Jurisprudence : TGI Paris, 3ème, 07-06-2013, n° 11/13126



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
u
3ème chambre 2ème section
N° RG
11/13126
N° MINUTE
Assignation du 07 Septembre 2011
JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2013

DEMANDERESSE
Société SNAPP, SAS

BRUGES
représentée par Maître Philippe JEAN PIMOR de la SDE SELARL JEAN-PIMOR, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0017 et Me Nela ... avocat au Barreau de PARIS, vestiaire E0865
DÉFENDERESSE
Société PLYCE
PARIS
représentée par Maître Isabelle LEROUX de la SCP SALANS & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0372,
Expéditions exécutoires délivrées le
y Cieee

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eric HALPHEN, Vice-Président, signataire de la décision
Arnaud DESGRANGES, Vice-Président
Valérie DISTINGUIN, Juge
assistés de Jeanine ..., FF Greffier, signataire de la décision
DÉBATS
A l'audience du 04 Avril 2013 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société SNAPP' indique être titulaire de la marque "FidMe" déposée auprès de l' INPI le 8 novembre 2010 dans les classes 9, 38 et 42 et enregistrée sous le n° 3 780 454. Elle indique que cette marque désigne une application pour smartphone, laquelle a fait l'objet d'un dépôt sous enveloppe Soleau le 12 mars 2010 et a été exploitée dès le 25 novembre 2010, permettant d'enregistrer des cartes de fidélité et de les présenter directement en magasin sur le téléphone portable. Elle indique par ailleurs que les interfaces de cette application ont été déposées à titre des dessins et modèles le 19 mai 2011.
Ayant constaté que la société PLYCE exploite une application dénommée "PlyceFID" ayant également pour objet de dématérialiser des cartes de fidélité dans un téléphone portable et présentant, selon elle, une interface reprenant les caractéristiques principales de celle de sa propre application, après l'envoi d'une lettre de mise en demeure du 14 juin 2011, la société SNAPP' a, par acte d'huissier de justice du 7 septembre 2011 fait assigner la société PLYCS devant le tribunal de grande instance de PARIS en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitisme pour obtenir, outre des mesures d'interdiction de commercialisation et de publication sous astreinte, la réparation de ses préjudices ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 septembre 2012, la société SNAPP', après avoir répliqué aux arguments présentés en défense, demande au Tribunal de dire et juger qu'en copiant le nom et en imitant le modèle de l'application FidMe, la société PLYCE a engagé sa responsabilité sur le terrain de la contrefaçon et qu'elle lui a porté préjudice. Elle sollicite à titre subsidiaire si le Tribunal ne faisait pas droit à la demande principale, qu'il soit jugé qu'en copiant l'application FidMe, la société



PLYCE a engagé sa responsabilité sur le terrain de la concurrence déloyale.
Elle entend voir dans les deux cas le Tribunal la condamner à lui verser à titre principal la somme de 481.443,82 euros en réparation du préjudice et à titre subsidiaire celle de 302.939,99 euros et demande en outre
- l'arrêt de la commercialisation de l'application PLYCEFID,
- la suppression de la dénomination "PLYCEFID" et la modification des visuels actuels de l'application "PLYCEFID", ce sous astreinte de 1.000 euros par jours de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- la publication du jugement à intervenir aux frais de la société PLYCE
dans les supports suivants LSA et Stratégies,
- l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- la condamnation de la société PLYCE aux dépens avec distraction au
profit de Maître Naela ...,
- la condamnation de la société PLYCE à lui verser la somme de 5.000
euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 novembre 2012, la société PLYCE demande au Tribunal de
- dire et juger la société SNAPP' irrecevable en ses demandes formées au titre du droit des dessins et modèles, faute d'identifier les dessins ou modèles invoqués,
- dire et juger le dessin ou modèle déposé par la société SNAPP' le 19 mai 2011 auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle et enregistré sous le n° 11/2538 nul en ce qu'une interface ne peut faire l'objet d'un dépôt de dessins ou modèles au sens de l'article L. 511-1 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger le dessin ou modèle déposé par la société SNAPP' le 19 mai 2011 auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle et enregistré sous le n° 11/2538 nul faute d'être nouveau et de présenter un caractère propre au sens de l'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger la société SNAPP' irrecevable en ses demandes formées au titre du droit
d'auteur faute d'identifier les oeuvres revendiquées et de démontrer sa qualité d'auteur,
- dire et juger le procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 par Maître Renaud ..., clerc habilité aux constats de la SCP ADAM, Huissiers de Justice Associés, nul,
- dire et juger le procès-verbal de constat dressé le 22 mai 2012 par Maître ... huissier de Justice Associé au sein de la SCP BOBANT GUILLOU TERRIEN, nul,
- en conséquence, prononcer la nullité du dessin et modèle n° 11/2538 en application de l'article L. 512-4 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger que la décision à intervenir sera inscrite en marge du Registre National des Dessins et Modèles sur réquisition du Greffier et transmise à l'Institut National de la Propriété Industrielle dans le mois
· de son prononcé ou qu'à défaut, le Tribunal l'autorisera ày faire procéder,
- prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 par Maître Renaud ..., clerc habilité aux constats de la
SCP ADAM, Huissiers de Justice Associés,
- prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé le 22 mai 2012 par Maître Alain ..., huissier de Justice Associé au sein de la SCP BOBANT GUILLOU TERRIEN ;
- débouter la société SNAPP' de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société SNAPP' à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société SNAPP' en tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP SALANS & ASSOCIÉS, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2013.
