Jurisprudence : CA Paris, 6, 13, 19-05-2023, n° 19/12470, Infirmation partielle


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13


ARRÊT DU 19 MAI 2023


(n° , 13 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/12470 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFO2


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/01327



APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 14]

[Localité 3]

représentée par Mme[F] [R] en vertu d'un pouvoir général


INTIMÉE

Société [12]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 16 mars 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, présidente de chambre, et Madame Natacha PINOY, conseillère, chargée du rapport.


Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, présidente de chambre

Madame Natacha PINOY, conseillère

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller


Greffier : Madame Aa A, lors des débats


ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Madame Sophie BRINET, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l'appel interjeté par l'URSSAF Ile-de-France (l'URSSAF) d'un jugement rendu le 12 novembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la SAS [12] (la société).



FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'au cours de l'année 2016, l'URSSAF Île-de-France a effectué auprès de la société [12] une vérification de l'application des législations de sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. La société [12] est une société qui fait partie du gr8upe [8].


Une lettre d'observations en date du 17 octobre 2016 a été envoyée par l'URSSAF Pays-de-la-Loire au siège social de la société [12], comportant cinq chefs de redressement et notifiant un redressement de 82.026 euros de cotisations et contributions de sécurité sociale.


Le 16 novembre 2016, la société [12] a adressé aux inspecteurs du recouvrement chargés de la réalisation du contrôle une lettre de contestation de leurs conclusions, portant sur le chef de redressement no 1 relatif aux « Frais professionnels : indemnités kilométriques non justifiées » et le chef de redressement no 5, relatif à « l'Intéressement : délai de conclusion et formalités de dépôt ».


Le 28 novembre 2016, les inspecteurs du recouvrement ont répondu à la société par une décision de maintien de la totalité du redressement.


Le 21 décembre 2016, l'URSSAF a adressé à la société [12] une mise en demeure, notifiant un redressement de 94.677 euros, dont 82.028 euros de cotisations et 12.649 euros de majorations de retard.


Par lettre du 4 janvier 2017, la société [12] a saisi la commission de recours amiable (CRA) de l'URSSAF Ile-de-France d'une contestation de l'ensemble des chefs de redressement, et de la régularité de la procédure de contrôle et de la mise en demeure.


Par courrier du 21 février 2017, la société [12] a formé un recours contentieux à l'encontre de la décision implicite de rejet prise par la commission de recours amiable.


Le 25 septembre 2017, la commission de recours amiable de l'URSSAF a rendu une décision de rejet.

Le 8 novembre 2017, la société [13] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) devenu pôle social du tribunal de grande instance de Paris, sous-pôle « contentieux général de la sécurité sociale » à la suite de la fusion des tribunaux des affaires de sécurité sociale avec les juridictions de droit commun le 1er janvier 2019.



Par jugement du 12 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que l'affaire enregistrée sous le numéro 17-05059 est jointe à l'affaire enregistrée sous le numéro 17-01327 ;

- dit n'y avoir pas lieu de joindre à la présente instance les affaires enregistrées sous les numéros 17-02908 et 17-01942 ;

- déclaré régulière en la forme la mise en demeure du 21 décembre 2016 ;

- annulé le chef de redressement no1 de la lettre d'observations concernant les « Frais professionnels / indemnités kilométriques non justifiées » ;

- déchargé la société [12] du paiement des sommes de 4.437 euros, de 1.352 euros et de 1.147 euros, ainsi que des majorations s'y rapportant ;

- ordonné le cas échéant à l'URSSAF Île-de-France de restituer à la société [12], ou de compenser, les sommes que cette dernière a pu éventuellement verser au titre du chef de redressement no 1 ;

- validé le chef de redressement n°5 de la lettre d'observations,

- débouté la société [12] de ses prétentions ;

- condamné la société [12] à payer à l'URSSAF Île-de-France les sommes dues au titre du chef de redressement n°5 telles que résultant de la lettre d'observations ;

- débouté la société [12] de ses autres prétentions

- condamné la société [12] à payer à l'URSSAF Île-de-France les sommes dues au titre des chefs de redressement non contestés, en l'espèce les sommes de 38.261 euros (cotisations) et de 5.900 euros (majorations provisoires de retard) ;

- débouté la société [12] et l'URSSAF Île-de-France de leurs demandes formulées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamné la société [12] à supporter les dépens de l'instance.



