Jurisprudence : CA Paris, 6, 6, 16-11-2022, n° 20/04065, Infirmation

CA Paris, 6, 6, 16-11-2022, n° 20/04065, Infirmation

A07988U4

Référence

CA Paris, 6, 6, 16-11-2022, n° 20/04065, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89978213-ca-paris-6-6-16112022-n-2004065-infirmation
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6


ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022


(n° 2022/ , 2 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04065 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB72G


Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/09819



APPELANT


MonsieurAa[C] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077


INTIMÉE


S.A.S. CODIT FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel APELBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 03 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller


Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats


ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :


M. [C] [Aa] a été embauché par la société Codit France selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 mai 2018, en qualité de Général Manager, statut cadre, avec une rémunération mensuelle brute de 8 750 € outre le versement d'une partie variable d'un montant brut annuel de 45 000 € pour une réalisation de 100% des objectifs et une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.


Le contrat stipulait une période d'essai de quatre mois prenant fin le 31 août 2018 avec faculté de renouvellement une fois par décision de l'employeur avec accord écrit du salarié.


Le 31 août 2018, l'employeur a adressé à M. [Aa] une lettre de prolongation de la période d'essai à compter du 8 septembre 2018.


M. [Aa] l'a renvoyée signée à son employeur.


Le 2 octobre 2018, l'employeur a fait part oralement à M. [Aa] de la rupture de la période d'essai.


Le 5 octobre 2018, M. [Aa] a été placé en arrêt de travail en raison d'un « syndrome dépressif réactionnel à la suite d'un harcèlement moral sur son lieu de travail ».



Par courrier du 10 octobre 2018, la société Codit France a notifié à M. [Aa] la rupture de la période d'essai.


M. [Aa] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul pour harcèlement moral discriminatoire et obtenir sa réintégration et subsidiairement voir obtenir des indemnités pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Par jugement rendu le 2 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

' débouté

M. [Aa] de sa demande principale et de sa demande subsidiaire,

' condamné la société Codit France à lui verser :

- 28 000 € à titre de rappels de salaire variable,

- 2 800 € à titre de congés payés afférents ;

- 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛.


M. [Aa] a interjeté appel le 7 juillet 2020.


Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [Aa] demande à la cour de :

' A titre principal,

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Aa] de sa demande principale et en conséquence :

Dire et juger que M. [Aa] a fait l'objet d'un harcèlement moral discriminatoire ;

Prononcer la nullité du licenciement de M. [Aa] en raison du harcèlement moral discriminatoire découlant de ses conditions de travail et de la rupture du contrat de travail ;

En conséquence, ordonner la réintégration de M. [Aa] dans son poste de travail, avec une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le pouvoir de procéder à la liquidation de l'astreinte ;

Condamner la société Codit France à verser à M. [Aa] une indemnité correspondant au montant des salaires dus jusqu'à la réintégration, soit la somme de 285 322,98 € qui devra être réajustée à la date de la notification de la décision, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance mensuelle de chacun des salaires compris dans cette somme ;

Condamner la société Codit France à verser à M. [Aa] les sommes suivantes :

- 20.000 € en réparation du préjudice moral de la discrimination ;

- 20.000 € en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral ;

- 20.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité ;

' A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [Aa] de sa demande subsidiaire et en conséquence :

Dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence :

Condamner la société Codit France à verser à M. [Aa] :

- 30.570,27 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.057,02 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 30.570,27 € au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

- 20.380,18 € au titre de l'indemnité découlant des circonstances brutales et vexatoire de la rupture ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser des rappels de salaire à M. [Aa], excepté sur le quantum et condamner la société Codit France à verser à M. [Aa] :

- 45.000 € au titre de la rémunération variable,

- 4.500€ au titre des congés payés afférents,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [Aa] de ses autres demandes et Condamner la société Codit France à verser à M. [Aa] les sommes suivantes :

- 694,77 € de rappels de salaire au titre du travail effectué avant le 2 mai 2018,

- 69,47 € au titre des congés payés afférents,

- 61.140,54 € au titre de l'indemnité due au titre du travail dissimulé ;

- 20.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité ;

' Le tout avec intérêt légal à compter du jour de l'introduction de la demande,

' Condamner la société Codit France à verser 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

' Condamner la société Codit France aux entiers dépens.


Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 25 février 2021, la société Codit France demande à la cour de :

A titre principal

Confirmer le jugement rendu le 2 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Codit France au paiement des sommes de 28.000 euros au titre de la rémunération variable et 2.800 euros au titre des congés payés afférents,

Et, statuant à nouveau :

Débouter M. [Aa] de sa demande au titre de la rémunération variable et des congés payés afférents.

A titre subsidiaire

Si par impossible, la Cour estimait le licenciement de M. [Aa] nul,

Limiter la condamnation de la société Codit France au paiement des salaires dont Aa. [E] a été privé déduction faite des revenus de remplacement qu'il a perçus ;

Ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour la cause de nullité retenue par la Cour ;

Débouter M. [Aa] de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de résultat.

Si par impossible, la Cour estimait le licenciement de M. [Aa] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Limiter la condamnation de la société Codit France au paiement de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément au barème issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22-09-2017.


En tout état de cause

Débouter M. [Aa] de sa demande au titre de la rémunération variable et des congés payés afférents ;

Subsidiairement

Limiter la condamnation de la société Codit France au paiement des sommes de 28.000 euros au titre de la rémunération variable et 2.800 euros au titre des congés payés afférents ;

Débouter M. [Aa] de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents ;

Débouter M. [Aa] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

Débouter M. [Aa] du surplus de ses demandes ;

Condamner M. [C] [Aa] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛

Condamner M. [C] [Aa] au paiement des entiers dépens de l'instance.


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.



MOTIFS :


Sur le renouvellement de la période d'essai :


En vertu de L1221-23 du code du travail🏛, la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.


Le renouvellement ne peut résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale.


M. [Aa] soutient ne pas avoir donner son accord écrit pour renouveler la période d'essai, durant la période d'essai initiale et en conclut que celle-ci a expiré le 7 septembre 2018.


L'employeur soutient au contraire que M. [Aa] a expressément apposé sur le courrier aux fins de renouvellement la mention « Bon pour accord de renouvellement le 06/09/2018 ».


Il n'est pas contesté que la période d'essai initiale prenait fin le 7 septembre en raison des jours de congés pris par M. [Aa] qui en reportait la date d'expiration.


Un courrier de renouvellement de la période d'essai daté du 31 août 2018 a été adressé par la société Codit France à M. [Aa] le 31 août 2018 par courriel. Ce dernier l'a ré-adressé signé à son employeur par courriel du 12 septembre 2018.


Si le document produit aux débats par la société Codit France porte la mention 'Bon pour accord de renouvellement', la date du 06/09/2018 et la signature de M. [Aa], il résulte des échanges de messages entre M. [Aa] et le responsable des ressources humaines pour la France que le 1er octobre 2018, le responsable RH a demandé à Aa. [E] de 'venir dater ton document de période d'essai'. Lors d'un échange de SMS, le 3 octobre, le salarié a également indiqué au responsable RH qu'on lui a demandé la veille de 'refaire le document sur la prolongation de la période d'essai. Comme ça le lendemain, ils pouvaient me dire qu'ils arrêtaient la période d'essai'.


Ces circonstances rendent équivoque l'accord du salarié figurant sur la lettre de renouvellement et incertaine la date à laquelle l'accord a été donné.


Dès lors, en l'absence d'accord non équivoque donné au cours de la période d'essai initiale, il y a lieu de considérer que la période d'essai n'a pas été valablement renouvelée.


Sur le harcèlement moral discriminatoire:


Selon l'article L1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


En vertu de l'article L1154-1 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


En vertu de l'article L1132-1 du code du travail🏛, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.


L'article L1134-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


En vertu de l'article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008🏛, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;

2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.'


M. [Aa] fait valoir que l'une de ses subordonnées, Mme [K], exprimait une animosité à son égard, notamment concernant les croyances religieuses de M. [Aa] et expose que face à un climat hostile et dégradant de la part de sa subordonnée, Mme [K], il n'a jamais reçu le moindre soutien de la part de son supérieur, M. [T] [P].

Il soutient qu'il n'a pas bénéficié du même traitement que les autres salariés de l'entreprise : ne figurait pas dans le logiciel, était exclu du quotidien de l'entreprise (anniversaire, carte cadeau'), n'a pas bénéficié de la mutuelle.

Il considère en outre que la société lui a demandé de signer et d'antidater son acceptation d'un renouvellement de la période d'essai afin de pouvoir rompre le contrat à son détriment.


