Jurisprudence : CA Rouen, 09-06-2022, n° 19/04661, Infirmation partielle


N° RG 19/04661 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILD7


COUR D'APPEL DE ROUEN


CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE


ARRET DU 09 JUIN 2022


DÉCISION DÉFÉRÉE :


Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 18 Novembre 2019



APPELANT :


MonsieurAa[C] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]


représenté par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN


INTIMEE :


SASU COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS (COVED)

[Adresse 2]

[Localité 3]


représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS



COMPOSITION DE LA COUR  :


En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile🏛, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 Avril 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.


Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :


Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère


GREFFIER LORS DES DEBATS :


M. GUYOT, Greffier


DEBATS :


A l'audience publique du 27 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022


ARRET :


CONTRADICTOIRE


Prononcé le 09 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,


signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.



EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES


M. [C] [Aa] a été mis à disposition de la société Collectes valorisation énergie déchets (la société Coved), dans le cadre de différents contrats de mission temporaire entre le 24 décembre 2013 et le 17 janvier 2018, outre un contrat de travail à durée déterminée du 7 novembre au 2 décembre 2016.



Par requête du 11 janvier 2019, M. [Aa] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.


Par jugement du 18 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a dit infondées les demandes de

M. [Aa], l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile🏛 et a débouté la société Coved de ses demandes reconventionnelles.


M. [Aa] a interjeté appel de cette décision le 29 novembre 2019.


Par conclusions remises le 25 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [Aa] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et, en conséquence de :


- requalifier dès l'origine les contrats de mission et le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec la société Coved, soit à compter du 24 décembre 2013,


- condamner la société Coved à lui verser les sommes suivantes :


indemnité de requalification : 3 548,36 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 741 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 3 548,36 euros bruts,

congés payés y afférents : 354,83 euros bruts,

indemnité légale de licenciement : 1 774,18 euros,

rappel de primes d'intéressement : 9 000 euros,

rappel de primes de participation : 9 000 euros,

rappel de salaire sur primes d'ancienneté : 743 euros bruts,

congés payés y afférents : 74,30 euros bruts,

dommages et intérêts pour privation des chèques cadeaux et chèques vacances : 600 euros,

dommages et intérêts au titre des préjudices résultant du marchandage comme des modalités d'exécution de la relation contractuelle : 5 000 euros,


- condamner la société Coved à lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformément à la présente décision, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision, la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,


- assortir l'ensemble des condamnations d'un intérêt au taux légal à compter de la convocation de la société Coved en audience de jugement devant le conseil de prud'hommes,


- débouter la société Coved de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, en ce compris les frais de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens et dire qu'à défaut d'exécution spontanée du jugement intervenir, et en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire, l'intégralité des sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la société Coved en plus des condamnations mises à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Par conclusions remises le 14 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Coved demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant, débouter M. [Aa] de l'intégralité de ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.


L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 avril 2022.



MOTIFS DE LA DÉCISION


I - Sur la demande de requalification


S'il ne conteste pas que la société Coved apporte la preuve de la réalité du motif invoqué en cas de remplacement de salariés, M. [Aa] relève au contraire qu'il n'est produit aucune pièce en ce qui concerne les différents motifs d'accroissement temporaire d'activité et qu'il ne peut être sérieusement invoqué la saisonnalité de l'activité au printemps et en automne alors même qu'il a signé de nombreux contrats en hiver et en été.


Il soutient par ailleurs qu'il a été engagé pour pourvoir un emploi durable et permanent comme le démontrent les 325 contrats de missions signés sur plus de quatre ans, toujours au même poste d'équipier de collecte avec la même classification et sur de longues périodes continues.


Après avoir noté que M. [Aa] ne remet pas en cause la réalité du remplacement de salariés absents, la société Coved relève en conséquence qu'il ne peut solliciter une requalification antérieurement à mars 2014, tous les contrats antérieurs ayant été signés pour remplacement d'un salarié.