Le jugement lui ayant été notifié le 14 novembre 2019, l'URSSAF Ile-de-France en a interjeté appel par courrier du 10 décembre 2019.


Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par sa représentante, l'URSSAF Ile-de-France demande à la cour de :

-déclarer l'Urssaf Ile de France recevable et bien fondée en son appel partiel ;

y faisant droit,

- réformer partiellement le jugement du tribunal de grande instance pôle social de Paris rendu en date du 12 novembre 2019.

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le redressement no1 relatif aux frais professionnels : indemnités kilométriques non justifiées, n'a pas été opéré en application de l'article L.243-7-6 du code de la sécurité sociale🏛, le confirmer en ses principe et quantum sous réserve du recalcul du redressement sur la base d'une assiette de 8.124 euros pour l'année 2013 ;

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance - pôle social de Paris pour le surplus et notamment le chef de redressement no5 relatif à l'intéressement (délai de conclusion et formalités de dépôt) pour son entier montant ;

- condamner la SASU [12] à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- débouter la SASU [12] de toutes ses plus amples demandes.


Au soutien de son appel, l'URSSAF Ile-de-France fait valoir essentiellement qu'aucune péremption d'instance n'est à retenir dans le litige ; que c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir appliquer au chef de redressement afférent aux indemnités kilométriques la procédure de constat pour absence de mise en conformité instituée par l'article L.243-7-6 du code de la sécurité sociale alors même que les inspecteurs du recouvrement n'avaient pas entendu la mettre en œuvre et qu'aucune sanction n'a été prononcée sur cette question ; qu'il conviendra de réformer partiellement le jugement sur ce point et de dire que la réintégration n'a pas été opérée au visa de l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale. Elle expose qu'elle avait demandé au tribunal de valider l'assiette de cotisations et contributions pour 8.124 euros au titre de 2013, 3.378 euros pour 2014 et 2.880 euros pour 2015. Elle soutient que la mise en demeure est régulière, celle-ci comportant la dénomination de l'organisme qui l'a émise ainsi que la mention du prénom, du nom et de la qualité de son signataire, à savoir M. [E] [B], pris en sa qualité de directeur de l'URSSAF Ile-de-France. Elle précise que s'agissant du destinataire de la mise en demeure du 21 décembre 2016, le service paie du groupe [8] est situé à l'adresse de « [Adresse 9] » ; que c'est ce service qui est l'interlocuteur de l'organisme de recouvrement pour effectuer les déclarations sociales, paiements et échanges divers de la société [12] ; que c'est donc à bon droit que l'URSSAF Ile-de-France a adressé sa mise en demeure à cette adresse. Elle expose que la mise en demeure est valable, celle-ci comportant l'ensemble des mentions exigées par les textes. Elle explique que le rapport de contrôle est un document strictement interne, aux organismes de recouvrement, dont la communication aux cotisants n'est pas prévue par la réglementation. Elle soutient que s'agissant du chef de redressement no5 relatif à « l'intéressement : délai de conclusion et formalités de dépôt », le jugement devra être confirmé ; que l'accord de groupe, ainsi que les accords d'entreprises auxquels il renvoie pour la définition des critères pour les sociétés dont dépend le bénéficiaire, constitue un ensemble conventionnel interdépendant et doit être appréhendé comme un « ensemble indivisible » au sens de la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale ; qu'il est indifférent, comme l'indique la société, que celle-ci bénéficie d'un mode de calcul propre (sur une base annuelle) et d'une répartition à l'issue de chaque exercice qui respecte donc les conditions posées par la loi pour bénéficier du régime d'exonérations, dans la mesure où la régularité de l'ensemble du dispositif d'intéressement institué au niveau du groupe est conditionnée par la régularité des accords conclus au niveau de chaque société. Elle explique que consécutivement au dépôt de l'accord auprès des services de la DIRECCTE le 19 septembre 2013, l'administration a informé le groupe [8] que son « accord de groupe, comprenant des modalités de calcul annuelles et infra-annuelles et prenant effet au 1er janvier 2013, aurait dû être conclu au plus tard le 15 février 2013 et déposé au plus tard le 1er mars 2013, compte tenu du mode de calcul infra-annuelle retenu pour la prime d'intéressement des Charcuteries Cuisinées de Plétan ; qu'en effet, l'accord d'intéressement conclu le 17 juin 2013 au sein de la société [4], repose sur des critères de performance, et prévoit que « la période retenue est le trimestre civil, du premier au dernier jour de chaque trimestre, pour un versement au trimestre » ; que dans ces conditions, la DIRECCTE a averti le groupe que « lorsque le délai de conclusion ou de dépôt n'est pas respecté, l'accord produit ses effets entre les parties mais le droit aux exonérations n'est ouvert que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement au dépôt » ; qu'ainsi, les inspecteurs du recouvrement de l'URSSAF Pays-de-la-Loire ont procédé à la réintégration des sommes versées par la société SAS [12] au titre des deux intéressements en 2013 dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'assurance chômage, entrainant un rappel de 36.831 euros.


Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [12] demande à la cour de :

ln limine litis, sur la péremption d'instance et de l'appel :

- dire et juger que l'URSSAF n'a effectué aucune diligence de nature à faire avancer l'instance depuis le 12 novembre 2019, date du jugement contesté ;

- constater qu'un délai supérieur à deux années s'est écoulé.

En conséquence,

- prononcer la péremption de l'instance et de l'appel, sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile🏛 ;

Sur l'irrégularité de la mise en demeure :

- dire et juger que la mise en demeure émise par l'URSSAF n'est pas régulière en la forme.

- annuler la mise en demeure du 21 décembre 2016 ;

- ordonner le remboursement de la somme versée par la société [12] ;

Sur la nullité de la procédure de contrôle en l'absence de procès-verbal de contrôle :

- dire et juger que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve qu'elle a établi un procès-verbal de contrôle ;

- dire et juger que la procédure de contrôle n'est pas régulière ;

En conséquence,

- annuler l'ensemble de la procédure de redressement effectuée par l'URSSAF ;

- annuler la mise en demeure du 21 décembre 2016 ;

- ordonner le remboursement de la somme versée par la société [12] ;

Sur l'irrégularité du constat d'absence de mise en conformité concernant le chef de redressement « frais professionnels indemnités kilométriques non justifiées » :

- dire et juger que l'URSSAF a dressé dans la lettre d'observations un constat d'absence de mise en conformité ; que ce constat d'absence de mise en conformité est irrégulier en ce qu'il n'a pas été contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement.


En conséquence,

- annuler le chef de redressement : frais professionnels indemnités kilométriques non justifiées

- décharger la société [12] de la somme qu'elle a versée, à laquelle s'ajoutent les majorations s'y rapportant ;

- ordonner le remboursement des sommes déjà versées par la société [12]

Sur le remboursement des frais kilométriques :

- dire que le mode de calcul retenu par l'URSSAF est erroné ;

- recalculer le chef de redressement suivant le mode de calcul retenu par la société [12] ;

- dire et juger que le chef de redressement sur le remboursement des frais kilométriques est de 1.900 euros ;

- ordonner le remboursement de la somme de 5.036 euros versée par la société [12]

Sur l'accord d'intéressement de groupe :

- annuler le chef de redressement : intéressement délai de conclusion et formalités de dépôt ;

- décharger la société [12] des 36 831 euros, auxquels s'ajoutent les majorations s'y rapportant ;

- ordonner le remboursement des sommes déjà versées par la société [12].

En conséquence,

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes.


