Jurisprudence : CA Versailles, 02-03-2023, n° 20/02383, Infirmation partielle

CA Versailles, 02-03-2023, n° 20/02383, Infirmation partielle

A23939H4

Référence

CA Versailles, 02-03-2023, n° 20/02383, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94041598-ca-versailles-02032023-n-2002383-infirmation-partielle
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COUR D'APPEL

de

VERSAILLES


21e chambre


ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 02 MARS 2023


N° RG 20/02383

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDWX


MonsieurAa[Y] [Z]


C/


S.A.S. SNEF TELECOM


Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 06 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET


N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 18/00204


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :


Me Jérôme BORZAKIAN de

la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN


Me Stéphanie ASSUERUS-CARRASCO de

la SCP FREZZA ET ASSOCIES


le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,


La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant initialement prévu le 26 janvier 2023 prorogé au 16 février et au 2 mars 2023 dans l'affaire entre :


MonsieurAa[Y] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 2]


Représenté par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242 substitué par Me Belal KARIMI, avocat au barreau de Paris.



APPELANT


****************


S.A.S. SNEF TELECOM

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]


Représentée par Me Stéphanie ASSUERUS-CARRASCO de la SCP FREZZA ET ASSOCIES,Constitué avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 81 substitué par Me Frédéric Friburger, plaidant avocat au barreau de Marseille.


INTIMEE


****************



Composition de la cour


En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,


Madame Alicia LACROIX, greffier lors des débats.



FAITS ET PROCÉDURE


Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 février 2017, M. [Aa] a été engagé en qualité de Responsable de Zone Maintenance (RZM), par la société Snef Télécom, qui a pour activité la réalisation de travaux dans les secteurs de l'énergie, des procédés industriels, des télécommunications et des technologies de l'information, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des Etam des travaux publics.


Convoqué le 10 août 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 24 août suivant avec mise à pied à titre conservatoire, M. [Aa] a été licencié par lettre datée du 4 septembre 2018 énonçant une faute grave.


Se plaignant d'un harcèlement moral et contestant son licenciement, M. [Aa] a saisi, le 10 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins d'entendre juger le licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.


La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Par jugement rendu le 6 octobre 2020, le conseil a statué comme suit :


Dit que M. [Aa] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral,


Dit que le licenciement pour faute grave de M. [Aa] est fondé,


Déboute M. [Aa] de l'intégralité de ses demandes et de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

[...]

Déboute la société de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Dit que les dépens seront à la charge de chacune des parties.


Le 23 octobre 2020, M. [Aa] a relevé appel de cette décision par voie électronique.



Par ordonnance rendue le 9 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 novembre 2022.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 10 octobre 2022, M. [Aa] demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement ainsi entrepris, et, statuant de nouveau de :


A titre principal, requalifier le licenciement intervenu comme étant frappé de nullité et condamner la société à réparer le préjudice résultant du licenciement nul à hauteur de 50 000 euros,


A titre subsidiaire, requalifier le licenciement intervenu comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Snef au paiement d'une somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre infiniment subsidiaire à hauteur de 7 474 euros si la cour estimait faire application de l'article L.1235-3 du code du travail🏛 ;


En tout état de cause, condamner la société Snef au versement de :


- l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3 737 euros, outre 373 euros de congés payés afférents ;


- l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 1 401,37 euros ;


- la somme de 8 448,72 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 844,87 euros de congés payés afférents ;


- la somme de 2 500 euros au titre du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;


- la somme de 5 000 euros au titre du préjudice résultant du licenciement vexatoire subi ;


- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 outre les éventuels dépens au titre de l'article 699 du code de procédure civile🏛 ;


Assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire au visa des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile🏛 et dire que les sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 7 du code civil🏛🏛.


' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 19 mars 2021, la société Snef Télécom demande à la cour de juger l'appel formé par M. [Aa] à l'encontre du jugement non fondé, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, débouter en conséquence l'appelant de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Suivant une note en date du 26 janvier 2022, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 26 octobre 2022 (n° 21-14.178⚖️) retenant pour droit le principe selon lequel relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19⚖️, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).


La société a présenté ses observations le 8 février 2023 en exposant pour l'essentiel que le salarié ne démontre pas l'intensité de la contrainte générée durant ses astreintes et avoir été empêché de vaquer à ses occupations entre ses interventions.


Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.



MOTIFS


I - Sur les heures supplémentaires :


Au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 8 448,72 euros correspondant à 376 heures supplémentaires, l'appelant expose avoir dû supporter une double charge de travail pendant les six premiers mois de la relation contractuelle, qu'il y avait d'importants dysfonctionnements dans le travail du 'cockpit', service chargé d'organiser les interventions sur site des techniciens, et que les équipes étaient exposées à une importante surcharge de travail durant les périodes de canicule qui entraînait de nombreuses interventions pour climatiser les installations techniques des clients (SFR, etc...).


La société Snef Télécom objecte que le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier sa demande de rappel d'heures supplémentaires qu'elle considère non explicitée.


Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail🏛🏛🏛 qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.


Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud'homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié.


Pour l'essentiel, la réclamation de l'appelant porte sur les périodes d'astreinte auxquelles il était soumis. À ce titre, il convient de rappeler que :


Selon l'article L. 3121-1 du code du travail🏛, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.


Dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016🏛, l'article L. 3121-9 du code du travail🏛, lequel figure parmi les dispositions d'ordre public, définit l'astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.


L'article L. 3121-10 ajoute qu'exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien prévue à l'article L. 3131-1 et des durées de repos hebdomadaire prévues aux articles L. 3132-2 et L. 3164-2.


Il en résulte que la durée du travail effectif est donc le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.


La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.

Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19⚖️, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).


En l'espèce, M. [Aa] verse aux débats les éléments suivants :


- un tableau détaillé présentant les horaires hebdomadaires qu'il indique avoir accompli précisant les heures de jour et de nuit au titre des astreintes,


- le relevé des appels émis au cours de l'astreinte du 28 mai au soir au lendemain matin faisant état de 43 appels vocaux ou envois de SMS à des destinataires dont l'employeur ne conteste pas qu'il s'agissait de collaborateurs de l'entreprise de 17 heures à 4H04, (pièce de l'appelant n°44) ;


- le relevé des appels émis au cours de l'astreinte du 29 mai au soir au lendemain matin faisant état de 23 appels vocaux ou envois de SMS à des destinataires dont l'employeur ne conteste pas qu'il s'agissait de collaborateurs de l'entreprise de 16 H44 à 22H45 ; (pièce de l'appelant n°45) ;

- le relevé des appels émis au cours de l'astreinte du 31 mai au soir au lendemain matin faisant état de 25 appels vocaux ou envois de SMS à des destinataires dont l'employeur ne conteste pas qu'il s'agissait de collaborateurs de l'entreprise de 20H03 à 3H15 ; (pièce de l'appelant n°52) ;


- le relevé des appels émis du 22 au 25 juin à 17H39 (page 30 du relevé), lequel ne corrobore pas les déclarations du salarié relativement à des heures d'intervention durant l'astreinte de la nuit du 25 au 26 juin pour laquelle il a décompté 6 heures de travail (23H à 5H) ; (pièce de l'appelant n°53) ;


- l'attestation circonstanciée de M. [M] [X], collègue, relative à la nuit du 26 au 27 juin 2018 ; il en ressort qu'à l'occasion d'une intervention sur la commune de [Localité 5], ce technicien indique avoir appelé son responsable d'astreinte, à savoir M. [Aa], vers 23 heures pour lui signaler que le site sur lequel il devait intervenir n'était pas sécurisé (pas d'éclairage) et qu'il ne disposait pas de la pièce à remplacer (disjoncteur), queAaM. [Z], après vérification, l'a rappelé vers minuit pour lui dire qu'il disposait de la pièce et que, compte tenu du caractère urgent de l'intervention, il la lui ramenait, qu'ils ont terminé l'intervention ensemble, son supérieur lui laissant le soin de rédiger le rapport avant de rentrer à son domicile, rapport qu'il a envoyé à 2H25, (pièce n°47 de l'appelant) ;


- divers messages ou notes émis à l'occasion des périodes de canicule en 2017 et 2018 attestant de l'importance des contraintes auxquelles les salariés de l'entreprise était soumises durant ces périodes ainsi que de difficultés dans l'organisation du cockpit, à savoir :

' le courriel adressé par M. [C] - collègue RZM dAa M. [Z] - à sa Direction par lequel il se plaint d'une conférence de crise et de son rythme de travail général le 24 juin 2017 : « [...] Concernant mon cas personnel je travaille non stop depuis 1h du matin' je suis pas sûr de pouvoir tenir l'astreinte dimanche' J'ai une conf Sfr à 23h30 pour faire le point sur l'avancement des sujets. La semaine d'astreinte a été difficile mais ce week-end est pire je n'ai pas le temps de dormir' Je vous demande de prendre en compte qu'à partir de lundi je ne prendrai plus d'astreinte. Je n'ai pas les capacités nécessaires pour pouvoir tenir ce rythme. » (Pièce n°56)

' M. [N] - chef de projet - à réception de ce message a adressé à M. [C] la réponse suivante : « Je ne trouve pas les mots pour me justifier de ne pas avoir été disponible cette nuit, je viens de voir ce mail et ... Je suis comme un C.. devant mon écran sans savoir quoi répondre. » (Pièce n°56)

' Le mail adressé par M. [Aa] le 2 juin 2018 à M. [S] : « Bonjour [D], Voici le décompte d'heures (depuis lundi matin jusque leur fin de journée d'hier ou de ce matin) des techniciens d'astreinte cette semaine :


[V] : 55h depuis 5h00 ce matin

[T] : 58h depuis 21h30

[K] : 48h depuis vendredi

[W] G : 66h depuis 11h30 ce matin

[L] : 51,5h depuis 19h hier

[A] : 70h depuis 00h30 ce matin

[R] : 58h depuis 2h ce matin

[X] : 61h depuis hier » (Pièce n°58)


