Jurisprudence : Décision n°91-294 DC du 25-07-1991

Décision n°91-294 DC du 25-07-1991

A8245ACD

Référence

Décision n°91-294 DC du 25-07-1991. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/895300-decision-n-91294-dc-du-25071991
Copier
CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°91-294 DC du 25-07-1991


Publié au Journal officiel du 27 juillet 1991
Rec. p. 91

Loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 juin 1991, par MM Pierre Mazeaud, Jean-Louis Masson, Eric Doligé, Georges Tranchant, Mmes Martine Daugreilh, Christiane Papon, MM Robert-André Vivien, Didier Julia, Jean-Paul de Rocca Serra, Mme Nicole Catala, MM Georges Gorse, René Couveinhes, Léon Vachet, Bernard Debré, Eric Raoult, Jean Besson, Jean de Gaulle, Jacques Masdeu-Arus, Jacques Houssin, Jacques Limouzy, Patrick Ollier, Mme Elisabeth Hubert, M Alain Jonemann, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM Alain Peyrefitte, Henri Cucq, Pierre Pasquini, Guy Drut, Jean-Louis Debré, Claude-Gérard Marcus, Lucien Guichon, Régis Perbet, Roland Vuillaume, Gérard Léonard, Jacques Godfrain, Xavier Deniau, Olivier Guichard, Franck Borotra, Jean-Claude Mignon, Pierre Mauger, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Gabriel Kaspereit, Pierre Bachelet, Jean-Michel Couve, Arthur Dehaine, Michel Inchauspé, Jean Brocard, Daniel Colin, Hubert Falco, François-Michel Gonnot, Marc Laffineur, Pierre Micaux, Roland Blum, François d'Aubert, André Rossi, Georges Durand, Philippe de Villiers, Arthur Paecht, Charles Ehrmann, Mme Louise Moreau, MM Claude Wolff, Gilbert Gantier, Alain Griotteray, Christian Estrosi, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu le décret n° 86-907 du 30 juillet 1986 portant publication de l'accord entre les gouvernements des Etats de l'union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, fait à Schengen le 14 juin 1985 ;

Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 ;
qu'à l'appui de leur saisine ils font valoir que cette convention est contraire à la Constitution ;

Considérant que l'engagement international dont le Parlement a, par la loi déférée, autorisé l'approbation comporte huit titres, un acte final, un procès-verbal complémentaire et une déclaration commune des autorités réunies à Schengen le 19 juin 1990 ;
qu'ont été également portées à la connaissance du Parlement des déclarations du Gouvernement de la République française ;

Considérant que les définitions des termes employés dans la convention figurent dans son titre Ier ;
qu'en particulier est considérée comme étranger toute personne autre que les ressortissants des Etats membres des communautés européennes ;
que le titre II intitulé " Suppression des contrôles aux frontières intérieures et circulation des personnes " fixe, par ses articles 2 à 38, un ensemble de règles visant à réaliser cet objectif ;
que le titre III comprend, sous les articles 39 à 91, des stipulations destinées à promouvoir entre les parties contractantes une coopération en matière de police ainsi qu'une entraide judiciaire ;
qu'à l'effet de faciliter la coopération entre les services compétents le titre IV de la convention, sous les articles 92 à 119, instaure un fichier informatisé accessible aux seuls Etats signataires dénommé " système d'information Schengen " ;
que le titre V, composé des articles 119 à 125, concerne les transports et la circulation des marchandises ;
que le titre VI énonce, sous les articles 126 à 130, des règles relatives à la protection des données à caractère personnel ;
que le titre VII, qui comprend les articles 131 à 133, institue pour l'application de la convention un comité exécutif ;
que le titre VIII intitulé " Dispositions finales " contient, à travers ses articles 134 à 142, des précisions touchant notamment au champ d'application de la convention, à la place qu'elle occupe par rapport à d'autres engagements internationaux et à sa procédure de modification ;
que l'acte final comporte six déclarations communes aux parties contractantes faites lors de la signature de la convention ;
qu'en complément de l'acte final, les parties contractantes ont adopté une déclaration commune concernant le champ d'application de la convention et pris acte de déclarations unilatérales faites en rapport avec celle-ci ;
qu'une déclaration commune des ministres et secrétaires d'Etat réunis à Schengen le 19 juin 1990 détermine l'objet de discussions ultérieures ;

