Jurisprudence : CE Contentieux, 09-12-1987, n° 25244

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 25244

Compagnie générale des goudrons et bitumes

Lecture du 09 Decembre 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 juillet 1980 et 21 avril 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Compagnie Générale des Goudrons et Bitumes (C.G.G.B.), dont le siège est 78 rue Jean Jacques Rousseau à Paris (75001), représentée par son Président en exercice domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : °1 annule le jugement en date du 16 avril 1980 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat français soit condamné à l'indemniser du préjudice que lui a causé la perte, en 1939, d'une cargaison de 980 tonnes de goudron, °2 condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 650 000 F augmentée des intérêts,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord de Londres du 27 février 1953 publié en exécution du décret du 10 octobre 1953 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Roger, avocat de la COMPAGNIE GENERALE DES GOUDRONS ET BITUMES, - les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'appui de sa requête tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait du détournement en 1939 d'une cargaison de 980 tonnes de goudron lui appartenant, de sa vente par les autorités allemandes et de l'impossibilité où elle s'est trouvée de recouvrer le prix de ces marchandises, la compagnie générale des goudrons et bitumes invoque, d'une part, des fautes que l'Etat aurait commises à son égard, d'autre part la rupture, à son détriment, du principe d'égalité devant les charges publiques ;
Sur les moyens tirés de fautes commises par l'Etat à l'égard de la Compagnie requérante :
Considérant qu'en admettant que la créance détenue sur l'Allemagne par la Compagnie requérante soit au nombre des "obligations pécuniaires non contractuelles devenues liquides et exigibles avant le 8 mai 1945" qu'en vertu de l'article 4 de l'accord sur les dettes extérieures allemandes signé à Londres le 27 février 1953, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne s'engageait à régler, il ne résulte pas de l'instruction que l'impossibilité où la Compagnie s'est trouvée de faire valoir les droits qu'elle prétend tenir de cet accord soit imputable à une carence fautive de l'administration ; que, si la compagnie soutient que le gouvernement aurait dû provoquer la réunion du tribunal d'arbitrage institué par l'article 29 de l'accord de Londres, ce moyen soulève une question qui, se rattachant à l'exercice des pouvoirs du Gouvernement dans les relations internationnales échappe au contrôle de la juridiction administrative ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a fourni à la compagnie aucun renseignement susceptible de l'iduire en erreur sur ses chances d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ; qu'en particulier, aucune assurance sur l'éventualité du vote d'une disposition législative permettant cette indemnisation ne lui a été donnée ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle aurait été conduite à s'abstenir de faire valoir ses droits devant l'administration et les tribunaux de la République Fédérale d'Allemagne en raison d'indications erronées qui lui auraient été données par l'administration et que la responsabilité de l'Etat serait engagée à son égard de ce fait ;
Sur les moyens tirés d'une rupture du principe d'égalité devant les charges publiques :
Considérant que l'article 5 paragraphe 2 de l'accord du 27 février 1953 approuvé par décret du 10 octobre 1953 et publié au Journal Officiel de la République française du 27 octobre 1953 diffère "jusqu'au règlement définitif du problème des réparations, l'examen des créances issues de la seconde guerre mondiale des pays qui ont été en guerre avec l'Allemagne (....) et des ressortissants de ces pays à l'encontre du Reich (.....)" ; que la Compagnie soutient qu'en signant un accord qui retarde le règlement de sa créance, l'Etat a méconnu à son détriment le principe d'égalité devant les charges publiques ;
Considérant que si la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d'autres Etats et incorporées régulièrement dans l'ordre juridique interne, cette réparation est notamment subordonnée à la condition que le préjudice invoqué présente un caractère spécial ; qu'eu égard à la généralité des accords susmentionnés et au nombre des ressortissants français victimes de dommages analogues à celui qu'allègue la Compagnie requérante celui-ci ne peut être regardé comme présentant un caractère spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat envers ladite Compagnie ; Considérant, enfin, qu'en limitant la réparation par l'Etat des dommages de guerre aux dommages subis par des personnes physiques, les lois des 28 octobre 1946 et 3 avril 1955 ont entendu exclure la réparation des dommages subis par des personnes morales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article ler : La requête de la Compagnie Générale des Goudrons et Bitumes est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Compagnie Générale des Goudrons et Bitumes (C.G.G.B.) et au ministre des affaires étrangères.

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