En réplique, la société [12] fait valoir pour l'essentiel que l'instance est périmée faute de diligences accomplies par l'URSSAF Ile de France pendant deux ans depuis le jugement du 12 novembre 2019. Elle soutient que la mise en demeure est irrégulière en ce qu'elle n'a pas été adressée au débiteur même des cotisations, alors même que l'URSSAF avait connaissance de l'adresse de la société et qu'aucun changement d'adresse n'a eu lieu au cours de l'année 2016, année d'émission de la mise en demeure, ni au cours des années ultérieures ; que la procédure de contrôle est nulle en l'absence de procès-verbal de contrôle. Elle soutient que s'agissant du chef de redressement relatif aux frais professionnels/indemnités kilométriques, le « prétendu constat d'absence de mise en conformité » est irrégulier. Elle explique que s'agissant du remboursement des frais kilométriques, elle remet en cause le montant de la réintégration finale calculée par l'URSSAF en ce que le calcul n'est pas exact et conteste le chef de redressement concernant l'accord d'intéressement de groupe, soulignant que pour ouvrir droit aux exonérations, l'accord d'intéressement doit avoir été conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant sa date de prise d'effet. Elle explique qu'elle fait partie du groupe [8] qui a conclu un accord d'intéressement en date du 17 juin 2013, déposé à la Direccte des Pays de la Loire le 27 juin 2013. Elle explique que le groupe est formé par les sociétés [8], [5], [7], [6], [4], [12] et société d'Innovation culinaire. Elle explique que l'intéressement calculé au niveau des différentes entités parties prenantes à l'accord de groupe est calculé sur la période annuelle, à l'exception de la société [4] qui a retenu une période de calcul trimestrielle. La société [12] soutient bénéficier d'un mode de calcul propre ayant respecté la période de conclusion requise de l'accord et relève que sur la partie groupe de l'accord d'intéressement de la société [12], celle-ci est également calculée sur une période annuelle, précisant que les salariés bénéficiaires n'ont perçu de prime d'intéressement que lors de l'année N+l, en l'espèce en 2014 au titre de l'exercice 2013 ; qu'à ce titre, la nature aléatoire de l'accord d'intéressement au regard des règles de dépôt de l'accord ne peut être remis en cause pour la société. Elle soutient, tant pour la partie « Groupe » que pour la partie qui lui est propre, qu'elle a parfaitement rempli les conditions posées par la loi pour bénéficier du régime de non-assujettissement au titre des cotisations et contributions sociales au titre de l'intéressement de groupe, s'agissant de l'exercice 2013 dès lors que la règle (conclusion d'un accord avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de prise d'effet) visant à garantir le caractère par nature aléatoire de l'intéressement a été parfaitement respectée ; que le caractère aléatoire de l'intéressement calculé annuellement au niveau du groupe mais également celui afférent à la partie qui est propre à la société [12] a ainsi été parfaitement respecté ; qu'ainsi il n'y avait pas lieu de réintégrer les versements d'intéressements opérés en 2014 au titre de l'exercice 2013 dans l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale pour la société ; que le redressement devra être annulé et que le remboursement des sommes acquittées par la société à ce titre devra être ordonné. Elle précise qu'elle a acquitté les sommes afférentes au redressement qu'elle conteste.


Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du jeudi 16 mars 2023, et soutenues oralement par les parties.



SUR CE,


Sur la péremption d'instance


La société [12] prétend que l'instance est périmée faute de diligences accomplies par l'Urssaf Ile de France depuis le jugement du 12 novembre 2019 pendant deux ans.


Il résulte des dispositions du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018🏛 ayant abrogé l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale🏛 que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d'appel introduites à partir du 1er janvier 2019 qu'à celles en cours à cette date.


Lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas, au regard de l'article 386 du code de procédure civile, d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire (Cass., 2e Civ., 17 novembre 1993, n° 92-12807⚖️ ; Cass. 2e Civ., 6 décembre 2018, n° 17-26202⚖️).


La convocation de l'adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l'accélérer (Cass., 2e Civ., 15 novembre 2012, n° 11-25499⚖️).


Il en résulte que le délai de péremption de l'instance n'a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.


En l'espèce, la date de première audience fixée par le greffe dans la convocation envoyée le 14 octobre 2021 est celle du 23 juin 2022. Ainsi, dans la mesure où la caisse a déposé ses conclusions à l'audience du 16 mars 2023, l'instance n'était pas périmée.


En conséquence, aucune péremption d'instance ne saurait être retenue.


Sur la mise en demeure


a) Sur le signataire de la mise en demeure


La société [12] soutient tout d'abord que la signature de la mise en demeure était pré-imprimée et non pas manuscrite et en demande l'annulation sur le fondement des dispositions de l'article 1367 du code civil🏛.


Si la mise en demeure doit préciser la dénomination de l'organisme social qui l'a émise, aucun texte n'exige que la mise en demeure soit signée par le directeur de l'organisme de recouvrement. Ainsi, une signature pré-imprimée de celui-ci n'affecte pas la validité de la mise en demeure.


En l'espèce, la cour constate que la mise en demeure du 21 décembre 2016 mentionne bien la dénomination de l'organisme social qui l'a émise.

En conséquence, la mise en demeure est régulière sur ce point et ce moyen sera rejeté.


b) Sur le destinataire de la mise en demeure


La société [12] a reproché à l'URSSAF le fait que l'organisme ait envoyé la mise en demeure non pas au siège social à [Localité 10] mais à un établissement situé en Vendée.


Aux termes de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa version applicable au litige, « toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant ».


