Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 07-01-2000, n° 186108

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 186108

M. et Mme PHILIPPE

M. Maïa

Rapporteur

M. Bachelier

Commissaire du Gouvernement

Séance du 22 novembre 1999

Lecture du 7 janvier 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 et 18 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Bernard PHILIPPE demeurant l'Angebardière à Vertou (44120) ; M. et Mme Bernard PHILIPPE demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement du 12 avril 1994 du tribunal administratif de Nantes, a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1985 et 1986

Vu les autres pièces du dossier

Vu le livre des procédures fiscales

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987

Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997

Après avoir entendu en audience publique

  • le rapport de M. Maïa, Auditeur,
  • les observations de Me Choucroy, avocat de M. Bernard PHILIPPE,
  • les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 8 juillet 1977, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 janvier 1979, M. PHILIPPE a été reconnu coupable du délit, commis dans l'exercice de son exploitation d'un fonds de commerce de négoce et de conditionnement de beurre en gros et de transport public de marchandises, de recel de marchandises achetées mais non payées, et condamné à réparer, solidairement avec d'autres prévenus, les préjudices subis par diverses sociétés du fait d'escroqueries commises à leur encontre ; que, par jugement du 26 novembre 1980 du tribunal de grande instance de Nantes statuant en matière civile, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 19 octobre 1983, devenu définitif à la suite du rejet le 5 décembre 1985 du pourvoi en cassation formé contre lui, M. PHILIPPE, sur la demande de la société CANA, comptant parmi les victimes des escroqueries susmentionnées, a été condamné à verser à celle-ci, à titre de dommages-intérêts, une somme de 1693 810 F avec intérêts de droit à compter de la demande, représentative du montant de marchandises non payées ; qu'au titre de l'exercice 1985, M. PHILIPPE a déduit des résultats de son entreprise individuelle se livrant à une activité industrielle et commerciale de location du fonds de commerce qu'il avait précédemment exploité directement et qu'il avait donné en location à compter du 1er novembre 1975, une somme de 2 850 198 F, correspondant au montant de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société CANA, augmentée des intérêts, ainsi qu'une somme de 34 708 F représentant les frais de contentieux ; qu'en outre, au titre de l'année 1985 et 1986, il a constitué diverses provisions, pour un montant total de, respectivement, 1549 260 F et 1060 000 F, correspondant à une partie des condamnations dont M. PHILIPPE était le débiteur solidaire, prononcées par le juge civil au profit des autres sociétés victimes de l'escroquerie ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a, notamment, réintégré dans les bases imposables de la société de location de fonds de M. PHILIPPE les sommes ainsi déduites ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises, par voie de conséquence, à la charge de M. et Mme PFULIPPE ont été assorties de pénalités de mauvaise foi ; que le pourvoi de M. et Mme Bernard PHILIPPE tend à l'annulation de l'arrêt du 30 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement du 12 avril 1994 du tribunal administratif de Nantes, a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1985 et 1986 ;-

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même, code " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges... 2. Les transactions, amendes, confiscations, pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant les prix, le ravitaillement, la répartition des divers produits et l'assiette des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt" ; que pour l'application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, selon lesquelles le bénéfice net imposable est "déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises", seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisés à des fins autres que celle de satisfaire les besoins, ou, de manière générale, les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci , que, par suite, ne relèvent pas nécessairement d'une gestion anormale tous les actes ou opérations que l'exploitant. décide de faire en n'ignorant pas qu'il expose ainsi l'entreprise au risque de devoir supporter certaines charges ou dépenses.; que c'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le service avait pu à bon droit refuser la déduction des résultats de l'entreprise de M. PHILIPPE des condamnations civiles définitives prononcées à son encontre à raison de l'activité délictueuse à laquelle il s'était livrée pour le compte de son entreprise, des provisions qu'il avait constituées ,pour couvrir le risque d'autres condamnations, ainsi que des frais de contentieux, au seul motif que l'intéressé aurait pris, dans la gestion de son entreprise, des risques excédant manifestement ceux qu'un chef d'entreprise peut être conduit à prendre pour améliorer les résultats de son exploitation, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme PHILIPPE sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond

Sur la régularité du -jugement attaqué

Considérant que, pour confirmer les réintégrations opérées par l'administration des déductions effectuées par M. PHILIPPE, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la circonstance que ces charges n'auraient résulté à aucun titre de l'activité de loueur de fonds de commerce exercée par celui-ci à compter du 1er novembre 1975 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au tribunal, ainsi que le font valoir M. et Mme PIELIPPE, que l'administration n'a pas invoqué un tel moyen pour justifier l'imposition ; qu'ainsi, le tribunal, en se fondant d'office sur ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, a entaché son jugement d'irrégularité ; que son jugement doit, dès lors, être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme PHILIPPE devant le tribunal administratif de Nantes

Sur le fond :

Considérant que l'administration n'établit pas que les activités délictueuses ayant entraîné les condamnations pécuniaires à raison desquelles M. PHILIPPE a déduit des résultats de son entreprise personnelle les différentes sommes en litige, n'ont pas été effectuées pour le compte et dans l'intérêt de ladite entreprise ; qu'il s'ensuit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que ces

sommes doivent, être regardées comme des charges au sens des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts ; que, dès lors, M. et Mme PHILIPPE sont fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1985 et 1986 et résultant de la réintégration de ces charges dans les résultats de l'entreprise individuelle et par voie de conséquence dans leur base imposable à l'impôt sur le revenu ;

Considérant que la décharge de ces compléments d'imposition entraîne, par voie de conséquence, la décharge des pénalités dont elles ont été assorties ;

Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme PHILIPPE, présentées devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nantes, tendant, à la condamnation de d'Etat au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens

DECIDE

Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 Le jugement du 12 avril 1994 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 3 M. et Mme PHILIPPE sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1985 et 1986.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme PHILIPPE devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nantes est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Bernard PHILIPPE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.