CE Aviséme, 1996-03-01, n° 174245
A0264AIM
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant du Contentieux
N° 174245
SARL France Finibéton
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux Aviséme )
Vu, enregistrés le 3 novembre 1995 au secrétariat du contentieux
du Conseil d'Etat, les jugements du 26 octobre 1995, par lesquels le
tribunal administratif de Nice, avant de statuer sur les demandes de
la SARL France Finibéton tendant à la décharge des cotisations
supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y
afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices
clos en 1985, 1986 et 1987, a décidé, par application des
dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
portant réforme du contentieux administratif, de transmettre les
dossiers de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son
examen les questions suivantes :
1°) l'annulation, quel qu'en soit le motif, par la Cour de
cassation de la décision de l'autorité judiciaire autorisant des
agents de l'administration fiscale à effectuer une visite
domiciliaire et à saisir des documents se rapportant à des
agissements mentionnés à l'article L 16 B du livre des procédures
fiscales entache-t-elle d'irrégularité l'ensemble de la procédure de
vérification de la comptabilité d'une personne morale entreprise en
application de l'article L 47 du même livre lorsque des documents
faisant partie de la comptabilité de cette personne morale ont été
saisis ?
2°) dans l'affirmative, s'agit-il d'une irrégularité par voie de
conséquence résultant de la mise en oeuvre irrégulière des
dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ou
bien cette irrégularité découle-t-elle des opérations d'investigation
elles-mêmes ?
3°) en cas de réponse négative à la première question,
l'annulation de la décision de l'autorité judiciaire par la Cour de
cassation est-elle de nature à affecter la valeur probante des
documents comptables saisis et à exclure leur utilisation pour
justifier les redressements opérés ?
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts, et notamment l'article L 16 B du
livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son
article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30
juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°
53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Hourdin ,
- les conclusions de M Loloum, Commissaire du gouvernement ;
L'article 94 de la loi du 29 décembre 1984 dont les dispositions
ont été codifiées à l'article L 16 B du livre des procédures
fiscales institue une procédure de nature fiscale qui habilite les
agents de l'administration des impôts, recherchant la preuve
d'agissements par lesquels des contribuables cherchent à se
soustraire à l'établissement ou au paiement de certains impôts, à
effectuer, s'ils sont dûment autorisés à cette fin par l'autorité
judiciaire, des visites en tous lieux, même privés, et à saisir les
pièces et documents qui se rapportent à ces agissements. Ainsi que le
précise le paragraphe VI de cet article, l'administration "ne peut
opposer au contribuable les informations qu'elle a recueillies" à
cette occasion qu'en engageant à l'égard de l'intéressé un examen
contradictoire de l'ensemble de sa situation personnelle ou une
vérification de sa comptabilité.
Il en résulte que la procédure de visite et de saisie instituée
par cet article doit nécessairement être combinée avec la procédure
de vérification concernant le même contribuable, de sorte que ces
procédures qui constituent deux étapes de la procédure d'imposition,
concourent à la décision d'imposition de l'intéressé qui sera prise
par l'administration. L'annulation par la Cour de cassation de
l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de grande instance
ou le juge délégué par lui a autorisé une opération de visite ou de
saisie, qui a pour effet d'interdire à l'administration des impôts
d'opposer au contribuable les informations recueillies à cette
occasion, affecte donc la régularité de la décision d'imposition de
l'intéressé dans la mesure où celle-ci procède de l'exploitation des
informations ainsi recueillies. Compte tenu des termes mêmes du
paragraphe VI de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales,
qui ont une portée générale, il en est ainsi même si le contribuable
se trouve en situation de taxation ou d'évaluation d'office. Cette
annulation demeure, en revanche, sans incidence sur la régularité de
la décision d'imposition dans la mesure où celle-ci procède de
l'exploitation de renseignements que l'administration n'a pas
recueillis à l'occasion de la visite annulée.
La circonstance que l'administration aurait pu, si elle s'était
bornée à exercer son droit de communication ou son pouvoir de
vérification, accéder régulièrement à certains des documents détenus
par le contribuable, tels les documents comptables, demeure sans
incidence sur les effets de l'annulation d'une opération de visite et
de saisie dès lors que l'administration a pris connaissance de ces
documents à cette occasion et avant tout autre contrôle ou
investigation.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nice, à
la SARL France Finibéton et au ministre de l'économie et des
finances.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
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