Il ressort des éléments du dossier que le siège social de la société [12], débitrice des cotisations réclamées, est situé au [Adresse 2] à [Localité 10].


Si la lettre d'observations a été envoyée à cette adresse, la mise en demeure a bien été adressée à la société [12] mais à [Localité 11].


Il résulte en effet des pièces versées aux débats que, de façon décentralisée, des fonctions financières et de paiement sont assurées pour la société [12] à [Adresse 9] en Vendée. Ainsi, le directeur administratif et financier de [8], dans un courrier adressé à l'URSSAF le 13 janvier 2017 mentionnant « votre mise en demeure du 21 décembre 2016 » indique notamment « nous vous informons avoir effectué en date du 12 janvier un virement de 94.677 euros correspondant au montant réclamé. En aucun cas, ce paiement ne pourrait être interprété comme une reconnaissance de la part de la société [12] de ce qu'elle doit effectivement au titre des sommes ainsi réclamées. A ce titre, veuillez trouver ci-joint la copie de la saisine de la commission de recours amiable ». Ce courrier permet d'établir que la lettre de mise en demeure, envoyée à l'adresse de [Adresse 9], a bien été reçue et qu'il y a été répondu pour la société [12].


En effet, la mise en demeure a été envoyée à l'établissement de la société ou du groupe [8] compétent pour procéder aux déclarations sociales et au paiement des cotisations sociales.


Par ailleurs, le courrier de mise en demeure du 21 décembre 2016 est bien adressé au débiteur des cotisations réclamées, soit à la « SAS [12] » précisément mentionnée dans le courrier de mise en demeure de l'URSSAF, tel que cela résulte de celui-ci, communiqué aux débats.


Aucun grief n'étant en outre relevé pour la société, c'est à juste titre que l'URSSAF a adressé la mise en demeure, non pas au siège social, mais à l'établissement débiteur des obligations sociales de la société [12].


En conséquence, la mise en demeure est régulière sur ce point et ce moyen sera rejeté.


c) Sur les mentions de la mise en demeure


Aux termes du premier alinéa de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa version applicable au litige, « L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (') ».


Il résulte des articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale🏛 que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.


En l'espèce, la mise en demeure du 21 décembre 2016 vise un redressement du 18 octobre 2016 mentionnant « contrôle. Chefs de redressement notifiés la 18/10/16 ».


La date du 18 octobre 2016 est celle de la réception par la société de la lettre d'observations en date du 17 octobre 2016, comme le démontre l'avis de réception signé par la société en date du 18 octobre 2016, joint aux débats par l'URSSAF.


Par ailleurs, la cour constate que la mise en demeure du 21 décembre 2016 mentionne bien la dénomination de l'organisme social qui l'a émise, la nature et le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle elle se rapporte.

En conséquence, la mise en demeure, qui satisfait aux obligations légales en ce qui concerne la mention de la nature, de la cause, de l'étendue des obligations de la société [13] et des périodes de référence pour lesquelles les sommes sont redevables, est régulière et ce moyen sera rejeté.


Sur le procès-verbal de contrôle


La société [12] soulève l'absence de communication du procès-verbal de contrôle de l'URSSAF.


Aux termes de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale🏛, applicable au litige, «  L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse ».


Ainsi, le procès-verbal de contrôle est un document strictement interne à l'organisme de recouvrement et sa transmission aux personnes contrôlées n'est pas prévue par les textes.


En conséquence, le principe du contradictoire a été respecté par l'URSSAF et le moyen sera donc rejeté.


Sur le redressement


En cause d'appel, seuls les chefs de redressement n° 1 et n° 5 de la lettre d'observations sont contestés.


1) Sur le chef de redressement no1 « frais professionnels / indemnités kilométriques non justifiées »


a) Sur la question du constat d'absence de conformité


La société [12] soulève que, compte tenu de la présence d'un constat d'absence de mise en conformité, il était nécessaire que celui-ci soit contresigné par le directeur de l'organisme effectuant le recouvrement, ce qui n'a pas été fait.


Aux termes de l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, « le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue du contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10% en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non (') ».


Aux termes de la section III, alinéa 2 de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret 11°2016-1567 du 21 novembre 2016, applicable au litige, « (') En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, la lettre d'observations précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le constat d'absence de mise en conformité est contresigné par le directeur de l'organisme effectuant le recouvrement (') ».


