Jurisprudence : CE 7/10 SSR, 10-05-1996, n° 140799

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 140799

SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. et autres

Lecture du 10 Mai 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 7ème et 10ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 7ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu 1°), sous le n° 140 799, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A., dont le siège est 22, avenue Denis Séméria à Nice (06300), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement du 15 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de la SARL "L'immobilier Graziani", syndic de la copropriété de la Résidence du Cap, annulé le permis de construire que le maire de Ville-Di-Pietrabugno lui a accordé le 2 novembre 1988 en tant qu'il autorise la réalisation des bâtiments F2, G et H destinés à des résidences de tourisme ; - rejette sur ce point la demande présentée devant le tribunal administratif de Bastia par le syndicat des copropriétaires de la "Résidence du Cap" ;

Vu 2°), sous le n° 141 830, l'ordonnance en date du 24 septembre 1992, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a, sur le fondement de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, renvoyé au Conseil d'Etat la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le18 septembre 1992, présentée pour la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et le mémoire complémentaire, enregistré le 25 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement du 15 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de la SARL "L'immobilier Graziani", syndic de la copropriété de la Résidence du Cap, annulé le permis de construire que le maire de la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO lui a accordé le 2 novembre 1988 en tant qu'il autorise la réalisation des bâtiments F2, G et H destinés à des résidences de tourisme ; - rejette la demande présentée au tribunal administratif de Bastia par le syndicat des copropriétaires de la "Résidence du Cap" ;

Vu 3°, sous le n° 144 954, l'ordonnance en date du 26 janvier 1993, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a, sur le fondement de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, renvoyé au Conseil d'Etat la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 22 septembre 1992 et le 5 janvier 1993, présentés pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP", représenté par son syndic, le Cabinet "L'Immobilier Vagelli", dont le siège est 3, avenue Emile Sari à Bastia (20100) ; le syndicat demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement du 15 juillet 1992 du tribunal administratif de Bastia en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 2 novembre1988 par le maire de Ville-di-Pietrabugno à la société du port de Toga en vue de la construction d'un ensemble immobilier sur un terrain gagné sur la mer dans l'emprise du port de plaisance de Toga ; - annule ledit permis de construire ; - condamne la commune de Ville-di-Pietrabugno à lui verser la somme de 9 488 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Monod, avocat de la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. et de la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP", - les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A., de la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP" à Ville-Di-Pietrabugno présentent à juger des questions relatives au même permis de construire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé l'arrêté du maire de Ville-Di-Pietrabugno en date du 2 novembre 1988 accordant à la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier en tant que cet arrêté autorise l'édification des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H et, d'autre part, rejeté la demande présentée par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP" en tant que cette demande était dirigée contre les autres dispositions de cet arrêté ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme : "Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) le premier jour d'une période continue d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39" ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du maire de Ville-di-Pietrabugno en date du 2 novembre 1988 ait fait l'objet d'un affichage en mairie dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires précitées ; qu'ainsi, la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. ne sont pas fondées à prétendre que la demande du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP", enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bastia le 23 juin 1989 aurait été tardive et, par suite, irrecevable ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dont les dispositions sont applicables sur le territoire des communes riveraines de la mer en vertu des prescriptions combinées de l'article L. 146-1 de ce même code et de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, que l'extension de l'urbanisation des espaces proches du rivage ne peut présenter qu'un caractère limité ;

Considérant que, si les terrains d'assiette des constructions autorisées par l'arrêté du 2 novembre 1988 sont compris dans l'emprise d'un port de plaisance dont la création a été autorisée par un arrêté du préfet, commissaire de la République de la Haute-Corse, en date du 4 décembre 1986 et dont l'aménagement et l'exploitation ont été concédés par la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO le 5 janvier 1987 à la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A., et si certains d'entre eux doivent faire l'objet de travaux de remblaiement en vue de leur exondement, tous ces terrains constituent des espaces proches du rivage de la mer au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme à l'application desquelles ne font pas obstacle celles de l'article 27 de la loi susvisée du 3 janvier 1986 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué autorise l'édification d'un ensemble immobilier destiné à des activités d'hôtellerie, de commerce et de bureau et comportant une superficie hors oeuvre brute de 18 006 mètres carrés et une superficie hors oeuvre nette de 10 890 mètres carrés ; que si les dispositions de l'arrêté attaqué présentent un caractère divisible en ce qu'elles sont relatives, d'une part, aux bâtiments E, F 1, I et J et, d'autre part, aux bâtiments F 2, G 1, G 2 et H, l'ensemble immobilier constitue, en raison de ses caractéristiques, une même opération dont la conformité avec les prescriptions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme doit être appréciée globalement ; qu'en raison de son importance, l'opération envisagée par la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A. ne peut être regardée comme une extension limitée de l'urbanisation au sens de ces prescriptions ; qu'ainsi, en accordant le permis de construire sollicité, le maire de Ville-DiPietrabugno a méconnu lesdites prescriptions ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP", celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre les dispositions de l'arrêté du 2 novembre 1988 autres que celles qui ont pour objet d'autoriser l'édification des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H ;

Considérant que l'opération envisagée ne présentant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, le caractère d'une extension limitée de l'urbanisation pour l'application des prescriptions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et la SOCIETE DU PORT DE TOGA ne sont pas fondées à se plaindre que le tribunal administratif de Bastia a annulé les dispositions de l'arrêté attaqué ayant pour objet d'autoriser la construction des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H ;

Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, "dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP", qui n'est pas la partie perdante dans l'instance relative à la requête n° 144 954, soit condamné à payer à la COMMUNE DE VILLEDI-PIETRABUGNO la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner conjointement et solidairement la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et la SOCIETE DU PORT DE TOGA S.A., sur le fondement des mêmes dispositions, à verser la somme de 12 000 F au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP" ;

D E C I D E :

Article 1er : Sont annulés, d'une part, l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 15 juillet 1992 et, d'autre part, les dispositions de l'arrêté du maire de Ville-DiPietrabugno autres que celles qui ont pour objet d'autoriser la construction des bâtiments F 2, G 1, G 2 et H.

Article 2 : Les requêtes de la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et de la SOCIETE DU PORT DE TOGA sont rejetées.

Article 3 : La COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO et la SOCIETE DU PORT DE TOGA sont condamnées, conjointement et solidairement, à payer la somme de 12 000 F au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP".

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DU PORT DE TOGA, à la COMMUNE DE VILLE-DI-PIETRABUGNO, au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA "RESIDENCE DU CAP" et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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