Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 24-01-2023, n° 450834, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 24-01-2023, n° 450834, mentionné aux tables du recueil Lebon

A08619A7

Référence

CE 3/8 ch.-r., 24-01-2023, n° 450834, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92630642-ce-38-chr-24012023-n-450834-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

03-03-06 1) Il résulte des articles 59 du règlement (UE) n° 1306/2013 du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune (PAC) et 24 du règlement d’exécution (UE) n° 809/2017 de la Commission du 17 juillet 2014 que l’acceptation par le demandeur des contrôles sur place effectués par l’autorité administrative, notamment au titre de la conditionnalité des aides, fait partie intégrante des engagements et obligations relatifs aux conditions d’octroi des aides agricoles versées au titre de la politique agricole commune prévus par le droit de l’Union européenne. ...Dans ces conditions, la décision portant réduction de la totalité des paiements directs octroyés ou à octroyer, prise en cas de refus d’un contrôle au sens du dernier alinéa de l’article D. 615 59 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), ne revêt pas un caractère punitif car elle a pour seule portée d’entrainer le reversement d’une aide indûment perçue. ...2) Ainsi, elle ne peut être regardée comme constituant une sanction prononcée à l’encontre d’un agriculteur dont la contestation relèverait de l’office du juge de plein contentieux.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 450834

Séance du 16 novembre 2022

Lecture du 24 janvier 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) A a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mars 2017 par laquelle la préfète de Maine-et-Loire lui a appliqué un taux de réduction de 100 % sur les aides directes perçues dans le cadre de la politique agricole commune au titre de la campagne 2016, ainsi que la décision du 16 mai 2017 de la même autorité rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1706292 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions.

Par un arrêt n° 19NT01466 du 22 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes⚖️ a, sur appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, annulé ce jugement et rejeté la demande de la SCEA A.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 14 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCEA A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1306/2013⚖️ du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société A ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 mars 2017, la préfète de Maine-et-Loire a indiqué à la SCEA A qu'un taux de réduction de 100 % serait appliqué à l'ensemble des aides soumises aux règles de conditionnalité prévues par la politique agricole commune perçues par cette dernière pour la campagne 2016, compte tenu du refus opposé par son gérant M. B A au contrôle de son exploitation envisagé le 21 décembre 2016 par les services de la direction départementale des territoires de Maine-et-Loire en matière de respect des exigences réglementaires dans le domaine de la protection des espèces végétales et animales et de leurs habitats ainsi que de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Par une décision du 16 mai 2017, la préfète de Maine-et-Loire a rejeté le recours gracieux formé par la SCEA A à l'encontre de sa décision du 3 mars 2017. La SCEA A a saisi le tribunal administratif de Nantes, qui a annulé ces deux décisions par un jugement du 17 janvier 2019. Par un arrêt du 22 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, a annulé ce jugement et rejeté les conclusions de la demande de première instance de la SCEA A. Celle-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 59 du règlement (UE) n° 1306/2013⚖️ du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune : " 1. Le système mis en place par les États membres conformément à l'article 58, paragraphe 2, comprend, sauf disposition contraire, le contrôle administratif systématique de toutes les demandes d'aide et de toutes les demandes de paiement. Des contrôles sur place s'ajoutent à ce système. / () 7. Une demande d'aide ou une demande de paiement est rejetée si le bénéficiaire ou son représentant empêche la réalisation d'un contrôle sur place, sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles ". L'article 63 du même règlement dispose que " 1. Lorsqu'il est constaté qu'un bénéficiaire ne respecte pas les critères d'admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d'octroi de l'aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l'aide n'est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l'article 21 du règlement (UE) n° 1307/2013⚖️ ne sont pas alloués ou sont retirés ". Aux termes de l'article 24 du règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013⚖️ du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité : " 1. Les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace : / () c) des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité ". Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime🏛 : " En cas de refus d'un contrôle conduit au titre de la conditionnalité, le taux de réduction des aides soumises aux règles de conditionnalité prévues par la politique agricole commune est fixé à 100 % ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que l'acceptation par le demandeur des contrôles sur place effectués par l'autorité administrative, notamment au titre de la conditionnalité des aides, fait partie intégrante des engagements et obligations relatifs aux conditions d'octroi des aides agricoles versées au titre de la politique agricole commune prévus par le droit de l'Union européenne. Dans ces conditions, la décision portant réduction de la totalité des paiements directs octroyés ou à octroyer, prise en cas de refus d'un contrôle au sens du dernier alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime🏛, ne revêt pas un caractère punitif car elle a pour seule portée d'entrainer le reversement d'une aide indûment perçue. Ainsi, elle ne peut être regardée comme constituant une sanction prononcée à l'encontre d'un agriculteur dont la contestation relèverait de l'office du juge de plein contentieux. Par suite, en statuant sur ce litige comme juge de l'excès de pouvoir, la cour n'a ni méconnu son office ni entaché son arrêt d'une erreur de droit.

4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt de la cour que le gérant de la société requérante avait été informé par un courrier du directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire du 29 novembre 2016 qu'un contrôle sur place de l'exploitation était prévu le 6 décembre 2016, que M. A avait, par un courriel du 5 décembre suivant, demandé que les services le recontactent, qu'un nouveau contrôle, annoncé à M. A par courriel du 20 décembre l'invitant à indiquer s'il acceptait ou refusait le contrôle, avait été programmé le 21 décembre 2016 et qu'enfin ce dernier avait alors fait savoir par retour de courriel qu'il refusait ce contrôle. En estimant que l'ensemble de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, ne pouvaient conduire à regarder la SCEA A comme ayant pris toute mesure pouvant raisonnablement être requise de sa part pour garantir que le contrôle sur place envisagé pour l'année 2016 se réalise intégralement, en relevant que la requérante n'avait justifié ni de circonstances exceptionnelles au sens du 7 de l'article 59 du règlement (UE) n° 1306/2013⚖️, ni que son gérant aurait été confronté à un cas de force majeure et en jugeant en conséquence que la préfète de Maine-et-Loire avait pu estimer que l'attitude de la SCEA A caractérisait un refus de contrôle au sens du dernier alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime🏛, la cour n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.

5. En dernier lieu, dès lors que la décision prise sur le fondement du dernier alinéa de l'article D. 615-59 ne peut être regardée comme une sanction et que l'autorité administrative se borne ainsi à appliquer, sans disposer d'aucune faculté de modulation, un taux de réduction de 100 % de l'aide prévue dans le cas d'un refus de contrôle, la préfète de Maine-et-Loire n'avait, en tout état de cause, pas à tenir compte des conséquences financières de sa décision pour la requérante. Dans ces conditions, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'insuffisance de motivation et elle ne s'est pas davantage méprise sur la portée et le sens des écritures de l'appelante en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été de nature, compte tenu de ses conséquences financières, à compromettre définitivement la survie de l'exploitation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA A n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. En conséquence, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SCEA A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile d'exploitation agricole A et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat ; Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 24 janvier 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Autret

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin

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