Jurisprudence : Cass. crim., 29-03-2023, n° 22-83.911, F-B, Rejet

Cass. crim., 29-03-2023, n° 22-83.911, F-B, Rejet

A39239LU

Référence

Cass. crim., 29-03-2023, n° 22-83.911, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94546497-cass-crim-29032023-n-2283911-fb-rejet
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Abstract

L'appréciation du caractère léger ou grave du dommage résultant de la destruction, la dégradation ou la détérioration du bien d'autrui relève du pouvoir souverain des juges du fond. Justifie sa décision de condamner des prévenus du chef de destruction, dégradation ou détérioration grave du bien d'autrui une cour d'appel qui, rappelant la valeur des biens dégradés, constate que les faits commis ont eu pour effet de les rendre impropres à la vente


N° N 22-83.911 F-B

N° 00400


RB5
29 MARS 2023


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 MARS 2023



M. [S] [Z], M. [F] [O], Mme [J] [K], Mme [L] [W], M. [G] [Y], Mme [N] [P], M. [V] [C], M. [IL] [C], M. [E] [X], M. [E] [A], M. [D] [T], Mme [I] [M], M. [U] [B], M. [H] [ON] et M. [R] [KD] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2022, qui, pour dégradations aggravées, les a condamnés chacun à 300 euros d'amende avec sursis.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [S] [Z], M. [F] [O], Mme [J] [K], Mme [L] [W], M. [G] [Y], Mme [N] [P], M. [V] [C], M. [IL] [C], M. [E] [X], M. [E] [A], M. [D] [T], Mme [I] [M], M. [U] [B], M. [H] [ON] et M. [R] [KD], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les 27 septembre 2016 et 1er mars 2017, un groupe d'environ quinze militants écologistes a fait irruption dans trois magasins contenant des articles de jardinage. Ils se sont emparés de bidons de produits en vente dans ces magasins pour les disposer sur une bâche, et les enduire de peinture, et ont expliqué que leurs actions visaient à alerter sur les dangers du glyphosate, contenu dans ces produits, lesquels étaient selon eux en vente dans des conditions contraires à la réglementation.

3. M. [S] [Z], M. [F] [O], Mme [J] [K], Mme [L] [W], M. [G] [Y], Mme [N] [P], M. [V] [C], M. [IL] [C], M. [E] [X], M. [E] [A], M. [D] [T], Mme [I] [M], M. [U] [B], M. [H] [ON] et M. [R] [KD] ont fait l'objet d'une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef de destruction, dégradation ou détérioration grave du bien d'autrui, en réunion.

4. Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal les a relaxés.

5. Le ministère public a formé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen


Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il a rejeté l'état de nécessité et a déclaré Aa [Ab], [K], [W], [M] et MM. [Y], [O], [B], [T], [Z], [C], [X], [ON], [A] et [KD] coupables de dégradation ou détérioration grave du bien d'autrui en réunion, alors :

« 1°/ que l'état de nécessité dans lequel se trouve une personne au moment où elle fait face à un danger actuel ou imminent doit être apprécié in concreto au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; qu'en l'occurrence, après avoir admis l'existence d'un « péril imminent pour les personnes au sens de l'article 122-7 du code pénal🏛 », la cour d'appel s'est bornée à dire, pour écarter la « nécessité » de commettre les infractions en cause, que les prévenus avaient accès à de nombreux moyens d'action, politiques, militants, institutionnels qui existent dans tout Etat démocratique ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée si d'une part, face à ce danger actuel qu'elle constatait pour l'ensemble de la population, connu de longue date par les pouvoirs publics, l'inaction persistante de ceux-ci n'était pas de nature à justifier les actions reprochées et si d'autre part, la preuve de la nécessité des infractions ne se déduisait pas des grandes avancées que ces actions avaient permises, tant au niveau européen que national, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122-7 du code pénal ;

