de la mise en demeure


Prétentions et moyens des parties


La société expose que le montant indiqué à la mise en demeure est différente, à son détriment, du montant indiqué sur la lettre d'observations initiale, ainsi que sur la lettre en réponse aux observations formulées par elle du 15 février 2018 et dont il est également fait référence sur la mise en demeure ; que, de même, au sein de la lettre du 15 février 2018, le chef de redressement n° 8 n'est maintenu que pour 7 795 euros et non 13 376 euros venant de facto là encore réduire le montant total du redressement mais qui n'a pas été pris en compte par l'Urssaf in fine ; que ces erreurs et omissions ne lui permettent ainsi pas au vu des dispositions du décret de 2016 reprenant une jurisprudence établie, d'avoir une parfaite connaissance de la nature, et de l'étendue de ses obligations, justifiant sa demande d'annulation de la mise en demeure litigieuse.


L'Urssaf réplique qu'il a été jugé qu'une différence minime de montant dans celui indiqué sur la mise en demeure et celui figurant sur la lettre d'observations est sans incidence sur la validité de la mise en demeure (Cass., Civ. 2e, 13 décembre 2007, n°06-20543⚖️). Elle observe qu'au cas d'espèce, la différence de 10 euros apparaissant sur la mise en demeure est une erreur purement matérielle et que la somme de 94 950 euros est confirmée par l'inspecteur du recouvrement dans sa lettre du 15 février 2018 en réponse aux observations de la société et que la mise en demeure du 23 mars 2018 mentionne les périodes concernées par chaque chef de redressement, leur montant respectif, les majorations de retard appliquées, le régime appliqué, ainsi que le motif de mise en recouvrement, de sorte que la société ne pouvait ignorer la cause, la nature et l'étendue de ses obligations.


Réponse de la cour


Il résulte des dispositions de l'article L. 244-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige, que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation doit permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.


En l'espèce, la lettre d'observations mentionne un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurances chômage et d'AGS d'un montant total de 94 940 euros (pièce n°2 de la société).


La mise en demeure mentionne un total de cotisations dues de 94 950 euros (pièce n°1 de la société).


Si l'Urssaf réclamait ainsi à la société par la mise en demeure, au titre du contrôle opéré, un montant total de cotisations de 94 950 euros, alors que le montant de cotisations redressées porté à la lettre d'observations est de 94 940 euros, la différence de 10 euros est minime et relève d'une erreur de plume manifeste, peu important ici qu'elle soit défavorable à la société dans la mesure où la mise en demeure précisait que le montant des redressements correspondait « au dernier échange du 15/02/18 », lequel confirmait le montant total du redressement à la somme de 94 940 euros conformément à la lettre d'observations (pièce n°4 de la société).


Par ailleurs, la mise en demeure qui fait référence à la lettre d'observations du 6 décembre 2017 mentionne les périodes concernées détaillées par années, les montants détaillés par années des cotisations d'une part et des majorations d'autre part dues à la suite du contrôle portant sur la période allant de 2014 à 2016 et précise que le montant total est celui du « dernier échange » du 15 février 2018.


La lettre d'observations mentionne pour chaque chef de redressement leurs causes et les régularisations opérées, en précisant par années les montants dus et les cotisations concernées, les bases et taux de calcul.


Enfin, si la société évoque un montant de 7 795 euros au titre du chef de redressement n°8 tel que retenu in fine par l'inspecteur du recouvrement dans sa lettre du 15 février 2018, la seule lecture de cette lettre, qui confirme le montant total du redressement tel que visé dans la lettre d'observations du 6 décembre 2017, permet de constater que le redressement n°8 n'a pas été ramené à la somme de 7 795 euros mais maintenu à son montant initial de 13 376 euros. En effet, une simple lecture de la réponse de l'inspecteur du recouvrement, sans le recours à un autre document, suffit pour contrôler que l'indication de 7 795 euros est également une erreur de plume par copier-coller du chef de redressement n°7 dont le montant initial et maintenu est de 7 795 euros alors que le chef de redressement n°8 d'un montant initial de 13 376 euros a été maintenu « pour le montant initial de 7 795 euros », formule identique au chef n°7. Or, la somme des montants des chefs de redressement permet de retrouver la somme de 94 940 euros avec un chef de redressement n°8 à 13 376 euros, alors que si ce chef avait été effectivement ramené, et non maintenu, à la somme de 7 795 euros, le montant total du redressement aurait dû être de 89 359 euros.


