Jurisprudence : CJCE, 12-09-2000, aff. C-276/97, Commission des Communautés européennes c/ République française

CJCE, 12-09-2000, aff. C-276/97, Commission des Communautés européennes c/ République française

A7082AHR

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Cour de justice des Communautés européennes

12 septembre 2000

Affaire n°C-276/97

Commission des Communautés européennes
c/
République française



61997J0276

Arrêt de la Cour
du 12 septembre 2000.

Commission des Communautés européennes contre République française.

Manquement - Article 4, paragraphe 5, de la sixième directive TVA - Mise à disposition de routes moyennant versement d'un péage - Non-assujettissement à la TVA - Règlements (CEE, Euratom) nos 1552/89 et 1553/89 - Ressources propres provenant de la TVA.

Affaire C-276/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-6251

1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Prestations de services à titre onéreux - Notion - Mise à disposition d'infrastructures routières moyennant versement d'un péage - Inclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 2, point 1)

2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Assujettis - Organismes de droit public - Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques - Notion

(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5)

3 Ressources propres des Communautés européennes - Ressources provenant de la taxe sur la valeur ajoutée - Régime de perception - Rectification au relevé annuel - Délai d'exclusion - Engagement par la Commission d'une procédure en manquement en vue d'obtenir le versement a posteriori de telles ressources - Application par analogie - Justification par des considérations de sécurité juridique

(Règlement du Conseil n° 1553/89, art. 9, § 2)

1 La mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant versement d'un péage constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. En effet, l'utilisation de l'infrastructure routière est subordonnée au règlement d'un péage dont le prix est fonction, notamment, de la catégorie de véhicules utilisée et de la distance parcourue. Il existe, dès lors, une relation directe et nécessaire entre le service rendu et la contre-valeur pécuniaire reçue. (voir points 35-36)

2 Pour que joue la règle du non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des organismes de droit public s'agissant des activités ou des opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, prévue à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, deux conditions doivent être remplies cumulativement, à savoir l'exercice d'activités par un organisme de droit public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique. S'agissant de cette dernière condition, les activités exercées en tant qu'autorités publiques sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés. (voir points 39-40)

3 Malgré l'absence d'un délai de prescription relatif au recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée tant dans la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires que dans la réglementation relative aux ressources propres des Communautés, l'exigence fondamentale de sécurité juridique peut néanmoins s'opposer à ce que la Commission puisse, dans le cadre d'une procédure en manquement tendant au versement a posteriori de ressources propres, retarder indéfiniment la décision d'engager la phase contentieuse de celle-ci. À cet égard, si l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1553/89, concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée, ne vise pas la situation dans laquelle une procédure en manquement au titre de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE) a été engagée, cette disposition témoigne néanmoins des exigences de sécurité juridique dans le domaine budgétaire en ce qu'elle exclut toute rectification au relevé annuel au-delà de quatre exercices budgétaires. Il convient d'admettre que les mêmes considérations de sécurité juridique justifient une application par analogie de la règle énoncée à ladite disposition, lorsque la Commission décide d'engager une procédure en manquement en vue d'obtenir le versement a posteriori de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée. (voir points 63-64, 67-68)

Dans l'affaire C-276/97,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme H. Michard et M. E. Traversa, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que:

- en ne soumettant pas à la taxe sur la valeur ajoutée les péages d'autoroute comme contrepartie du service rendu aux usagers, contrairement aux dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), et

- en ne mettant pas à la disposition de la Commission, au titre des ressources propres, les montants correspondants, accompagnés des intérêts de retard,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, P. Jann, H. Ragnemalm, V. Skouris et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau et M. H. A. Rühl, administrateurs principaux,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 23 novembre 1999, au cours de laquelle la Commission a été représentée par Mme H. Michard et la République française par Mme K. Rispal-Bellanger et M. S. Seam, secrétaire des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 juillet 1997, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que:

- en ne soumettant pas à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") les péages d'autoroute comme contrepartie du service rendu aux usagers, contrairement aux dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive"), et

- en ne mettant pas à la disposition de la Commission, au titre des ressources propres, les montants correspondants, accompagnés des intérêts de retard,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:

"Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

2. les importations de biens."

