Jurisprudence : CA Lyon, 10-01-2023, n° 20/07301, Confirmation

CA Lyon, 10-01-2023, n° 20/07301, Confirmation

A844387T

Référence

CA Lyon, 10-01-2023, n° 20/07301, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92376157-ca-lyon-10012023-n-2007301-confirmation
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N° RG 20/07301 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJ2D


Décision du

TJ de SAINT ETIENNE

Au fond

du 05 novembre 2020


RG : 20/01314


[J]


C/


Association LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


1ère chambre civile B


ARRET DU 10 Janvier 2023



APPELANTE :


Mme [M] [Aa] épouAbe [Z]

née le … … … à [Localité 7] (Algérie)

[Adresse 3]

[Localité 2]


Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215

Assistée de Me Sébastien FOUCHERAULT, avocat au barreau de DEUX-SEVRES


INTIMEE :


La LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représentée par Me Marie SAULOT, avocat au barreau de LYON, toque : 1713

Assistée de Me Anne GEORGEON de la SELEURL SAPIENCEE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0177


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 16 Décembre 2021


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Novembre 2022


Date de mise à disposition : 10 Janvier 2023


Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, conseiller, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,


assistés pendant les débats de Cécile NONIN, greffier


A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



EXPOSÉ DE L'AFFAIRE


[N] [J]-[T] est décédé le 7 novembre 2018.


Le 22 novembre 2019, le notaire chargé de la succession a dressé un procès-verbal de contestations aux termes duquel il indique qu'à l'ouverture de la succession, il lui a été présenté :


« 1°) Une première lettre manuscrite annexée aux présentes, dans laquelle Monsieur [Aa]-[T] a institué LA LIGUE CONTRE LE CANCER comme légataire universel. La date de ladite lettre ne figurant que sur l'enveloppe.


2°) Une deuxième lettre dactylographiée, dans laquelle Monsieur [Aa]-[T] semble instituer sa soeur, Madame [Ab], [...] comme légataire universel ».


Saisi par Mme [M] [Ab], le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a, par jugement du 5 novembre 2020, rejeté la demande de nullité du testament olographe rédigé par [N] [J]-[T] au profit de La ligue nationale contre le cancer (l'association).



Par déclaration du 23 décembre 2020, Mme [Ab] a relevé appel de ce jugement.


Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :


- dire et juger nul et de nul effet le testament rédigé par [N] [J]-[T] au profit de l'association,


- condamner l'association à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,


- condamner l'association aux entiers dépens,


- débouter l'association de toutes ses demandes.


Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2021, l'association demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée et, y ajoutant, de :


- prononcer la nullité des lettres dactylographiées du 4 novembre 2018 présentées comme testament par MAbe [Z],


- condamner Mme [Ab] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 décembre 2021.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.



MOTIFS DE LA DÉCISION


1. Sur la demande de nullité du testament olographe rédigé au profit de l'association


Mme [Ab] fait valoir qu'aux termes de l'article 970 du code civil🏛, le testament olographe n'est valable que s'il est écrit, daté et signé de la main du testateur ; qu'en l'espèce, le testament n'est pas daté ; que si la cour de cassation se montre de plus en plus souple, considérant que la date peut être reconstituée à l'aide d'éléments intrinsèques corroborés par des éléments extrinsèques, en l'espèce, aucun élément intrinsèque ne peut corroborer la date figurant sur l'enveloppe, laquelle a été apposée, non par le testateur, mais par la Poste; que le 4 novembre 2018, soit quelques jours avant sa mort intervenue le 7 novembre 2018, son frère a rédigé une lettre dactylographiée l'instituant légataire unique de l'ensemble de ses biens ; que si ce testament ne respecte pas la forme manuscrite, il constitue néanmoins un testament révocatoire qui fait obstacle à la jurisprudence qui permet de reconstituer une date de testament non daté si d'autres dispositions n'ont pas été prises par le défunt.


L'association réplique qu'en l'absence de date mentionnée par le testateur, la jurisprudence admet que la preuve de la date puisse être faite par des éléments intrinsèques et/ou extrinsèques à l'acte ; qu'en l'espèce, il existe des éléments intrinsèques permettant de reconstituer la date du testament ; qu'en effet, le testament a été adressé au notaire par envoi postal du 22 décembre 2012 ; que le testateur a indiqué son adresse et celle du notaire et que ces deux adresses sont contemporaines ; que le testateur a indiqué son numéro de téléphone portable qui doit correspondre à celui qu'il avait en décembre 2012.


Réponse de la cour


Aux termes de l'article 970 du code civil🏛, le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.