Dans ces conditions, la mise en demeure, bien que visant un montant de cotisations différent de celui préalablement notifié à la société, permettait à cette dernière de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation au sens de l'article L. 244-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.


En conséquence, le moyen de nullité de la mise en demeure tenant à la différence de montant entre la lettre d'observations et la mise en demeure ne peut donc pas prospérer.


Sur le chef n°1 « avantage en nature logement »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que le logement dont bénéficie Mme [S], salariée de l'entreprise, n'est que la résultante des « liens familiaux » et plus particulièrement de son statut d'épouse et du gérant de l'entreprise, qu'à ce titre il sera souligné qu'elle perçoit une rémunération d'adéquation et non inférieure à celle pratiquée dans la profession ; qu'il ne s'agit donc nullement d'un avantage en nature qui serait en lien avec l'exécution du contrat de travail et n'a donc nullement vocation à être soumis à cotisations sociales.


L'Urssaf réplique que la société a mis à la disposition gratuite de sa salariée, secrétaire trilingue et épouse du gérant, d'un logement de type F6 en 2014 et 2015 et à compter du mois de mars 2016 de type F4 sans qu'aucun avantage en nature n'ait été évalué ; que la société n'apporte aucun élément nouveau permettant de remettre en cause le redressement ; qu'elle se borne à soutenir que la mise à disposition gratuite du logement résulte du statut d'épouse du gérant de la salariée et non de l'exécution du contrat de travail ; que le fait, pour tout salarié, de bénéficier de la mise à disposition d'un logement par son employeur, constitue un avantage permettant de faire l'économie de frais qu'il aurait dû normalement supporter par lui-même.


Réponse de la cour


Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens de l'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition gratuite d'un logement dont l'entreprise assume entièrement la charge.


En application de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002🏛 modifié, lorsque l'employeur met à la disposition gratuite et permanente du travailleur salarié ou assimilé un logement, l'avantage en nature constitué par cette mise à disposition est évalué forfaitairement, selon un barème déterminé d'après la rémunération de l'intéressé et le nombre de pièces principales pour les travailleurs salariés ou assimilés, ou, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation.


En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que l'épouse du gérant de la société, salariée de l'entreprise en qualité de secrétaire trilingue, bénéficiait de la mise à disposition gratuite d'un logement de type F6 au [Localité 6] (91) au cours des années 2014 et 2015 et, à compter du mois de mars 2016 de type F4 à [Localité 5] (91) sans qu'aucun avantage en nature n'at été évalué par l'employeur.


Dans ces conditions, la mise à disposition gratuite et successive de ces deux logements à la salariée en cause caractérise un avantage en nature devant être soumis à cotisations, peu important que cette salariée soit par ailleurs l'épouse du gérant de la société dès lors qu'il n'est pas démontré en quoi cette situation particulière l'aurait dispensée de supporter des frais de logement, le lien conjugal ne pouvant pas justifier une mise à disposition gratuite d'un logement qui, dans ce cadre, ne peut relever que de l'exécution d'un contrat de travail.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur le chef de redressement n°2 « avantage en nature véhicule »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que le gérant conteste fermement l'analyse et les propos qui lui sont prêtés et que l'Urssaf ne justifie pas ; qu'au surplus le dit véhicule n'est nullement utilisé en permanence par le gérant qui ne l'utilise que pour ses besoins professionnels, celui-ci travaillant tous les samedis (soit 6 jours sur 7), voire certains dimanches (exceptionnel) ; que le gérant n'utilise pas de véhicule pour ses congés, celui-ci partant à l'étranger et donc en avion ; que de même concernant son épouse, par ses fonctions de secrétaire trilingue de l'entreprise, elle est régulièrement amenée à se rendre en mission à l'étranger pour les salons notamment (Allemagne, Chine) et plus généralement à se déplacer chez les fournisseurs et clients, justifiant l'utilisation d'un véhicule de société à des fins strictement professionnelles.


