Jurisprudence : TA Rennes, du 26-09-2022, n° 2102583

TA Rennes, du 26-09-2022, n° 2102583

A07278LI

Référence

TA Rennes, du 26-09-2022, n° 2102583. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88421884-ta-rennes-du-26092022-n-2102583
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Abstract

Mots clés : domaine public maritime • contravention • grande voirie • autorisation • occupation Le tribunal administratif de Rennes annule le refus du préfet de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre d'une société.


Références

Tribunal Administratif de Rennes

N° 2102583

5ème Chambre
lecture du 26 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mai 2021 et 5 septembre 2022, la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan (FAPEGM), l'association Les Amis des Chemins de Ronde du Morbihan (ACR56), l'association Qualité de Vie à Larmor-Baden (AQVLB) et l'association Les Amis du Golfe du Morbihan (AGM), représentées par Me Dubreuil, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite du 23 mars 2021 par laquelle le préfet du Morbihan a rejeté leur demande tendant à l'établissement d'un procès-verbal de contravention de grande voirie à raison du non-respect de l'arrêté du 28 novembre 2016 accordant une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime à la société OCDL sur l'île de Berder ;

2°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie pour ce motif, et de saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les associations requérantes soutiennent que :

- eu égard à leur objet social, elles justifient d'un intérêt à agir ;

- l'occupation privative du bâtiment contrevient aux dispositions de l'autorisation d'occupation temporaire accordée le 28 novembre 2016 prévoyait que la partie de ce bâtiment devrait accueillir des activités liées à la mer ;

- aucune considération d'intérêt général n'est de nature à justifier l'inaction du préfet ; il résulte des termes d'une circulaire du 20 janvier 2012 que l'occupation du domaine public maritime à des fins d'habitation est interdite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2022, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les associations requérantes n'ont pas d'intérêt à agir, dans la mesure où leur objet social est uniquement environnemental ;

- au fond, il y a lieu d'attendre l'issue de la procédure judiciaire engagée par les associations requérantes concernant une entrave alléguée à la servitude de passage des piétons sur le littoral, qui permettra de trancher la question de l'occupation légitime du bâtiment, et les résultats de la mission d'inspection qu'il a sollicitée.

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2022, la société Omnium de constructions développements locations (OCDL), représentée par Me Fleischl, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les associations requérantes n'ont pas d'intérêt à agir, dès lors que les faits dénoncés ne constituent pas une atteinte à l'environnement ou au patrimoine ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Le mémoire, enregistré le 8 septembre 2022, présenté par la société OCDL, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gourmelon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Touret, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dubreuil, représentant les associations requérantes.

Une note en délibéré présentée par la société OCDL a été enregistrée le 13 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan (FAPEGM), l'association Les Amis des Chemins de Ronde du Morbihan (ACR56), l'association Qualité de Vie à Larmor-Baden (AQVLB) et l'association Les Amis du Golfe du Morbihan (AGM) demandent au tribunal d'annuler la décision par laquelle le préfet du Morbihan a implicitement rejeté leur demande du 21 janvier 2021 tendant à l'établissement d'un procès-verbal de contravention de grande voirie à raison de la méconnaissance par la société OCDL, titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire d'occupation du domaine public maritime sur l'île de Berder accordée par arrêté du 28 novembre 2016, des dispositions de cet arrêté et d'enjoindre au préfet d'engager cette procédure.

Sur l'intérêt pour agir des associations requérantes :

2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".