La société SNAPP' a signifié des écritures par la voie électronique le 19 mars 2013, soit postérieurement à la date de la clôture, lesquelles seront par conséquent écartées des débats, le Tribunal ne retenant que les conclusions signifiées le 5 septembre 2012, reprises ci-dessus.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité des procès-verbaux des 19 juillet 2011 et 22 mai 2012
La société PLYCE sollicite à titre liminaire la nullité du procès-verbal d'huissier du 19 juillet 2011 requis aux fins de constater sur des pages Internet l'existence et le fonctionnement des applications "Fidme" et "PlyceFID". Elle met en avant le fait que les opérations auraient été effectuées en présence de l'avocat de la société requérante et à partir d'une application téléchargée via le téléphone portable de Mademoiselle ... dont la qualité n'a pas été déclinée et sur laquelle l'huissier n'a procédé à aucune des diligences techniques requises en matière de preuve sur internet.
En réplique, la société SNAPP' fait valoir que son avocat n'a procédé à aucune investigation lors des opérations de constat, laissant l'huissier effectuer librement sa mission et de manière impartiale. Elle prétend également que les diligences techniques requises en matière de constat ne viseraient que les constats sur ordinateur et non sur les téléphones portables qui présentent des fonctionnalités différentes et qu'en tout état de cause le constat vaudrait commencement de preuve.
Il ressort de la lecture du procès-verbal du 19 juillet 2011 que le constat a été effectué en présence de l'avocat de la requérante. Cependant, à aucun moment ce conseil n'est intervenu directement dans les constatations, ni ne s'est substitué à l'huissier de justice, ses seules interventions s'étant limitées à lui indiquer pour quelles constatations il était requis. Or, la seule présence de l'avocat lors de constat n'entraîne pas la nullité du procès-verbal dressé par l'huissier.
Par ailleurs, s'il est exact que cet acte ne mentionne pas la qualité de la personne propriétaire du smartphone ayant été utilisé par l'huissier et que celui-ci n'a pas procédé aux pré-requis techniques d'usage lors des constats sur internet - généralement à partir d'un ordinateur portable, ces omissions n'entraînent pas nécessairement la nullité du procès-verbal dès lors comme c'est le cas en l'espèce, que l'existence même de l'application "PlyceFID" et la description qui en est faite, ne sont pas contestées et qu'aucun élément produit en défense ne vient contredire ces informations.



La demande de nullité de ce procès-verbal sera en conséquence rejetée.
La société PLYCE sollicite la nullité du procès-verbal de constat du 22 mai 2012 en faisant valoir, outre que la première page de l'acte ne mentionnerait pas s'il s'agit d'une copie ou d'un second original, que l'huissier ne se serait pas contenté d'effectuer un simple constat mais aurait entrepris une démarche active en créant un compte client, les opérations ainsi menées s'apparentant selon elle à une saisie-contrefaçon déguisée.
S'il est exact que la première page du constat communiqué ne comporte aucune mention "copie" ou "second original", force est de constater que cet acte comprend les mentions légales visées à l'article 648 du Code de procédure civile, qu'il est ainsi régulièrement daté et signé par l'huissier instrumentaire et comporte en outre le tampon de son Étude. Il en résulte qu'à moins de prétendre qu'il s'agirait un faux en écriture ce qui n'est pas allégué, cette omission est sans incidence sur la validité de l'acte.