L'Urssaf réplique que le gérant salarié de la société bénéficie d'une mise à disposition permanente d'un véhicule de tourisme appartenant à l'entreprise, en l'espèce une Audi A7 Sportback Avus 3.0 Quattro d'une valeur TTC de 77 900 euros en 2014 et 2015 et de janvier à avril 2016, date de son départ à la retraite, d'une BMW X6 M50d d'une valeur TTC de 101 517 euros ; que l'épouse du gérant bénéficiait quant à elle, en 2014, 2015 et 2016, d'une mise à disposition permanente d'un véhicule de tourisme, en l'espèce une Aa Ab dont le coût du leasing s'élève à 705,36 euros par mois, soit 8 464 euros par an ; que la société n'apporte aucun élément nouveau et se contente de reprendre à l'identique ses observations formulées pendant la période de contradictoire, dans le cadre de son recours amiable et lors de la saisine du tribunal ; que la société ne justifie pas d'un usage strictement professionnel des véhicules et ne produit aucun document justifiant de l'interdiction faite aux salariés d'utiliser les véhicules pendant le repos hebdomadaire et les périodes de congés, ni de leur obligation de les laisser au siège de l'entreprise pendant ces périodes chômées.


Réponse de la cour


Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens de l'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.


En application de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.


En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que, pour la période contrôlée, deux véhicules ont été successivement mis à la disposition permanente du gérant salarié de la société et qu'un véhicule loué par la société était mis à la disposition permanente d'une salariée, épouse du gérant, sans qu'aucun avantage en nature n'ait été évalué par la société.


Si la société soutient que ces mises à dispositions ne concernent que des usages professionnels, elle ne le démontre pas et ne verse aucune pièce susceptible de l'établir, des considérations générales ne pouvant pas suppléer l'absence de toute pièce probante.


Dans ces conditions, la mise à disposition permanente desdits véhicules aux deux salariés caractérise en l'espèce un avantage en nature devant être soumis à cotisations.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur le chef de redressement n°4 « dépenses personnelles salariée Mme [S] »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que la salariée, secrétaire trilingue, est régulièrement amenée à accompagner son époux, gérant de l'entreprise, en mission à l'étranger pour des salons notamment (Allemagne, Chine) et plus généralement pour le développement commercial de l'entreprise, outre à effectuer des achats pour l'activité de l'entreprise ; que le caractère professionnel de ces dépenses a été reconnus par l'administration fiscale qui n'a opéré aucun redressement lors de son précédent contrôle.


L'Urssaf réplique que la société a payé une assurance habitation relative au logement mis à la disposition de Mme [S] ; que la société n'apporte aucun élément nouveau et se contente de reprendre à l'identique ses observations formulées pendant la période contradictoire, dans le cadre de son recours amiable et lors de la saisine du tribunal ; qu'il est acquis que la société met un logement à la disposition gratuite de la salariée ; que toutes les charges incombant normalement à l'occupant d'un logement telles que la taxe d'habitation, la taxe d'ordure ménagère et l'assurance, acquittées ou prises en charge par l'employeur, sont constitutives d'un avantage en nature et doivent, par conséquent, être intégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.


Réponse de la cour


Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens de l'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition gratuite d'un logement dont l'entreprise assume entièrement la charge.


Les charges liées à l'occupation d'un logement incombant normalement à son occupant telles que la taxe d'habitation, la taxe d'ordures ménagère ou l'assurance revêtent le caractère d'avantage en espèces lorsqu'elles sont acquittées ou prises en charge par l'employeur et doivent en conséquence être intégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales pour leur valeur réelle.


En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que dans les grands livres comptables des années 2014, 2015 et 2016, au compte 616 « assurances », la société paie une assurance habitation ([4]) pour le logement mis à la disposition gratuite de Mme [S].