Ainsi, le constat d'absence de mise en conformité constitue la possibilité pour l'organisme du recouvrement de sanctionner un cotisant qui ne se serait pas conformé à des précédentes observations, ayant constaté un manquement à ses obligations sociales. La mise en œuvre de cette sanction, caractérisée par l'application d'une majoration de 10 % du montant du redressement envisagé, a donc été encadrée par une procédure particulière destinée à assurer le respect du principe du contradictoire, notamment l'existence d'une contresignature par le directeur de l'organisme de recouvrement.

Tel n'est pas le cas dans lequel se trouve la société [12] en ce qui concerne le chef de redressement n° 1 relatif aux « Frais professionnels : indemnités kilométriques non justifiées », puisqu'aucune sanction n'a été prononcée en raison d'un constat d'absence de mise en conformité.

En effet, si en l'espèce la lettre d'observations de l'URSSAF en date 17 octobre 2016, indique en page 4 que : « (...) Lors du précédent contrôle, les constatations suivantes avaient été notifiées par lettre d'observations du 25 octobre 2012 adressées aux différentes sociétés de l'UES (') dans le cadre de la présente vérification, nous avons relevé que la pratique n'avait pas été modifiée concernant l'indemnisation des frais kilométriques des cadres dirigeants de toutes les sociétés (...) », ce rappel de l'URSSAF ne saurait s'analyser comme caractérisant la procédure de « constat pour absence de mise en conformité » instituée par l'article L. 243-7-6, cette procédure n'étant d'ailleurs pas mentionnée dans la lettre de l'URSSAF, les inspecteurs de recouvrement n'ayant pas souhaité la mettre en œuvre, et aucune sanction à ce titre n'ayant été relevée par l'organisme de recouvrement.


Les inspecteurs du recouvrement, dans un souci de cohérence avec les observations précédemment adressées à la société, ont souhaité simplement rappeler à la société les conditions requises pour lui permettre de solliciter valablement l'exonération des frais professionnels de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale.


En conséquence, ce moyen sera rejeté.


b) Sur le fond du redressement n°1


En application des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale🏛, les sommes versées à l'occasion ou en contrepartie du travail sont soumises à cotisations et il ne peut être procédé de déduction pour frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.


Les conditions d'exonération des remboursements de frais professionnels sont fixés par l'arrêté du 20 décembre 2002.


Si la demonstration n'est pas faite que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport du fait d'une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.


Selon l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002🏛 : « Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale ».


L'exonération sera admise sous reserve de justifier du moyen de transport utilisé par le salarié, du nombre de kilometres effectués à titre professionnel, de la puissance du véhicule (par le biais de la carte grise).


La copie de la carte grise doit être conservée aux fins de justification de la cylindrée fiscale.


Lorsque les indemnités kilométriques sont supérieures à celles fixées par le barème fiscal, le dépassement doit être réintégré dans l'assiette des cotisations au visa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à moins que l'employeur ne produise des justificatifs faisant la demonstration que l'allocation a été utilisée conformément à son objet.


L'employeur doit apporter des justificatifs relatifs :

- au moyen de transport utilisé par salarié

- à la distance séparant le domicile du lieu de travail

- à la puissance fiscale du véhicule,

- au nombre de trajets effectués chaque mois.


Le bénéfice de la présomption d'utilisation conforme à son objet de l'indemnité forfaitaire kilométrique dont le montant n'excède pas les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale est subordonné à la preuve par l'employeur que le salarié attributaire de cette indemnité se trouve contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles.

En l'espèce, le redressement opéré par l'URSSAF porte sur les années 2013, 2014 et 2015.

Dans le courrier de réponse aux observations de la société [12], en date du 28 novembre 2016, l'URSSAF a précisé que « faute d'éléments qui permettraient d'attester le nombre de kilomètres professionnels des salariés concernés, nous considérons que ces indemnités globales et forfaitaires ne sont pas utilisées conformément à leur objet et ne peuvent être regardées comme des frais professionnels justifiés qui peuvent s'exclure de l'assiette des cotisations. Nous vous confirmons que le redressement envisagé ne sera ni modifié ni abandonné (') ».

Les inspecteurs du recouvrement de l'URSSAF ont relevé, s'agissant des cadres dirigeants de la société [13], que ceux-ci produisaient mensuellement un relevé de compteur de leur véhicule aux fins d'obtenir la prise en charge par leur employeur des kilomètres effectués avec leur véhicule, que leur réalisation ait été effectuée pour des motifs privés ou professionnels.