Considérant par ailleurs que, par application de l'article 41, paragraphe 9, de la convention, des déclarations du Gouvernement de la République française définissent " les modalités de la poursuite transfrontalière " ;

Considérant que les auteurs de la saisine critiquent à titre principal l'article 2, paragraphe 1, de la convention aux termes duquel, " les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans qu'un contrôle des personnes soit effectué " ;
que cet article est contesté au motif qu'il porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et procède à un transfert de souveraineté ;

Considérant que selon la saisine, les articles 20, 22, 40 et 41 de la convention procèdent également à un transfert de souveraineté ;

Considérant qu'il est soutenu que méconnaissent les droits et libertés de valeur constitutionnelle les dispositions relatives au traitement des demandes d'asile, les articles 41, 61 et 63 de la convention ainsi que son titre IV ;

Considérant que les auteurs de la saisine font observer que la convention ne comporte aucune clause de " dénonciation " ;
que son champ d'application, tel qu'il est défini par l'article 138, est contraire au principe de l'indivisibilité de la République ;
qu'ils relèvent enfin qu'il n'est pas établi que la convention soit conforme au droit communautaire ;

Sur les différents griefs articulés à l'encontre de l'article 2 de la convention :
En ce qui concerne l'argumentation suivant laquelle l'article 2 porterait atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale :
Considérant que les auteurs de la saisine estiment que l'article 2 de la convention porte atteinte au devoir de l'Etat d'assurer le respect des institutions de la République, la continuité de la vie de la nation et la garantie des droits et libertés des citoyens ;

Quant au devoir de l'Etat d'assurer le respect des institutions :
Considérant qu'il est soutenu que l'article 2 de la convention, en supprimant les frontières en matière de circulation des personnes, altère le fonctionnement des institutions de la République car les limites de leurs compétences territoriales deviennent incertaines ;

Considérant que le franchissement des frontières sans qu'un contrôle des personnes soit nécessairement effectué n'est pas assimilable à une suppression ou à une modification des frontières qui, sur le plan juridique, délimitent la compétence territoriale de l'Etat ;
qu'ainsi le grief allégué manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

Quant à la continuité de la vie de la nation :
Considérant que suivant la saisine le principe posé par l'article 2 de la convention met en cause la vie de la nation au regard de ses incidences tant sur les modes d'acquisition de la nationalité française que sur la maîtrise des flux migratoires ;

Considérant que la convention ne modifie en rien les dispositions du code de la nationalité française ;
qu'en particulier, elle n'assimile nullement, pour l'application du droit de la nationalité, la résidence ou le séjour dans un des Etats signataires autres que la France à une résidence en France ;

Considérant que la portée du principe posé par l'article 2, paragraphe 1, ne peut être appréciée indépendamment des autres stipulations de la convention ;
qu'il y a lieu de relever que la suppression du contrôle des personnes aux " frontières intérieures ", laquelle n'est au demeurant pas absolue, va de pair avec le transfert de ces contrôles et leur harmonisation aux " frontières externes " des Etats signataires ;
qu'en particulier, sont définies les conditions et modalités de franchissement des frontières extérieures, ainsi que les règles uniformes suivant lesquelles doivent être effectués les contrôles ;
qu'il est prévu un régime commun de visas de court séjour s'appliquant aux ressortissants d'Etats tiers, qui ne pourra être modifié que d'un commun accord entre les parties contractantes et auquel il ne pourra être dérogé qu'exceptionnellement ;
que les visas pour un séjour de plus de trois mois sont des visas nationaux qui autorisent seulement son titulaire à transiter sur le territoire des autres parties contractantes sous les réserves mentionnées à l'article 18 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'argumentation fondée sur l'atteinte à la continuité de la vie de la nation ne saurait être retenue ;

Quant aux droits et libertés des citoyens :
Considérant que pour les auteurs de la saisine la " perméabilité des frontières " porterait atteinte aussi bien à la sûreté des personnes proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qu'aux dispositions du préambule de la Constitution de 1946 qui garantissent la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ;