2°/ que l'état de nécessité doit être interprété en contemplation du devoir qui incombe à toute personne de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le caractère nocif de l'exposition aux pesticides, tels que le glyphosate, peut être considéré comme un danger actuel ou en tout cas comme un péril imminent pour les personnes au sens de l'article 122-7 du code pénal. Les articles scientifiques produits et les témoignent recueillis le confirment » ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de l'état de nécessité, que « les prévenus ne démontrent pas en quoi la dégradation de bidons et de flacons de produits désherbants dans un magasin constituerait un acte nécessaire et le seul moyen indispensable à la sauvegarde des personnes » et que « rien ne les contraignait à commettre les dégradations reprochées », quand face à un danger actuel qu'elle constate pour l'ensemble de la population, connu de longue date par les pouvoirs publics, et face à l'inaction persistante de ceux-ci, toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, la cour d'appel a violé l'article 122-7 du code pénal, tel qu'interprété à la lumière des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement. »


Réponse de la Cour

8. Pour rejeter le fait justificatif tiré de l'état de nécessité invoqué par les prévenus, l'arrêt attaqué énonce que ces derniers ne démontrent pas en quoi la dégradation de bidons et de flacons de produits désherbants dans un magasin constituerait un acte nécessaire et le seul moyen indispensable à la sauvegarde des personnes, alors qu'ils avaient accès à de nombreux moyens d'action, politiques, militants, institutionnels qui existent dans tout Etat démocratique.
9. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement estimé, par des motifs exempts de contradiction et d'insuffisance, répondant à l'ensemble des chefs péremptoires des conclusions des prévenus, qu'il n'était pas démontré que la commission d'une infraction était le seul moyen d'éviter un péril actuel ou imminent, a justifié sa décision.

10. Le moyen doit donc être écarté.


Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il a déclaré Aa [Ab], [K], [W], [M] et MM. [Y], [O], [B], [T], [Z], [C], [X], [ON], [A] et [KD] coupables de dégradation ou détérioration grave du bien d'autrui en réunion, alors :

« 1°/ que la destruction ou détérioration d'un objet mobilier suppose une altération de la substance même de ce bien ; que s'agissant de biens maculés de peinture destinés à la vente, le délit n'est constitué que si cette salissure le rend impropre à sa destination ; que tel n'est pas le cas lorsque l'objet destiné à la vente est seulement couvert d'une inscription à la peinture délébile, qui lui permet, en tout état de cause, d'être utilisé et mis à la vente ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que la peinture pouvait se nettoyer, ce qu'avait d'ailleurs fait le magasin Espace Emeraude, qui avait ensuite remis les produits nettoyés à la vente, ainsi que l'ont constaté les premiers juges ; qu'en décidant néanmoins de retenir les exposants dans les liens de la prévention en raison de la persistance de traces de peinture, sans vérifier si celles-ci avaient réellement altéré la substance des biens en cause, d'autant qu'aucune des parties civiles n'avaient formulé de demandes d'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 322-3 du code pénal🏛. »


Réponse de la Cour

12. Pour dire établi le délit de destruction, dégradation ou détérioration grave du bien d'autrui, l'arrêt attaqué énonce que les prévenus se sont emparés de bâches, de pots et de bombes de peinture dont ils ont badigeonné des produits désherbants.

13. Les juges ajoutent qu'en agissant ainsi, les prévenus ont rendu les produits impropres à la vente en raison de la persistance de traces de peinture, même après nettoyage.

14. Ils relèvent que les responsables des trois magasins concernés ont déposé plainte, et estimé leur préjudice aux sommes de 2 168,14 euros, 2 038,17 euros et 4 268,79 euros.

15. En l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.

16. En effet, elle a constaté que les faits commis ne constituaient pas des dégradations ou détériorations à caractère contraventionnel, les produits en cause, destinés à être vendus, étant devenus impropres à la vente.

17. Le moyen doit donc être écarté.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.

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