Jurisprudence : CE 7/8 SSR, 09-03-1983, n° 27230

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 27230

Ministre du budget
contre
Société anonyme "clinique du Sacré Coeur"

Lecture du 09 Mars 1983

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 7ème Sous-Section


Vu le recours du ministre du budget, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 septembre 1980, tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) annule le jugement, en date du 28 avril 1980, par lequel le tribunal administratif de Nantes a accordé à la société anonyme "clinique du Sacré Coeur", la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour la période du 1er septembre 1969 au 31 octobre 1974 par un avis du mise en recouvrement du 17 juin 1975; 2°) remette intégralement à la charge de la société anonyme "clinique du Sacré Coeur" l'imposition contestée et les pénalités correspondantes;


Vu le code général des impôts;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977.

Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au cours de la période d'imposition: "Sont également passibles de la taxe sur la valeur ajoutée: ... 8° les opérations que les redevables réalisent pour leurs besoins ou pour ceux de leurs exploitations. Un décret en Conseil d'Etat... limite l'imposition des livraisons à soi-même aux seuls cas dans lesquels l'absence d'imposition entraînerait une inégalité dans les conditions de la concurrence"; qu'aux termes de l'article 174 de l'annexe II à ce code, pris sur le fondement des dispositions précitées: "Les opérations visées à l'article 257-8°: ... sont celles que les redevables réalisent... pour leurs besoins ou ceux de leurs exploitations"; qu'aux termes de l'article 175 de la même annexe: "Sous réserve des dispositions de l'article 176, les livraisons a soi-même visées à l'article 174 sont soumises... à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles portent sur les opérations suivantes: ... façonnage ou transformation de biens, produits ou marchandises..."; qu'aux termes de l'article 176 de la même annexe: "En ce qui concerne les biens ne constituant pas des immobilisations et les services, l'imposition des opérations mentionnées à l'article 175 est limitée aux cas suivants: a) la livraison à soi-même concourt à... la production d'un bien ou à la prestation d'un service exclus du droit à déduction..."; qu'est notamment exclue du droit à déduction, aux termes de l'article 239 de la même annexe, "la taxe afférente aux dépenses engagées pour la satisfaction des besoins individuels des dirigeants et du personnel des entreprises, et notamment celle afférente aux frais... de restaurant...";

Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées que l'avantage en nature consenti par les redevables de la taxe sous la forme de fourniture gratuite de repas à des membres de leur personnel a le caractère d'une livraison à soi-même, que cette livraison est imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de sa valeur, que sur cette imposition peut être imputée la taxe qui a grevé les achats des denrées et boissons utilisées pour la préparation des repas, qu'enfin ladite imposition n'est pas déductible de la taxe dont l'entreprise est redevable à raison de ses propres opérations;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux principes qui, en vertu du 8° de l'article 258 précité du code général des impôts, régissent l'imposition des livraisons à soi-même, les repas gratuits fournis à des membres du personnel d'une entreprise doivent être imposés dans les mêmes conditions que des ventes à consommer sur place, qu'il y a lieu, par suite, de leur appliquer le taux intermédiaire prévu au 2-d de l'article 280 de ce code, dès lors que ces repas ne peuvent pas être regardés en l'espèce comme servis dans une "cantine d'entreprise" et qu'ainsi les dispositions du a-bis de l'article 279 du code général des impôts ne leur sont pas applicables;