M. [Aa] produit des échanges de messages entre Mme [K] et lui-même révélant certes de l'animosité de cette dernière envers son supérieur mais pas de propos en lien avec sa religion. Ainsi le 5 juillet 2018, elle lui écrit '[C], sois rassuré, vu l'ampleur de la tragédie, je ne me permettrai plus de te solliciter (pour un) quelconque service. Sois en sûr.'


Aucun des échanges entre M. [Aa] et Mme [K] n'évoque les convictions religieuses et la pratique religieuse du salarié. Aucun agissement n'est caractérisé à ce titre.


Concernant la différence de traitement invoquée, les courriels relatifs à des cartes cadeaux sont adressés à une liste dont seul l'intitulé figure sur le courriel de sorte qu'il n'est pas établi que M. [Aa] n'en ait pas été destinataire.


Contrairement à ce qu'il soutient, M. [Aa] disposait d'un profil renseigné à son nom sur le site de la société.


Seule une absence d'inscription de M. [Aa] à la mutuelle et à la prévoyance AXA est établie dont il a sollicité la régularisation le 11 novembre 2018. Il ne démontre pas avoir subi de préjudice du fait de ce retard d'adhésion.


Si l'accord de M. [Aa] pour le renouvellement de la période d'essai est équivoque au regard des circonstances dans lesquelles il a été donné, ces circonstances ne sont que partiellement imputables à l'employeur, M. [Aa] ayant lui-même de sa propre initiative retourné la lettre de renouvellement signée le 12 septembre 2018.


Il en résulte qu'un seul fait est établi lequel n'est pas de nature à faire présumer une situation de harcèlement ou de discrimination.


Les demandes de dommages-intérêts formulées pour chacun de ces chefs sont en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :


Selon l'article L4121-1 du code du travail🏛, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels;

2°) des actions d'information et de formation;

3°) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.


Alors que M. [Aa] reproche à son employeur de ne pas avoir pris de mesure pour le protéger d'un environnement de travail hostile et de lui avoir annoncé de manière brutale la rupture de son contrat lors d'une réunion le 2 octobre 2018 ce qui a été à l'origine d'un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif le 5 octobre 2018, l'employeur qui conteste avoir été informé d'une quelconque difficulté, ne s'explique pas sur les mesures mises en œuvre pour prévenir tout risque pour la santé de son salarié et les faire cesser.


Succombant dans la charge de la preuve qui lui incombe, la société Codit France, est condamnée à payer à M. [Aa] la somme de 2 000 euros titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur la rupture :


La période d'essai ayant pas été valablement renouvelée, la rupture du contrat, intervenue postérieurement à l'expiration de la période d'essai, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La nullité n'est pas encourue en l'absence de harcèlement moral et de discrimination, la réintégration n'est donc pas de droit.


Sur le rappel de primes :


M. [Aa] sollicite la condamnation de la société à lui payer l'intégralité de la prime en l'absence de notification d'objectifs.


L'employeur soutient que les objectifs ont été fixés et n'ont pas été atteints. A titre subsidiaire, il considère que seule une attribution prorata temporis est possible.


Le contrat de travail stipule que ' le salarié percevra une rémunération brute annuelle de 150 000 euros qui se composera des éléments suivants :

- un salaire annuel fixe de 105 000 euros pour un horaire mensuel de 169 heures (correspondant à un horaire hebdomadaire de 39 heures)

- une partie variable dont le montant brut annuel est fixé à 45 000 euros pour une réalisation de 100% des objectifs.

Les objectifs ainsi que le mode de calcul de la partie variable feront l'objet d'un document séparé.'


Si la société a soumis des objectifs à M. [Aa] en décembre 2017 lors de la phase de négociation du contrat de travail, elle n'établit pas avoir notifié au salarié les objectifs qualitatifs et quantitatifs qu'elle lui fixait à compter de la signature du contrat de travail. L'obligation de remise d'un 'document séparé' stipulée par le contrat de travail n'a donc pas été respectée.


La règle du paiement prorata temporis ne s'appliquant pas aux éléments de rémunération évalués sur une période annuelle sauf dispositions expresses, en l'absence d'une telle stipulation, la rémunération variable est due en intégralité Aa M. [E].