3 Selon l'article 4, paragraphes 1, 2 et 5, de la sixième directive:

"1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

...

5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

Les États membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28."

4 Il est constant que l'activité consistant à mettre à disposition une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage ne relève d'aucune des opérations mentionnées à l'annexe D de la sixième directive.

5 Le règlement (CEE, Euratom) n° 1553/89 du Conseil, du 29 mai 1989, concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (JO L 155, p. 9), qui a remplacé, à compter du 1er janvier 1989, le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 2892/77 du Conseil, du 19 décembre 1977, portant application, pour les ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée, de la décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés (JO L 336, p. 8), modifié en dernier lieu par le règlement (CECA, CEE, Euratom) n° 3735/85 du Conseil, du 20 décembre 1985 (JO L 356, p. 1), dispose, en son article 1er:

"Les ressources TVA résultent de l'application du taux uniforme, fixé conformément à la décision 88/376/CEE, Euratom, à la base déterminée conformément au présent règlement."

6 Selon l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1553/89:

"La base des ressources TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l'article 2 de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, modifiée en dernier lieu par la directive 84/386/CEE, à l'exception des opérations exonérées conformément aux articles 13 à 16 de ladite directive."

7 Le règlement (CEE, Euratom) n° 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 155, p. 1), applicable à partir du 1er janvier 1989, qui a abrogé le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 2891/77 du Conseil, du 19 décembre 1977, portant application de la décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés (JO L 336, p. 1), modifié en dernier lieu par le règlement (CECA, CEE, Euratom) n° 1990/88 du Conseil, du 30 juin 1988 (JO L 176, p. 1), dispose, en son article 9, paragraphe 1:

"Selon les modalités définies à l'article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l'organisme qu'il a désigné."

8 Aux termes de l'article 11 du règlement n° 1552/89:

"Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l'article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l'État membre concerné, d'un intérêt dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué au jour de l'échéance sur le marché monétaire de l'État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard."

La procédure précontentieuse

Sur la procédure relative à la sixième directive

9 Par lettre du 26 avril 1984, la Commission a demandé aux autorités françaises de présenter leurs observations sur le régime d'imposition à la TVA des concessionnaires d'autoroutes en France.

10 Par réponse du 5 juillet 1984, les autorités françaises ont fait valoir que les concessionnaires sont des collecteurs d'impôts en ce qu'ils effectuent un service de perception de taxes, à savoir les péages, en faveur de l'État auprès des usagers et qu'ils sont imposés, en tant qu'assujettis, sur la seule rémunération qui constitue la contrepartie du service rendu à l'État.

11 Par lettre du 12 mars 1986, la Commission a, conformément à l'article 169 du traité, mis le gouvernement français en demeure de présenter dans un délai de deux mois ses observations à l'égard de la position de cette institution, selon laquelle l'activité des concessionnaires d'autoroutes serait une prestation de services rendue aux usagers et non à l'État et que le non-assujettissement de cette activité à la TVA dénaturerait le système de la TVA.

12 Par lettre du 22 mai 1986, les autorités françaises ont fait savoir à la Commission qu'elles maintenaient leur point de vue. Elles ont souligné, notamment, que le montant des péages n'était pas déterminé en fonction des services rendus à l'usager de sorte qu'il ne présentait pas le caractère d'une redevance.

13 Le 28 avril 1988, la Commission a transmis à la République française une lettre de mise en demeure complémentaire précisant ses griefs à la lumière des informations fournies par cet État membre. Selon la Commission, il ne suffisait pas que les concessionnaires soient assujettis à la TVA en tant que collecteurs d'impôts, mais celle-ci devait être recouvrée sur la totalité des péages.

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