Par ailleurs, s'il ressort de la lecture de l'acte que pour procéder à ses constatations, l'huissier de justice a été amené à créer un compte client en donnant ses coordonnées comme l'y invitait l'application litigieuse et ce, sans décliner sa qualité professionnelle, cette information n'étant d'ailleurs pas demandée lors de l'ouverture d'un compte, il ne s'est pas pour autant livré à une "saisie-contrefaçon déguisée" comme l'affirme la société défenderesse dès lors qu'il n'a procédé à aucun achat ni utilisé aucun des services offerts par la société SNAPP', l'ouverture d'un compte client n'étant que le préalable obligatoire pour accéder au contenu de l'application et pouvoir ainsi la décrire, l'opération effectuée se résumant à de simples constatations matérielles.
En conséquence, il n' y a pas lieu d'annuler le procès-verbal de constat du 22 mai 2012.
Sur la contrefaçon de la marque "FidMe"n° 3 780 454
Comme il a été précédemment exposé, la société SNAPP' est titulaire de la marque française "FidMe" déposée à l'INPI le 8 novembre 2010 . et enregistrée sous le n° 3 780 454 pour désigner tous les services des classes 9, 38 et 42 .
Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des procès-verbaux de constat des 19 juillet 2011 et 22 mai 2012 que la société PLYCE fait usage du signe "PlyceFID" pour désigner une application permettant de saisir dans un téléphone portable les cartes de fidélité qui seront ensuite utilisées par simple présentation du smartphone à la caisse du magasin.
Les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon.
Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.
Les services fournis sous le signe "PlyceFID" à savoir un procédé de dématérialisation de cartes de magasin pour téléphone portable sont identiques aux services visés dans l'enregistrement de la marque "FidMe".
L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
En l'espèce, le signe utilisé par la défenderesse reprend en majuscule le phonème "fid" de la marque revendiquée "FidMe" en l'accolant, en majuscule, au mot "Plyce" qui constitue par ailleurs sa dénomination sociale.
Il sera tout d'abord relevé que le signe "FID", utilisé seul, ne peut pas être considéré comme descriptif d'un service de dématérialisation de cartes de fidélité et qu'il présente dès lors un caractère nécessairement arbitraire, le fait qu'on le retrouve pourtant dans une série de marques citées par la société défenderesse, n'attestant que d'un usage commun mais ne retirant rien à son caractère arbitraire. Il n'est donc pas davantage descriptif, a fortiori lorsqu'il est utilisé comme en l'espèce avec le terme "me" pour donner le signe "FidMe".
D'un point de vue intellectuel, la société SNAPP fait valoir que la marque "FidMe" peut être entendue comme un double jeu de mot, car elle joue sur l'homonymie phonétique entre le préfixe "fid" du mot "fidélité" et le verbe anglais "to feed" qui signifie "nourrir, consommer" et fait remarquer qu'avec l'adjonction du mot "me" compris en français comme "moi", la marque peut tantôt signifier "ma carte de fidélité" ou "nourris moi" au sens de "transmets moi de l' information".
Cependant, si l'emploi du terme "fid" dans la marque opposée peut, sans être descriptif d'un service de dématérialisation de cartes de fidélité, évoquer tantôt le substantif "fidélité" tantôt celui de "feed", cette évocation est inexistante dans le signe incriminé dès lors que le préfix "FID" est ajouté au mot "Plyce" qui ne signifie rien et certainement pas une idée de transmission d'information. En outre, le mot "Plyce" qui est placé de surcroît en position d'attaque, apparaît l'élément dominant alors que le terme "Fid", en raison de sa brièveté et de son caractère usuel, revêt un caractère plus secondaire.
Force est de constater en outre d'un point de vue visuel que le signe revendiqué se compose de cinq lettres dont la 1 ere et la 4' sont écrites en majuscule alors que le signe incriminé en comprend huit, la le" et les 3 dernières étant en majuscule ce qui constitue une première différence. Par ailleurs, le phonème "Fid" qui constitue le seul élément commun aux deux signes est placé en position d'attaque dans la marque de la demanderesse alors qu'il figure en position finale dans le signe incriminé, cet emplacement revêtant une importance visuelle significative dès lors que la lecture s'effectue de la gauche vers la droite.
