Jurisprudence : CE Contentieux, 15-01-1982, n° 17057

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 17057

Ministre du budget
contre
M. xxxxx

Lecture du 15 Janvier 1982

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-section
VU 1°) sous le numéro 16 180 la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 février 1979 et le mémoire complémentaire enregistré le 9 novembre 1979, présentés pour M. xxxxx, demeurant à xxxxx (xxxxx) xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) réforme le jugement du 20 novembre 1978 par lequel le tribunal administratif de Chalons sur Marne ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1971 dans les rôles de la commune de xxxxx, et a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti dans la catégorie des bénefices non commerciaux au titre des années 1973 et 1974, et dans la catégorie des revenus fonciers au titre des trois années 1971, 1973 et 1974; 2°) lui accorde la réduction et la décharge des impositions contestées;
VU 2°) sous le numéro 17 057 le recours du ministre du budget, enregistré le 29 mars 1978, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) réforme le jugement du 20 novembre 1978 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a accordé à M. xxxxx une réduction pour 1971, 1973 et 1974 des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti dans les rôles de la commune de; 2°) remette intégralement les impositions contestées à la charge de M. xxxxx, ainsi que la totalité des frais d'expertise;
VU le code général des impôts;
VU le code des tribunaux administratifs;
VU l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
VU la loi du 30 décembre 1977.
CONSIDERANT que M. xxxxx, avocat, qui a été assujetti à des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1971, 1973 et 1974, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a prononcé une réduction, qu'il estime insuffisante, de ces impositions; que le ministre du budget fait appel de ce même jugement et conclut au rétablissement intégral des impositions litigieuses; qu'il y a lieu de joindre cette requête et ce recours pour y statuer par une seule décision;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1971:
CONSIDERANT que, pour demander une réduction de sa base d'imposition, qui a été arrêtée d'office en application de l'article 104 du code général des impôts, M. xxxxx a contesté devant les premiers juges la réintégration dans ses recettes professionnelles, d'une part de la variation du solde créditeur de l'un de ses comptes bancaires, d'autre part d'une somme de 64.000 F; qu'il n'a obtenu satisfaction que sur le premier point, le tribunal administratif ayant admis de ce chef une réduction de 103.000 F des bénéfices imposables;
CONSIDERANT, d'une part, qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, le bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux "est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession"; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que tous les mouvements de fonds qui affectent la trésorerie du contribuable dans l'exercice de son activité professionnelle doivent être regardés comme des recettes ou des dépenses professionnelles; qu'en particulier ne présentent pas ce caractère des indemnités reçues de compagnies d'assurances par un avocat pour le compte de ses clients et dont il devient ainsi provisoirement dépositaire;
CONSIDERANT qu'il résulte de l'instruction que M. xxxxx a reçu le 15 et le 23 décembre 1971 quatre chèques bancaires correspondant à des indemnités d'assurances allouées à ses clients; que ces chèques ont été portés en 1971 au crédit de son compte bancaire n° 3716; que ces indemnités ont été reversées à leurs bénéficiaires au début de l'année 1972 à concurrence de 103.883,84 F; qu'ainsi l'administration n'était pas en droit de comprendre ladite somme de 103.000 F, qui avait le caractère d'un dépôt, dans l'estimation des recettes professionnelles de l'année 1971;
CONSIDERANT, d'autre part, qu'il résulte des mêmes dispositions de l'article 93 du code général des impôts que doivent être prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable toutes les recettes effectivement perçues par le contribuable au cours de l'année d'imposition, quel que soit leur mode de comptabilisation et quelle que soit la date des actes dont elles constituent la rémunération;
CONSIDERANT que M. xxxxx ne conteste pas avoir encaissé en 1971 diverses sommes pour un montant de 64.000 F représentant le solde d'encaissements et de débours dans une affaire qu'il qualifie lui-même ces sommes de "provisions sur honoraires"; qu'elles ont donc été regardées à bon droit comme des recettes professionnelles de l'année 1971, sans que le contribuable puisse utilement se prévaloir de ce qu'il les aurait ultérieurement comprises dans la déclaration de ses bénéfices non commerciaux de l'année 1975;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui précède que ni le ministre du budget, ni M. xxxxx ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1971;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1973:
