Jurisprudence : CA Reims, 26-06-2013, n° 12/01043, Infirmation partielle



Arrêt n°
du 26/06/2013
Affaire n° 12/01043
PL/BD
Formule exécutoire le à
COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE Arrêt du 26 juin 2013

APPELANTE
d'un jugement rendu le 23 mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de REIMS, section COMMERCE (n° F 11/00101)
Madame Christiane Z

COURCELLES SAPICOURT
représentée par la SELARL G.R.M.A., avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE
MUTUALITÉ FRANÇAISE DE LA MARNE

REIMS
représentée par la SELARL BONHOMME GOBLET AVOCATS ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Madame Martine CONTÉ, Président
Madame Christine ROBERT, Conseiller
Madame Patricia LEDRU, Conseiller
GREFFIER lors des débats
Madame Bénédicte DAMONT, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 15 mai 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2013,
ARRÊT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Martine CONTÉ, Président, et par Madame Bénédicte ..., Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame Christiane Z a été engagée à compter du 3 février 2004 par la Mutualité Française Marne en qualité d'assistante dentaire. A compter du 31 décembre 2008, suite à un arrêt de travail Mme Z était déclarée inapte à son poste de travail par la médecine du travail et elle sera employée en tant que standardiste-employée de bureau.
A la fin de l'année 2010, la Mutualité Française Marne engageait une procédure de licenciement économique visant à supprimer 6 emplois et Mme Z adhérait le 22 novembre 2010 à la convention de reclassement personnalisé. Le lendemain, soit le 23 novembre elle était licenciée pour motif économique.

