Jurisprudence : TA Bordeaux, du 26-08-2022, n° 2204175

TA Bordeaux, du 26-08-2022, n° 2204175

A59418G7

Référence

TA Bordeaux, du 26-08-2022, n° 2204175. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/87787367-ta-bordeaux-du-26082022-n-2204175
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Abstract

► La procédure avec négociation peut être choisie par le pouvoir adjudicateur s'il doit être utilisé un procédé de construction complexe, même si l'impact final de celui-ci sur le lot est relativement limité.


Références

Tribunal Administratif de Bordeaux

N° 2204175


lecture du 26 août 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 10 août 2022, la société Miner, représentée par Me Biais, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du lot n° 12 "revêtement de sols" du marché public de travaux ayant pour objet la restructuration et l'extension de l'EHPAD Sainte-Germaine à Bruges, engagée par l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis ;

2°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* la requête est recevable, dès lors qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

* il n'est pas établi que l'objet du marché revêt des circonstances particulières justifiant le recours à une procédure formalisée avec négociation, au sens du 4° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique ; le choix de la procédure l'a nécessairement lésée, dès lors qu'elle a légitimement pu croire qu'elle avait la possibilité de négocier certains éléments de son offre et, par suite, l'améliorer après la date limite de dépôt des offres ;

* les motifs de rejet de son offre ne lui ont pas été précisés, en méconnaissance de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique ; la note relative à la valeur technique de son offre n'est pas justifiée, ni celle de l'attributaire ; par ailleurs, la date à laquelle le marché est susceptible d'être notifié n'est pas mentionnée ;

* la mise en œuvre des critères est entachée d'irrégularité ; son mémoire technique était complet, alors que l'attributaire est une entreprise de peinture et non de sols ; en lui attribuant la note de 55 sur 60, l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis a dénaturé le contenu des offres ;

* le marché a été attribué à une entreprise qui n'a pas la qualification technique requise, contrairement à elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis, représenté par Me Bourié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Miner au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* le code de la commande publique ;

* le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif a désigné M. Naud, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Naud, juge des référés ;

* les observations de Me Quevarec, pour la société Miner, qui confirme ses écritures ;

* les observations de Me Bourié, pour l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis, qui confirme ses écritures.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 22 février 2022, l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis a lancé une procédure avec négociation, sur le fondement du 4° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique, pour la passation d'un marché public de travaux ayant pour objet la restructuration et l'extension de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Sainte-Germaine à Bruges (Gironde). Ce marché était divisé en 17 lots. La société Miner a candidaté pour le lot n° 12 "revêtement de sols". Toutefois, elle a été informée, par une lettre du 18 juillet 2022, que son offre était rejetée au profit de celle de la société Entreprise Cabannes. La société Miner demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du lot n° 12.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. / () ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique : " Le pouvoir adjudicateur peut passer ses marchés selon la procédure avec négociation dans les cas suivants : / () / 4° Lorsque le marché ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s'y rattachent / () ".

4. Si la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes, et si, en conséquence, le code de la commande publique a fait de cette procédure l'une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés à l'article R. 2124-3 du code de la commande publique.

5. En l'espèce, la société Miner soutient qu'il ne serait pas établi que l'objet du marché revêt des circonstances particulières justifiant le recours à une procédure avec négociation, au sens du 4° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté que le marché en litige a pour objet la restructuration et l'extension d'un établissement recevant du public, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de 74 lits, pour un coût estimé de 10 680 000 euros, avec démolition partielle des bâtiments, reconstruction de trois corps de bâtiments et création d'une coursive fermée reliant les différents bâtiments, selon un procédé de construction particulier tenant en un chantier dit en "filière sèche", c'est-à-dire sans utilisation d'eau. S'il est vrai que l'impact de ce procédé de construction sur le lot n° 12 "revêtement de sols" auquel la requérante s'est portée candidate est faible, il s'agissait cependant d'une circonstance particulière qui justifiait, pour l'ensemble de l'opération, le recours à la procédure concurrentielle avec négociation, sur le fondement du 4° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 du même code : " À la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

7. La société Miner soutient que les motifs de rejet de son offre ne lui auraient pas été précisés. Toutefois, la lettre du 18 juillet 2022 par laquelle elle a été informée que son offre était rejetée au profit de celle de la société Entreprise Cabannes, précisait que son offre a été classée en deuxième position par la commission d'appel d'offres, avec une note totale de 72,56 sur 100, dont 40 sur 60 au titre de la valeur technique et 32,56 sur 40 au titre du prix des prestations, alors que l'attributaire, la société Entreprise Cabannes, a obtenu une note totale de 87,21 sur 100, dont 55 sur 60 au titre de la valeur technique et 32,21 sur 40 au titre du prix des prestations. Ainsi et alors que l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis a produit en défense le rapport d'analyse des offres, la requérante, qui n'a pas sollicité la communication prévue à l'article R. 2181-4, a été suffisamment informée des motifs de rejet de son offre, conformément à l'article R. 2181-3 du code de la commande publique.

8. Par ailleurs, la lettre du 18 juillet 2022 indique que " Sous réserve du respect des formalités administratives, le marché sera conclu avec cette entreprise dans un délai de 11 jours à compter de la date d'envoi du présent courrier ", ce qui est suffisant au regard du 2° de l'article R. 2181-3.

9. En troisième lieu, la société Miner soutient que le marché aurait été attribué à une entreprise qui n'a pas la qualification technique requise, contrairement à elle. Toutefois, si le règlement de la consultation prévoit, au titre des documents à produire au stade de la candidature, que " Les candidats produiront les documents de certification auprès d'un organisme professionnel, éventuellement en leur possession (QUALIBAT, OPQIBI) ", le lot n° 12 "revêtement de sols" a été attribué à la société Entreprise Cabannes ayant pour cotraitante la société Grelot Carrelage, laquelle justifiait d'un "certificat Qualibat" pour la qualification "Carrelages - revêtements - mosaïques (Technicité confirmée)". L'attributaire disposait ainsi de la qualification requise.

10. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

11. La société Miner soutient que la mise en œuvre des critères serait entachée d'irrégularité. Toutefois, si elle fait valoir que son offre financière était plus intéressante que celle de la société Entreprise Cabannes et que son mémoire technique, qu'elle produit, était complet, il ressort du rapport d'analyse des offres fourni en défense que sa "note méthodologique" a été jugée cohérente en dépit de lacunes sur les moyens matériels mis à disposition pour le chantier, alors que celle de l'attributaire a été qualifiée de " Mémoire technique sérieux et détaillé, très satisfaisant ". Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis aurait dénaturé le contenu d'une offre.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Miner n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot n° 12 "revêtement de sols" du marché public de travaux ayant pour objet la restructuration et l'extension de l'EHPAD Sainte-Germaine à Bruges, engagée par l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Miner demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Miner la somme de 1 500 euros au profit de l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Miner est rejetée.

Article 2 : La société Miner versera à l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Miner, à l'office public de l'habitat de Bordeaux métropole Aquitanis et à la société Entreprise Cabannes.

Fait à Bordeaux, le 26 août 2022.

Le juge des référés,

G. NAUD

La greffière,

H. MALO

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

la greffière,

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