CONSIDERANT qu'à supposer que M. xxxxx ait pu croire n'être tenu qu'aux obligations du régime de l'évaluation administrative des bénéfices non commerciaux, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif que les documents comptables tenus par lui au cours de l'année 1973 comportaient de graves irrégularités et ne donnaient pas le détail journalier des recettes professionnelles du contribuable; que, par suite, ces documents ne répondaient pas aux prescriptions des articles 98 à 101 bis du code général des impôts; qu'ainsi, et en tout état de cause, le service était en droit, par application du deuxième alinéa de l'article 104, d'arrêter d'office le bénéfice imposable de M. xxxxx;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une irrégularité de la procédure d'imposition pour accorder à M. xxxxx la décharge du complement de droits correspondant au rehaussement des bénéfices non commerciaux de l'année 1973;
CONSIDERANT toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. xxxxx devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne;
CONSIDERANT que M. xxxxx conteste la prise en compte par le service d'une somme de 33.334,10 F prélevée en espèces sur un compte bancaire intitulé "remises à régulariser"; que, si le requérant soutient avoir ultérieurement déclaré les honoraires correspondants au titre des années 1975 et 1976, cette somme constitue cependant une recette de l'année 1973 au cours de laquelle elle a été effectivement perçue; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a, en application des dispositions susrappelées de l'article 93 du code général des impôts, tenu compte de cette somme pour reconstituer les bénéfices imposables de l'année 1973;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. xxxxx une réduction de l'imposition établie au titre de l'année 1973;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1974:
CONSIDERANT qu'à supposer même que M. xxxxx ait pu croire n'être tenu qu'aux obligations du régime de l'êvaluation administrative des bénéfices non commerciaux, il résulte de l'instruction que les documents comptables tenus par lui au cours de l'année 1974 comportaient de graves irrégularités et méconnaissaient ainsi les prescriptions des articles 98 à 101 bis du code général des impôts; que par suite le service était en droit, par application du deuxième alinéa de l'article 104 du même code, d'arrêter d'office le bénéfice imposable de M. xxxxx;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui précède que c'est a tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une irrégularité de la procédure d'imposition pour accorder à M. xxxxx décharge du complément de droits correspondant au rehaussement des bénéfices non commerciaux de l'année 1974;
CONSIDERANT toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. xxxxx devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne;
CONSIDERANT que M. xxxxx conteste la prise en compte par le service d'une somme de 33.334,10 F prélevée en espèces sur un compte bancaire intitulé "remises à régulariser"; que, si le requérant soutient avoir ultérieurement déclaré les honoraires correspondants au titre des années 1975 et 1976, cette somme constitue dependant une recette de l'année 1973 au cours de laquelle elle a été effectivement perçue; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a, en application des dispositions susrappelées de l'article 93 du code général des impôts, tenu compte de cette somme pour reconstituer les bénéfices imposables de l'année 1973;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. xxxxx une réduction de l'imposition établie au titre de l'année 1973;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1974:
CONSIDERANT qu'à supposer même que M. xxxxx ait pu croire n'être tenu qu'aux obligations du régime de l'évaluation administrative des bénéfices non commerciaux, il résulte de l'instruction que les documents comptables tenus par lui au cours de l'année 1974 comportaient de graves irrégularités et méconnaissaient ainsi les prescriptions des articles 98 à 101 bis du code général des impôts; que par suite le service était en droit, par application du deuxième alinéa de l'article 104 du même code, d'arrêter d'office le bénéfice imposable de M. xxxxx;
CONSIDERANT qu'il résulte de ce qui récède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une irrégularité de la procédure d'imposition pour accorder à M. xxxxx décharge du complément de droits correspondant au rehaussement des bénéfices non commerciaux de l'année 1974;
CONSIDERANT toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. xxxxx devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne;