Considérant qu'il est constant que, durant la période d'imposition litigieuse, qui s'étend du 1er septembre 1969 au 31 octobre 1974, la société anonyme "clinique du Sacré Coeur", qui a pour objet l'exploitation d'une clinique chirurgicale à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), préparait, avec des denrées et boissons qu'elle achetait, des repas qui, pour la plus large part, étaient servis aux malades et aux membres de son personnel moyennant rémunération et qui, pour le surplus, étaient consommés gratuitement sur place par les cuisiniers; que, durant cette période, elle n'a pas acquitté la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable, pour les motifs énoncés plus haut, à raison de la livraison à soi-même des repas fournis gratuitement aux cuisiniers; que, corrélativement, elle n'a pas compris dans ses droits à déduction le montant de la taxe ayant grevé l'achat de denrées et boissons réputées utilisées pour la préparation de ces repas; que, faute de connaître le montant exact des droits à la déduction desquels elle estimait devoir renoncer à ce titre, elle les a déterminés en appliquant un taux de 9 % à la valeur, évaluée forfaitairement selon les règles applicables en matière de sécurité sociale, des repas fournis gratuitement; que, pour établir l'imposition supplémentaire dont le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement frappé d'appel par le ministre du budget, prononcé la décharge, l'administration a appliqué le taux intermédiaire de la taxe à la valeur des repas gratuits, mais a déduit de la somme ainsi obtenue le montant des taxes, calculées comme il a été dit, que la société avait exclues de ses droits à déduction;

Considérant que, dès lors qu'en l'espèce, ni l'administration, ni le contribuable ne contestent la manière dont a été fixée la valeur des repas fournis gratuitement, l'imposition litigieuse repose, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, sur une exacte application des règles qui découlent des dispositions précitées du code général des impôts et de l'annexe II audit code;

Considérant que, devant le tribunal administratif, comme d'ailleurs elle persiste à le faire dans sa défense devant le Conseil d'Etat, la société se prévalait, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, de l'interprétation qu'a donnée l'administration de ces dispositions et qui, selon elle, serait méconnue par le redressement auquel il a été procédé; qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur ce point ainsi que sur l'autre moyen invoqué par la société devant le tribunal administratif;

Considérant, d'une part, que, le désaccord entre la société et l'administration fiscale ne portant sur aucune question de fait, la société n'est pas fondée à soutenir que la commission départementale aurait dû être consultée;

Considérant, d'autre part, que, si le ministre a fait connaître, notamment à l'occasion d'une réponse à la question écrite d'un député, le 26 novembre 1969, que "les repas fournis gratuitement au personnel à titre de complément de salaire... ne sont pas soumis à l'imposition", il a assorti cette indication de deux précisions, l'une selon laquelle, par voie de conséquence, "l'employeur doit reverser la taxe ayant grevé les denrées utilisées à la préparation des repas et dont il a opéé la déduction", l'autre selon laquelle "le calcul de cette taxe pouvant présenter des difficultés, le redevable est autorisé à acquitter la taxe au taux intermédiaire sur le prix du repas évalué selon les règles prévues pour l'application du régime de sécurité sociale des salariés";

Considérant qu'en l'espèce, la première des deux modalités de calcul de l'impôt ainsi envisagée ne pouvait pas être valablement utilisée par la société dès lors que celle-ci n'était pas en mesure de déterminer le montant exact de la taxe ayant grevé les achats de denrées et boissons spécialement destinées aux repas consommés par les cuisiniers et qu'il résulte de l'instruction que la méthode forfaitaire qu'elle a cru pouvoir utiliser pour y parvenir ne peut pas être regardée comme exprimant la réalité avec une approximation suffisante; qu'en conséquence seule la seconde des deux modalités de calcul pouvait être appliquée; que c'est précisément celle sur laquelle repose l'imposition litigieuse; que celle-ci ne peut donc pas être regardée comme établie en méconnaissance des prescriptions de l'article 1649 quinquies E du code;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a accordé à la société anonyme "clinique du Sacré Coeur" la décharge de l'imposition supplémentaire litigieuse.

DECIDE

Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 28 avril 1980 est annulé.

Article 2 - L'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que l'indemnité de retard auxquelles la société anonyme "clinique du Sacré Coeur" a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 1969 au 31 octobre 1974 par avis de mise en recouvrement du 17 juin 1975 sont remises intégralement à sa charge.

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