S'agissant des kilomètres réalisés à titre privé, la société a calculé un avantage en nature, assujetti aux cotisations de sécurité sociale.

S'agissant des kilomètres réalisés à titre professionnel, leur remboursement par l'employeur doit s'effectuer sur la base du barème publié par l'administration fiscale et l'URSSAF a relevé que dans le cas de la société [12], un barème plus favorable avait été mis en place.

Ainsi le montant du redressement doit être égal aux sommes versées par la société [12] (dépassement du barème fiscal + part ouvrière déjà réintégrée + avantage en nature).

Initialement, l'URSSAF retenait une base de redressement de 11.169 euros au titre de l'année 2013 (soit 4.437 euros de rappel de cotisations et contributions au titre de cette année), la somme de 3.378 euros au titre de l'année 2014 (soit 1.352 euros de rappel de cotisations et contributions au titre de cette année), et la somme de 2.880 euros au titre de l'année 2015 (soit 1.147 euros de rappel de cotisations et contributions au titre de cette année) soit une base de redressement totale pour les trois années de 17.427 euros avec un rappel total de cotisations de 6.936 euros.

En cause d'appel, l'URSSAF relève que la base du redressement au titre de l'année 2013 doit s'élever à 8.124 euros, précisant qu'elle s'est associée à l'analyse de la société s'agissant du montant du redressement, mais uniquement pour l'année 2013 et précisant par ailleurs que le rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale correspondant est à déterminer pour cette année.

En conséquence, le montant du redressement no1 « frais professionnels / indemnités kilométriques non justifiées » opéré par l'URSSAF et dû par la société [12] doit être fixé sur la base d'une assiette de 8.124 euros pour l'année 2013, de 3.378 euros pour l'année 2014, et de 2.280 euros pour l'année 2015, soit un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale correspondant, à déterminer par l'URSSAF pour l'année 2013, d'un montant de 1.352 euros pour l'année 2014 et de 1.147 euros pour l'année 2015.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


2) Sur le chef de redressement n°5 (accord d'intéressement du groupe)


Aux termes de l'article L. 3312-1 du code du travail🏛, « L'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise. Il présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances ».


Aux termes de l'article L. 3312-5 du même code, « Les accords d'intéressement sont conclus pour une durée de trois ans (') ».

Aux termes de l'article L. 3312-4 du code du travail🏛, « Les sommes attribuées aux bénéficiaires en application de l'accord d'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (') ».

Aux termes de l'article L. 3314-4 du code du travail🏛, « Pour ouvrir droit aux exonérations, l'accord d'intéressement doit avoir été conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet ».

L'URSSAF Ile-de-France invoque dans ses écritures l'application de la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale dans son chapitre « II « Délai de conclusion et dépôt des accords » A) » qui précise notamment, « Si un accord retient des périodes de calcul infra-annuelles, il doit être impérativement conclu avant que la première moitié de la première période de calcul ne s'achève », « L'ensemble indivisible constitué par l'accord d'entreprise et les accords d'établissement fera l'objet d'un unique récépissé de dépôt. Toutefois, dans ce cas, on doit considérer que le délai de quinze jours prévu par la loi pour effectuer le dépôt de l'accord s'apprécie, non par rapport à la date de conclusion de l'accord d'entreprise, mais par rapport à la date de conclusion du dernier accord d'établissement qui s'y rattache. La même règle peut d'ailleurs être retenue s'agissant d'un accord de groupe lorsque sa signature au sein des différentes entreprises comprises dans le périmètre de l'accord est échelonnée dans le temps ».


En l'espèce, le groupe [8] a conclu un accord d'intéressement de groupe le 17 juin 2013, comportant la mise en œuvre d'un double mécanisme d'intéressement : d'une part un intéressement au bénéfice de tous les salariés du groupe basé sur un critère économique (la marge nette consolidée) dont les résultats sont appréciés annuellement ; d'autre part un intéressement basé sur une formule de calcul propre à chaque société du groupe (les salariés de chaque société de l'UES Vendée et des filiales, la société [4] et la société [12]).


La date d'entrée en vigueur de ce dispositif a été fixée rétroactivement au 1er janvier 2013.


Il convient tout d'abord de relever que la condition tenant au délai de conclusion des accords d'intéressement prévue à l'article L. 3314-4 du code du travail a été instituée afin de garantir le caractère par nature aléatoire de l'intéressement.