La société Codit France est en conséquence condamnée à payer à M. [Aa] la somme de 45 000 euros outre 4 500 euros de congés payés y afférents.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur l'indemnité compensatrice de préavis :


En vertu de l'article 11 de la convention collective des bureaux d'études, le délai de préavis des cadres est de 3 mois.


L'indemnité compensatrice de préavis due à M. [Aa] s'élève à 30 570,27 euros outre 3 057,02 euros de congés payés y afférents.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :


En vertu de l'article L1235-3 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au jour de la rupture du contrat de travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés entre 0 et 1 mois de salaire pour une ancienneté inférieure à un an.


M. [Aa] demande le dépassement du barème considérant qu'il ne permet pas une indemnisation adéquate au regard des principes d'indemnisation posées par l'article 10 de la convention 158 de l'OIT et 24 de la Charte sociale européenne.


Toutefois, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les États contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en œuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


C'est donc vainement que M. [Aa] invoque ces dispositions pour voir écarter les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail🏛.


Par ailleurs, les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail🏛🏛🏛, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).


Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛 sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.


Il convient d'appliquer les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail🏛.


Au regard de la qualification de M. [Aa], de son âge et de sa capacité à retrouver un emploi, son préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur l'indemnité au titre des circonstances brutales et vexatoire du licenciement :


M. [Aa] invoque une annonce de rupture verbale soudaine et particulièrement brutale lors d'une réunion alors que M. [Aa] ne connaissait pas l'ordre du jour de cette rencontre.


Il produit les échanges avec M. [T] [P], son supérieur, lui demandant de le rejoindre dans la salle de réunion le 2 octobre 2018 et les échanges avec un collègue le 5 octobre 2018, soit avant l'envoi du courrier de notification de la rupture, aux termes desquels il écrit ' [T] veut me virer', 'depuis qu'il m'a annoncé ça mardi, je suis abasourdi, j'en dors plus, il m'a annoncé cela d'un seul coup, je faisais la facturation en Belgique, il m'a appelé pour une réunion, l'ai rejoins et il m'a annoncé cela, ça a duré 5 minutes, je suis choqué'.


Si ces éléments sont révélateurs du sentiment ressenti par le salarié, ils ne caractérisent pas de rupture brutale dans la mesure où M. [Aa] a bénéficié d'un délai légal de prévenance.


Sa demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée.


Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.


Sur la demande de salaires au titre de la période antérieure à la signature du contrat de travail:


M. [Aa] soutient avoir travaillé pour la société Codit France avant même la signature du contrat de travail et avoir à ce titre participé à des conférences téléphoniques en avril 2018 au sujet de la rénovation et du réaménagement des locaux, préparé des tableaux de présentation en vue d'une réunion « Get2gether » avec les Managers de l'entreprise


L'employeur répond que M. [Aa] a souhaité lui-même préparer en amont sa prise de poste.


Les échanges entre les parties, antérieurs à la conclusion du contrat de travail, évoquent la possibilité pour M. [Aa] de participer à des séminaires de l'entreprise sans toutefois que cette participation se soit concrétisée. Ces échanges établissent que M. [Aa] souhaitait disposer d'informations relatives à chaque salarié lesquelles lui ont été adressées et qu'il a émis un avis sur le ré aménagement des locaux sans que ces éléments caractérisent la réalisation d'une prestation de travail.


Sa demande de salaire est en conséquence rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.


Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé :


A défaut de démontrer qu'il a réalisé une prestation de travail avant la prise d'effet de son contrat de travail, M. [Aa] ne démontre pas l'existence d'un travail dissimulé.


Sa demande indemnitaire est en conséquence rejetée.


Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.


Sur les intérêts :


Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil🏛, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 8 janvier 2019 pour celles qui étaient exigibles au moment de sa saisine.


En vertu de l'article 1231-7 du code civil🏛, les dommages et intérêts alloués sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile🏛 :


La société Codit France est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral, pour discrimination, pour travail dissimulé, pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture et la demande de rappel de salaire,


LE CONFIRME de ces chefs,


Statuant sur les chefs infirmés


JUGE que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,


CONDAMNE la société Codit France à payer à M. [C] [Aa] les sommes de :

- 45 000 euros à titre de rémunération variable,

- 4 500 euros au titre des congés payés y afférents,

- 30 570,27 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 057,02 euros au titre des congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,


CONDAMNE la société Codit France à payer à M. [C] [Aa] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛


Condamne la société Codit France aux dépens d'appel.


LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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