Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 16-05-1997, n° 145097

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 145097

- Mme NIOLLON - MINISTRE DU BUDGET

Lecture du 16 Mai 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu 1°), sous le n° 145 097 la requête, enregistrée le 8 février 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Ginette NIOLLON, demeurant 36, rue du 4 septembre, à Aix-en-Provence (13100) ; Mme NIOLLON demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 8 décembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur le recours du ministre du budget, d'une part, réformé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 novembre 1991 qui l'avait déchargée des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981, 1982,1983 et 1984, d'autre part, remis à sa charge ces impositions à concurrence de droits correspondant, en base, respectivement, à 123 260 F, 70 560 F, 110 190 F et 351 170 F, ainsi que les pénalités y afférentes ;

Vu 2°), sous le n° 145121, le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 9 février 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt précité du 8 décembre 1992 en tant que, par ledit arrêt, la cour administrative d'appel de Lyon n'a que partiellement fait droit à son recours en ce qui concerne les impositions mises à la charge de Mme Niollon au titre des années 1982 et 1983 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mlle Mignon, Auditeur, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme NIOLLON, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de Mme NIOLLON et le recours du MINISTRE DU BUDGET sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête de Mme NIOLLON :

Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, par lettre du 27 ao–t 1985, l'administration a demandé à Mme NIOLLON, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'une part, des justifications sur l'origine de divers crédits ayant figuré sur son compte bancaire durant l'année 1981, d'autre part, des éclaircissements relatifs à la date d'acquisition de 23 bons de caisse, d'une valeur totale de 400 000 F, découverts dans son coffre bancaire lors d'une perquisition judiciaire ; qu'en réponse à cette demande, Mme NIOLLON a, en particulier, indiqué les dates d'acquisition de ces bons de caisse ; que, par une seconde lettre, du 5 mars 1986, l'administration a demandé à Mme NIOLLON des justifications sur l'origine de plusieurs crédits bancaires ayant figuré sur son compte bancaire durant les années 1982 à 1984, ainsi que sur le solde inexpliqué de balances en espèces qui comprenaient, pour 1982, une somme de 200 000 F correspondant à l'acquisition de 12 des 23 bons de caisse ci-dessus mentionnés, pour 1983, une somme de 190 000 F correspondant à l'acquisition de 10 de ces bons et, pour 1984, une somme de 200 000 F en espèces, découverte dans le coffre bancaire de l'intéressée lors de la perquisition judiciaire dont elle a fait l'objet ; En ce qui concerne la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que Mme NIOLLON soutient que la cour administrative d'appel n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que l'irrégularité de la première demande du 27 ao–t 1985, par laquelle l'administration aurait exercé des pressions à son encontre, était de nature à entraîner la décharge de toutes les impositions contestées, ainsi que l'avait jugé le tribunal administratif de Marseille ; qu'il résulte toutefois des énonciations de l'arrêt de la cour que celleci, en faisant partiellement droit au recours du ministre, qui contestait l'existence de ces pressions, a implicitement, mais nécessairement répondu au moyen de Mme NIOLLON ; En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt :

Considérant qu'en vertu des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'un contribuable a des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et le taxer d'office à l'impôt sur le revenu s'il s'est abstenu de répondre à cette demande ou s'il n'a pas produit de justifications suffisantes ; que le moyen tiré par Mme NIOLLON de ce que, pour l'année 1984, les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 16 n'étaient pas remplies, au motif que l' administration n'avait pas réuni des éléments permettant d'établir que les 200 000 F en espèces découverts dans son coffre bancaire avaient été perçus par elle au cours de ladite année, est présenté pour la première fois en cassation et, n'étant pas d'ordre public, n'est pas recevable ;

Considérant qu'après avoir souverainement constaté que la comparaison entre les crédits ayant figuré sur les comptes bancaires de Mme NIOLLON durant les années 1981 à 1984 et les revenus qu'elle avait déclarés au titre des mêmes années constituait un élément permettant à l'administration d'établir que l'intéressée pouvait avoir des revenus plus importants que ceux qui avaient fait l'objet de ces déclarations, la cour administrative d'appel a pu en déduire, sans erreur de droit, que les demandes de justifications portant sur ces crédits étaient régulières, et remettre à la charge de Mme NIOLLON les impositions afférentes aux sommes correspondantes, dont l'origine restait indéterminée ;

