CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 15186
M. xxxxx
Lecture du 18 Juin 1980
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème Sous-Section
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. xxxxx, demeurant xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: -1° annule un jugement en date du 3 octobre 1978, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, mises en recouvrement au titre de 1970, 1971 et 1972 dans les rôles de la commune de xxxxx; -2° accorde les décharges sollicitées;
Vu le Code général des impôts;
Vu la loi du 27 juillet 1966 portant réforme des sociétés commerciales;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la déclaration qu'il avait souscrite de ses revenus de 1970, M. xxxxx avait imputé sur son revenu global la part lui incombant dans le déficit subi par la société à responsabilité limitée xxxxx en ce qui concerne l'exercice clos la même année; que, de même, il avait imputé le reliquat de ce déficit sur son revenu déclaré au titre de 1971, puis sur celui de 1972; que l'administration, n'admettant pas ces déductions, a assujetti M. xxxxx à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1970, 1971 et 1972, dont celui-ci demande la décharge;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable, Ce revenu net est déterminé... sous déduction: -I du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement"; qu'en vertu de l'article 206 du même code, les bénéfices des sociétés à responsabilité limitée sont en principe soumis au nom de celles-ci à l'impôt sur les sociétés, tandis qu'en vertu de l'article 8 de ce code, ceux que réalisent les sociétés de personnes sont imposables à l'impôt sur le revenu au nom de chacun des associés en proportion de ses droits dans la société; que, par voie de conséquence, en cas d'exercice social déficitaire, seul l'associé d'une société de personnes peut déduire de son revenu global une part du déficit social correspondant à ses droits dans la société;
Considérant que si, en créant le 26 mars 1969 la société xxxxx, M. xxxxx et ses associés ont donné à celle-ci les statuts d'une société à responsabilité limitée, il résulte de l'instruction qu'ils se sont abstenus de la faire immatriculer au registre du commerce; que l'article 5 de la loi du 27 juillet 1966 portant réforme des sociétés commerciales subordonne à l'accomplissement de cette formalité l'acquisition par ces sociétés de la personnalité morale; qu'il suit de là que la société xxxxx était en réalité, ainsi d'ailleurs que l'a jugé le tribunal de commerce de Paris, une société de fait; que, si l'administration était en droit, à défaut d'avoir été informée de cette situation, d'opposer à ladite société son caractère apparent de société à responsabilité limitée, cotte circonstance n'interdisait pas à M. xxxxx, en ce qui le concerne personnellement, de se prévaloir, ainsi qu'il l'a fait dans ses déclarations de revenus de 1970, 1971 et 1972, de la situation réelle et par conséquent de sa qualité d'associé d'une société de fait;
Considérant qu'il résulte de ce qui préède que M. xxxxx, étant membre d'une société de fait, donc imposable dans les mêmes conditions qu'un membre d'une société de personnes, était fondé à imputer sur son revenu global de 1970, une somme égale à la fraction correspondant à ses droits dans la société xxxxx du déficit subi par celle -ci au cours de l'exercice clos la même année et, éventuellement, sur ses revenus de 1971 et 1972, les reliquats non imputés; que, toutefois, en l'état de l'instruction, le Conseil d'Etat ne dispose pas des éléments nécessaires à la fixation de ces sommes; qu'il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction pour y parvenir.
DECIDE
ARTICLE 1er. - Il sera, avant de statuer sur la requête de M. xxxxx procédé par les soins du ministre du budget à un supplément d'instruction contradictoire aux fins de déterminer: -les droits de M. xxxxx dans la société xxxxx; -la fraction correspondante du déficit subi par cette société au cours de l'exercice clos en 1970; -le reliquat de cette somme après son imputation sur le revenu déclaré par M. xxxxx au titre de 1970; -le reliquat de ce reliquat après son imputation sur le revenu déclaré par M. xxxxx au titre de 1971.
ARTICLE 2. - Il est accordé au ministre du budget un délai de quatre mois à dater de la notification de la présente décision pour faire parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les renseignements définis à l'article précédent.