Elle explique par ailleurs qu'au regard de son activité de collecte de déchets, et notamment de déchets verts, l'activité est différenciée selon les saisons, le tonnage ramassé étant plus important au printemps et en automne ou encore, après certains événements climatiques. Elle note en outre qu'en cas de jour férié, il existe un surcroît d'activité le lendemain dès lors que le ramassage est rattrapé le jour suivant en plus de la tournée habituelle prévue ce jour-là. Enfin, elle indique qu'elle peut être sollicitée par son client, la métropole de [Localité 6], par simple mail, pour des encombrants, ce qui explique aussi les difficultés à rapporter la preuve du bien-fondé du motif, sachant que les demandes remontent à plus de sept ans.


Enfin, elle conteste avoir pourvu un emploi durable et permanent dès lors que les missions de M. [Aa] s'exerçaient sur des tournées et des jours différents, qu'elles ont été discontinues, limitées dans le temps et entrecoupées de longues périodes d'inactivité.


Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail🏛, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.


Selon l'article L. 1251-6, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont le remplacement d'un salarié et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.


Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.


A l'appui de sa demande, M. [Aa] produit l'ensemble de ses contrats de mission signés depuis le 24 décembre 2013, tous ayant pour motif le remplacement de salariés absents jusqu'à la date du 11 mars 2014, date à laquelle un contrat a été signé pour une journée pour reprise des déchets verts sur [Localité 8], puis le 13 mars pour reprise des déchets verts sur [Localité 5], puis le 14 mars pour reprise des déchets verts sur [Localité 7].


Au-delà de l'imprécision de la formule du contrat du 11 mars qui ne reprend pas expressément le motif 'accroissement temporaire d'activité', il n'est même pas produit le calendrier de collecte des déchets verts pour, à tout le moins, s'assurer de la date de reprise de celle-ci après les mois d'hiver, sachant qu'en décembre 2013, janvier et février 2014, M. [Aa] a remplacé à plusieurs reprises des salariés afin de réaliser la collecte de déchets verts.


Par ailleurs, le document 'tonnages DMV', produit pour la seule année 2014, dont il ressort 'une somme de quantité à éliminer' pour chaque journée, certes plus importante pour la journée du 11 mars, ne comporte néanmoins aucune mention quant au périmètre géographique concerné et, à défaut d'explications complémentaires, il ne peut être considéré que ce document justifie de l'accroissement temporaire d'activité, étant relevé que les contrats suivants celui du 11 mars sont encore plus imprécis, ainsi, le 1er avril est il indiqué 'nécessité d'un renfort' et pour les 22, 23, 24, 25 et 29 juillet et 1er août 2014, il n'est plus mentionné que 'surcroît', sachant que sur cette période, qui ne correspond pas à la saisonnalité invoquée par la société Coved, le document précédent ne permet pas de retenir un surcroît d'activité particulier sur la totalité des journées.


Ainsi, il ne peut être considéré que la société Coved justifie du motif d'accroissement temporaire d'activité pour un certain nombre de contrats, et plus précisément pour le premier d'entre eux signé le 11 mars 2014.


Néanmoins, alors que M. [Aa] soutient également avoir été engagé sur un emploi durable et permanent, il convient de rappeler qu'il résulte des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail🏛, interprétés à la lumière de la clause 5, point 1, a) de l'accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 2000 que le seul fait pour l'employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.


Or, au-delà de l'absence de justification de la plupart des motifs pour accroissement temporaire d'activité, à l'exception de ceux conclus pour rattrapage d'un jour férié, il ne peut être retenu que la société Coved aurait pourvu un emploi durable et permanent en embauchant M. [Aa] par le biais de contrats intérimaires dans la mesure où il résulte de leur étude qu'ils ont été conclus de manière très discontinue, et que la très grande majorité d'entre eux l'ont été pour remplacer des salariés absents, notamment en 2015, ce dont il est justifié, et qu'ainsi, les contrats pour accroissement temporaire d'activité n'ont représenté qu'une centaine de jours sur plus de quatre ans, contrat à durée déterminée compris.


