Jurisprudence : CE 3/8 SSR, 12-07-2013, n° 359314, M. Gilles GIBIER, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 SSR, 12-07-2013, n° 359314, M. Gilles GIBIER, mentionné aux tables du recueil Lebon

A8322KI3

Référence

CE 3/8 SSR, 12-07-2013, n° 359314, M. Gilles GIBIER, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8897712-ce-38-ssr-12072013-n-359314-m-gilles-gibier-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
Copier

Abstract

Aux termes d'une décision rendue le 12 juillet 2013, le Conseil d'Etat retient que l'article 167 bis du CGI est conforme au Premier protocole additionnel à la CESDH, à la libre circulation des personnes et ne peut pas faire l'objet d'une annulation au regard de la Convention franco-suisse, signée à Paris le 9 septembre 1966, mais que le juge peut décider, au cas par cas, et d'office, d'écarter la loi contraire à la stipulation (CE 8° et 3° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359314, mentionné aux tables du recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


359314


M. A.


M. Jean-Marc Vié, Rapporteur

M. Benoît Bohnert, Rapporteur public


Séance du 24 juin 2013


Lecture du 12 juillet 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux




Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. B.A., demeurant. ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler, pour excès de pouvoir, le décret n° 2012-457 du 6 avril 2012 relatif à l'imposition des plus-values et créances en cas de transfert du domicile hors de France et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2013, présentée par M.A. ;


Vu la Constitution ;


Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;


Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;


Vu la convention fiscale entre la France et la Suisse signée le 9 septembre 1966 ;


Vu l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999 ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;


Vu la décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011 du Conseil constitutionnel ;


Vu la décision n° 359314 du 13 juin 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A. ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,


- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;






1. Considérant qu'en vertu du 1 et du 2 du I de l'article 167 bis inséré dans le code général des impôts par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011, les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables lors de ce transfert au titre des plus-values latentes constatées sur les droits et titres répondant à certains critères et déterminées par différence entre la valeur de ces droits et titres lors du transfert du domicile fiscal hors de France et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ; qu'en vertu du III du même article, le transfert hors de France du domicile fiscal d'un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus ; qu'en application du V du même article, lorsqu'un contribuable transfère son domicile fiscal dans un Etat autre qu'un Etat membre de l'Union européenne ou qu'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen présentant des garanties de coopération suffisantes en matière fiscale, il peut être sursis au paiement de l'impôt correspondant aux plus-values latentes sur sa demande expresse sous réserve qu'il constitue des garanties et désigne un représentant fiscal en France ; que ces dispositions sont applicables aux transferts de domicile fiscal intervenus à compter du 3 mars 2011 ;


2. Considérant que M.A., qui était domicilié fiscalement en Francejusqu'à la date du transfert de son domicile en Suisse le 6 avril 2011, demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 6 avril 2012 relatif à l'imposition des plus-values et créances en cas de transfert du domicile hors de France, qui précise les obligations déclaratives lors du transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de France dans le cadre de l'imposition des plus-values latentes instaurée par l'article 167 bis du code général des impôts ;


Sur les moyens tirés de la rétroactivité de la loi et du décret :


3. Considérant, en premier lieu, qu'en dehors des cas et conditions où il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle ; que les moyens tirés de ce que l'article 167 bis du code général des impôts porte atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, méconnaît les droits garantis par l'article 16 de cette déclaration et a un caractère rétroactif ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;


4. Considérant, en second lieu, qu'en précisant qu'il s'appliquait aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011, le décret attaqué, pris en application de l'article 167 bis du code général des impôts, s'est borné à tirer les conséquences de cet article, selon lequel l'imposition qu'il institue s'applique aux transferts intervenus entre le 3 mars et le 11 mai 2011 ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique qui résulterait de cette mention, ne peut, en conséquence, qu'être écarté ;


Sur le moyen fondé sur l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :


5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;


6. Considérant qu'en instituant un mécanisme nouveau de taxation des plus-values latentes constatées par les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France à compter du 3 mars 2011, alors que le précédent dispositif de même nature avait été abrogé en 2005, le législateur ne peut être regardé comme ayant remis en cause un avantage fiscal dont les contribuables pouvaient escompter la pérennisation ; que la circonstance que de telles plus-values n'étaient auparavant pas imposées ne peut être regardée comme constituant un bien au sens de l'article 1er du premier protocole ; qu'ainsi, le législateur n'a privé les contribuables d'aucune espérance légitime de ne pas être imposés en France à raison des plus-values constatées à la date du transfert du domicile fiscal hors de France ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'article 167 bis du code général des impôts méconnaîtrait ces stipulations, y compris en ce qu'il prévoit son application à compter du 3 mars 2011, doit être écarté ;