Dans ces conditions, le paiement par la société de l'assurance des deux logements mis successivement à la disposition gratuite de la salariée caractérise un avantage en espèces devant être soumis à cotisations pour sa valeur réelle, peu important que cette salariée soit par ailleurs l'épouse du gérant de la société dès lors qu'il n'est pas démontré en quoi cette situation particulière l'aurait dispensée de supporter les frais d'assurance de son logement, le lien conjugal ne pouvant pas justifier le paiement direct d'une assurance logement qui, dans ce cadre, ne peut relever que de l'exécution d'un contrat de travail.


Par ailleurs, les frais de voyage invoqués par la société n'ont pas été relevés par l'inspecteur du recouvrement sous ce chef de redressement, de sorte que les pièces justificatives (pièces n°10 de la société), qui en outre ne concernent que le gérant de la société, sont sans emport sur ce chef de redressement.


Enfin, il importe peu que l'administration fiscale n'ait pas contesté cette pratique de la société.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur le chef de redressement n°5 « indemnités de panier »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que l'Urssaf a réintégré l'intégralité des indemnités de panier versées à plusieurs salariés de l'entreprise les estimant comme sédentaires et ne pouvant dès lors bénéficier des conditions d'exonération telles que prévues par les dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2002 ; qu'elle conteste ce chef de redressement dans la mesure où certains des salariés visés à la lettre d'observations ne sont nullement sédentaires mais bel et bien régulièrement en déplacement ; qu'elle verse au débat les avenants justifiant de leurs fonctions itinérantes.


L'Urssaf réplique que la société alloue des indemnités de panier forfaitaire d'une valeur unitaire de 10 euros par jour travaillé à différents salariés parmi lesquels certains sont sédentaires et travaillent dans les locaux de l'entreprise ; que ces derniers ne sont donc pas en situation de déplacement et ne travaillent pas dans des conditions particulières telles que travail posté, horaires décalés, travail de nuit, travail en équipe ; que la société ne produit aucun justificatif démontrant que les salariés étaient en situation de déplacement ou exerçaient leur activité dans des conditions particulières de travail ; que la production des avenants au contrat de travail des salariés concernés ne saurait suffire à justifier des fonctions itinérantes de ces salariés ; que la société n'apporte aucun élément nouveau et se contente de reprendre à l'identique ses observations formulées pendant la période contradictoire, dans le cadre de son recours amiable et lors de la saisine du tribunal.


Réponse de la cour


L'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme une rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, et notamment les avantages en argent et en nature. Le troisième alinéa mentionne qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul desdites cotisations de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.


Selon l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.


L'article 2 dudit arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé, soit sur la base d'allocations forfaitaires.


La preuve de l'existence de frais professionnels incombe à l'employeur et ne peut résulter de considérations générales sur les fonctions des bénéficiaires.


En l'espèce, si la société avance que certains des salariés concernés par le redressement critiqué n'étaient pas des salariés sédentaires, à savoir deux chauffeurs-livreurs et un commercial sur les quatre salariés concernés, le quatrième étant l'épouse du gérant, secrétaire trilingue qui « se rendait par ailleurs régulièrement chez les fournisseurs et clients », elle n'établit cependant nullement par ses productions (les seuls avenants au contrat de travail des deux chauffeurs-livreurs), et ce pour la totalité de la période contrôlée, au-delà de ses affirmations et de considérations d'ordre général que les conditions de travail de ces quatre salariés leur interdisaient de regagner leur résidence ou leur lieu de travail aux heures habituelles du déjeuner.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur le chef de redressement n°7 « rappel de salaires suite à décision de justice »


La société fait valoir que l'Urssaf a abandonné ce chef de redressement lors de l'audience de première instance et qu'il y a donc eu lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.


L'Urssaf indique qu'elle a abandonné ce chef de redressement au cours de la première instance et demande que le jugement entrepris soit confirmé.


En conséquence le jugement sera confirmé sur ce point.