' le message que M. [S] adresse au salarié le samedi 30 juin 2018 : « [...] Demain sera plus chaud qu'aujourd'hui. En parallèle regarde parmi les techs frigo qui n'étaient pas d'astreinte le week-end dernier ni en renfort samedi... Ça ne doit plus laisser grand monde... Si un d'entre eux peut éventuellement bosser demain en débordement » (Pièce n°66)

' le SMS adressé par M. [S] à M. [Ab], responsable de la société SFR le 1er juillet 2018 : « La journée d'hier et la nuit, toutes nos ressources tech clim d'astreinte sont pas loin d'être au taquet du taquet des heures légales (60h). [...] On a également fait appel au volontariat mais très peu de retour ». (Pièce n°57)

' un courriel de M. [S] - Responsable d'activité - du 06 août 2018 au Responsable Cockpit maintenance : « Mais je vous rappelle quand même que la seule structure qui est active le week-end c'est le cockpit ; il en va de même pour les nuits. Gérer l'arrivée des TT, leurs planifications, et le suivi de la conf c'est son boulot. Le RZM d'astreinte n'est censé être sollicité qu'en cas de problème. Cette semaine le RZM d'astreinteAa[M. [Z]] a été ultra sollicité. Je ne suis pas sûr que cela était toujours nécessaire. ». (Pièce n°54)

' le courriel de M. [Ac] - Directeur Commercial - du 06 août 2018 : « Malheureusement durant ces périodes de canicules où les actions sont surtout clim les RZM sont très sollicités » (Pièce n°55)


Il en ressort que le salarié établit qu'à l'occasion des astreintes, les RZM pouvaient être concrètement confrontés notamment à l'occasion des périodes de canicule à de très fortes sollicitations téléphoniques du cockpit ou des techniciens à l'occasion de leurs interventions sur le terrains, lesquels accomplissaient des horaires hors normes, peu important que la direction considère que cette situation était anormale ainsi que le relevait M. [S] le 6 août 2018.


Au vu des seuls appels sortants et envois de SMS en soirée et jusqu'au milieu de la nuit, le salarié justifiant que les relevés téléphoniques produits ne prennent pas en compte les messages et appels reçus, M. [Aa] établit qu'il pouvait recevoir jusqu'à une dizaine d'appels par heure, d'une durée variable de quelques dizaines de secondes à une vingtaine de minutes. Lors de ces périodes de suractivité, les astreintes se transformaient en une véritable permanence téléphonique, caractérisant objectivement des contraintes d'une nature telle qu'elles affectaient objectivement et très significativement la faculté, pour le RZM de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel il n'était pas sollicité pour consacrer ce temps à ses propres intérêts.


Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [Aa] prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.


Or, la fiche d'astreinte que les salariés étaient censés renseigner était insuffisamment précise pour permettre à l'employeur de s'assurer concrètement de l'ampleur du travail réalisé par le salarié au cours de la nuit considérée.


Il est constant que la société a rémunéré à plusieurs reprises M. [Aa] de l'accomplissement d'heures supplémentaires en décembre 2017, février et juillet 2018,


La société, qui concède avoir connu, d'une part, des périodes temporaires de surcharge d'activité liées au lancement d'un nouveau contrat et de la période estivale dont elle indique qu'elle impliquait de nombreuses interventions du fait de l'augmentation de la température engendrant de manière plus fréquente des pannes de climatisation ou de surchauffe des installations de télécommunication sensibles à ces variations de température', et, d'autre part, des difficultés organisationnelles essentiellement durant les périodes estivales, ne communique aucun élément (synthèse ou rapport des interventions des techniciens au cours des nuits considérées) de nature à contredire l'intensité des astreintes mises en exergue par le salarié et notamment un décompte qu'elle aurait pu demander à ses salariés de renseigner afin de lui permettre d'apprécier justement l'intensité du travail accompli durant ces périodes et déterminer objectivement le nombre d'heures supplémentaires. Si la société intimée justifie qu'à la fin du mois de juin 2018, M. [Ad] a demandé au salarié de l'informer de son heure de reprise lorsqu'il est d'astreinte, son supérieur ajoutant qu'il n'avait aucune vision sur ses horaires, il ne résulte d'aucun élément qu'elle ait mis en place un système permettant d'identifier précisément les horaires accomplis par les RZM lors de leurs astreintes.


La société souligne néanmoins à juste titre, à l'analyse détaillée de ses relevés téléphoniques, que le salarié ne déduit pas les plages de plusieurs heures pendant lesquelles il n'était pas sollicité par les techniciens.


Dans ce contexte de suractivité et de disponibilité réduite des techniciens, confrontés à des horaires hebdomadaires pouvant aller jusqu'à une soixantaine d'heures hebdomadaires, selon les propres écrits des responsables de la société, celle-ci ne saurait sérieusement reprocher à M. [Aa] de s'être rendu à deux reprises sur des chantiers en pleine nuit pour aider M. [M] qui était confronté, selon les déclarations de ce dernier - non contredites par l'entreprise - à un chantier non sécurisé et avait besoin d'aide, ou sur un autre chantier pour livrer à M. [Ae] un climatiseur pesant 92 kilos, le salarié rappelant que la société mettait à la disposition du responsable de secteur un camion équipé.


Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réclamation du salarié est partiellement justifiée. Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la créance de M. [Aa] sera fixée de ce chef à la somme de 3 250 euros bruts outre 325 euros bruts au titre des congés payés afférents.


II - Sur le harcèlement moral :


En application des articles L. 1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code🏛, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016🏛, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


En l'espèce, M. [Aa] énonce les faits suivants, constitutifs selon lui d'un harcèlement : 1. Des brimades subies ; 2. Une différence de traitement avec ses autres collègues ; 3. Un acharnement disciplinaire ; 4. Une surcharge de travail ; 5. Un refus de lui rémunérer ses heures ; 6. Une détérioration de son état de santé.


1 - au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait subi des brimades, l'appelant se borne à faire état du message de M. [Ad], chef de projet, qui, à réception du message par lequel il lui annonce qu'il a une migraine et qu'il va voir le médecin, lui répond : 'ok'.


2 - il est constant que M. [Aa] n'a obtenu l'autorisation de télétravailler un jour par semaine qu'une fois M. [E] engagé, c'est à dire à compter de septembre 2017, après qu'ils ont entrepris ensemble une démarche en ce sens auprès de leur hiérarchie.

Ce seul élément ne laisse pas supposer l'existence d'une inégalité de traitement, observation faite que le salarié expose par ailleurs que dans l'attente du recrutement de M. [E] l'employeur lui avait confié un double secteur géographique.


3 - au soutien de ce qu'il qualifie d' 'acharnement disciplinaire', M. [Aa] justifie avoir fait l'objet d'un avertissement le 8 juin 2018 pour ne pas avoir respecté les instructions de son supérieur qui lui avait demandé de différer une intervention que le salarié avait projetée de confier à '[P]' lequel était prévu sur une autre mission, le salarié ayant reconnu la matérialité du grief dans sa lettre d'observations. Il ressort de l'attestation de [N], supérieur hiérarchique, que contrairement à ce que prétend sans en justifier M. [Z], sa décision de faire réaliser néanmoins à [P] cette intervention jugée non urgente par sa hiérarchie n'a nullement été validée par lui.

Il est également établi que l'employeur l'a ensuite convoqué à un entretien informel qu'elle a finalement transformé en entretien préalable à un éventuel licenciement au constat affirme-t-elle de manquements réitérés du salarié.

L'avertissement litigieux reposant sur un manquement avéré et n'étant pas, par ailleurs, disproportionné, peu important à cet égard que les choses se seraient finalement 'bien passées' ainsi que le plaide l'appelant, et que le technicien ait pu mener de front ces deux missions, l'acharnement disciplinaire dénoncé n'est pas caractérisé.


4 & 5 - il suit de ce qui précède que le salarié a connu des périodes de surcharge de travail au cours des astreintes accomplies en période de canicule, générant des heures supplémentaires dont il indiquait à l'employeur dans une correspondance adressée à l'employeur qu'il ne s'était jamais plaint d'en faire, que l'employeur ne les a pas rémunérées intégralement, une créance de 3 250 euros à titre de rappel de salaire ayant été ci-avant retenue, en considérant qu'il n'intervenait pas dans le cadre de ses astreintes, au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation alors applicable.


6 - il a bénéficié de soins médicaux en août 2018 relativement à une entorse du genou avec rupture du ligament croisé antérieur, suivi d'un arrêt de travail du 4 au 26 septembre 2018, qui a donc débuté le jour de prononcé de son licenciement pour un motif qui n'est pas précisé sur l'avis d'arrêt de travail communiqué par le salarié (exemplaire destiné à l'employeur ou à Pôle-emploi).

S'il affirme produire sous pièce n°7 un certificat médical énonçant un 'syndrome d'anxiété lié au travail', la pièce en question consiste au compte-rendu de l'entretien préalable et non en une pièce médicale.


Pris dans leur ensemble, les seuls faits établis par le salarié ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement.


Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral, de sa demande de dommages-intérêts de ce chef et de nullité du licenciement.


III - Sur le licenciement


La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :


'Nous vous avons reçu le 24 août dernier pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Vous vous êtes présenté à cet entretien, assisté par M. [E], représentant du personnel.

Après mûre réflexion, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Comme rappelé lors de l'entretien préalable, vous avez été embauché au sein de notre entreprise depuis le 23 février 2017 en contrat à durée indéterminée, et occupez un poste de responsable de zone niveau F de la convention collective des travaux publics.


En premier lieu, nous avons pu constater que vous transmettiez des relevés d'heures incohérents de façon à vous faire rémunérer des heures non réalisées.

Vous aviez mis en place un système de pointage des heures supplémentaires sans justificatif ni autorisation préalable malgré les multiples rappels de votre hiérarchie de cesser ces pratiques.

