Jurisprudence : CE Contentieux, 12-03-1982, n° 11099

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 11099

Conseil national de l'Ordre des médecins et autres

Lecture du 12 Mars 1982

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 7ème Sous-Section


Vu 1° sous le numéro n° 11 099 la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 février 1978, et le mémoire complémentaire, enregistré le 13 mars 1978, présentés pour le conseil national de l'Ordre des médecins, dont le siège est à Paris (7ème) 60, boulevard de Latour--Maubourg, représenté par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule les dispositions du 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977 relatif à l'engagement des ordres ou des organisations des membres des professions libérales et des titulaires de charges et offices d'améliorer la connaissance des revenus de leurs ressortissants prévu à l'article 1469 quater F du code général des impôts;


Vu 2° sous le numéro 11 100, la requête sommaire, enregistrée au secrérariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 février 1978, et le mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 1978, présentés pour l'ordre national des chirurgiens-dentistes dont le siège est à Paris (14ème) 22, rue Emile-Mercier et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule les dispositions du 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977;


Vu 3°, sous le numéro 11 414, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 1978, et le mémoire complémentaire enregistré le 21 février 1980, présentés pour le centre national des professions de santé dont le siège est à Paris (7ème) 60 boulevard de Latour-Maubourg, représenté par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977;


Vu 4° sous le numéro 11 451, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 mars 1978 et le mémoire complémentaire enregistré le 10 mai 1978, présentés par Me Le Rohellec, avocat à la cour de Paris, demeurant à Paris (16ème) 4, rue de Gallièra, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977;


Vu 5° sous le numéro 11 466, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 mars 1978 et le mémoire complémentaire, enregistré le 11 février 1980, présentés pour l'union nationale des associations des professions libérales, dont le siège est à Paris (8ème) 1, rue de Courcelles, représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule les dispositions du 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977;


Vu 6° sous le numéro 11 413, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 1978, et le mémoire complémentaire, enregistré le 21 février 1980, présentés pour le centre national des professions de santé, dont le siège social est à Paris (7ème), 60 boulevard de Latour-Maubourg, représentée par son président en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le premier alinéa du 3° de l'article 8 du décret n° 77-1519 du 31 décembre 1977 relatif aux conditions d'agrément des associations ayant pour objet de développer l'usage de la comptabilité et de faciliter l'accomplissement de leurs obligations administratives et fiscales par les membres des professions libérales et les titulaires des charges et offices;


Vu le code général des impôts;


Vu le code pénal;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 décembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977.

Considérant que les requêtes présentées par le conseil national de l'ordre des médecins, l'ordre national des chirurgiens-dentistes, le centre national des professions de santé, M. Le Rohellec et l'union nationale des associations des professions libérales tendent, d'une part, à l'annulation des mêmes dispositions du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977, d'autre part, pour la requête n° 11413, à l'annulation de certaines des dispositions de l'article 8 du décret n° 77-1519 du 31 décembre 1977, et présentent à juger les mêmes questions; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision;


Sur les requêtes n° 11 099, 11 100, 11 414, 11 451 et 11 466 dirigées contre le 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977:

Considérant que le décret litigieux a été pris en application de l'article 64 de la loi du 29 décembre 1976, codifié à l'article 1 649 quater F du code général des impôts et instituant des associations agréées ayant pour objet d'améliorer la connaissance des revenus des membres des professions libérales et des titulaires des charges et des offices; que les membres de ces associations bénéficient en contrepartie de certains avantages fiscaux; que l'article 2 de ce décret, codifié à l'article 371 Y de l'annexe II du code général des impôts dispose que: "Par l'engagement prévu à l'article 371 X, les ordres et organisations mentionnés à l'article précité s'obligent notamment à faire à leurs ressortissants les recommandations suivantes: -1° Tenir les documents prévus aux articles 99 et 101 bis du code général des impôts conformément à l'un des plans comptables professionnels agréés par le ministre de l'économie et des finances; - 2° En ce qui concerne les recettes, mentionner sur ces documents le détail des sommes reçues, l'identité du client, le mode de règlement et la nature des prestations fournies. Toutefois, lorsque les dispositions de l'article 378 du code pénal relatives au secret professionnel sont applicables, la nature des prestations fournies n'est pas mentionnée et l'identité du client peut être remplacée par une référence à un document annexe permettant de retrouver cette indication et tenu par le contribuable à la disposition de l'administration des impôts. La nature des prestations fournies ne peut faire l'objet de demandes de renseignements de la part de l'administration des impôts. A l'égard, des organismes tenus d'établir des relevés récapitulatifs par praticien en application de l'article 1994 du code général des impôts, le droit de communication ne peut, en ce qui concerne la nature des prestations fournies, porter que sur les mentions correspondant à la nomenclature générale des actes professionnels...";

