Jurisprudence : CE Contentieux, 24-11-1982, n° 28274

CE Contentieux, 24-11-1982, n° 28274

A0145ALX

Référence

CE Contentieux, 24-11-1982, n° 28274. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/933564-ce-contentieux-24111982-n-28274
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 28274

Société Etablissements Bender

Lecture du 24 Novembre 1982

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 8ème Sous-Section


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 21 novembre 1980 et 16 janvier 1981, présentés pour la société Etablissements Bender, dont le siège est 128 rue de Turenne à Paris (IIIème), représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) annule le jugement du 6 octobre 1980 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi de sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour la période comprise entre le 1er janvier 1971 et le 30 juin 1973, a ordonné, avant-dire-droit, une expertise ayant pour objet, compte tenu des documents produits tant par elle-même que par l'administration: a) de fournir au tribunal tous éléments susceptibles de lui permettre de déterminer, d'une part, s'il a existé une collusion entre la société Bender et l'une ou plusieurs des entreprises Sogexcom, Chic de Toujours, Chiquebo, Balint, Rakic, de nature à établir l'existence de factures fictives ou de complaisance dont elle n'aurait pu ignorer la nature, d'autre part, dans l'affirmative, les avantages financiers retirés de cette collusion; b) d'évaluer le montant des affaires effectivement réalisées, compte tenu, s'il y a lieu, de celles, éludées, soit imputables à des opérations visées au a), soit résultant de toute autre constatations telles que discordance entre produits achetés et revendus, marge bénéficiaire anormale, enrichissement des associés directement lié à l'exploitation de la société; 2°) lui accorde immédiatement la décharge des impositions litigieuses;


Vu le code général des impôts;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977.

Considérant que la société à responsabilité limitée "Etablissements Bender", qui exploite à Paris un fonds de commerce de fabrication et de vente en gros de vêtements féminins, a fait l'objet en mai et juin 1975 d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration lui a notifié son refus d'admettre en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au cours de la période comprise entre le 1er janvier 1971 et le 31 décembre 1973 les taxes portées sur un certain nombre de factures de travaux à façon, au motif que ces dernières ne correspondaient pas à des prestations réellement fournies; qu'en conséquence, la société a été assujettie à une imposition supplémentaire correspondant au montant des taxes que l'administration a regardées comme indûment déduites;

Considérant que, pour contester devant le tribunal administratif le principe même de ces impositions, la société a soutenu que les factures litigieuses correspondaient, pour la totalité de leur montant, à des prestations effectivement fournies et que, si elles émanaient d'entreprises qui avaient pu se livrer à des activités de "facturier" pour le compte d'ateliers de confection "clandestins", ces entreprises n'en avaient pas moins une activité réelle et importante; que, dans ces conditions, la société n'avait pas été en mesure de vérifier, lorsqu'elle faisait exécuter des travaux à façon par des ateliers de confection seréclamant de ces entreprises, si les travaux en question étaient effectivement exécutés pour le compte de ces dernières ou si celles-ci ne servaient, en réalité, que de paravent à des sous-traitants indépendants exerçant leur activité dans des conditions irrégulières; que la société a soutenu qu'en tout cas, aucune collusion entre elle-même et les entreprises dont s'agit n'avait été établie; que, de son côté, l'administration a maintenu que la société "Etablissements Bender", qui était en relations suivies avec les auteurs des factures contestées, n'avait certainement pas ignoré les activités irrégulières auxquelles ceux-ci se livraient; qu'ainsi, même si elles se rapportaient à des prestations effectivement fournies, les factures contestées ne pouvaient avoir aucune valeur probante quant au coût de ces prestations et que, dès lors, en vertu de l'article 223-1 de l'annexe II au code général des impôts, les taxes mentionnées sur ces factures ne pouvaient faire l'objet d'aucune déduction;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a ordonné, avant-dire-droit, une expertise ayant notamment pour objet de lui fournir tous éléments susceptibles de lui permettre de déterminer, d'une part, s'il a existé une collusion entre la société Bender et l'une ou plusieurs des entreprises susmentionnées de nature à établir l'existence de factures fictives ou de complaisance dont la société n'aurait pu ignorer la nature, d'autre part et dans l'affirmative, les avantages financiers retirés de cette collusion;

Considérant, en premier lieu, que, si l'administration n'a pas rapporté devant les premiers juges la preuve du caractère fictif ou de complaisance de l'ensemble des factures litigieuses, non plus que de la collusion entre la société Bender et les entreprises émettrices, elle se prévalait en ce sens d'éléments de présomption de nature à justifier une mesure d'instruction; qu'il suit de là qu'en ne s'estimant pas suffisamment informé pour statuer en l'état et en ordonnant en conséquence une expertise, le tribunal administratif ne peut pas être regardé comme ayant prescrit une mesure inutile et frustratoire, ni comme ayant mis à la charge de la requérante une preuve qui ne lui incombe pas;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'imposition contestée a été établie selon la procédure de redressement prévue à l'article 1649 quinquies A du code général des impôts; qu'ainsi le moyen tiré par la société requérante de ce que, en l'absence de graves irrégularités relevées dans sa comptabilité, l'administration aurait illégalement utilisé à son égard la procédure de rectification d'office est sans portée;

Considérant, en troisième lieu, que, si le tribunal administratif n'a pas expressément mentionné la période à laquelle se rapportent les faits que les experts auront pour mission d'examiner, il ressort cependant sans ambiguïté du jugement attaqué que cette période est celle au titre de laquelle a été établie l'imposition supplémentaire litigieuse;

Considérant, enfin, qu'il appartenait au tribunal administratif de demander aux experts, pour le cas où ils concluraient à l'existence de factures fictives ou de complaisance, d'évaluer le montant des taxes irrégulièrement déduites de ce fait par la société et de préciser les éléments dont les experts pourraient utilement tenir compte dans cette évaluation, mais qu'en demandant aux experts de procéder à l'examen d'éléments tels que "discordance entre produits achetés et revendus", "marge bénéficiaire anormale", "enrichissement des associés directement lié à l'exploitation de la société", le tribunal a prescrit des mesures qui étaient sans rapport avec le seul litige dont il était saisi et qui concerne le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société requérante; qu'il y a lieu, pour ce motif, de rectifier la mission confiée aux experts par la tribunal administratif.

DECIDE

ARTICLE 1er - L'article 1er du jugement susvisé du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 1980 est remplacé par les dispositions suivantes: "

Article 1er - Il sera par trois experts, ou par un seul si les parties y consentent, procédé en leur présence ou elles dûment appelées, à une expertise ayant pour objet, compte tenu des documents produits tant par la société que par l'administration: 1°) de fournir au tribunal tous éléments susceptibles de lui permettre de déterminer s'il a existé une collusion entre la société "Etablissements Bender" et l'une ou plusieurs des entreprises Sogexcour, Chic de Toujours, Chiquebo, Balint, Rakic, de nature à établir l'existence de factures fictives ou de complaisance dont la société requérante n'aurait pu ignorer la nature; 2°) dans l'affirmative, évaluer le montant des taxes que ladite société aurait indûment déduites de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable, au cours de la période comprise entre le 1er janvier 1971 et le 31 décembre 1973".

ARTICLE 2 - Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée "Etablissements Bender" est rejeté.

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