Jurisprudence : CE Contentieux, 12-10-1979, n° 1875

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 1875

-Rassemblement des nouveaux avocats de France et autres-Ordr e des avocats au Barreau du Mans et autres-Ordre des avocats à la Cour d'Ap

Lecture du 12 Octobre 1979

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)




Sur le rapport de la 6ème Sous-Section

Vu, 1°) la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 février 1976, sous le n° 1875, et le mémoire complémentaire enregistré le 25 novembre 1977 présentés pour:

le Rassemblement des nouveaux avocats de France dont le siège est à Paris 96, Boulevard Pereire, représenté par son Président en exercice;

le Syndicat des avocats de France, dont le siège est à Paris, 18bis, avenue de Versailles, représenté par son Président en exercice;

l'Association nationale des avocats, dont le siège est à Paris, 30, rue de Condé, représentée par son Président en exercice;

la Fédération des jeunes avocats, dont le siège est à Paris, Palais de Justice, représentée par son Président en exercice; et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des articles 7, 12, 16 alinéas 1er, 26, 27, 29, 48, 120, 125, 138, 386, 412 413, 416, 435, 442, 444, 704, 705, 757 alinéas 2, 767, 833 et 905 du nouveau Code de précédure civile institué par le décret n° 1123 du 5 décembre 1975;

Vu, 2°) la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 1976, sous le n° 1905, et le mémoire complémentaire enregistré le 23 novembre 1977, présentés pour:

l'Ordre des avocats au Barreau du Mans, domicilié en cette qualité au Palais de Justice du Mans, représenté par son Bâtonnier en exercice;

M. Emile DREUX, industriel, demeurant à La Perrière (Orne), justiciable ayant des procédures en cours;

la Société anonyme Gaston DREUX, dont le siège est à La Perrière (Orne), représentée par son Président en exercice; et tendant aux mêmes fins que la requête n° 1875;

Vu, 3°) la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1976, sous le n° 1949, et le mémoire complémentaire enregistré le 22 novembre 1977, présentés pour l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Toulouse, et tendant aux mêmes fins que les requêtes n°s 1875 et 1905;

Vu, 4°) la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1976, sous le n° 1951, et le mémoire complémentaire enregistré le 22 novembre 1977, présentés pour l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel d'Angers et tendant aux mêmes fins que la requête n° 1949;

Vu, 5°) la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1976, sous le n° 1948, et le mémoire complémentaire enregistré le 23 novembre 1977, présentés pour l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Toulouse, représenté par son Bâtonnier en exercice, domicilié au Palais de Justice de Toulouse, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des articles 1er, 26 et 33 à 36 du décret n° 75-1122 du 5 décembre 1975, abrogeant et modifiant certaines dispositions en matière de procédure civile;

Vu, 6°) la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1976, sous le n° 1950, et le mémoire complémentaire enregistré le 23 novembre 1977, présentés pour l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel d'Angers, représenté par son Bâtonnier en exercice, domicilié au Palais de Justice d'Angers, tendant aux mêmes fins que la requête n° 1948;


Vu la Constitution et notamment son article 34;


Vu le Code civil;


Vu la loi du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques;


Vu la loi du 9 juillet 1975;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi n° 771468 du 30 décembre 1977.

Considérant que les requêtes du Rassemblement des nouveaux avocats de France et autres, de l'Ordre des avocats au Barreau du Mans et autres, de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Toulouse ainsi que de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel d'Angers, tendent à l'annulation de dispositions du décret n° 75-1122 du 5 décembre 1975 abrogeant et modifiant certaines dispositions en matière de procédure civile, et du décret n° 75-1123 de la même date instituant un nouveau code de procédure civile; qu'il convient de les joindre pour statuer par une seule décision;

SUR LES CONCLUSIONS DES REQUETES N°s 1875, 1905, 1949 et 1951:


Sur les interventions de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Caen à l'appui des requêtes n° 1875 et n° 1949:

Considérant que l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Caen a intérêt à l'annulation du décret attaqué; qu'ainsi ses interventions sont recevables;

En ce qui concerne les articles 7, 120, 125, 138 et 767 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant que ces articles se bornent à reproduire, sous réserve de modifications de pure forme, les articles 7 et 38 du décret du 9 juillet 1971 et les articles 58, 63 et 73 du décret du 20 juillet 1972, toujours en vigueur lors ce l'intervention du décret attaqué qui institue le nouveau Code de procédure civile et se substitue à ces décrets; qu'en l'absence de lien indivisible entre les dispositions ainsi contestées et les autres prescriptions du décret attaqué, les conclusions dirigées contre la reproduction de dispositions antérieures sont tardives et non recevables;