Dans le litige, il résulte des constatations de l'URSSAF que la société [4], appartenant au groupe [8], est la seule à ne pas avoir respecté les dispositions tenant à garantir le caractère aléatoire de l'intéressement en étant couverte par l'accord conclu.


La société [12] bénéficie de son côté d'un mode de calcul propre et d'une répartition à l'issue de chaque exercice qui respecte les conditions posées pour bénéficier du régime de non-assujettissement au titre des cotisations et contributions sociales des sommes versées au titre des salariés de cette société.


En outre, sur la partie groupe de l'accord d'intéressement de la société [12], celle-ci est également calculée sur une période annuelle et les salariés bénéficiaires n'ont perçu de prime d'intéressement que lors de l'année N+l ; en l'espèce en 2014 au titre de l'exercice 2013.


Ainsi, la nature aléatoire de l'accord d'intéressement au regard des règles de dépôt de l'accord ne peut être remise en cause pour la société [12] et cette société respecte bien les conditions de conclusion, soit « avoir été conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet, ouvrant droit aux exonérations ».


Si l'URSSAF soutient dans le litige que l'ensemble du dispositif d'intéressement institué au niveau du groupe est conditionné par la régularité des accords conclus au niveau de chaque société, il convient de relever que l'accord d'intéressement du groupe est un accord-cadre qui définit le cadre général de l'intéressement pour le groupe avec les objectifs retenus pour le groupe et son mode de calcul propre, mais chaque société du groupe reste autonome juridiquement pour conclure localement, avec ses propres partenaires sociaux, un accord d'intéressement d'entreprise en déclinant son propre mode de calcul par rapport à ses propres aléas et qu'elle est tenue de déposer de son côté à l'administration sociale. Ainsi, si elle conclut et dépose son accord d'intéressement dans les délais requis, elle ne saurait être liée, dans les conséquences juridiques liées aux exonérations attachées à la conclusion et au dépôt des accords d'intéressement, par le fait qu'une société du groupe n'aurait pas, de son côté, respecté les conditions de délais imposées. Le choix individuel de date de conclusion et de dépôt d'un accord d'intéressement d'une société de groupe lui appartient en propre et ne saurait avoir d'effet sur les autres sociétés, l'incidence sur l'absence d'exonération des cotisations et contributions attachées à l'accord d'intéressement ne pouvant s'appliquer qu'à la société défaillante dans les conditions exigées.


Ainsi, contrairement à ce que soutient l'URSSAF Ile-de France, il n'y a pas lieu en l'espèce de retenir un ensemble conventionnel interdépendant et indivisible, étant relevé que la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 n'est pas opposable à la société [12] dans le litige.


En conséquence, ce chef de redressement sera annulé et le jugement sera infirmé de ce chef.


Sur les dépens


Chacune des parties devra supporter ses propres dépens engagés.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


DÉCLARE l'appel de l'URSSAF Ile-de-France recevable ;


CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 novembre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1 et en ce qu'il a validé le chef de redressement n°5 condamnant ainsi la société [12] à payer à l'URSSAF Ile-de-France les sommes dues au titre de ce redressement ;


Statuant à nouveau,


DIT que pour le chef de redressement no1 « frais professionnels / indemnités kilométriques non justifiées » de la lettre d'observations de l'URSSAF du 17 octobre 2016, la société [12] est redevable à l'URSSAF Ile-de-France d'un montant de redressement fixé sur la base d'une assiette de 8.124 euros pour l'année 2013, de 3.378 euros pour l'année 2014, et de 2.280 euros pour l'année 2015, soit un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale d'un montant de 1.352 euros pour l'année 2014, de 1.147 euros pour l'année 2015 et à déterminer dans son montant par l'URSSAF Ile de France pour l'année 2015 ;


ANNULE le chef de redressement n°5 « intéressement : délai de conclusion et formalités de dépôt » de la lettre d'observations de l'URSSAF du 17 octobre 2016 ;


DIT que l'URSSAF Ile-de-France devra rembourser le cas échéant à la société [12] le montant du redressement payé par la société [12] au titre du redressement n°5 de la lettre d'observations de l'URSSAF du 17 octobre 2016 ;


REJETTE toute autre demande ;


CONDAMNE chacune des parties à ses propres dépens engagés.


La greffière La présidente

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