Jurisprudence : CE 9éme et 8éme sous-sections réunies., 06-07-1994, n° 120120

CONSEIL D'ETAT

Statuant du Contentieux

N° 120120


Mme Thiry

Lecture du 06 Juillet 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux 9éme et 8éme sous-sections réunies.)



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 septembre 1990 et 29 janvier 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Geneviève Thiry, demeurant 12, rue de la Tour de Gassies à Bordeaux (33000) ; Mme Thiry demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête à fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de chacune des années 1980 à 1983, et, réglant l'affaire au fond, de lui accorder cette décharge ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de Mme Thiry,
- les conclusions de M Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité en la forme de l'arrêt attaqué :

Considérant, que Mme Thiry soutient que la cour administrative d'appel a omis de répondre, en ce qui concerne certaines des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1980 à 1983, à plusieurs des moyens par lesquels elle contestait la régularité de la procédure d'établissement de ces impositions ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêt critiqué que ce grief manque en fait en ce qui concerne le moyen tiré par la requérante d'une méconnaissance par l'administration des prescriptions de l'article L76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que, malgré sa présentation laissant à penser que la cour aurait distinctement et successivement statué sur la régularité des procédures d'imposition suivies pour chacune des années en cause, l'arrêt comporte, sous cette dernière subdivision, les réponses, que la cour a entendu faire, pour toutes les cotisations au regard desquelles ils n'étaient pas inopérants, aux moyens dont fait état la requérante ;
Sur les moyens ayant trait à la régularité des procédures d'imposition :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les cotisations litigieuses d'impôt sur le revenu auxquelles Mme Thiry a été assujettie au titre de chacune des années 1980 à 1983 procèdent de l'imposition de bénéfices industriels et commerciaux issus de l'activité de l'entreprise Corail-Editions, que l'intéressée a exploitée individuellement durant les années 1980 et 1981 et en société de fait avec M Gozlan durant les années 1982 et 1983, et ont été établies par voie d'évaluation d'office des résultats non déclarés de ladite entreprise pour l'exercice coïncidant avec l'année 1982, et par voie de rectification d'office de ses résultats déclarés pour les exercices coïncidant avec chacune des années 1980, 1981 et 1983 ; que les bases d'imposition retenues par l'administration ont été notifiées, respectivement à Mme Thiry pour les exercices 1980 et 1981 et à la société de fait pour les exercices 1982 et 1983, le 27 septembre 1984 ;

En ce qui concerne le déroulement des procédures jusqu'à la notification des bases d'imposition :

Pour l'année 1982 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la situation d'évaluation d'office dans laquelle la société de fait Corail-Editions s'est placée, en ce qui concerne l'exercice 1982, pour ne pas avoir souscrit dans le délai légal la déclaration de ses résultats a, devant la cour administrative d'appel, été établie par l'administration sans référence nécessaire aux constatations effectuées, soit au cours de l'enquête ouverte, le 5 septembre 1983, sur le fondement des dispositions des ordonnances du 30 juin 1945 alors en vigueur, par des agents du SRPJ de Bordeaux, soit à l'occasion de la vérification de comptabilité entreprise par les services fiscaux après qu'ils aient eu communication de renseignements recueillis lors de ladite enquête ; que, par suite, alors même que, pour arrêter le montant du bénéfice imposable de la société, au titre de l'année 1982, l'administration a utilisé des informations provenant de ces investigations, ni la circonstance, alléguée par Mme Thiry, que l'enquête conduite par le service de renseignement de la police judiciaire aurait procédé d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, ni les prétendues irrégularités qui auraient entaché la communication aux services fiscaux d'un rapport et de procès-verbaux établis par les agents de police judiciaire et les opérations de vérification de comptabilité, elles-mêmes, ne sauraient affecter la régularité de la procédure d'évaluation d'office suivant laquelle a été établie l'imposition ; que, dès lors, Mme Thiry n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en réputant inopérants, en ce qui concerne cette imposition, les divers moyens qu'elle soulevait ainsi, y compris le moyen tiré du détournement de procédure qui, selon elle, aurait affecté l'enquête diligentée par le service de renseignement de police judiciaire ;

Pour les années 1980, 1981 et 1983 :