En ce qui concerne les articles 12 alinéa 3, 16 alinéa 1er, 442 et 444:

Considérant que la réforme du Code de procédure civile tele qu'elle résulte de l'institution du nouveau Code a, en vue d'améliorer le déroulement de l'instance, de simplifier et d'accélérer la procédure, confié au juge des pouvoirs étendus de contrôle et de direction de l'instruction; que l'extension des pouvoirs du juge n'est pas illégale dès lors qu'elle s'exerce dans le respect des principes généraux du droit;

Considérant que les requérants soutiennent que le Gouvernement ne pouvait légalement adopter des dispositions réglementaires telles que celles prévues aux articles 12 alinéa 3, 16 alinéa 1er, 442 et 444 du nouveau Code, ayant pour effet de restreindre les garanties essentielles des justiciables; que ces garanties résident notamment dans les principes de l'égalité des citoyens devant la justice et du caractère contradictoire de la procédure; qu'il ne peut être dérogé à ce dernier principe que lorsqu'il est statue sur des moyens devant être soulevés d'office; que, dès lors, en laissant au juge la faculté de relever d'office des moyens de pur droit et en le dispensant alors de respecter le caractère contradictoire de la procédure, le Gouvernement a apporté à ce principe des limitations illégales; qu'il y a lieu d'annuler les dispositions correspondantes et indivisibles du 3ème alinéa de l'article 12 et du 1er alinéa de l'aticle 16 du décret attaqué;

Considérant que l'article 442 en vertu duquel, "le Président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur", et l'article 444 qui permet au Président d'ordonner la réouverture des débats et lui impose de le faire "chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés", édictent des dispositions qui, loin de violer ce même principe du caractère contradictoire de la procédure, ont pour effet d'en assurer le respect;

En ce qui concerne les articles 26, 27 et 29:

Considérant, d'une part, que, si les articles 26 et 27 du nouveau Code de procédure civile permettent au juge de fonder sa décision "sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis y compris ceux qui n'auraient pas été allégués", et de procéder "même d'office, à toutes les investigations utiles", ces articles figurent dans un chapitre fixant les "règles propres à la matière gracieuse"; qu'en cette matière, les principes directeurs du procès, qui sont d'ailleurs énoncés dans un chapitre différent du même titre, ne peuvent s'appliquer; qu'il en est ainsi, en particulier, du caractère contradictoire de la procédure;

Considérant, d'autre part, qu'en application de l'article 29 du nouveau Code de procédure civile le juge statuant en matière gracieuse peut autoriser un tiers "à consulter le dossier d'une affaire et à s'en faire délivrer copie, s'il justifie d'un intérêt légitime"; que ce pouvoir ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de délier le juge de l'obligation d'observer le secret professionnel que lui impose l'article 378 du Code pénal, et de porter atteinte au respect de la vie privée dont il est le garant;

Considérant que les conclusions des requêtes dirigées contre les articles 26, 27 et 29 doivent donc être rejetées;

En ce qui concerne l'article 48;

Considérant que les règles de la procédure civile, au nombre desquelles figure la détermination de la compétence territoriale des juridictions, ne sont pas de celles qui doivent être fixées par la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution; que la faculté ouverte aux parties à un contrat par l'article 59 de l'ancien Code de procédure civile, de désigner conventionnellement, par élection de domicile, une juridiction territorialement compétente autre que celle que détermirait normalement ce code, relevait du domaine réglementaire; que, dès lors, l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, introduit par le décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 qui répute non écrites les clauses entre non-commerçants dérogeant aux articles 42 et suivants du même code, ne contient qu'une règle de procédure civile qui n'a pas pour effet atteinte aux principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales; qu'ainsi le Gouvernement, en prenant la disposition attaquée, n'a pas excédé les limites de la compétence reconnue au pouvoir réglementaire par l'article 37 de la Constitution;

En ce qui concerne les articles 386, 757 alinéa 2 et 905:

Considérant que ces dispositions ont pour seul objet de modifier des délais de procédure dont la détermination relève du pouvoir réglementaire et non de la compétence du législateur;

En ce qui concerne les articles 412, 413 et 416;

