Jurisprudence : CE Contentieux, 10-11-1993, n° 62445

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 62445

M. Christian GIANOLI

Lecture du 10 Novembre 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du Contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 septembre 1984 et 9 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian GIANOLI, demeurant à "l'Ormeraie" route de Chalon (71270) Pierre-de-Bresse ; M. GIANOLI demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 19 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1973 à 1976 dans les rôles de la commune de Domois (Côte d'Or) ; 2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes, - les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de M. Christian GIANOLI, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré des irrégularités qui auraient entaché la vérification de comptabilité menée à l'égard de la société civile immobilière "La Belle Angerie" relevant du régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts et dont les époux GIANOLI sont les principaux associés ; que, dans cette mesure, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. GIANOLI relatives aux redressements opérés dans la catégorie des revenus fonciers ;

Sur la régularité de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :

Considérant qu'aucune disposition n'interdit à l'administration d'engager simultanément une vérification approfondie de la situation d'ensemble du contribuable et une vérification de comptabilité de son activité professionnelle ; que, par suite, la circonstance que les avis de ces vérifications ont été adressés par le même pli ne constitue pas une irrégularité ; que, si une première lettre mentionnait que la vérification de comptabilité était susceptible de porter notamment sur les comptes à usage à la fois professionnel et personnel, le courrier annonçant la vérification approfondie ne fait référence qu'aux comptes bancaires que le contribuable utilise à titre personnel ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, sous le couvert d'une vérification approfondie, l'administration aurait eu l'intention de procéder à une vérification de comptabilité, doit être écarté ;

Sur les redressements des revenus fonciers : En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant que les opérations de vérification de la société civile immobilière "La Belle Angerie" auraient été engagées avant le 16 novembre 1977, date mentionnée dans l'avis préalable remis le 9 novembre au contribuable ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le contrôle de la société civile immobilière est entaché d'irrégularité pour avoir été effectué en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 septies du code général des impôts alors applicables ;

Considérant que la notification de redressements en date du 14 décembre 1977 indique la nature, les motifs, le montant des rehaussements envisagés en matière de revenus fonciers et mentionne au surplus les articles du code général des impôts servant de base légale à ces redressements ; que cette motivation était suffisante pour permettre au contribuable de présenter ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait ; que, dès lors et sans qu'il puisse en tout état de cause utilement invoquer, sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 non encore entré en vigueur à la date de la mise en recouvrement des impositions litigieuses, le bénéfice d'une circulaire du 31 octobre 1941, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure de redressements de ses revenus fonciers serait irrégulière ; En ce qui concerne le bien-fondé des redressements :

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, applicable en l'espèce, "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations... déguisant... un transfert de bénéfices ou de revenus... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt, lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 c" ;

Considérant que M. GIANOLI a constitué le 1er novembre 1971, avec son épouse et son frère, une société civile immobilière dont les époux GIANOLI détenaient 98 des 100 parts composant le capital ; que cette société civile immobilière a acquis un immeuble bâti dénommé "La Belle Angerie" à Marrey-sur-Tille (Côte d'Or) et l'a donné en location à M. GIANOLI qui y a installé son habitation principale et un local à usage professionnel ; que les importants travaux entrepris pour rénover l'immeuble ont engendré des déficits fonciers que M. GIANOLI a déduits, à concurrence de 98 % de leur montant, de son revenu global au titre des années 1973 à 1975 ; que, pour soutenir que la société civile immobilière "La Belle Angerie" a été constituée en vue de faire échec aux dispositions de l'article 15-II du code concernant les propriétaires qui se réservent la jouissance des immeubles leur appartenant, l'administration fait valoir que les travaux de restauration ont été financés, eu égard à la modicité du capital resté fixé à 1 000 F, par des apports du seul requérant ; que M. GIANOLI a été l'occupant exclusif de l'immeuble dont il a été désigné attributaire à la dissolution de la société en mai 1977 et qu'il a revendu immédiatement en l'état en sollicitant l'exonération de la taxation de la plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale ; que si le requérant fait état de projets d'installation de son frère, puis de son fils, dans une autre partie de la maison d'habitation, la réalité de ces projet n'est corroborée par aucun élément du dossier présentant un caractère de vraisemblance ; que, par suite, même si la création de la société ne peut être regardée comme ayant eu pour objet exclusif celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales de M. GIANOLI dans la mesure où elle lui louait à un prix normal le local à usage professionnel, l'administration apporte en revanche la preuve qui lui incombe que la conclusion par la société d'un bail portant sur la majeure partie de l'immeuble correspondant à la maison d'habitation du requérant et comportant le versement par celui-ci d'un loyer a eu pour but exclusif de lui permettre de déduire de son revenu global les déficits fonciers résultant de travaux réalisés sur la partie de l'immeuble affectée à son logement ; que faute d'établir qu'une fraction des déficits fonciers correspond à des travaux réalisés dans le local affecté à un usage professionnel, M. GIANOLI ne peut demander que ces déficits soient dans cette mesure admis en déduction de son revenu global ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a rejeté l'ensemble des déficits fonciers que le contribuable a imputé sur son revenu global des années 1973 à 1975 ;