Considérant, en premier lieu, que, pour écarter comme non fondé le moyen, ci-dessus analysé, tiré de ce que l'enquête du service de renseignement de police judiciaire de Bordeaux aurait procédé d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, la cour administrative d'appel a relevé qu'il résultait de l'instruction que les fonctionnaires ayant effectué cette enquête "recherchaient réellement des infractions de caractère économique" et ont d'ailleurs dressé procès-verbal de telles infractions ; que, contrairement à ce que soutient Mme Thiry, la cour, en statuant ainsi, n'a commis aucune erreur de droit ni dénaturé les faits ressortant des pièces du dossier ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel n'a pas méconnu la portée des dispositions de l'article L101 du livre des procédures fiscales, en jugeant que celles-ci peuvent légalement fonder la communication aux services fiscaux, par l'autorité judiciaire, de tous documents qu'elle détient et qui sont au nombre des "indications de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale", visées par ces dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme Thiry, qui ne soutient pas que la cour administrative d'appel aurait dénaturé les pièces du dossier en écartant comme manquant en fait le moyen tiré par elle de ce que la vérification de la comptabilité de la société de fait Corail-Editions, pour l'exercice 1983, n'aurait pas été précédée de l'avis prescrit par l'article L47 du livre des procédures fiscales, n'est pas fondée à prétendre que la Cour aurait violé les dispositions dudit article ;

Considérant, en dernier lieu, que, si, au cours d'une vérification de comptabilité, il doit être offert au contribuable d'avoir, avec l'agent vérificateur, un débat oral et contradictoire relatif aux constatations auxquelles donne lieu ce contrôle, il est, en revanche, sans incidence sur la régularité de la vérification que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable, à cette occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir auprès de tiers, en vertu du droit de communication de l'administration ; que Mme Thiry n'est donc pas fondée à soutenir que la vérification de la comptabilité de Corail-Editions aurait, à cet égard, été entachée d'une irrégularité méconnue par la cour administrative d'appel ;
En ce qui concerne le déroulement subséquent des procédures d'imposition :
Considérant qu'en jugeant que les notifications adressées, le 27 septembre 1984, à Mme Thiry et à la société de fait Corail-Editions comportaient un exposé suffisamment précis des modalités de détermination des bases d'imposition rectifiées ou évaluées d'office, la cour administrative d'appel n'a, ni dénaturé ces pièces du dossier, ni méconnu la portée des dispositions de l'article L76 du livre des procédures fiscales ; que, les mêmes notifications contenant, sur l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication, des indications suffisantes, la cour administrative d'appel a, sans commettre d'erreur de droit, jugé que l'administration, qui n'était pas tenue de communiquer spontanément, en vue d'un débat contradictoire, lesdits documents, avait régulièrement mis en oeuvre les procédures d'évaluation ou de rectification d'office ;

Sur les moyens ayant trait au bien-fondé des impositions et à la charge de la preuve :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les impositions litigieuses ont, quant à leur bien-fondé, été contestées par Mme Thiry en tant qu'elles procèdent de ce que l'administration n'a pas admis la déductibilité, à titre de charges d'exploitation de l'entreprise Corail-Editions, des commissions versées par celle-ci à des courtiers, au motif que Mme Thiry, puis la société de fait, ne justifiaient pas de la réalité des services ainsi rétribués ; que Mme Thiry a, devant la cour administrative d'appel, soutenu que l'activité déployée par lesdits courtiers pour l'entreprise était précisément retracée sur des fiches au vu desquelles étaient calculées les commissions, et que les agents du service de renseignement de police judiciaire avaient saisies ; que la requérante fait valoir que les démarches qu'elle a effectuées auprès de l'autorité judiciaire en vue d'obtenir la restitution des documents saisis sont restées vaines, et soutient que cette circonstance aurait dû être regardée comme de nature à l'exonérer de la charge d'une preuve qui ne pouvait être apportée qu'à l'aide de ceux-ci ;
Mais considérant que la cour administrative d'appel a, à bon droit, écarté cette objection au motif que, si la requérante n'avait pu obtenir la restitution des pièces dont s'agit, elle n'établissait, ni même n'alléguait avoir sollicité d'y accéder, et que cette possibilité lui eût été refusée ;
Considérant, enfin, qu'en jugeant que, dans ces conditions, Mme Thiry n'apportait pas la preuve, à juste titre mise à sa charge eu égard aux procédures d'évaluation d'office régulièrement mises en oeuvre par l'administration, d'une exagération de ses bases d'imposition, la cour administrative d'appel a émis une appréciation souveraine qui ne saurait être discutée devant le juge de la cassation ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Thiry est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Thiry et au ministre du budget.

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