Jurisprudence : CE 2/6 SSR, 18-10-1995, n° 156252

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 156252

MINISTRE DE L'INTERIEUR

Lecture du 18 Octobre 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 2ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu le recours, enregistré le 17 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement du 20 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision implicite du préfet de la Loire rejetant la demande de titre de séjour présentée le 23 février 1993 par M. Ahmed Reghis, et, d'autre part, condamné l'Etat à payer à M. Reghis une somme de 1 500 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; 2° rejette la demande présentée par M. Reghis devant le tribunal administratif de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi n° 89-548 du 2 août 1989 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 introduit par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. de L'Hermite, Auditeur, - les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Sur le jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales" ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses avenants régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du préfet de la Loire rejetant la demande présentée par M. Reghis le 23 février 1993 tendant à l'obtention d'un titre de séjour, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 18 bis ajouté à l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi n° 89-548 du 2 août 1989 ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés par M. et Mme Reghis devant le tribunal administratif de Lyon ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée etfamiliale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits ou libertés d'autrui" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Reghis, né en France, se trouvait, à la date de la décision attaquée, marié à une ressortissante algérienne également néeen France et bénéficiaire d'un certificat de résidence, et qu'il était père de deux enfants dont un de nationalité française ; que, dans ces conditions, la décision attaquée a porté une atteinte au respect de sa vie familiale disproportionnée aux buts en vertu desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté la demande de M. Reghis ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne que soit délivré un titre de séjour à M. Reghis :

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 6.1 de la loi susvisée du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;

Considérant que si la présente décision, qui confirme l'annulation de refus implicite du préfet de la Loire de délivrer à M. Reghis un titre de séjour, a pour effet de saisir à nouveau le préfet de la Loire de la demande de M. Reghis, son exécution n'implique pas nécessairement que cette autorité lui délivre le titre de séjour qu'il sollicite ; que, dès lors, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;

Sur les conclusions de M. et Mme Reghis tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme Reghis la somme de 6 000 F au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme Reghis une somme de 6 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme Reghis tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne à l'administration de délivrer à M. Reghis un titre de séjour sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Ahmed Reghis et au ministre de l'intérieur.

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