Considérant que le fait qu'une perquisition judiciaire est demeurée sans suite sur le plan pénal ne suffit pas à démontrer l'existence d'un détournement de procédure ; qu'ainsi, en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la perquisition judiciaire dont Mme NIOLLON avait fait l'objet n'avait pas été détournée à des fins purement fiscales, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation, et n'a commis aucune erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme NIOLLON n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a partiellement fait droit au recours du ministre du budget et remis à sa charge les suppléments d'impôt sur le revenu qui ne procédaient pas de la prise en compte des bons de caisse découverts dans son coffre bancaire ;

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET : En ce qui concerne les conclusions principales de ce recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 170 du code général des impôts : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 16, déjà cité, du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements..." ; que, selon le deuxième alinéa du même article, "elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés..." ;

Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé la cour administrative d'appel de Lyon, l'obligation d'avoir réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ne pèse sur l'administration que lorsqu'elle entend demander à celui-ci des justifications, en application du deuxième alinéa précité de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, et ne s'étend pas aux demandes d'éclaircissement visées au premier alinéa du même article ; Mais considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 170 du code général des impôts et du premier alinéa de l'article L. 16 que, contrairement à ce que soutient le ministre, les demandes d'éclaircissements ne peuvent légalement porter que sur des mentions portées dans les déclarations de revenu souscrites par le contribuable ; que la date d'acquisition de bons de caisse n'est pas au nombre des indications à porter dans une déclaration de revenus ; qu'est, par suite, irrégulière la demande d'éclaircissements par laquelle l'administration entend, en réalité, obtenir du contribuable dont elle vérifie les déclarations, qu'il révèle la date d'acquisition de bons de caisse dont, comme en l'espèce, elle n'a appris l'existence que par l'exercice de son droit de communication ; que ce motif, qui répond aux moyens du pourvoi du ministre, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par la cour administrative d'appel dans son arrêt dont il justifie légalement le dispositif, en ce qui concerne l'exclusion des sommes de 200 000 F et 190 000 F des bases de l'impôt sur le revenu d– par Mme NIOLLON au titre des années 1982 et 1983 ; En ce qui concerne les conclusions subsidiaires du recours du ministre :

Considérant que le ministre soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur matérielle en remettant à la charge de Mme NIOLLON, au titre des années 1982 et 1983, des impositions calculées sur des bases inférieures à celles qui résultaient des redressements qu'elle a reconnus fondés ; que le ministre fait ainsi valoir que les bases d'imposition de Mme NIOLLON avaient été rehaussées, pour 1982, d'un montant total de 317 688 F correspondant, pour 77 500 F, à des crédits bancaires d'origine inexpliquée, pour 234 268 F, au solde non justifié d'une balance en espèces et, pour 5 920 F, à la remise en cause de l'abattement prévu par l'article 157 bis du code général des impôts, et, pour 1983, d'un montant total de 299 884 F, correspondant, respectivement, pour 20 000 F, 273 424 F et 6 460 F aux mêmes chefs de redressement ; que le ministre indique, à juste titre, qu'après retranchement du solde de la balance en espèces des sommes de 200 000 F, pour 1982, et de 190 000 F, pour 1983, qui y avaient été, à tort, pris en compte, et adjonction des revenus d'origine indéterminée et du montant de l'abattement irrégulièrement pratiqué aux revenus initialement déclarés, qui étaient de 12 600 F pour 1982 et de 12 310 F pour 1983, les bases d'imposition de Mme NIOLLON doivent être fixées à 130 288 F et 122 194 F, et non aux chiffres de 70 560 F et 110 910 F retenus par la cour ; que le ministre du budget est, en conséquence, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant que la cour a remis à la charge de Mme NIOLLON des droits calculés sur des bases ne s'élevant qu'à 70 560 F pour 1982 et à 110 190 F pour 1983 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'impôt sur le revenu auquel Mme NIOLLON a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 doit être remis à sa charge à concurrence de droits calculés sur des bases fixées, respectivement, à 130 288 F et 122 194 F, assortis des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 décembre 1992 est annulé en tant qu'il a remis à la charge de Mme NIOLLON des droits correspondant, en base, à 70 560 F pour 1982 et à 110 190 F, pour 1983.

Article 2 : L'impôt sur le revenu auquel Mme NIOLLON a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 est remis à sa charge à concurrence de droits correspondant en base, respectivement, à 130 288 F et 122 194 F, assortis des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 novembre 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : La requête de Mme NIOLLON et le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGETsont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Ginette NIOLLON et au ministre de l'économie et des finances.

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