En l'espèce, il n'est pas contesté par Mme [Ab] que le testament invoqué par l'association, par lequel [N] [J]-[T] « déclare léguer à l'association [...] tous [s]es biens dans leur totalité : immobilier, terrains, bois, financiers, mobiliers, matériels. PS : sauf contrats nominatifs assurances et placements », a été écrit en entier de sa main et signé par lui, la contestation de la validité du testament reposant uniquement sur son absence de date.


La mention de la date sur le testament olographe se justifie par la nécessité de vérifier la capacité du testateur et de déterminer, en cas de pluralité de testaments, le plus récent, qui doit seul recevoir exécution puisqu'il emporte révocation du précédent, cette détermination étant indispensable en cas d'incompatibilité entre les dispositions.


En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.


En l'espèce, les mentions du testament (adresse de son auteur et coordonnées du notaire, destinataire de l'écrit) permettent de déterminer que le testament a été rédigé après l'installation de [N] [J]-[T] au [Adresse 5] et avant la démission de Maître [C], notaire à [Localité 6], acceptée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice en date du 27 janvier 2017.


Si la date précise du premier événement est inconnue, elle est nécessairement postérieure à la majorité de [N] [J]-[T] puisqu'il ressort des éléments du dossier que ce dernier exerçait la profession de gardien d'immeuble et que l'appartement qu'il occupait au [Adresse 5] était un logement mis à sa disposition par son employeur dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.


Par ailleurs, il ressort de la pièce n°9 produite par Mme [Ab] (comportant, au recto, la photocopie du testament et, au verso, la copie d'une enveloppe avec l'adresse de Maître [C] et le cachet de la Poste) et du procès-verbal de contestations dressé le 22 novembre 2019 par le notaire chargé des opérations de succession, que [N] [J]-[T] a adressé le testament à l'étude notariale de Maître [C] par courrier posté le 22 décembre 2012.


Ces éléments intrinsèques et extrinsèques permettent donc de retenir que le testament a été établi dans un intervalle de temps compris entre la majorité de [N] [J]-[T] et le 22 décembre 2012.


Si l'intervalle de temps est important, force est de constater que l'absence de date précise n'a pas de conséquences juridiques puisqu'il n'est pas soutenu par Mme [Ab] qu'au cours de cette période, son frère ait été affligé d'une altération de ses facultés mentales le rendant incapable de tester ni qu'il ait pris d'autres dispositions à cause de mort susceptibles de faire naître un doute sur la chronologie de ces actes, le testament allégué par l'appelante étant daté du 4 novembre 2018, soit très largement postérieur à la période considérée.


Il en résulte que l'incertitude sur la date précise du testament n'est pas de nature à en affecter la validité.


Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du testament olographe rédigé par [N] [J]-[T] au profit de l'association.


2. Sur la demande de nullité du testament dactylographié au profit de MAbe [Z]


Mme [Ab] fait valoir qu'il serait particulièrement injuste, à l'heure du numérique, d'examiner l'article 970 du code civil🏛 avec une extrême rigueur concernant l'exigence d'un texte écrit de la main de l'auteur ; que ce testament contient les dernières volontés du défunt ; qu'une lettre concomitante a été envoyée à Maître [C], notaire de la famille ; qu'elle ne demande pas à la cour de voir reconnaître valide ce testament mais de constater que le simple fait qu'un testament révocatoire existe fait obstacle à la jurisprudence qui permet de reconstituer la date d'un testament olographe non daté.


L'association fait valoir que Mme [Ab] se prévaut de deux lettres qu'elle qualifie de testament ; que ces lettres sont dactylographiées et ne peuvent être considérées comme des testaments olographes révocatoires dès lors qu'elles ne sont pas rédigées de la main du défunt.


Réponse de la cour


Il résulte de l'article 970 précité qu'est nul un testament olographe qui n'est pas entièrement écrit de la main du testateur, sans qu'il y ait lieu de rechercher si cet acte est ou non l'expression de la volonté propre de son signataire.


Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que le testament invoqué par Mme [Ab] est entièrement dactylographié. Aussi convient-il de faire droit à la demande de l'association tendant à ce qu'il soit déclaré nul.


La nullité du testament dactylographié privant celui-ci de tout effet, l'appelante n'est pas fondée à demander que soit retenu son caractère révocatoire dans le but de faire obstacle à l'application du testament olographe établi en faveur de l'association.


3. Sur les frais irrépétibles et les dépens


Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.


En cause d'appel, Mme [Ab], partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer à l'association la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Dit que le document présenté comme un testament olographe de [N] [J]-[T] daté du 4 novembre 2018 est nul,


Condamne Mme [M] [Ab] à payer à l'association La ligue nationale contre le cancer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


La condamne aux dépens d'appel.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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