Phonétiquement, la prononciation des deux signes ne produit pas le même effet la lettre "F" qui constitue la consonne d'attaque dans la marque "FidMe", produit un souffle et un son sifflant accentué par la lettre "i" et s'appuyant sur la consonne finale "d" pour rebondir sur la syllabe suivante "me" très vraisemblablement prononcée [mi] à l'anglo-_ saxonne alors que dans le signe incriminé, la lettre "p" qui constitue la consonne d'attaque, suivie du "1" et du "y" là encore très vraisemblablement prononcé [aie] à l'anglo-saxonne, confère au signe un son sans rapport avec celui de la marque revendiquée, le préfixe "Fid", compte tenu de ces différences majeures, ne s'entendant pas de manière prédominante.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que nonobstant l'identité des services concernés, la faible similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne.
La société SNAPP' sera donc déboutée de ses demandes formées à ce titre.
Sur la contrefaçon au titre des droits d'auteur
La société SNAPP' revendique des droits d'auteur sur "les visuels de l'application, c'est à dire les écrans eux-mêmes les uns après les autres" .Elle précise, en réplique aux critiques adverses, qu'elle revendique des droits non sur la mise en oeuvre technique du logiciel ni sur le résultat du logiciel mais sur "le graphisme et les phrases d'accroches".
Cependant, comme le relève à juste titre la société PLYCE, qui conteste tant la titularité des droits et l'originalité de l' oeuvre que la contrefaçon, la demanderesse ne se livre dans ses conclusions qu'à une longue énumération des prétendues ressemblances entre l'interface de l'application "Fidme" et celle de l'application "PlyceFID" sans jamais identifier et décrire précisément les éléments sur lesquels elle prétend détenir des droits d'auteur, sans caractériser leur originalité et sans justifier non plus de sa qualité d'auteur.
Or, s'il est exact qu'en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation d'une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire du droit de propriété incorporelle de l'auteur, cette présomption simple suppose néanmoins que la personne morale qui entend s'en prévaloir identifie précisément l' oeuvre qu' elle revendique, justifie de la date à partir de laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation et précise les conditions de sa création.
La société SNAPP' produit à cet effet une enveloppe SOLEAU au nom d'une société BUSINESS ANYWHERE du 12 mars 2010 contenant une série de pages écran pour smartphone et se prévaut à partir d'un courrier d'ITUNES d'une exploitation de l'application "FidMe" à compter du 25 novembre 2010.
Cependant, l'enveloppe SOLEAU comme le courrier d'ITUNES annonçant une mise en ligne de l'application "Fidme" sur l'APPLE STORE, sont établis au nom de la société "BUSINESS ANYWHERE" et pas de la société SNAPP', cette dernière expliquant sans toutefois l'établir qu'il s'agirait de son ancienne dénomination, cela ne ressortant pourtant pas de l'extrait Kbis communiqué.
La divulgation au public sous le nom de la société SNAPP' est équivoque ; or aucun autre élément n'est produit, notamment quant aux auteurs de l'interface de l'application, au processus créatif mis en oeuvre, pas plus d'ailleurs que n'est caractérisée dans les écritures de la société SNAPP' l'originalité de "l'oeuvre" revendiquée.
Par conséquent, la société SNAPP' ne rapportant pas la preuve de la titularité de ses droits sur l'oeuvre qu'elle revendique, la demande formée au titre des droits d'auteur sera déclarée irrecevable.
Sur la concurrence déloyale
Il sera rappelé que la concurrence déloyale trouve son fondement dans l'article 1382 du Code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Elle doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement copié sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à un exercice loyal et paisible du commerce.
La société SNAPP' fait grief à la société PLYCE d'avoir repris dans son application les dessins et textes de l'application "FidMe". Elle prétend que "cette similitude visuelle ainsi que l'utilisation des mêmes formules de publicité" constitueraient un risque de confusion et caractériseraient des actes de concurrence déloyale. A cet effet, elle fait notamment observer que la page de recherche pour les cartes de fidélité est présentée de la même manière, que le visuel en portefeuilles qui lui est propre a été repris, que le mode de navigation rapide est présent sur la droite, que le positionnement des cartes et leur sens est le même qu'il soit vertical ou horizontal, ou encore que les cartes de fidélité présentées sont identiques, qu'y apparaît en particulier la carte "PharmEsprit" alors qu'elle serait confidentielle et qu'elle n'a pu figurer sur son application qu'à la suite d'une démarche spécifique.