Le règlement intérieur de notre société prévoit que les heures supplémentaires doivent être réalisées à la demande de la hiérarchie et que les salariés doivent respecter les horaires fixés. Dans ce sens, le 16 mai dernier, votre responsable vous indiquait que les dépassements d'horaires devaient rester exceptionnels, liés à une urgence absolue et ne jamais conduire à un dépassement de 12h dans une journée.

Pourtant vous n'hésitez pas à pointer des heures totalement extravagantes : 20h le 28 mai 2018 - 16h le 29 mai 2018 - 13h le 31 mai 2018 - 12h le 11 juin 2018 - 15h le 25 juin 2018 - 15h le 27 juin 2018...

Au mépris des demandes répétées de votre hiérarchie, durant les astreintes notamment, vous décalez vos horaires afin de vous faire rémunérer des heures de repos et pointer des heures la nuit. Comment justifier 11h de travail le 25 juin 2018. Vous indiquez avoir travaillé au bureau puis en astreinte. Il n'y a aucune justification à un tel dépassement.

Le 27 juin 2018, vous indiquez avoir réalisé une intervention de nuit pendant 4 heures. Après vérification, il s'agissait d'une intervention simple de changement de disjoncteur, pour lequel le technicien n'a pointé que 2 heures. Votre présence n'était nullement indispensable et ces heures ne sont donc pas justifiées.


Pire, alors que votre responsable vous a demandé à de très nombreuses reprises de venir au bureau pour travailler, vous refusez, indiquant que vous préférez réaliser un télétravail.

Depuis plusieurs mois en effet, les heures que vous revendiquiez avoir réalisées étaient d'un nombre tel que votre hiérarchie vous avait demandé, par écrit notamment de pouvoir en contrôler la réalité et surtout d'en évaluer la justification. Pourtant, nous vous avions indiqué qu'en cas de sortie d'astreinte, vous deviez prévenir de vos interventions au fil de l'eau et informer du temps passé. En effet, et pour rappel, votre poste ne justifie pas particulièrement de sortie, sauf problématique technique d'une extrême gravité.

Vos homologues intervenant en astreinte sur le même périmètre que le vôtre sont très loin de réaliser un nombre d'heures aussi important.

Mais vous organisez votre travail comme bon vous semble, exigeant ensuite des régularisations indues, vous montrant particulièrement pressant.

Pire, vous n'hésitez pas à vous pointer des heures supplémentaires sur des jours où nous cherchions et où les opérationnels se plaignaient de ne pas être en mesure de vous joindre. Il en va par exemple du 22 juin dernier, journée sur laquelle vous dites avoir réalisé 9 heures de travail en journée alors que nous vous avons cherché, inquiets, pour finir par vous avoir à 10h29. Il est donc impossible que vous avez réalisé ces heures.

Il en va de même pour la journée du 4 juillet pour laquelle vous n'étiez pas joignable de 14h à 16h30 alors que nous vous cherchions. Mais cette fois encore, vous disiez 'télétravailler' au mépris de la directive claire de votre responsable qui vous a demandé de travailler depuis le bureau.


Vous manquez de loyauté et générez un climat de suspicion à l'égard des membres de l'équipe.

Ainsi, lorsque vous indiquez au siège que les services administratifs se sont 'trompés' sur vos dates de congés, vous omettez de préciser qu'en réalité, vous aviez indiqué que vous étiez en maladie et que c'est pour ne pas vous pointer des congés erronés que la saisie de la semaine du 9 au 14 juillet n'avait pas été réalisée.

Vous n'avez pas répondu aux appels téléphoniques pour confirmer vos dates de maladie et n'avons reçu votre arrêt maladie du 6 juillet que le 12 juillet 2018. Si la régularisation a pris du temps du fait du système de transmission interne, il s'agissait bien pour nous d'éviter de vous pénaliser.

Sur ce point d'ailleurs, nous avons pu noter que vous nous aviez demandé de poser le 6 juillet en congés et que nous vous avions précisé que nous avions vraiment besoin de votre présence au bureau ce jour-là.

Ce n'est qu'à 10h20 le 6 juillet que, face à l'insistance de votre hiérarchie qui vous cherchait, vous indiquez que vous souffriez de migraine.

Nous avons été particulièrement surpris de voir que vous aviez cependant utilisé 42 litres d'essence entre le 5 juillet 2018 à 21h25 et le 6 juillet à 16h47 alors que vous étiez malade.

Sur ce point d'ailleurs, nous avons constaté que le plein du 5 juillet avait été fait à Donmartin à 4h de l'agence alors que vous n'aviez aucune raison professionnelles de vous vous y trouver.


Malgré l'interdiction d'utiliser le véhicule à des fins personnelles, vous avez donc détourné le véhicule de service qui vous a été confié à des fins personnelles.

Les explications que vous nous avez données lors de l'entretien ne nous ont pas convaincu.


Mais vous n'avez que faire des directives de votre hiérarchie que vous méprisez.