Considérant que le syndicat national des psychiatres privés et l'ordre national des pharmaciens ont intérêt à l'annulation des dispositions attaquées; qu'ainsi leurs interventions sont recevables;

Considérant que les requérants soutiennent, en premier lieu, que les dispositions du 2° de l'article 2 du décret précité ne peuvent légalement prévoir que les ordres ou organisations professionnelles ayant souscrit l'engagement susmentionné devront recommander à leurs adhérents membres des associations agréées de mentionner, lorsque les dispositions de l'article 378 du code pénal leur sont applicables, le nom de leurs clients soit sur les documents comptables soit sur un document annexe auquel le service des impôts aura accès;

Considérant qu'aux termes de l'article 378 du code pénal, commettent un délit "les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets..."; que ces dispositions s'opposent à ce que les membres des professions auxquels elles s'appliquent fassent connaître à des tiers le nom des personnes qui ont eu recours à leurs services ou à leurs soins; qu'en l'absence de toute disposition législative expresse, et bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en faveur de ces derniers à la règle édictée par l'article 378 précité;

Considérant que si l'article 64 de la loi de finances codifié à l'article 1649 quater F du code général des impôts a renvoyé au pouvoir règlementaire le soin de déterminer les conditions d'agrément des associations de membres des professions libérales et de titulaires de charges et d'offices, ni ces dispositions législatives, ni celles de l'article 98 du code général des impôts, selon lequel le livre-journal des recettes et des dépenses doit être appuyé de pièces justificatives, n'ont eu pour objet ou pour effet de donner délégation au pouvoir règlementaire pour édicter une dérogation à l'article 378 du code pénal;

Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que les requérants sont fondés à demander l'annulation du 2° de l'article 2 du décret attaqué en tant qu'il prévoit que les ordres ou les organisations professionnelles devront recommander à leurs adhérents membres des associations agréées de mentionner, lorsque les dispositions de l'article 378 leur sont applicables, le nom de leurs clients soit sur les documents comptables, soit sur un document annexe auquel le service des impôts aura accès;

Considérant en second lieu que les dispositions précitées, en tant qu'elles concernent le droit de communication des agents des impôts, si elles prévoient la communication des mentions correspondant à la nomenclature générale des actes professionnels, ne prévoient pas la communication à ces agents des noms des clients du praticien; qu'ainsi, en tout état de cause, le Conseil national de l'Ordre des médecins, l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et l'Ordre national des pharmaciens ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions litigieuses méconnaissent la règle du secret posée à l'article 378 du code pénal;


Sur la requête n° 11.413 dirigée contre le 3° de l'article 8 du décret n° 77-1519 du 31 décembre 1977:

Considérant que ladite requête attaque ce décret en tant que, dans le 3° de son article 8, il dispose que: "l'adhésion à l'association implique: -l'engagement par les membres soumis à un régime réel d'imposition de suivre les recommandations qui leur ont été adressées, conformément au décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977 susvisé, par les ordres et organisations dont ils relèvent, en vue d'améliorer la connaissance des revenus de leurs ressortissants...";

Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat déclare les recommandations prévues par le décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977 illégales, non dans leur totalité, mais seulement en tant qu'elles tendent à obliger les adhérents des ordres ou organisations professionnelles, membres des associations agréées, à mentionner, lorsque les dispositions de l'article 378 leur sont applicables, le nom de leurs clients soit sur les documents comptables, soit sur un document annexe, auquel le service des impôts aura accès qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'annulation partielle, pour ce motif, du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977 entraîne par voie de conséquence l'annulation du 3° précité de l'article 8 du décret de la même date portant le n° 77-1519.

DECIDE

Article 1er: Les interventions du syndicat national des psychiatres privés et de l'Ordre national des pharmaciens sont admises.

Article 2: Le 2° de l'article 2 du décret n° 77-1520 du 31 décembre 1977, codifié à l'article 371 Y de l'annexe II au code général des impôts est annulé en tant qu'il prévoit que les ordres ou organisations professionnelles ayant souscrit l'engagement prévu à l'article 371 X de la même annexe devront recommander à leurs adhérents membres des associations agréées de mentionner, lorsque les dispositions de l'article 378 du code pénal leur sont applicables, le nom de leurs clients, soit sur les documents comptables, soit sur un document annexe auquel le service des impôts aura accès.

Article 3: La requête n° 11413 du centre national des professions de santé et le surplus des conclusions des autres requêtes sont rejetés.

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