3. Au regard de son objet statutaire qui est d'assurer " la promotion et la défense des sentiers côtiers, passages piétons et chemins des communes littorales et communes d'estuaires, et la sauvegarde de leur environnement ", l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan ne justifie pas d'un intérêt pour agir contre le refus du préfet du

Morbihan de dresser contravention de grande voirie, dès lors qu'il n'est pas établi que la méconnaissance alléguée de la part de la société OCDL des dispositions de l'arrêté du 28 novembre 2016 portant autorisation d'occupation temporaire d'occupation du domaine public maritime aurait une conséquence sur les sentiers côtiers, passages ou chemins piétons, la circonstance qu'une clôture ait été installée par l'occupant des lieux étant distincte de la question tenant aux conditions d'occupation du bâtiment. En revanche, l'association Qualité de Vie à Larmor-Baden (AQVLB), l'association Les Amis du Golfe du Morbihan (AGM) et la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan (FAPEGM) dont les statuts respectifs prévoient que leur objet comprend notamment la protection du patrimoine ou la protection des sites, justifient d'un intérêt à agir contre la décision litigieuse par laquelle le préfet du Morbihan a refusé de dresser une contravention pour occupation illégale d'un bâtiment relevant pour partie du domaine public.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de dresser procès-verbal de contravention de grande voirie :

4. Aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. / Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (). ".

5. Les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale des rivages de la mer et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire notamment cesser les occupations sans titre. Si l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public, elles ne sauraient légalement s'y soustraire pour des raisons de simples convenances administratives.

6. Par arrêté du 28 novembre 2016, le préfet du Morbihan a autorisé la société OCDL à occuper temporairement des dépendances du domaine public maritime au lieu-dit " Ile de Berder " sur le territoire de la commune de Larmor-Baden, jusqu'au 31 décembre 2020. Cette autorisation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par arrêté du 31 mars 2021. L'autorisation d'occupation porte sur trois cales, une chaussée et un terre-plein sur lequel est édifié en partie un bâtiment dit " A ". Selon les dispositions de l'article 5 de l'arrêté litigieux, la partie de ce bâtiment édifiée sur domaine public est réservée à l'accueil d'activités liées à la mer. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des propres déclarations du gérant de la société titulaire de l'autorisation, et des photographies produites mettant en évidence la réalisation de travaux de rénovation du bâtiment, que ce bâtiment est utilisé à usage d'habitation par le gérant de la société, lorsqu'il réside sur l'île. Ce changement de destination ne saurait être regardé comme conforme aux prescriptions de l'arrêté du 28 novembre 2016 relatives à l'usage du bâtiment et est de nature à porter atteinte à l'affectation du domaine public à l'utilité publique. Dès lors, il y a lieu de considérer qu'il constitue une infraction aux dispositions de l'article L. 2122-1 du code général des propriétés publiques. En l'absence de circonstance en lien avec les nécessités de l'ordre public y faisant obstacle, l'autorité chargée de la police domaniale aurait donc dû mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour assurer le respect de l'affectation du domaine public.

7. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler la décision par laquelle le préfet du Morbihan a implicitement refusé de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Compte tenu du motif d'annulation du présent jugement, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Morbihan de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société OCDL doivent, dès lors, être rejetées.

9. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante en l'espèce, à verser à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, l'association Qualité de Vie à Larmor-Baden et l'association Les Amis du Golfe du Morbihan une somme de 500 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens.

10. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 3. que les conclusions présentées par l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le préfet du Morbihan a refusé de dresser procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL au titre de la méconnaissance des prescriptions de l'arrêté du 28 novembre 2016 accordant à cette société une autorisation d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime sur l'île de Berder (Lamor-Baden) est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de dresser procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L'Etat versera à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, à l'association Qualité de Vie à Larmor-Baden et à l'association Les Amis du Golfe du Morbihan la somme de 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association Les Amis des Chemins de Ronde du Morbihan sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société OCDL tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, représentante unique des requérants, à la société OCDL, au secrétaire d'Etat chargé de la mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie du présent jugement sera adressée au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gosselin, président,

Mme Gourmelon, première conseillère,

M. Desbourdes, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.

La rapporteure,

signé

V. GourmelonLe président,

signé

O. GosselinLa greffière,

signé

E. Douillard

La République mande et ordonne au secrétaire d'Etat chargé de la mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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