Jurisprudence : CE référé, 27-08-2013, n° 370831, SOCIETE MERCEDES-BENZ FRANCE

CE référé, 27-08-2013, n° 370831, SOCIETE MERCEDES-BENZ FRANCE

A3122KKT

Référence

CE référé, 27-08-2013, n° 370831, SOCIETE MERCEDES-BENZ FRANCE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/9142498-ce-refere-27082013-n-370831-societe-mercedesbenz-france
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Abstract

Le 26 juillet 2013, le ministre chargé des Transports a pris, sur le fondement d'une clause de sauvegarde prévue par le droit de l'Union européenne, une décision refusant provisoirement, et pour six mois au plus, l'immatriculation sur le territoire français des véhicules Mercedes classes A, B, CLA et SL produits par Daimler.



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


370831


SOCIETE MERCEDES-BENZ FRANCE


Ordonnance du 27 août 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Mercedes-Benz France, dont le siège social est Parc de Rocquencourt à Rocquencourt (78150) ; la société Mercedes-Benz France demande au juge des référés du Conseil d'Etat :


1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 26 juillet 2013 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a refusé l'immatriculation sur le territoire français des véhicules du constructeur Daimler ayant les numéros de réception communautaires e1*98/14*0169*19 (type 230) du 6 juin 2013 à l'exception de la version SZBBA200 et e1*2001/116*0470/04 (type 245G) du 3 juin 2013 à l'exception des versions de la variante Y2GBM2, pour une durée maximale de six mois ;


2°) d'enjoindre au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de lui délivrer les codes nationaux d'identification du type (CNIT) des véhicules concernés, permettant l'immatriculation des véhicules des types 230 et 245 G de la marque Mercedes-Benz, et de cesser toute entrave à l'immatriculation de ces véhicules, dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


elle soutient que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur sa demande de suspension ; que la condition d'urgence est remplie ; que la décision contestée porte, en effet, une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, en lui causant un grave préjudice financier, commercial et d'image ; qu'elle porte également gravement atteinte aux intérêts de son réseau de distributeurs ; qu'elle porte atteinte à l'intérêt public qui s'attache à la libre circulation des biens au sein du marché européen ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, la libre circulation organisée par la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur s'oppose à ce que soit refusée l'immatriculation de véhicules ayant fait l'objet d'une réception communautaire, sauf mise en œuvre d'une clause de sauvegarde strictement encadrée ; qu'il n'appartient pas aux autorités françaises de prendre des mesures correctives afin de préserver les objectifs assignés aux Etats membres par la directive 2006/40/CE du 17 mai 2006 ; que la décision contestée est entachée d'un détournement de procédure ; que la décision méconnaît les dispositions de l'article R. 321-14 du code de la route, les motifs retenus par le ministre étant inopérants ou insuffisants à justifier l'application de la clause de sauvegarde ; que la décision est entachée d'une rétroactivité illégale ; qu'elle méconnaît le principe d'égalité et est entachée de discrimination illégale dès lors que d'autres constructeurs ont pu obtenir de l'autorité nationale française compétente la réception communautaire pour des véhicules utilisant le même gaz de réfrigération ;


Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;


Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2013, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que la société requérante ne justifie pas de la réalité des préjudices qu'elle invoque ; que la société requérante ne peut se prévaloir, pour justifier de l'urgence, de la situation dans laquelle elle s'est elle-même placée ; que l'intérêt public s'attache au maintien de l'exécution de la décision contestée, compte tenu de ce que la dangerosité du nouveau fluide n'est pas établie, que la décision a pour effet de rétablir la concurrence qui a été altérée par la situation créée par la société requérante et que l'absence d'utilisation du nouveau gaz porte atteinte à l'environnement ; que la décision contestée est à bon droit fondée sur le motif tiré de la nuisance grave à l'environnement prévu à l'article R. 321-14 du code de la route ; que la décision contestée n'est pas entachée d'une rétroactivité illégale ; que la décision contestée ne méconnaît pas le principe d'égalité ;


Vu les observations complémentaires, enregistrées le 22 août 2013, présentées pour la société Mercedes-Benz France, qui reprend les conclusions de sa requête ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le traité sur l'Union européenne ;


Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;


Vu la directive 2006/40/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les émissions provenant des systèmes de climatisation des véhicules à moteurs ;


Vu la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteurs, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules ;


Vu le code de la route ;