Le 7 février 2011, Mme Z contestant le motif économique de son licenciement et la violation des critères d'ordre saisissait le conseil de prud'hommes de Reims. Par jugement rendu le 23 mars 2012 elle était déboutée de l'ensemble de ses demandes et le 18 avril elle interjetait régulièrement appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées au greffe par Mme Z le 8 mars 2013 et développées oralement à l'audience auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens tendant à voir dire que l'employeur a omis d'énoncer le motif économique du licenciement antérieurement à la signature de la convention de reclassement personnalisé, n'a pas démontré l'existence des difficultés économiques alléguées, n'a pas respecté son obligation de reclassement ni l'ordre des licenciements et à la condamnation de la Mutualité Française Marne à lui payer les sommes suivantes
- 12.830 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 12.830 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'ordre des licenciements,
- 7.000 euros pour violation de la procédure de licenciement,
- 712,77 euros au titre d'un rappel sur préavis du fait de son statut de travailleur handicapé et 71,27 euros au titre des congés payés afférents,
- 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions déposées au greffe par la Mutualité Française Marne le 13 mai 2013 et développées oralement à l'audience auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme Z à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que Mme Z prétend en premier lieu que l'employeur n'a pas énoncé les raisons économiques du licenciement avant qu'elle ait accepté la convention de reclassement personnalisé ; qu'en effet la lettre de licenciement a été envoyée postérieurement à l'acceptation ;
Mais attendu que contrairement aux allégations de Mme Z dès le 20 octobre 2010 l'employeur lui adressait un courrier recommandé avec accusé de réception signé le 23 suivant, l'informant des difficultés économiques existantes, de la nécessité de supprimer son poste, de l'impossibilité de reclassement en interne et les recherches en cours en externe ;
Que ce courrier vise expressément des difficultés économiques, donc matériellement vérifiables et leur incidence sur le contrat de travail, à savoir la suppression du poste ; qu'il en est de même en ce qui concerne la convocation à l'entretien préalable ;
Qu'en conséquence, ce moyen n'est pas fondé ;
Attendu que Mme Z soutient encore que les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau du groupe, la Mutualité Française Marne adhérant à la Fédération Nationale de la Mutualité Française et que s'agissant d'un organisme à but non lucratif, les difficultés économiques mises en avant par l'employeur sont contestables ;
Attendu que la Mutualité Française de la Marne est une personne morale de droit privé à but non lucratif relevant du Livre III du code de la mutualité ; que les mutualités sont des entités juridiques indépendantes et que chaque union territoriale bénéficie d'une autonomie fonctionnelle et organisationnelle ; que la fédération définie par l'article L.111-5 du code de la mutualité est un organe coordinateur et non décisionnaire et que la mutualité de la Marne, sans filiale ni lien capitalistique avec la fédération, la notion de groupe n'a pas vocation à s'appliquer en ce qui concerne l'appréciation des difficultés économiques ;
Attendu que Mme Z pour contester les difficultés économiques se limite à contester l'existence même de difficultés de cet ordre au regard de la nature de la mutualité qui est un organisme à but non lucratif, qui n'a pas vocation à réaliser des bénéfices, sans émettre la moindre critique sur la situation décrite et les chiffres sur lesquels s'appuie la Mutualité Française de la Marne pour établir la réalité des difficultés rencontrées ;
Attendu que pour sa part la Mutualité Française Marne produit les pièces justificatives d'un déficit de plus de 247.000 euros en 2009, d'une situation comptable négative au 30 juin 2010 de 294.609 euros ; que les éléments comptables font ressortir un déficit structurel, la nécessité de réorganisation entraînant la suppression de postes dont celui de Mme Z ;
Attendu qu'en ce qui concerne le reclassement interne la Mutualité française de la Marne justifie avoir procéder à une recherche effective et loyale ; que le poste existant sur le tiers-payant était un empoi à temps plein, Mme Z ne pouvant occuper qu'un emploi à temps partiel suite à l'avis de la médecine du travail et exigeait des compétences en matière de comptabilité que Mme Z n'avait pas et aurait nécessité une formation lourde sans rapport avec les efforts de formation nécessaires à l'adaptabilité au poste, à laquelle l'employeur est tenu ;
Mais attendu qu'en ce qui concerne le reclassement externe le juge doit rechercher si les activités et l'organisation des centres qui relèvent d'une fédération permettait ou non de réaliser une permutation ;
Qu'il est établi que la Fédération a vocation à collationner et diffuser les offres d'emplois disponibles au sein des mutualités affiliées, toutes régions confondues ; que les permutations d'une mutualité à une autre sont possibles et que parmi les quelques courriers adressés par l'employeur dans le cadre des recherches externes, aucun ne l'a été à destination de l'une des mutualités de la région (pour le moins) sachant que la fédération rassemble 600 mutuelles de santé et 2.500 services de soins et d'accompagnement mutualiste ; que de plus le courrier circulaire produit ne fournit aucun élément individuel et descriptif de la situation de Mme Z, ne visant que la recherche d'un poste de standardiste, omettant ainsi qu'elle exerçait un emploi de standardiste mais également d'employée de bureau ;
Attendu qu'il en résulte que l'employeur n'ayant pas accompli loyalement son obligation de reclassement, le licenciement de Mme Z est sans cause réelle ni sérieuse, que le jugement sera infirmé ;
Attendu que Mme Z était âgée de 58 ans et comptabilisait 7 ans d'ancienneté au moment de son licenciement ; qu'au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose son préjudice sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 8.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Sur l'application des dispositions de l'article L .1235-4 du Code du Travail
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L.1235-4 du Code du Travail le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ;
Attendu que ces dispositions ont vocation à s'appliquer en l'espèce, sauf à retenir que la convention de reclassement personnalisé est devenue sans cause du fait de la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la contribution versée par l'employeur à son financement et versée à Pôle Emploi devenant elle aussi sans cause, il y aura lieu à compensation entre cette contribution versé à tort et le remboursement des allocations chômage ;
Sur la violation de l'ordre des licenciements
Attendu que le licenciement étant déclaré sans cause réelle ni sérieuse, l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, même à supposer établie, n'est pas susceptible d'entraîner un cumul d'indemnité ;
Sur la violation de la procédure de licenciement
Attendu que Mme Z soutient que l'employeur au mépris des dispositions des articles L.1233-8 et L.1233-6 du code du travail n'a pas informé précisément les membres du comité d'entreprise et ne lui a pas laissé un délai d'examen suffisant pour recueillir un avis exprimé par vote ;
Mais attendu que comme l'ont justement relevé les premiers juges le comité d'entreprise a été réuni dès le 23 février 2010, réunion au cours de laquelle il était informé et consulté sur la baisse du chiffre d'affaires dans les différents secteurs d'activité ; qu'une seconde réunion avait lieu le 4 mai 2010 puis une troisième le 14 septembre 2010 au cours de laquelle le comité d'entreprise était consulté sur le livre IV du code du travail et informé qu'un rendez-vous tait pris avec un expert comptable et le point refait le mois suivant ;
Que le 12 octobre 2010 une nouvelle fois le comité d'entreprise était réuni et qu'enfin le 19 octobre 2010 la direction soumettait le projet de licenciement économique dans le respect de l'article L.1233-8 ;
Qu'il résulte du procès-verbal que le comité n'a sollicité aucun délai d'examen, n'a pas émis le souhait de procéder à un vote et a néanmoins approuvé le procès-verbal ;
Qu'enfin Mme Z prétend que la procédure n'aurait pas été respectée par affirmation sans préciser qu'elle aurait été selon elle les violations dont elle entend se prévaloir ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté du chef de sa demande de dommages et intérêts pour violation de procédure ;
Sur le rappel sur préavis du fait du statut de travailleur handicapé
Attendu qu'il est incontestable et incontesté que Mme Z avait le statut de travailleur handicapé ; que l'employeur ne le conteste pas et produit la photocopie d'un chèque d'un montant de 549,11 euros daté du 10 novembre 2011 correspondant au 3ème mois de préavis, chèque sur lequel au demeurant Mme Z ne s'est pas exprimé ;
Qu'il sera fait droit à la demande en deniers ou quittance ;
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Z la totalité des frais non répétibles engagés à hauteur de cour et qu'il y a lieu de mettre à la charge de la Mutualité française Marne qui succombe la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Qu'elle supportera la charge des dépens ;

PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare l'appel recevable,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de REIMS en ce qu'il a débouté du chef de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle ni sérieuse et obtenir paiement de dommages et intérêts à ce titre et d'un rappel d'indemnité compensatrice de préavis,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs de demandes,
Dit que la Mutualité française Marne n'a pas respecté son obligation de reclassement,
Dit le licenciement de Madame Christiane Z sans cause réelle ni sérieuse,
Condamne la Mutualité française Marne à payer à Madame Christiane Z la somme de 8.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
Condamne la Mutualité française Marne à payer à Madame Christiane Z la somme de 549,11 euros en deniers ou quittance au titre du rappel sur indemnité compensatrice de préavis,
Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant,
Condamne la Mutualité française Marne à payer à Madame Christiane Z la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la Mutualité française Marne à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Madame Christiane Z, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et sous réserve de la compensation avec la contribution versée par l'employeur en application de l'article L.1233-69 du code du travail destinée au financement de la convention de reclassement personnalisée devenue sans cause,
Condamne la Mutualité française Marne aux dépens. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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