A titre d'illustration, le 6 août dernier, [D] [S] constatait que malgré sa consigne claire vous aviez affecté [F] [U] à une intervention le dimanche 5 août. Vous avez ainsi volontairement contourné la réglementation ainsi que les directives, sans avertir votre hiérarchie.

Invité à vous en expliquer, vous vous permettez d'indiquer que vous avez 'bien maîtrisé la situation' et qu'il 'ne serait pas inutile de rappeler les consignes pour tout le monde'. Votre désinvolture n'est plus acceptable.


C'est intolérable. Vous faites prendre des risques inconsidérés et nous ne pouvons plus vous confier l'organisation des plannings.


Vous ne vous remettez pas en question et contournez votre hiérarchie.

Le 9 août dernier encore, vous vous permettiez de marquer votre 'stupéfaction' sur les actions du cockpit alors que vous n'aviez pas suivi les processus mis en place depuis plusieurs mois mais auxquels vous refusez de vous conformer générant ainsi de graves dysfonctionnements et des tensions inutiles.

Vous êtes ingérable et votre hiérarchie ne peut plus vous confier de mission tant vous refusez son autorité légitime.


Il résulte de ce qui précède que, malgré les nombreux rappels à l'ordre de la part de votre hiérarchie, votre conduite et vos erreurs, qui témoignent d'un manque de professionnalisme et d'honnêteté troublent l'avancée de nos réalisations en bouleversant l'économie des chantiers qui vous sont confiés.

Vous ne vous remettez jamais en question, refusez toutes les directives, pointez des heures non réalisées...

Ainsi, les manquements dont vous faites preuve sont tels qu'ils sont incompatibles avec la poursuite de la mission.

Lors de notre entretien, vous avez demandé la transmission de différents mails afin de vous permettre d'apporter les justifications utiles aux différents griefs évoqués.

En réalité, le document que vous nous avez transmis ne fait que renforcer notre conviction que vous réalisiez votre planning au gré de vos envies, au mépris des directives de votre hiérarchie, pointant des heures indues. Nous constatons en effet que vous n'hésitez pas à indiquer 'pointer du repos-compensateur en heures supplémentaires' pour avoir répondu à un appel. Vous comptez un nombre extravagant d'heures considérant être en temps de travail effectif dès le premier appel de l'astreinte, jusqu'au dernier, quand bien même vous n'intervenez pas.

Vous contournez l'organisation mise en place, modifiez toute la chaîne de gestion des interventions, participant aussi à des tâches qui ne relèvent pas de votre mission.


Vous faites en outre état d'un arrangement avec votre responsable pour télétravailler. Si vous avez pu ponctuellement travailler depuis votre domicile, votre responsable n'a cessé depuis de nombreux mois de vous demander de travailler depuis l'agence. Nous notons par ailleurs que vous indiquez qu'il existerait un accord d'entreprise en ce sens, ce qui est inexact...

En réalité, sous couvert de demander une certaine souplesse ponctuelle pour votre organisation personnelle, vous avez remis en cause l'organisation de l'activité et empêché tout contrôle de votre travail et de la réalité de votre temps de travail effectif. Pire, vous contournez également les règles, pour les membres de l'équipe, malgré les directives claires de votre hiérarchie.

Votre refus de vous conformer aux règles et votre incapacité totale de vous remettre en question et d'accepter le dialogue constructif empêchent votre maintien dans l'entreprise.

Dès lors, après rééxamen de votre dossier personnel et en considération des griefs qui vous sont reprochés, nous avons conclu que les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de notre entreprise, même pendant le temps du préavis.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis ni de licenciement'.


M. [Aa] conteste l'ensemble des griefs qui lui sont faits, la prétendue déclaration abusive de ses heures de travail, le fait d'avoir utilisé le véhicule de société à des fins personnelles ou encore d'avoir fait preuve d'insubordination.


Aux termes de ses conclusions, l'employeur soutient rapporter la preuve des manquements du salarié à son obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail et de son insubordination caractérisée.


Selon l'article L. 1235-1 du code du travail🏛, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.


La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.


Tout en concédant qu'en raison de la nature de ses missions contractuelles le salarié disposait d'une certaine latitude d'actions, afin notamment de répondre aux demandes urgentes des clients et d'optimiser les équipes techniques, la société reproche à M. [Aa] d'avoir abusé de l'autonomie que lui conférait ses fonctions.


En ce qui concerne la réclamation au titre des heures supplémentaires, M. [Aa] reprend dans le détail les astreintes des 28, 29 et 31 mai, 25 et 27 juin 2018, ainsi que la journée du 4 juillet pour laquelle l'employeur lui reproche de ne pas avoir été joignable de 14 à 16H30.


Alors que la cour retient l'accomplissement par le salarié d'heures supplémentaires durant ses périodes d'astreinte non intégralement rémunérées, le grief fondé sur les déclarations abusives de ses heures de travail n'est pas caractérisé, quand bien même l'intégralité des heures déclarées par le salarié n'est pas retenue, observation complémentaire faite que l'employeur s'est abstenu de mettre en place un décompte détaillé des périodes d'astreinte lui permettant d'apprécier finement l'activité concrète menée par ces responsables de zone durant ces périodes.


