Jurisprudence : Cass. soc., 24-05-2023, n° 21-17.536, F-B, Cassation

Cass. soc., 24-05-2023, n° 21-17.536, F-B, Cassation

A49909WQ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:SO00581

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047635716

Référence

Cass. soc., 24-05-2023, n° 21-17.536, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96224676-cass-soc-24052023-n-2117536-fb-cassation
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Abstract

Viole les articles L. 4121-1 du code du travail et 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel qui, bien qu'ayant constaté que le salarié avait travaillé dans un établissement mentionné au second de ces textes, figurant sur la liste établie par un arrêté d'inscription, et que pendant la période visée par cet arrêté, il avait occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, de sorte qu'il était fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, rejette une demande de ce chef en raison de la saisine de la juridiction prud'homale antérieure à l'inscription de l'établissement sur l'arrêté


SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2023


Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 581 F-B

Pourvoi n° V 21-17.536


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MAI 2023


1°/ M. [W] [E], domicilié [… …],

2°/ le syndicat CGT Manufacture [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° V 21-17.536 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale - section 2), dans le litige les opposant à la société [Localité 4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E] et du syndicat CGT Manufacture [Localité 4], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [Localité 4], après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Laplume, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er avril 2021), M. [E] a été engagé le 10 septembre 1984 par la société [Localité 4] au sein de laquelle il a occupé en dernier lieu les fonctions de laborantin et exercé divers mandats syndicaux.

2. Le 13 juin 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la réparation d'un préjudice d'anxiété résultant d'une exposition à l'amiante et de celui subi pour discrimination syndicale .

3. Par arrêté du 3 décembre 2013, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998🏛, la société [Localité 4] a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1949 à 1996.


Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'anxiété, alors :

« 1°/ que les salariés ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués de l'amiante se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens réguliers ; que les salariés éligibles à l'ACAATA bénéficient d'un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice ; qu'en statuant sur la demande du salarié sur le fondement des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur quand, le salarié ayant travaillé dans un établissement ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA au cours de la période visée par l'arrêté d'inscription, il lui appartenait de faire application du régime dérogatoire applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et, par fausse application, les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛🏛 ;

2°/ que l'application du régime dérogatoire issu de la loi du 23 décembre 1998🏛 est subordonnée à la seule condition que le salarié ait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant la période où y étaient fabriqués de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; que le salarié a travaillé dans un tel établissement pendant une période où y était fabriqué de l'amiante ; qu'en faisant application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur et non du régime dérogatoire issu de la loi du 23 décembre 1998 au motif inopérant que le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes avant l'inscription de la société [Localité 4] sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et, par fausse application, les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017🏛 :

6. Il résulte de ces textes que les salariés, qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ont droit à la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété.

7. Pour rejeter la demande en indemnisation du préjudice d'anxiété, l'arrêt énonce que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes avant que la société [Localité 4] ne soit inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité travailleur de l'amiante, qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, il devait non seulement justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, mais aussi d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, et qu'il ne présentait aucun élément démontrant la manifestation personnelle de l'anxiété dont il se prévalait.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié, d'une part, avait travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par l'arrêté du 3 décembre 2013 et, d'autre part, que pendant la période visée par cet arrêté, il avait occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, de sorte qu'il était fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée emporte cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif relatif à la condamnation du salarié aux dépens.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société [Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société [Localité 4] et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.

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