Vu l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif à la réception des véhicules automobiles en ce qui concerne les systèmes de climatisation ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Mercedes-Benz France, d'autre part, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;


Vu le procès-verbal de l'audience publique du 23 août 2013 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :


- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Mercedes-Benz France ;


- les représentants de la société Mercedes-Benz France ;


- les représentants du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;




1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;


2. Considérant que la société Mercedes-Benz France a saisi le juge des référés du Conseil d'Etat d'une demande, fondée sur ces dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de la décision prise le 26 juillet 2013 par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie refusant à titre temporaire l'immatriculation en France de certains véhicules produits par la société Daimler AG ;


Sur les dispositions applicables au litige :


3. Considérant, d'une part, que la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établit un cadre harmonisé pour la réception des véhicules neufs à moteur ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans toute l'Union européenne ; qu'elle organise à cette fin des procédures de réception CE par type de véhicules ; que ces procédures conduisent les autorités compétentes désignées par chaque Etat membre à accorder ou refuser la réception CE par type au vu des exigences de la directive ; que les réceptions accordées peuvent faire l'objet de modifications, sous forme de révision ou d'extension, décidées par l'autorité compétente de l'Etat membre qui avait accordé la réception initiale ; que les véhicules fabriqués conformément au type de véhicule réceptionné font l'objet d'un certificat de conformité délivré par le constructeur ; que les autres Etats membres ne peuvent s'opposer à l'immatriculation, à la vente ou à la mise en service de véhicules accompagnés d'un certificat de conformité en cours de validité qu'en vertu des clauses de sauvegarde figurant aux articles 29 et 30 de la directive ;


4. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la directive : " 1. Si un Etat membre considère que de nouveaux véhicules, systèmes, composants ou entités techniques compromettent gravement la sécurité routière ou nuisent fortement à l'environnement ou à la santé publique bien qu'ils respectent les exigences applicables ou soient marqués d'une façon adéquate, cet Etat membre peut, pendant six mois au maximum, refuser d'immatriculer de tels véhicules ou d'autoriser la vente ou la mise en service sur son territoire de tels véhicules, composants ou entités techniques. / Dans de tels cas, l'Etat membre concerné en informe immédiatement le constructeur, les autres Etats membres et la Commission, en motivant sa décision et en indiquant en particulier si elle découle: / - de lacunes dans les actes réglementaires applicables, ou / - de l'application incorrecte des exigences applicables. / 2. La Commission consulte les parties concernées dans les meilleurs délais, et notamment l'autorité compétente en matière de réception qui a accordé la réception par type, afin de préparer une décision (.) " ;


5. Considérant qu'en vertu de l'article R. 321-11 du code de la route, " Tout véhicule dont le type a fait l'objet d'une réception CE et qui est muni d'un certificat de conformité valide peut être librement commercialisé et mis en circulation " ; que l'article R. 321-14 du code de la route, qui procède à la transposition des objectifs poursuivis par l'article 29 de la directive, dispose que : " S'il est établi que des véhicules, systèmes ou équipements d'un type ayant fait l'objet d'une réception CE compromettent gravement la sécurité routière ou nuisent gravement à l'environnement ou à la santé publique alors qu'ils sont accompagnés d'un certificat de conformité en cours de validité ou qu'ils portent une marque de réception valide, le ministre chargé des transports peut, pour une durée de six mois au maximum, refuser d'immatriculer ces véhicules ou interdire la vente ou la mise en service de ces véhicules, systèmes ou équipements. Il en informe immédiatement le constructeur et les autorités compétentes en matière de réception des autres Etats et la Commission européenne en motivant sa décision. La décision doit également être notifiée au constructeur intéressé et indiquer les voies et délais de recours " ;


6. Considérant, d'autre part, que la directive 2006/40/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les émissions provenant des systèmes de climatisation des véhicules à moteur a prévu, au paragraphe 4 de son article 5, que les Etats membres n'accordent plus la réception CE d'un type de véhicule équipé d'un système de climatisation conçu pour contenir des gaz à effet de serre fluorés dont le potentiel de réchauffement planétaire est supérieur à 150 à compter du 1er janvier 2011 ; que cette date d'effet a été reportée au 1er janvier 2013 en raison des difficultés d'approvisionnement constatées à compter de 2011 pour le seul gaz commercialisé répondant aux exigences de la directive ; que le paragraphe 5 du même article 5 a retenu la date du 1er janvier 2017 pour imposer à l'ensemble des véhicules neufs, qu'ils relèvent ou non d'un nouveau type de véhicules, l'utilisation d'un gaz au potentiel de réchauffement planétaire inférieur à 150 ;