Dans le contexte avéré de surcharge d'activité des techniciens de maintenance et des difficultés de disponibilité en raison des horaires hebdomadaires qu'ils accomplissaient, la société ne saurait sérieusement reprocher à M. [Aa] d'avoir pris l'initiative de se rendre durant ses astreintes de nuit sur le terrain afin d'assister M. [M], confronté à un chantier que ce dernier estimait non sécurisé, et de livrer le climatiseur à M. [Ae], au motif que de telles interventions relevaient en principe de simples techniciens, rappel fait que le RZM d'astreinte disposait d'un camion contenant du matériel afin de pouvoir intervenir en cas de nécessité sur des chantiers, observation faite que le seul fait que le compte-rendu renseigné par M. [Ae] ne fasse pas état de l'intervention du RZM ne suffit à écarter celle-ci.


Si la société justifie que sa hiérarchie lui avait demandé de prévenir de son heure de reprise d'activité lorsqu'il est d'astreinte afin qu'elle puisse avoir une vision de ses heures (courriel de M. [N] du 28 juin 2018), elle n'établit pas pour autant que le salarié aurait sciemment entretenu une opacité dans la réalisation de ses heures d'intervention d'astreinte.


Entre le salarié qui comptait largement ses heures de travail durant ses astreintes entre le premier et le dernier appel ou, exceptionnellement, le retour d'intervention, sans tenir compte des périodes d'accalmie, et la société qui entendait en limiter le décompte aux seules interventions qu'elle estimait légitimes, le débat opposant les parties sur la détermination de la créance salariale de Aa. [Z] au titre de ces astreintes ne saurait caractériser une exécution déloyale du contrat et de manière plus générale une faute de la part du salarié. Ainsi, la cour ne saurait suivre l'employeur dans son argumentation selon laquelle le fait pour le salarié de ne pas déduire de l'amplitude horaire déclarée pour la nuit du 30 au 31 mai le temps qui s'est écoulé entre 23H40 et 00H29, représentant tout au plus 40 minutes, pendant lequel il n'a pas émis d'appel téléphonique démontrerait le caractère mensonger de son décompte.


Il suit de ce qui précède que l'employeur a procédé à une mauvaise analyse des périodes d'astreinte auxquelles le salarié était soumis durant les périodes de canicule et que celui-ci était partiellement fondé en sa demande de rappel d'heures supplémentaires de sorte que les griefs formulés relativement à la transmission d'horaires injustifiés et de réclamation considérée, au moins partiellement, mensongères par l'employeur, ne sauraient être retenus.


La société reproche par ailleurs au salarié d'avoir utilisé à des fins personnelles le véhicule de service mis à disposition et en veut pour preuve le fait que le salarié a sollicité le remboursement au titre de ses frais professionnels d'une facture de carburant supportée un jour de repos.

De ce chef, le salarié objecte avoir simplement commis une erreur en sollicitant le remboursement de cette facture dont il affirme qu'elle concernait un achat de carburant pour son véhicule personnel lors d'un déplacement privé.

L'utilisation du véhicule professionnel à des fins privés au mépris des dispositions du règlement intérieur n'est pas avéré.


Il ne ressort pas de la lettre de licenciement que la société a fait grief à son salarié d'avoir prétendu faussement avoir eu une migraine le vendredi 6 juillet 2018 afin de prendre finalement une journée de repos que l'employeur lui avait refusée quelques jours auparavant et se rendre finalement le même jour à 400 kilomètres du siège de l'entreprise pour des raisons personnelles.


Relativement au télétravail, il est établi que la hiérarchie en avait accepté le principe à la demande conjointe de M. [Af] et de M. [Aa] et il n'est caractérisé nul abus dans la prise de journée de télétravail.


En ce qui concerne la matinée du 22 juin 2018, pour laquelle l'employeur établit que M. [Aa] a été injoignable de 8H30 à 10H15, horaires déclarés travaillés par le salarié, ce dernier ne fournit aucune explication. À ce titre le grief est avéré.


En ce qui concerne l'après-midi du 4 juillet, M. [Aa] objecte avoir été confronté à une panne internet et produit l'attestation d'un de ses collègues qui certifie avoir été contacté par le salarié pour le remplacer temporairement pour ce motif, ainsi qu'une demande d'intervention à son prestataire internet. Au bénéfice du doute qui profite au salarié, le manquement reproché à ce titre au salarié n'est pas démontré.


Demeure le grief reposant sur le fait que le salarié a missionné un salarié au mépris des instructions contraires données par sa hiérarchie le 5 août 2018.


Il est établi que dans un contexte de forte activité et alors qu'il appartenait à l'entreprise d'assurer la continuité de ses services tout en garantissant à ses techniciens le respect des durées maximales de travail hebdomadaire et des durées de repos et donc de leur santé, M. [Aa] a missionné le 5 août M. [U] sur une intervention alors que ce dernier était censé être de repos en lieu et place de [O].