Cependant, le simple fait de copier la prestation d'autrui n'est nullement fautif dès lors qu'il s'agit de la reprise d'éléments usuels et communs à d'autres applications, pour lesquels il n'est justifié d'aucun droit de propriété intellectuelle ou d'efforts créatifs.
Comme le fait très justement remarquer en l'espèce la société PLYCE, les fonctionnalités revendiquées par la société SNAPP' telles que la fonction supprimer ou "faire glisser pour supprimer", l' actualisation des données par un glissement tactile ou le"tirer pour rafraîchir", le format paysage, sont largement répandues dans de très nombreuses applications pour smart phone. Il en va de même pour la fonction de navigation rapide sur la droite de l'écran très couramment rencontrée. Enfin, la fonction "ajouter" située en haut à droite de l'écran pour créer une nouvelle carte dans sa liste est également fréquente sur de très nombreuses applications et la plupart du temps représentée par le signe + comme dans l'interface de la demanderesse.
Par ailleurs, le grieftiré de l'utilisation de formule de publicité similaire n'est pas davantage caractérisé, la phrase d'accroche telle que "vos cartes de fidélité dans votre mobile" lue sur le site internet de la défenderesse alors que celui de la demanderesse affiche "toutes vos cartes de fidélités réunies dans votre mobile" étant purement descriptive du service proposé de sorte que sa reprise ne saurait être considérée comme fautive. De même, la reprise de formules sur les pages écran de l'application telles que "carte non trouvée ? créez-là" alors que l'application de la société SNAPP' propose "votre carte ne figure pas dans cette liste ? Créez-là !" est inévitable s'agissant d'applications rendant le même service, recherchant une même aisance et simplicité d'utilisation et étant en outre soumises aux mêmes contraintes techniques, notamment liées à la petite taille de, l'écran.
La société SNAPP' ne démontre pas en quoi la société PLYCE aurait eu comportement déloyal et fautif dès lors que les reprises incriminées portent sur des éléments libres de droit et qu'aucune faute distincte de la copie n'est alléguée.
Par conséquent, la société SNAPP' sera déboutée des demandes formées de ce chef.
Sur la demande en nullité de dessin et modèle
En réplique à la demande initiale de la société SNAPP' formée au titre du droit des dessins et modèles, la société PLYCE a soulevé en premier lieu l' irrecevabilité d'une telle demande, à défaut pour la demanderesse de justifier de la portée de ses droits en communiquant un dépôt de dessin et modèle ne comportant aucune représentation de l'apparence d'un produit et sollicité en second lieu et seulement à titre subsidiaire, la nullité du dessin ou modèle revendiqué.
Cependant, dans le dernier état de ses écritures, la société SNAPP' a finalement renoncé à opposer dans la présente instance les droits qu'elle tire d'un dépôt de dessins et modèles enregistrés auprès de l'INPI.
Par conséquent, le moyen d'irrecevabilité de cette demande, soulevé par la société SNAPP' est devenu sans objet et a fortiori la demande de nullité qui n'était formée qu'à titre subsidiaire.
Sur les demandes accessoires
Les circonstances de l'espèce ne commandent pas d'assortir le jugement de l'exécution provisoire.
Il y a lieu de condamner la société SNAPP', partie perdante, aux dépens.
Cette dernière qui succombe, ne peut voir prospérer sa demande de remboursement de frais irrépétibles.
Elle doit être condamnée à verser à la société PLYCE qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 4.000 Euros.

PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- REJETTE les demandes de nullité des procès-verbaux des 19 juillet 2011 et 22 mai 2012 formées par la société PLYCE ;
- DÉBOUTE la société SNAPP' de sa demande en contrefaçon de la
marque "FidMe"
n° 3 780 454 ;
- DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée par la société SNAPP' au titre des droits d'auteur ;
- DÉBOUTE la société SNAPP' de sa demande en concurrence déloyale ;
- DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
- CONDAMNE la société SNAPP' à payer à la société PLYCE la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société SNAPP' aux entiers dépens dont distraction
au profit de la SCP SALANS & ASSOCIÉS.
Fait à PAR Ï, le 7 juin 2013
L Gfefiier Le Président

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