Sur le litige :


7. Considérant qu'il résulte des éléments produits dans le cadre de l'instruction de la demande de suspension présentée au juge des référés du Conseil d'Etat, ainsi que des indications données au cours de l'audience publique du 23 août 2013, que la société Daimler AG a introduit après le début de l'année 2011 auprès du Kraftfahrt-Bundesamt (KBA), autorité compétente en matière de réception désignée par la République Fédérale d'Allemagne, des demandes de réception CE pour des types de véhicules qui répondent à la dénomination commerciale de classe A, classe B, classe CLA et classe SL, pour lesquels le système de climatisation devait utiliser un nouveau gaz, dénommé " R 1234 yf ", dont le potentiel de réchauffement planétaire est inférieur à 150, en lieu et place du gaz dénommé " R 134 a ", utilisé antérieurement et dont le potentiel de réchauffement est de 1 300 ; que le KBA a délivré la réception CE pour ces différents types de véhicules en 2011 et 2012 ; que toutefois, après que des articles de presse eurent mis l'accent sur des risques que pourrait présenter ce nouveau gaz, la société Daimler AG a procédé à de nouveaux tests à compter du mois d'août 2012 ; qu'elle fait valoir que ces tests ont mis en évidence que le gaz " R 1234 yf " se révélerait plus dangereux que le gaz précédemment utilisé, en raison de risques sérieux d'inflammation en cas de choc en conditions de circulation et de dégagements de fluorure d'hydrogène hautement toxiques ; que la société Daimler AG, après avoir informé les autorités allemandes et européennes des résultats de ces tests, a demandé au KBA une modification, sous forme d'extension, des réceptions CE antérieurement délivrées pour les classes A, B, CLA et SL pour équiper ces véhicules avec le gaz " R 134 a " ; que ces extensions ont été accordées par deux décisions du KBA, l'une du 3 juin 2013 ayant pour numéro " e1*2001/116*0470*04 " et concernant les classes A, B et CLA, l'autre du 6 juin 2013 ayant pour numéro " e1*98/14*0169*19 " et concernant la classe SL ;


8. Considérant qu'en dépit des décisions prises par le KBA les 3 et 6 juin 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, par une décision non formalisée, a donné instruction, au cours du mois de juin 2013, à l'Organisme technique central français de ne pas délivrer les codes nationaux d'identification du type (CNIT) des véhicules considérés, avec pour conséquence de faire obstacle à l'immatriculation en France de ces véhicules ; que l'exécution de cette décision a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 25 juillet 2013 ;


9. Considérant que, le 26 juillet 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a pris une nouvelle décision, de portée équivalente mais fondée sur les dispositions de l'article R. 321-14 du code de la route, traduisant la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par l'article 29 de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 ; que cette décision refuse l'immatriculation sur le territoire français des véhicules produits par la société Daimler AG portant les numéros de réception communautaire " e1*98/14*0169*19 " (type 230) du 6 juin 2013, à l'exception de la version SZBBA200, et " e1*2001/116*0470/04 " (type 245G) du 3 juin 2013, à l'exception des versions de la variante Y2GBM2, jusqu'à l'intervention d'une décision de la Commission européenne ou au plus tard pour une durée de six mois ; que cette décision est motivée par la considération que l'extension des réceptions communautaires résultant des décisions du KBA des 3 et 6 juin 2013 constitue un détournement permettant au constructeur de s'exonérer des exigences de la directive 2006/40/CE du 17 mai 2006, en contournant l'application de l'article 5 § 4 de cette directive ainsi que les principes de la réception par type de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007, que cette opération porte préjudice à l'environnement et aux efforts de réduction des gaz à effet de serre et qu'elle crée une distorsion manifeste de concurrence entre les constructeurs automobiles sur le marché européen ; qu'elle expose que, pour ces raisons, les autorités françaises " souhaitent prendre les mesures correctives nécessaires, afin de préserver les objectifs assignés aux Etats membres par la directive [2006/40/CE] et de mettre un terme à cette infraction " ; que la société Mercedes-Benz France demande la suspension de l'exécution de cette décision du 26 juillet 2013 ;

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