Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 18-03-1987, n° 43680

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 43680

Goudin

Lecture du 18 Mars 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 6 juillet 1982 et le 5 novembre 1982, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel GOUDIN, demeurant 2, rue Henri Dunant à Villebon-sur-Yvette (91120), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°- annule le jugement du 16 avril 1982 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, dans les rôles de la commune de Villebon-sur-Yvette, au titre des années 1972, 1973, 1974 et 1975 et des pénalités y afférentes, 2°- décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement, 3°- lui accorde la décharge des impositions et des pénalités contestées,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;

Après avoir entendu : - le rapport de M. Fabre, Maître des requêtes, - les observations de Me Vuitton, avocat de M. Michel GOUDIN, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ; En ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1972 :

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. GOUDIN devant le tribunal administratif :

Considérant que le ministre n'établit pas que la notification de la décision du 31 octobre 1979 par laquelle le directeur des services fiscaux de l'Essonne a rejeté la réclamation de M. GOUDIN relative à la cotisation d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1972, soit, comme il le soutient, parvenue à l'intéressé le 19 novembre 1979 ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de ce que la demande présentée par M. GOUDIN devant le tribunal administratif le 24 janvier 1980 serait tardive ne saurait être accueillie ;

Sur l'imposition des bénéfices non commerciaux :

Considérant que l'administration n'établit pas que M. GOUDIN aurait, comme elle le soutient, tiré de l'exercice de sa profession, outre les salaires qu'il a déclarés, comme inspecteur d'assurances, des "profits divers" revêtant le caractère de bénéfices non commerciaux ; qu'en particulier, eu égard à leurs termes mêmes, les déclarations du contribuable consignées dans un procès-verbal d'audition en date du 27 mars 1980 établi dans le cadre d'une instance pénale ne peuvent être regardées comme comportant la reconnaissance de la perception de tels profits ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner sur ce point les autres moyens de la requête, l'administration n'a pu régulièrement arrêter d'office le montant des bénéfices non commerciaux qu'elle a, à concurrence de 30 000 F, rapportés au revenu global imposable de M. GOUDIN au titre de l'année 1972 ;

Sur l'imposition des revenus fonciers :

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 1972 : "I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : ... d. Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ..." ; Considérant, d'une part, que si M. GOUDIN produit un acte notarié en date du 2 février 1971, établissant que trois prêts lui ont été consentis par des particuliers, pour un montant total de 120 000 F et moyennant un taux d'intérêts de 14 % l'an, il ne ressort pas dudit acte que ces dettes aient été contractées à l'une des fins prévues par les dispositions précitées de l'article 31 du code ; que, d'autre part, si divers documents produits par le requérant établissent qu'il a sollicité, au cours de l'année 1972, deux emprunts de chacun 175 000 F et portant intérêts au taux de 12 % l'an, l'un, auprès de la "société anonyme de crédit à l'industrie française" et, l'autre, de la "Société Générale", afin d'assurer le financement partiel de la construction d'un immeuble à usage commercial et d'habitation destiné à la location, ces documents ne font apparaître, ni la date à laquelle les prêts sollicités ont été accordés, ni celle de la première échéance des intérêts y afférents ; que, dans ces conditions, M. GOUDIN ne justifie pas, pour l'année en cause, les droits à déduction des intérêts afférents auxdits emprunts dont il se prévaut ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant est seulement fondé à demander que son revenu global net imposable au titre de l'année 1972 soit ramené de 166 200 F à 136 200 F ; En ce qui concerne l'impôt sur le revenu établi au titre des années 1973 et 1974 :

Sur la régularité de la procédure d'imposition des revenus fonciers :

Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts alors en vigueur, l'administration peut "... demander des justifications, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration ...", et qu'en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 179 du même code, le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications est taxé d'office ; que, si l'administraiton tient de ces dispositions la faculté, si elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable a disposé de ressources supérieures à celles qu'impliquent les revenus catégoriels déclarés par lui, éventuellement augmentés de redressements qu'elle-même peut y apporter, de demander des éclaircissements ou des justifications à l'intéressé et, au cas où celui-ci s'abstient ou refuse de répondre, de réintégrer d'office dans son revenu global les sommes dont l'origine demeure inexpliquée et qui ne peuvent pas être rangées dans une catégorie particulière de bénéfices ou de revenus, elle reste tenue d'utiliser la voie de la procédure contradictoire de redressement, si elle entend réparer les erreurs ou omissions dont serait entachée la déclaration du contribuable en ce qui concerne les bénéfices ou les revenus que celle-ci mentionne ;

Considérant que les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. GOUDIN a été assujetti au titre de chacune des années 1973 et 1974 ont été établies par voie de taxation d'office ; que, si l'administration, en application des dispositions précitées de l'article 176 du code général des impôts, a, le 15 avril 1977, demandé au contribuable de lui fournir la justification de virements effectués sur ses comptes bancaires et postaux au cours des années 1973 à 1975, et s'il est constant que M. GOUDIN s'est abstenu de répondre à cette demande, cette circonstance ne pouvait permettre à l'administration d'imposer par voie de taxation d'office des revenus fonciers résultant du redressement de déficits que le contribuable avait lui-même déclarés dans cette catégorie ; qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner de ce chef les autres moyens de la requête, que, en tant qu'elles reposent pour chacune des années 1973 et 1974 sur un revenu foncier de 105 000 F substitué, par voie de taxation d'office, aux déficits déclarés de 42 404 F pour 1973 et 34 225 F pour 1974, les impositions contestées ont été établies sur une procédure irrégulière et que le requérant est, dès lors, fondé à demander que son revenu global imposable soit ramené de 207 200 F à 59 796 F pour 1973 et de 231 500 F à 92 275 F pour 1974 ;

Sur le bien-fondé du surplus des impositions : Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après application de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels et abattement de 20 %, le montant imposable des salaires que M. GOUDIN a perçus en 1973 est de 11 228 F, au lieu de 11 288 F, chiffre qu'a retenu par erreur l'administration ; que le revenu global imposable de 1973 doit, par suite, être ramené à 59 736 F ; Considérant, en second lieu, qu'ayant constaté que des sommes ont été portées au crédit des comptes bancaires ou postaux des époux GOUDIN pour des montants totaux de 634 950 F en 1973 et de 1 060 238 F en 1974, alors que le contribuable a déclaré, au titre de ces mêmes années, respectivement un déficit global de 5 176 F et un revenu global de 6 581 F, et l'intéressé s'étant abstenu de répondre aux demandes de justifications qui lui ont été adressées le 15 avril 1977, l'administration l'a taxé d'office sur des bases incluant un revenu d'origine inexpliquée, fixé à 65 000 F pour 1973 et à 70 000 F pour 1974 ; que M. GOUDIN fait valoir que lesdits comptes bancaires ou postaux étaient, également, utilisés par son épouse pour les besoins du commerce de bar-tabac et librairie-papeterie qu'elle exploitait durant ces années, et dont les bénéfices étaient imposés selon le régime du forfait ; que cette circonstance n'est pas contestée par l'administration, qui n'a, à aucun stade de la procédure, fait connaître les modalités selon lesquelles elle a déterminé l'enrichissement tenu pour injustifié du contribuable à partir de l'ensemble des opérations enregistrées sur les comptes bancaires ou postaux dont s'agit ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner qu'il soit procédé à un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration, de préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée et pour M. GOUDIN, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition ainsi établies ; En ce qui concerne l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1975 :

Sur la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article 179, premier alinéa, du code général des impôts, "est taxé d'office à l'impôt sur le revenu, tout contribuable qui n'a pas souscrit, dans le délai légal, la déclaration de son revenu global prévue à l'article 170" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. GOUDIN n'a pas souscrit dans le délai légal la déclaration de son revenu global de l'année 1975 ; qu'il a, par suite, été régulièrement taxé d'office au titre de ladite année ; qu'il lui incombe, dès lors, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition ;