Considérant que le principe posé par l'article 2, paragraphe 1, de la convention ne saurait être regardé comme méconnaissant l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, qui implique notamment que soit assurée la protection des personnes ;
qu'en effet, le principe de libre circulation s'accompagne, ainsi qu'il a été dit précédemment, de mesures de contrôle aux frontières externes des Etats signataires ;
qu'en outre, le paragraphe 2 de l'article 2 de la convention autorise une partie contractante à rétablir, pour une période limitée, les contrôles frontaliers nationaux lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent ;
que, de surcroît, le paragraphe 3 de l'article 2 stipule que la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures ne porte pas atteinte à l'exercice des compétences de police qui appartiennent à chacun des Etats sur l'ensemble de son territoire ;
qu'en conséquence, il n'est apporté aucune modification à la législation relative au contrôle des personnes à l'intérieur du territoire national ;

Considérant que les dispositions du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 en vertu desquelles la nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ", sont sans rapport avec l'article 2 de la convention ;
que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du préambule est inopérant ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'article 2 entraînerait un " transfert de souveraineté " :
Considérant que d'après les auteurs de la saisine l'article 2 de la convention " en ce qu'il supprime tout contrôle des autorités françaises emporte nécessairement un transfert de souveraineté au profit de l'Etat dans lequel l'étranger sera admis " ;

Considérant que si l'article 2 pose le principe du libre franchissement par les personnes des frontières intérieures communes, il prévoit des possibilités de dérogation pour des motifs d'ordre public ou de sécurité nationale et réserve expressément les compétences de police de chaque partie contractante sur son territoire ;
qu'ainsi, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que l'article 20, paragraphe 2, entraînerait un " transfert de souveraineté " :
Considérant que l'article 20 stipule, dans son paragraphe 2, que les dispositions du paragraphe 1 du même article relatives à la durée du séjour des étrangers au sens de la convention non soumis à l'obligation de visa, ne font pas obstacle au droit de chaque partie contractante de prolonger au-delà de trois mois le séjour de cette personne " sur son territoire dans des circonstances exceptionnelles ou par application des dispositions d'un accord bilatéral conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente convention " ;

Considérant que suivant la saisine ces stipulations étendraient à la France des accords bilatéraux auxquels elle ne serait pas partie ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 20, paragraphe 2, que la prolongation de la durée du séjour qu'il autorise ne s'applique qu'au " territoire " de l'Etat qui est partie à un accord bilatéral antérieur ou qui estime être en présence de circonstances exceptionnelles ;
qu'ainsi, l'argumentation invoquée est dénuée de pertinence ;

Sur le grief dirigé contre l'article 22 :
Considérant que l'article 22 est relatif à la situation des personnes autres que les ressortissants des Etats membres des communautés européennes qui sont entrées régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes ou qui y résident ;
que ces personnes, lorsqu'elles pénètrent sur le territoire d'une autre partie contractante sont tenues de se déclarer, auprès des autorités compétentes, dans les conditions fixées par ladite partie ;
que chaque Etat a la faculté, pour ce qui le concerne, de prévoir des exceptions au principe de la déclaration obligatoire ;

Considérant que selon la saisine, les mesures de contrôle prévues par l'article 22 entraîneraient, en raison de leur insuffisance, un transfert de souveraineté ;

Considérant que la déclaration exigée par l'article 22 constitue une formalité à laquelle les personnes visées par le texte sont astreintes pour pouvoir pénétrer en France ;
qu'il appartient aux autorités nationales de fixer les règles qui lui sont applicables et d'en tirer les conséquences appropriées ;
qu'ainsi l'article 22 n'est en rien contraire à la Constitution.
Sur les dispositions relatives au traitement des demandes d'asile :
Considérant que, par ses articles 28 et 135, la convention réaffirme les obligations des parties contractantes en vertu de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés telle qu'amendée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 29, quelle que soit la partie contractante à laquelle un étranger au sens de l'article 1er de la convention adresse sa demande d'asile, une seule partie contractante est responsable du traitement de celle-ci ;

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.