Considérant que le requérant ne saurait faire échec à cette remise en cause des déficits fonciers allégués ni en invoquant un précédent contrôle au cours duquel l'administration n'a pu en tout état de cause se prononcer sur le bien-fondé de tels déficits qui n'avaient pas encore été déclarés ni en se prévalant d'une réponse ministérielle postérieure à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ou de l'absence de redressement au titre de 1976, le contribuable n'ayant lui-même imputé aucun déficit foncier sur son revenu global de cette année du fait de l'entrée en vigueur de l'article 3 de la loi du 20 décembre 1976 ;

Sur les redressements des bénéfices non commerciaux : Considérant, d'une part, que les évaluations primitivement arrêtées au titre des années 1973, 1974 et 1976 ont été déclarées caduques par l'administration au motif que les déclarations du contribuable comportaient des omissions de recettes et mentionnaient des loyers fictifs ; qu'eu égard à leur faible montant, les omissions de gains exceptionnels et de recettes accessoires en 1973 et 1976 relevées par l'administration ne sont pas de nature à justifier la caducité des évaluations primitivement arrêtées pour ces années ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les loyers déclarés, correspondant à l'occupation du local professionnel loué à la société civile immobilière "La Belle Angerie", n'étaient pas fictifs et ont été effectivement réglés, contrairement à ce que prétend l'administration, par mouvement du compte courant dont disposait M. GIANOLI dans les écritures de la société civile immobilière et du compte recettes de cette société ; que, dans ces conditions, l'administration n'était pas en droit de déclarer caduques les évaluations administratives établies au titre des années 1973, 1974 et 1976 ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le requérant est fondé à demander la décharge des suppléments d'imposition correspondants ; Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1975 relevant du régime de la déclaration contrôlée, la circonstance que le rapport du vérificateur devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires comportait une brève allusion à la détention provisoire que M. GIANOLI avait subie, ne saurait vicier l'avis rendu par cet organisme ; que, par suite, il appartient au requérant d'apporter la preuve de l'exagération du supplément d'imposition litigieux ; que M. GIANOLI établit avoir acquitté les loyers convenus avec la société civile immobilière "La Belle Angerie" pour l'occupation d'un local professionnel ; que l'administration n'a pas démontré le caractère fictif de la location du local affecté à l'exercice de l'activité professionnelle du contribuable et ne conteste pas que le loyer a été fixé à un montant normal ; que, dès lors, le requérant est fondé à contester la réintégration d'une somme de 12 000 F opérée dans les bases de son revenu imposable de 1975 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Sur l'amende de 200 % :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, doivent être motivées les décisions qui infligent des sanctions ; que ces prescriptions étaient, conformément aux dispositions de l'article 6 de cette même loi, entrées en vigueur à la date de la mise en recouvrement de l'amende infligée à M. GIANOLI sur le fondement de l'article 1732 du code général des impôts ; que, par suite, cette amende, qui a le caractère d'une sanction, devait être motivée ; qu'il est constant qu'aucun acte n'a informé le contribuable de ce que la majoration litigieuse serait appliquée aux droits qui lui étaient réclamés non plus que des motifs justifiant cette sanction avant la mise en recouvrement de l'amende ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que cette pénalité a été établie selon une procédure irrégulière et à en demander la décharge ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 19 juin 1984 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. GIANOLI relatives aux redressements opérés dans la catégorie des revenus fonciers.

Article 2 : M. GIANOLI est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu de 1973, 1974 et 1976 et de la majoration exceptionnelle de 1973 résultant des nouvelles évaluations de ses bénéfices non commerciaux.

Article 3 : M. GIANOLI est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle au titre de 1975 correspondant à une réduction, à concurrence de 12 000 F, de ses bases imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Article 4 : M. GIANOLI est déchargé de la majoration de 200 % des droits à laquelle il a été assujetti au titre des années 1973 à 1976.

Article 5 : Le surplus du jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 19 juin 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2, 3 et 4 de la présente décision.

Article 6 : Les conclusions de la demande de M. GIANOLI relatives aux redressements opérés dans la catégorie des revenus fonciers et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Christian GIANOLI et au ministre du budget.

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