Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 21-03-2023, n° 453558, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 21-03-2023, n° 453558, mentionné aux tables du recueil Lebon

A39119K3

Référence

CE 1/4 ch.-r., 21-03-2023, n° 453558, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94388303-ce-14-chr-21032023-n-453558-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

66-07-01-03-04 Dans le cas où la demande d’autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions du code du travail relatives au reclassement des salariés inaptes en vigueur à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutation ou transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail. ...1) Il s’ensuit que lorsque le ministre du travail est saisi, sur le fondement de l’article R. 2422-1 du code du travail, d’un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude, il se prononce également au regard des dispositions du code du travail, relatives au reclassement des salariés inaptes, en vigueur à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, soit qu’il confirme cette décision, soit, si celle-ci est illégale, qu’il l’annule et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement. ...2) Dans cette dernière hypothèse, si le salarié a entretemps été licencié, il n’y a lieu pour le ministre d’apprécier la recherche de reclassement du salarié par l’employeur que jusqu’à la date de son licenciement.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 453558

Séance du 08 février 2023

Lecture du 21 mars 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société Natness a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 février 2018 par laquelle la ministre du travail a, sur recours hiérarchique, d'une part, annulé la décision du 23 août 2017 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme A B, et, d'autre part, refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée. Par un jugement n° 1803247 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société.

Par un arrêt n° 20MA02398 du 9 avril 2021, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️⚖️ a, sur appel de la société Natness, annulé ce jugement ainsi que la décision du 23 février 2018 de la ministre du travail.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 et le 14 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Natness ;

3°) de mettre à la charge de la société Natness la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. C de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme B et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Natness ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par deux avis des 22 mai et 30 mai 2017, le médecin du travail a déclaré Mme B, salariée de la société Natness, détenant les mandats de déléguée du personnel et de conseillère prud'homme, inapte à son poste avec contre-indication de prise manuelle répétitive de produits. A la suite de ces avis, la société Natness a sollicité l'autorisation de licencier l'intéressée pour inaptitude physique.

Par une décision du 23 août 2017, l'inspecteur du travail de la section 1 de l'unité de contrôle " Etoile-Aubagne-Huveaune " des Bouches-du-Rhône a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée. Par une décision du 23 février 2018, la ministre du travail a, sur recours hiérarchique, d'une part, annulé la décision du 23 août 2017 de l'inspecteur du travail et, d'autre part, refusé d'accorder l'autorisation de licenciement de Mme B. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la ministre. Par un arrêt du 9 avril 2021 contre lequel

Mme B se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Natness, annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que la décision du

23 février 2018 de la ministre du travail.

2. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions du code du travail relatives au reclassement des salariés inaptes en vigueur à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutation ou transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail. Il s'ensuit que lorsque le ministre du travail est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail🏛🏛, d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude, il se prononce également au regard des dispositions du code du travail, relatives au reclassement des salariés inaptes, en vigueur à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, soit qu'il confirme cette décision, soit, si celle-ci est illégale, qu'il l'annule et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement. Dans cette dernière hypothèse, si le salarié a entretemps été licencié, il n'y a lieu pour le ministre d'apprécier la recherche de reclassement du salarié par l'employeur que jusqu'à la date de son licenciement.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail🏛🏛, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le médecin du travail a déclaré Mme B inapte : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ". L'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a ajouté à ces dispositions les mots ", au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ", lesquelles sont entrées en vigueur le 24 septembre 2017.

4. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'à la date à laquelle la ministre du travail, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, s'est prononcée sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme B, soit le 23 février 2018, les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail résultant de l'ordonnance du 22 septembre 2017 étant entrées en vigueur, il lui appartenait, pour apprécier le sérieux de la recherche de reclassement opérée par la société Natness, de tenir compte de la nouvelle définition du " groupe de reclassement " prévue par ces dispositions et que, faute de l'avoir fait, sa décision était entachée d'illégalité. En statuant ainsi, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, les dispositions du code du travail résultant de cette ordonnance, qui est entrée en vigueur postérieurement à l'avis d'inaptitude de Mme B, n'étaient pas applicables, la cour a commis une erreur de droit. Au surplus, Mme B ayant été licenciée avant qu'il ne soit statué sur le recours hiérarchique, la cour a, eu égard à ce qui a été dit au point 2, également entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la ministre chargée du travail devait apprécier le sérieux des recherches de reclassement de l'employeur jusqu'à la date de sa décision statuant sur la demande d'autorisation de licenciement et non jusqu'à celle du licenciement.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Natness une somme de 3 000 euros à verser à Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Natness versera à Mme B une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Natness au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A B et à la société Natness.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

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