Sur le chef de redressement n°8 « frais professionnels non justifiés »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que des factures et tickets ont été fournis à l'Urssaf pour ces dépenses qui correspondent pour nombre d'entre elles à des dépenses de mission, de réception et autres frais d'entreprise liés à l'activité de la société (cadeaux clients, invitations clients, etc.) qui est une entreprise de négoce et d'import-export qui entretient et développe des relations commerciales (fournisseurs, prospection clients, salons, etc.) avec de nombreux pays étrangers comme la Bulgarie et le Maroc, l'Allemagne et la Chine ; que cette « pratique » du cadeau d'affaires est courante et nécessaire, voire indispensable, pour pouvoir obtenir les marchés ; que le ratio dépenses cadeaux clientèle/chiffre d'affaires correspond à moins de 1,5% du chiffre d'affaires ; que l'analyse de l'Urssaf est d'autant plus surprenante que ces dépenses sont régulières depuis nombre d'années et qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une quelconque contestation par l'administration fiscale lors de son dernier contrôle.


L'Urssaf réplique que l'inspecteur du contrôle a constaté des sommes inscrites au compte 625100 Voyages et Déplacements qui n'ont été justifiés, au cours de la période contradictoire, que par la production de tickets de carte bancaire ou de relevés bancaires ; que ces justificatifs ne suffisent pas pour démontrer le caractère professionnel de ces frais ; qu'en effet, la nature, la qualité et le nom des personnes invitées ne sont pas mentionnées et que les bénéficiaires des voyages pris en charge par l'entreprise ne sont pas indiqués ; que ces éléments ne permettent donc pas de démontrer le caractère strictement et nécessairement professionnel de ces dépenses, puisque le Ac Ad Ae, le Club Med d'[Localité 3] ou le Mercure Omaha Beach ne portent pas en eux-mêmes la marque d'une dépense liée au travail ; que la société n'apporte aucun élément nouveau et se contente de reprendre à l'identique ses observations formulées pendant la période contradictoire, dans le cas de son recours amiable et lors de la saisine du tribunal.


Réponse de la cour


L'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme une rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, et notamment les avantages en argent et en nature. Le troisième alinéa mentionne qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul desdites cotisations de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.


Selon l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ou qu'il avance pour le compte de l'entreprise.


L'article 2 dudit arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé, soit sur la base d'allocations forfaitaires.


La preuve de l'existence de frais professionnels incombe à l'employeur et ne peut résulter de considérations générales sur les fonctions des bénéficiaires.


En l'espèce, pour justifier le caractère professionnel des dépenses remboursées aux salariés au titre de « voyages et déplacements » inscrites dans sa comptabilité, la société soutient qu'il s'agit de cadeaux clients et d'invitations de clients dans le cadre de son activité de prospection de clients et de salons et verse à l'appui de cette affirmation des tickets de carte bancaire et des relevés bancaires. Néanmoins si ces pièces sont suffisantes pour justifier de la réalité de ces dépenses effectuées par des salariés, en l'absence de toutes autres pièces relatives notamment aux événements et personnes concernés, elles ne permettent pas de vérifier le caractère professionnel de ces dépenses réalisés dans des établissements hôteliers ou de loisirs. Il importe peu que l'administration fiscale n'ait pas contesté le caractère professionnel de ces dépenses.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur le chef de redressement n°9 « dépenses personnelles du gérant »


Prétentions et moyens des parties


La société expose que les dépenses contestées par l'Urssaf correspondent bel et bien à des dépenses professionnelles en lien avec l'activité commerciale internationale de l'entreprise ; que plus particulièrement, relativement aux dépenses en lien avec les correspondants bulgares de l'entreprise, Mme [Af] et M. [M], il sera souligné que lors d'un précédent contrôle en 2014 portant sur les années 2011 à 2013 un redressement avait d'ores et déjà été effectué sur ce point, lequel avait été annulé par le tribunal d'Évry qui avait considéré qu'il appartenait à l'Urssaf de rapporter la preuve que ces dépenses étaient bien des salaires, ce que cette dernière n'avait pas fait.


