Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 29-12-2000, n° 179647

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 179647

Cette décision sera publiée au Recueil LEBON

M.ROESCH

Mme Guilhemsans, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du Gouvernement

Séance du 29 novembre 2000
Lecture du 29 décembre 2000


REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 29 août 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Paul ROESCH, demeurant " Les Bouralès " à Saint-Jorioz (74410) ; M. ROESCH demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 février 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 31 mars 1994 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1979 et de la pénalité y afférente ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du l0juillet 1991 ;

Après avoir entendu en audience publique :

  1. le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
  2. les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. ROESCH,
  3. les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 12 janvier 2000, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Haute-Savoie a prononcé le dégrèvement de la pénalité mise à la charge de M. Paul ROESCH au titre de l'année 1979 à concurrence d'une somme de 455 487 F résultant de la substitution d'une pénalité au taux de 80 % à celle au taux de 200 % initialement appliquée ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ce dégrèvement a été exactement calculé ; que les conclusions de la requête de M. Paul ROESCH relatives à cette pénalité sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon, qui n'était pas tenue de se prononcer sur tous les arguments présentés, a répondu à l'ensemble des moyens invoqués par M. Paul ROESCH et a suffisamment motivé sa décision ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 161 du code général des impôts, alors applicable : " Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. La même règle est applicable dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, les droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits, mais dans la mesure seulement où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d'imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession qui a la même nature qu'un boni de liquidation, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a. Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c. Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention ; L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Plastic. société dont MM. Paul et Pierre Roesch détenaient chacun 46 % des actions, a décidé le 26 février 1979, d'une part, d'augmenter son capital de 300 000 à 600 000 F par un prélèvement sur la réserve de réévaluation et la création de 3 000 actions nouvelles de 100 F attribuées gratuitement aux actionnaires à raison d'une action nouvelle pour une action ancienne et, d'autre part, de procéder au rachat de 2 000 actions au prix unitaire de 750 F et à leur annulation en vue de ramener son capital à 400 000 F ; que MM. Roesch ont indiqué qu'ils avaient cédé à la société civile immobilière du Velin dont ils étaient les seuls associés. 1 000 actions chacun de la SA Plastic au prix unitaire de 750 F et que la SA Plastic avait racheté ces actions au même prix unitaire à cette société civile immobilière ; que l'administration a soutenu devant la cour administrative d'appel que la vente de ces actions par MM. Roesch à la société civile immobilière présentait un caractère fictif et que les intéressés avaient poursuivi un but exclusivement fiscal consistant à soumettre cette opération au taux d'imposition réduit alors prévu par l'article 160 du code général des impôts pour les cessions de droits sociaux autres que celles résultant du rachat par une société de ses propres actions, lesquelles sont soumises, en vertu de l'article 161 dudit code. aux taux résultant du barème de l'impôt sur le revenu ;

Considérant qu'après avoir relevé que MM. Roesch détenaient 760 actions sur les 3 000 actions constituant le capital de la SA Plastic. que l'opération de rachat de ses actions par la SA Plastic avait été décidée avant la prétendue cession des actions à la société civile immobilière du Velin, que les vendeurs des titres étaient les seuls associés de cette dernière, qu'aucun acte n'avait été rédigé pour constater cette cession et qu'enfin le prix n'en avait pas été payé. la cour administrative d'appel de Lyon a déduit de ces divers éléments que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve lui incombant. en l'absence de consultation du comité consultatif des abus de droit. que la cession des titres par M. Paul ROESCH à la société civile immobilière du Velin avait un caractère fictif et était constitutive d'un abus de droit de sotte que le service était dès lors en droit de faire abstraction de cette opération de cession et de soumettre le boni de cession résultant du rachat par la SA Plastic d'actions appartenant à MM. Roesch. pour la part revenant à chacun d'entre eux, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des dispositions précitées de l'article 161 du code général des impôts ; qu'en statuant ainsi. la Cour a donné aux faits qu'elle a retenus une exacte qualification juridique

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le surplus des conclusions de la requête de M. Paul ROESCH ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991

Considérant qu'il y a lieu. dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. Paul ROESCH une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E


Article 1er : II n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête relatives aux pénalités, à concurrence de la somme de 455 487 F dégrevée par l'administration.


Article 2 : L'Etat versera à M. Paul ROESCH la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du l0juillet 1991.


Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Paul ROESCH est rejeté.


Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Paul ROESCH et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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