À juste titre, le salarié souligne que M. [O] était positionné sur le planning final des salariés disponibles comme étant en repos les samedi 4 et dimanche 5 août. Si l'employeur objecte qu'il était disponible pour la nuit du 5 au 6 août, la société ne précise pas à quelle heure l'intervention litigieuse devait être et a été réalisée, privant ainsi son observation de pertinence.


En outre, M. [Aa] qui explique sans être contredit sur ce point par l'employeur que M. [Ag] n'avait pas travaillé le samedi 4, contrairement à ce qui avait été initialement programmé, justifie avoir proposé à son supérieur de recourir éventuellement à ses services le dimanche 5, ce à quoi M [S] avait répondu : 'demain il y a déjà 2 frigo. Donc non sur le principe. Après si c'est le bazar on verra. On en reparle ce soir'.


Compte tenu du contexte de suractivité (cf. Le message de M. [S] du 6 août sur la semaine d'astreinte accomplie par M. [Aa]) et la possibilité de recourir à M. [Ag] n'ayant pas été exclue en cas de besoin et dans l'ignorance de l'heure de l'intervention litigieuse, au bénéfice du doute, il sera jugé que l'insubordination reprochée au salarié n'est pas caractérisée.


En définitive, il sera jugé que le seul manquement établi, à savoir le fait que le salarié n'était pas joignable pendant près de deux heures le 22 juin 2018, ne constitue pas, nonobstant la validité de l'avertissement notifié précédemment, une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement sera infirmé sur ce point.


IV - Sur l'indemnisation du licenciement injustifié :


Au jour de la rupture, M. [Aa] âgé de 33 ans bénéficiait d'une ancienneté de 1 an et 6 mois au sein de la société Snef Télécom qui employait plus de dix salariés. Il percevait un salaire mensuel brut de 3 737 euros.


À titre subsidiaire, la société ne conteste pas les montants des sommes sollicitées par M. [Aa] au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement. Ses réclamations seront donc accueillies conformément à ses conclusions.


La salariée peut prétendre, enfin, à des dommages et intérêts au titre du caractère injustifié du licenciement.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, M. [Aa] peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut.


Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛 n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛 sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l'article 4 de cette même Convention, qui prévoit qu'un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, puisque précisément l'article L.1253-3 sanctionne l'absence de motif valable de licenciement.


En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛.


le salarié justifie s'être inscrit à Pôle-emploi et avoir été indemnisé au titre de l'allocation de retour à l'emploi d'octobre 2018 à janvier 2019.


Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 5 000 euros bruts.


V - Sur le caractère vexatoire du licenciement


M. [Aa] reproche à l'employeur d'avoir adressé un courriel à l'intégralité des salariés de la société Snef avant l'entretien préalable qu'il qualifie de particulièrement vexatoire à son égard ainsi libellé : « Des événements graves nous ont poussé à suspendre de ses fonctions votre RZM [Y] [Aa] ». Il ajoute qu'il s'est vu refuser l'accès à tous ses outils professionnels et encore que la société ne pouvait ignorer le caractère parfaitement injustifié de son licenciement.


La société objecte qu'aucun propos vexatoire n'a été tenu à l'égard du salarié.


Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.


Ni le message litigieux, ni les effets de la mesure de mise à pied conservatoire prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision, ne présente un caractère vexatoire ni humiliant. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Aa] de ce chef.


VI - Sur le manquement à l'obligation de sécurité :


Au soutien de sa demande indemnitaire, M. [Aa] fait valoir qu'il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, ce qui l'a conduit à ne pas bénéficier des repos minimaux hebdomadaires et journaliers, et ce, en raison d'une surcharge de travail généralisée au sein de la société Snef.


La société intimée qui indique que les supérieurs hiérarchiques l'ont sensibilisé à la nécessité de respecter ces dispositions ne démontre pas l'existence d'un préjudice qui trouverait sa cause dans le manquement lié au dépassement des durées maximales de travail.


Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail🏛 relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail🏛🏛, qui incombe à l'employeur.


Faute pour l'employeur de justifier du respect de ces prescriptions, il sera condamné à indemniser le salarié de ce chef à hauteur de 500 euros à titre de dommages-intérêts.


Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil🏛🏛 prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.


La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.



PAR CES MOTIFS


La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,


Infirme le jugement en ce qu'il a, d'une part, débouté M. [Aa] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, d'autre part, jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté de ses demandes financières subséquentes et, enfin, débouté M. [Aa] de sa demande d'indemnisation pour manquement à l'obligation de sécurité,


Statuant à nouveau de ces chefs,


Condamne la société Snef Télécom à verser à M. [Aa] la somme de 3 250 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 325 euros bruts au titre des congés payés afférents,


Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,


Condamne la société Snef Télécom à verser à M. [Aa] les sommes suivantes :


- 3 737 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 373 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 401,37 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 5 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,


Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,


Confirme le jugement pour le surplus,


Condamne la société Snef Télécom à verser à M. [Aa] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens.


- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,

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