CONSIDERANT d'une part, que M. xxxxx a reçu les 2 juillet, 5, 10 et 11 décembre 1974 les chèques bancaires correspondant à des indemnités d'assurance allouées à ses clients; que ces chèques ont été portés en 1974 au crédit de son compte bancaire n° 3716; que ces indemnités ont été reversées à leurs bénéficiaires en janvier et février 1975 à concurrence de 62.525 F; que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte, pour l'application de la loi fiscale, de la circonstance que le contribuable n'aurait pas respecté les dispositions de l'article 42 du décret du 25 août 1972 relatif à la comptabilité des avocats, cette somme, qui correspond à des dépôts et ne présente pas le caractère de recette professionnelle, doit être déduite des bases d'imposition;
CONSIDERANT, d'autre part, qu'il est constant que M. xxxxx a prélevé par chèques au porteur tirés sur un compte bancaire intitulé "remises à régulariser" deux sommes de 11 615,99 F et 7 500 F; que, si le requérant soutient que la première de ces sommes correspond à des frais de procédure déjà pris en compte par le service pour reconstituer ses recettes professionnelles de 1974, il n'établit pas ce prétendu double emploi; que, si M. xxxxx soutient que la seconde somme n'a présenté qu'en 1976 le caractère d'honoraires, cette somme constitue cependant une recette de l'année 1974 au cours de laquelle elle a été effectivement perçue; que, par suite, c'est à bon droit que le service a, en application des dispositions susrappelées de l'article 93 du code général des impôts, pris ces deux sommes en compte pour reconstituer les recettes professionnelles du contribuable;
CONSIDERANT qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par lemjugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. xxxxx entière satisfaction en ce qui concerne le rehaussement de ses bénéfices non commerciaux de 1974; qu'il y a lieu de remettre partiellement l'emposition litigieuse à la charge du contribuable en fixant son revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à 170.475 F;
En ce qui concerne les revenus fonciers des années 1971, 1973 et 1974:
CONSIDERANT qu'il résulte de l'instruction que M. xxxxx a consenti à sa mère un bail à loyer d'un montant annuel de 1800 F sur une propriété sise à xxxxx et comprenant un terrain d'environ 3 500 mètres carrés, une maison à usage d'habitation et des dépendances; qu'il a fait exécuter des travaux de réparation dont il a porté le coût dans les dépenses déductibles du loyer, faisant ressortir ainsi un déficit foncier qu'il a imputé sur son revenu global imposable, à concurrence de 37 360 F au titre de l'année 1971, à concurrence de 23 900 F au titre de l'année 1973 et à concurrence de 17 600 F au titre de l'année 1974; que l'administration, estimant que la location était fictive, a refusé d'imputer ces prétendus déficits fonciers sur le revenu global du contribuable; qu'en application de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, il appartient au service, qui s'est abstenu de prendre l'avis du comité dont la composition est indiquée à l'article 1653 C, d'apporter la preuve que M. xxxxx a conservé la jouissance de l'immeuble prétendument loué;
CONSIDERANT que l'administration établit que la mère du contribuable, bénéficiaire du bail litigieux, a cédé à M. xxxxx la propriété en cause le 2 octobre 1971 pour une somme de 20 000 F; qu'il résulte notamment d'un rapport d'expertise établi à la demande du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lisieux dans le cadre d'une information ouverte pour fraude fiscale que la maison faisant l'objet du bail litigieux était quasiment inhabitable et en tout cas inhabitée; que d'ailleurs la mère de M. xxxxx a continué de résider à xxxxx; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que le bail était fictif, que M. xxxxx a conservé la jouissance de la propriété et qu'il n'était donc pas en droit de faire état d'un déficit foncier provenant des dépenses dont s'agit que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses prétentions sur ce point;
En ce qui concerne les frais d'expertise:
CONSIDERANT que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les trois quarts des frais d'expertise à la charge de M. xxxxx et un quart à la charge de l'Etat.
DECIDE
ARTICLE 1er: L'impôt sur le revenu auquel M. xxxxx a été assujetti au titre de l'année 1973 est remis intégralement à sa charge.
ARTICLE 2: Le bénéfice non commercial de M. xxxxx imposable au titre de l'année 1974 est fixé à 170.475 F.
ARTICLE 3: L'impôt sur le revenu auquel M. xxxxx a été assujetti au titre de l'année 1974 est remis à sa charge à raison des droits résultant de l'article 2 cidessus.
ARTICLE 4: Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif seront supportés par M. xxxxx à concurrence des trois quarts et par l'Etat à concurrence d'un quart.
ARTICLE 5: Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 20 novembre 1978 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

ARTICLE 6: Le surplus des conclusions de la requête de M. xxxxx et le surplus des conclusions du recours du ministre du budget sont rejetés.

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