Considérant que l'articles 412 du nouveau Code de procédure civile définit la mission d'assistance en justice et que l'article 413 précise l'étendue, sauf disposition contraire, du mandat de représentation; que l'article 416 prévoit les conditions dans lesquelles "il doit être justifié devant les juridictions" de cette mission et de ce mandat; que ces dispositions n'apportent aucune restriction au monopole prévu en faveur des avocats par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971, autre que celles qui résultent de ce texte législatif;

En ce qui concerne l'article 435:

Considérant que cet article est la reproduction de l'article II-I alinéa 3 ajouté à la loi du 5 juillet 1972 par la loi du 9 juillet 1975 et que sa légalité ne peut donc être discutée par la voie contentieuse;

En ce qui concerne l'article 581:

Considérant que l'amende civile instituée par l'article 581 du nouveau Code n'a pas le caractère d'une mesure pénale; qu'il suit de là que cette disposition, qui permet à toute juridiction de condamner l'auteur d'un recours dilatoire ou abusif à une amende civile, a pu être légalement prise par voie réglementaire;

En ce qui concerne les articles 704 et 705:

Considérant qu'en permettant aux secrétaires des juridictions de vérifier le montant des dépens et de procéder le cas échéant aux redressements nécessaires, les articles 704 et 705 du nouveau Code de procédure civile donnent seulement à ces agents le pouvoir de vérifier les tarifs de la postulation; qu'il n'est ainsi porté aucune atteinte aux pouvoirs attribués en matière de contestations d'honoraires au bâtonnier et au juge par les articles 97 et suivants du décret du 9 juin 1972 relatif à l'organisation de la profession d'avocat, pouvoirs que réserve d'ailleurs expressément l'article 723 du nouveau Code;

En ce qui concerne l'article 833:

Considérant qu'aux termes de l'article 833 du nouveau Code de procédure civile "l'avis et la convocation indiquent que les parties doivent se présenter en personne à la tentative de conciliation"; que cet article, qui est propre à la procédure devant le Tribunal d'instance et figure dans le Livre I du Code n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de contredire les dispositions applicables à toutes les juridictions et figurant au Livre 1er du Code, notamment à l'article 19 aux termes duquel "les parties choisissent librement leur défenseur soit pour se faire représenter soit pour se faire assister suivant ce que la loi permet ou ordonn"; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article 833 porte atteinte aux droits de la défense;

SUR LES CONCLUSIONS DES REQUETES N°s 1948 et 1950:

Considérant d'une part, que l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Caen a intérêt à l'annulation du décret attaqué; qu'ainsi, son intervention est recevable;

Considérant d'autre part, que, pour demander l'annulation d'articles du décret n° 75-1122 du 5 décembre 1975 abrogeant et modifiant certaines dispositions en matière de procédure civile, les ordres requérants se bornent à déduire les conséquences des illégalités prétendues qui auraient entâché les dispositions critiquées du décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de précédure civile; qu'il résulte de ce qui a été indiqué plus haut que, d'une part, ces conclusions sont mal fondées en tant qu'elles visent les articles ler et 26, 34 à 36 du décret en cause, que, d'autre part, l'article 33 du même décret doit être annulé en tant qu'il a pour objet d'abroger l'article 16 du décret n° 71-740 du 9 septembre 1971.

DECIDE

ARTICLE 1er. - Les interventions de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Caen à l'appui des requêtes n° 1875, 1948 et 1949 sont admises.

ARTICLE 2. - L'alinéa 3 de l'article 12 du décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile et l'alinéa 1er de l'article 16 du même décret en tant qu'il dispense le juge d'observer le principe de la contradiction des débats, lorsqu'il relève d'office un moyen de pur droit, sont annulés.


ARTICLE 3. - L'article 33 du décret n° 75-1122 du 5 décembre 1975 abrogeant et modifiant certaines dispositions en matière de procédure civile est annulé en tant qu'il comporte aborgation de l'article 16 du décret n° 71-740 du 9 septembre 1971 instituant de nouvelles règles de procédure.

ARTICLE 4. - Le surplus des requêtes de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Toulouse, de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel d'Angers, enregistrées sous les n°s 1948 et 1950, ainsi que le surplus des requêtes du Rassemblement des nouveaux avocats de France et autres, de l'Ordre des avocats au Barreau du Mans et autres, de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel de Toulouse et de l'Ordre des avocats à la Cour d'Appel d'Angers, enregistrées sous les n°s 1875, 1905, 1949 et 1951, sont rejetés.

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