Sur les bases d'imposition : Considérant, en premier lieu, que si M. GOUDIN soutient avoir supporté, en 1975, 96 887 F d'intérêts d'emprunts déductibles de ses revenus fonciers en vertu des dispositions de l'article 31-I-1°-d précité du code, il n'établit pas la réalité d'un emprunt de 250 000 F qu'il aurait contracté le 1er octobre 1973 ; qu'il produit, en revanche, des documents établissant que le "Crédit foncier et commercial d'Alsace et de Lorraine" lui a consenti, en 1973 et 1974, deux prêts à long terme, l'un de 500 000 F portant intérêts au taux de 10,50 % l'an, l'autre de 100 000 F portant intérêts au taux de 13,50 % l'an, et ayant pour objet, d'une part, à concurrence de 150 000 F, de concourir au financement de travaux de surélévation d'un immeuble destiné à la location, et d'autre part, à concurrence de 450 000 F compris dans le premier prêt, de permettre, aux fins, pour l'organisme prêteur, d'obtenir une hypothèque de premier rang, le remboursement de la partie non encore amortie de deux précédents emprunts contractés, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au taux de 10 %, auprès de la "société anonyme de crédit à l'industrie française" et de la "Société Générale" en vue de financer les mêmes travaux ; qu'eu égard, notamment, à la continuité d'objet de l'endettement supporté de ce dernier chef, le requérant apporte la preuve que le premier prêt entre, à concurrence de 350 000 F, dans les prévisions du I, 1° de l'article 31 du code ; qu'il en est de même pour la totalité du second prêt contracté pour l'amélioration des propriétés du requérant ; qu'il ressort des pièces du dossier que les intérêts supportés en 1975 et déductibles à ce titre des revenus fonciers s'élèvent à 59 600 F ; qu'à concurrence de cette somme, ces intérêts sont, dès lors, déductibles ; Considérant, en second lieu, qu'il ressort des justifications apportées par M. GOUDIN que les salaires qu'il a perçus en 1975 se sont élevés à 5 206 F seulement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le revenu net global imposable de M. GOUDIN au titre de l'année 1975 doit être ramené de 243 300 F à 180 548 F ; Considérant, enfin, qu'à défaut de toute indication fournie par l'administration quant aux modalités suivant lesquelles elle a déterminé un revenu d'origine inexpliquée de 80 000 F dont elle a inclus le montant dans les bases d'imposition, il y a lieu d'étendre à ce chef de litige le supplément d'instruction défini en ce qui concerne l'imposition de revenus inexpliquée au titre des années 1973 et 1974 ;

Article 1er : Sans préjudice des réductions supplémentaires qui pourront être accordées pour les années 1973 à 1975 à la suite du supplément d'instruction ordonné à l'article 4 ci-dessous, le revenu net imposable de M. GOUDIN est fixé à 136 200 F pour l'année 1972, 59 736 F pour l'année 1973, 92 275 F pour l'année 1974 et 180 548 F pour l'année 1975.

Article 2 : Il est accordé à M. GOUDIN décharge de la différence entre le montant des droits et pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 1972 à 1975 et celui résultant des bases fixées àl'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles,du 16 avril 1982, est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Avant dire droit sur le surplus des conclusions de la requête de M. GOUDIN relatives aux cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1973, 1974 et 1975, il sera procédé, par les soins du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, contradictoirement avec M. GOUDIN, à un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration, de préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour déterminer le montant des revenus d'origine inexpliquée inclus dans les bases d'imposition de ces mêmes années, et, pour M. GOUDIN, d'apporter, s'il le peut, la preuve de l'exagération de cette fraction des bases d'imposition.

Article 5 : Il est imparti au ministre de l'économie délégué auprès du ministre des finances et de la privatisation, chargé du budget un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision pour faire parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les résultats du supplément d'instruction défini à l'article 4 ci-dessus.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. GOUDIN et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.

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