Sur le moyen fondé sur le principe de libre circulation entre la France et la Suisse :


7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes : " L'objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est : / a) d'accorder un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (.) " ; que l'article 4 du même accord stipule que : " Le droit de séjour et d' accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'article 10 et conformément aux dispositions de l'annexe I " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même accord : " Le droit de séjour sur le territoire d'une partie contractante est garanti aux personnes n'exerçant pas d'activité économique selon les dispositions de l'annexe I relatives aux non actifs " ; que, son article 16, intitulé " référence au droit communautaire ", stipule que : " 1. Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations. / 2. Dans la mesure où l'application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord, à la demande d'une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence " ; qu'enfin, aux termes de l'article 21 du même accord : " (fiscalement en France) 3. Aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l'adoption ou l'application par les parties contractantes d'une mesure destinée à assurer l'imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l'évasion fiscale conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d'une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Suisse, d'une part, et un ou plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, d'autre part, ou d'autres arrangements fiscaux " ;


8. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui s'opposent à l'institution, par un Etat membre, de règles qui auraient pour effet d'entraver la liberté d'établissement de certains de ses ressortissants sur le territoire d'un autre Etat membre, ne peuvent être utilement invoquées par un contribuable ayant établi son domicile fiscal en dehors de l'Union européenne ; que la Confédération suisse n'ayant pas adhéré au marché intérieur de l'Union, l'interprétation du droit de l'Union concernant la liberté d'établissement ne peut être automatiquement transposée, en l'absence de stipulation expresse de l'accord du 21 juin 1999 ;


9. Considérant, en deuxième lieu, que les articles 1er, 4 et 6 de l'accord et l'annexe I à laquelle ils renvoient ont pour objet de définir les conditions du droit d'entrée et de séjour sur le territoire des parties contractantes ; que ces stipulations précisent également le droit de bénéficier dans le pays d'accueil d'un traitement équivalent à celui accordé par ce dernier à ses propres ressortissants en ce qui concerne l'exercice d'une activité ou les conditions de séjour en tant qu'inactif ;


10. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts n'ont ni pour objet ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l'exercice effectif, par les personnes qu'elles visent, de la liberté d'aller et venir ;


11. Considérant, d'autre part, que ces dispositions ne contreviennent pas davantage au principe de la libre circulation des travailleurs, dont le contenu est repris à l'article 7 de l'accord du 21 juin 1999, lequel se borne à reconnaître un droit à l'égalité de traitement en ce qui concerne l'accès à une activité économique et les conditions de son exercice dans le pays d'accueil ;


12. Considérant, enfin, que le droit d'établissement reconnu par l'article 4 de l'accord n'est pas comparable à la liberté d'établissement garantie par le doit de l'Union européenne ; que le paragraphe 1 de l'article 16 de cet accord n'a pas pour effet de rendre applicables toutes les dispositions de ce droit mais est limité aux droits et obligations qui découlent des actes du droit dérivé de l'Union mentionnés à l'annexe de ce même accord ; que le paragraphe 2 de l'article 16 ne permet d'invoquer la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature de l'accord que lorsque son application " implique des notions du droit communautaire " ;


13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, en prévoyant que le sursis de paiement n'est accordé aux contribuables transférant leur domicile fiscal en Suisse que sur demande expresse, qu'ils doivent désigner un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications utiles de l'administration fiscale et constituer les garanties propres à assurer le recouvrement de l'imposition, ne portent pas une atteinte au droit d'établissement et à la liberté de circulation garantis par l'accord du 21 juin 1999, non plus qu'aux principes de libre circulation des personnes et des travailleurs ; qu'au surplus, ces mesures sont destinées à assurer l'imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l'évasion fiscale au sens des stipulations du 3 de l'article 21 de cet accord ;


Sur le moyen tiré de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 :


14. Considérant que, lorsqu'une somme peut être imposée en France sur le fondement d'une disposition du code général des impôts, il est fait échec à cette imposition lorsque celle-ci est réservée à un autre pays en application des stipulations d'une convention fiscale bilatérale ; que le juge de l'impôt doit alors constater, le cas échéant d'office, que, dans le cadre de la répartition du droit d'imposer convenue entre les Etats parties à cette convention, il y a lieu d'appliquer ces stipulations et non celles de la loi nationale prévoyant l'imposition en France ; qu'en revanche, et eu égard à l'objet d'une telle convention, un moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par des dispositions législatives de portée générale ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre des dispositions réglementaires prises pour l'application de telles dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 167 bis du code général des impôts, pour l'application duquel le décret attaqué a été pris, méconnaîtrait certaines stipulations de la convention conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions ne peut qu'être écarté ;

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.