L'Urssaf réplique que sur le compte 622800 Frais Divers, la société prend en charge l'abonnement Canal Plus et Canal satellite du gérant pour les années 2014, 2015 et 2016, ainsi qu'une inscription à un club de sport pendant 6 mois au cours de l'année 2014 ; que sur le compte 623400 Cadeaux Clients et le compte 607100 Achat de Marchandises, la société a pris en charge des frais dont le paiement incombait normalement au gérant ; que l'examen des grands livres de comptes généraux des années 2014 et 2015 ont également révélé différents versements réalisés au profit de Mme [Af] et M. [M], tous deux résidant en Bulgarie, sans qu'il ne soit justifié de la nature et de la qualité du travail effectué par ces derniers et sans qu'aucun justificatif ou facture ne soit produit ; que l'inspecteur de recouvrement, dans sa lettre de réponse du 15 février 2018, a indiqué que les achats de vêtements de marque Desigual, de bijoux, de parfumerie, d'achats en duty-free, Kooney parc, laser game, etc., ainsi que les abonnements à Canal Plus et Canal satellite ne représentent en aucune manière des dépenses liées à l'activité professionnelle et que s'agissant de Mme [Af] et M. [M], la société ne justifiait d'aucun lien commercial avec ces derniers ; que c'est à bon droit que le tribunal a donc retenu que ces dépenses ont été faites dans l'intérêt du gérant et n'ont pas été justifiées au titre d'un lien avec le travail ni pour les abonnements ni pour les achats, pas plus que les versements de sommes d'argent au profit de tiers à l'étranger.


Réponse de la cour


L'article L. 242-1, premier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme une rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, et notamment les avantages en argent et en nature. Le troisième alinéa mentionne qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des dites cotisations de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.


Selon l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ou qu'il avance pour le compte de l'entreprise.


L'article 2 du dit arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé, soit sur la base d'allocations forfaitaires.


La preuve de l'existence de frais professionnels incombe à l'employeur et ne peut résulter de considérations générales sur les fonctions des bénéficiaires.


En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a relevé dans la comptabilité de la société qu'elle avait pris en charge les abonnements à Canal Plus et Canal satellite du gérant pendant toute la période contrôlée ainsi qu'un abonnement à un club sportif pendant six mois en 2014. La société ne verse aucun élément permettant de justifier le caractère professionnel de ces abonnements sans lien direct ou indirect apparent avec son activité commerciale.


De même, les dépenses inscrites dans les deux autres comptes au titre de cadeaux et d'achat de marchandises n'apparaissant pas de nature professionnelle et en rapport avec l'activité commerciale de la société (vêtement de marque Desigual, bijoux, parfums, achats duty-free, etc.), il appartenait à la société de rapporte la preuve du caractère professionnel de ces dépenses autrement que par de simples affirmations, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce.


Enfin, les sommes versées à deux tiers en Bulgarie ne sont justifiées par aucun document, notamment des factures, établissant un lien commercial entre ces personnes et la société.


Il importe peu qu'un précédent redressement ait pu être annulé en première instance, à supposer d'ailleurs cette allégation exacte, dans la mesure où il n'est pas justifié de cette décision, de son caractère définitif et de l'identité de la situation redressée au cours d'un précédent contrôle et qu'en tout état de cause, il appartient à la société de rapporter la preuve du caractère professionnel des dépenses prises en charge pour son salarié dont elle demande l'exonération des cotisations de sécurité sociale et non à l'Urssaf de rapporter la preuve qu'il s'agirait de salaire.


Dans ces conditions, il n'apparaît pas que ces dépenses effectuées par le gérant ont été prises en charge dans l'intérêt de la société. Elles doivent être en conséquence soumises à cotisations.


Le redressement de ce chef est donc justifié dans son principe. Il l'est tout autant dans son montant qui n'est pas discuté.


Sur les demandes accessoires


La société succombant en son appel sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles.


Il sera alloué à l'Urssaf la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


DÉCLARE l'appel recevable ;


CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;


DÉBOUTE la S.A.R.L. [7] ([7]) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNE la S.A.R.L. [7] ([7]) à payer à l'Urssaf d'Île-de-France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNE la S.A.R.L. [7] ([7]) aux dépens d'appel.


La greffière Le président

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