Il convient en conséquence de dire que les contrats temporaires signés avec M. [Aa] n'avaient pas pour objet de pourvoir un emploi durable et permanent et donc de retenir que le premier contrat irrégulier est celui du 11 mars 2014, ce qui justifie d'ordonner la requalification des contrats temporaires en contrat à durée indéterminée à compter de cette date, et non à compter de décembre 2013.


Dès lors, la rupture intervenue le 17 janvier 2018, sans aucune procédure, ni aucun grief, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


II - Sur les conséquences financières de la requalification


Sur le rappel de prime d'ancienneté


Selon l'article 3.15 de la convention collective nationale des activités du déchet, au salaire mensuel conventionnel des personnels des niveaux I à IV s'ajoutent les primes d'ancienneté, soit 2 % après 2 ans de présence dans l'entreprise, 4 % après 4 ans de présence dans l'entreprise, (...).


Aussi, M. [Aa] sollicite une prime d'ancienneté de 2% sur la base du salaire conventionnel mensuel, soit sur la base de 1 474 euros de janvier 2016 à février 2017, sur celle de 1 498 euros de mars à novembre 2017 et enfin sur celle de 1 516 euros de décembre 2017 à janvier 2018.


Si la base de calcul de M. [Aa] est exacte, la requalification n'a cependant été prononcée qu'à compter du 11 mars 2014 et la prime d'ancienneté ne peut donc être octroyée qu'à compter du mois d'avril 2016 comme le soutient justement la société Coved.


Il convient en conséquence de condamner cette dernière à payer à M. [Aa] la somme de 654,56 euros, outre 65,46 euros au titre des congés payés afférents.


Sur l'indemnité de requalification


Comme justement relevé par M. [Aa], l'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, aussi, alors qu'il n'a travaillé que jusqu'au 17 janvier 2018, il convient de retenir le salaire de décembre 2017 et, pour réparer le préjudice né de la requalification, il convient de condamner la société Coved à lui payer la somme de 1 800 euros.


Sur l'indemnité compensatrice de préavis


Alors que l'indemnité compensatrice de préavis doit correspondre au salaire qu'aurait perçu M. [Aa] s'il avait travaillé, il convient de retenir le salaire du mois de décembre 2017, comme invoqué par M. [Aa], en en déduisant cependant les indemnités de fin de mission qu'il n'aurait pas perçues en contrat à durée indéterminée mais également les indemnités de congés payés dès lors qu'il sollicite par ailleurs une indemnité de congés payés sur la somme due au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.


Aussi, en tenant compte de la prime d'ancienneté accordée, le salaire qu'aurait perçu M. [Aa] durant le préavis aurait été de 1 496,58 euros et il convient en conséquence de condamner la société Coved à payer à M. [Aa] la somme de 2 993,16 euros, outre 299,32 euros au titre des congés payés afférents.


Sur l'indemnité de licenciement


Selon l'article R. 1234-2 du code du travail🏛, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et il résulte de l'article R. 1232-4 de ce même code🏛 qu'elle se calcule en prenant en compte, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne des douze derniers mois de salaires précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois.


Ainsi, il convient de retenir, tel que cela est invoqué par la société Coved, la moyenne des trois derniers mois de salaire, formule la plus avantageuse, soit 1 408, 28 euros, à laquelle il convient d'ajouter la prime d'ancienneté de 30,32 euros, soit 1 438,60 euros.


Ainsi, en retenant une ancienneté de quatre ans dès lors qu'il doit être tenu compte de la durée du préavis, il y a lieu de condamner la société Coved à payer à M. [Aa] la somme de 1 438,60 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.


Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse


M. [Aa] demande à la cour d'écarter l'application des dispositions de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
comme étant contraires, d'une part à l'article 10 de la Convention de l'organisation internationale du travail n°158 sur le licenciement et d'autre part à l'article 24  de la Charte sociale européenne.


Eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de cet article ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


Par ailleurs, en renforçant la prévisibilité des conséquences qui s'attachent à la rupture du contrat de travail par la mise en place d'un barème permettant de fixer le montant de l'indemnité entre un montant minimal et un montant maximal, en préservant la possibilité de réintégration et en écartant son application en cas de nullité du licenciement, les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail🏛 ne sont pas incompatibles avec les stipulations d'application directe en droit interne de l'article 10 de convention internationale du travail n°158 de l'Organisation Internationale du Travail. La mise en œuvre concrète du barème de l'article L.1235-3 ne saurait cependant avoir pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation adéquate reconnu par la convention précitée.


En l'espèce, au regard de ces éléments et en l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l'application du plafond du barème susmentionné, en ce que si M. [Aa] justifie avoir été maintenu dans une certaine précarité, il ne produit cependant des éléments financiers que pour la période du 1er mars 2021 au 24 février 2022 avec le décompte des allocations Pôle emploi, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail🏛.


Aussi, au regard de son ancienneté, de son salaire et de la situation professionnelle précédemment décrite suite à son licenciement, il convient de condamner la société Coved à lui payer la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Sur le rappel de prime d'intéressement et de participation


Faisant valoir que la société Coved ne produit pas les accords de participation et d'intéressement, ni le calcul précis de ces primes, M. [Aa] sollicite le versement d'une somme forfaitaire de 3 000 euros, tant pour la participation que pour l'intéressement, et ce, pour chacune des années de 2016 à 2018.


Si la société Coved ne produit effectivement pas les accords de participation et d'intéressement, elle justifie néanmoins, en versant aux débats un compte-rendu des délégués du personnel d'avril 2018, qu'il n'y a pas eu de participation pour l'année 2017 au vu des résultats et que l'accord d'intéressement a pris fin le 31 décembre 2016.


Il convient en conséquence de débouter M. [Aa] de ses demandes au titre de l'année 2017.


En ce qui concerne l'année 2015, il est fourni un tableau dans lequel il apparaît les participations/intéressements versés à 23 salariés dont il ressort que l'intéressement maximal a été de 1 021,79 euros, somme qu'il est proposé de payer à M. [Aa], outre 20 % de son salaire au titre de la participation.


S'il convient de retenir cette première somme au titre de l'intéressement, aucune pièce ne permet néanmoins de comprendre le calcul proposé pour la participation alors même que la société Coved détient les éléments et il convient en conséquence de la condamner à payer à Aa. [I] la somme de 3 000 euros au titre de la participation 2015.


Enfin, s'agissant de l'année 2016, la société Coved produit les documents envoyés à un salarié lui faisant part du montant perçu au titre de sa participation pour 452,35 euros et au titre de son intéressement pour 1 144,52 euros, montants qui peuvent être utilement retenus pour M. [Aa], d'autant qu'il n'a travaillé qu'à temps très partiel durant cette année au sein de la société Coved et que ces sommes dépendent non seulement des résultats de l'entreprise mais aussi du montant du salaire perçu par les salariés en fonction de leur temps de travail.


Il convient en conséquence de condamner la société Coved à payer à M. [Aa] la somme de 3 452,35 euros nets à titre de participation et celle de 2 164,31 euros nets à titre d'intéressement.


Sur le remboursement des indemnités Pôle emploi


Conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail🏛, il convient d'ordonner à la société Coved de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [Aa] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois.


Sur la demande de dommages et intérêts pour privation des chèques-cadeaux et chèques-vacances


M. [Aa] soutient qu'il existe des chèques-vacances et chèques-cadeaux au sein de la société Coved sans cependant apporter le moindre élément corroborant cette affirmation et il convient en conséquence de le débouter de cette demande.


Sur la demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux et financiers subis pendant l'exécution du contrat de travail et résultant du délit de marchandage


M. [Aa] estime avoir subi un préjudice dans la mesure où il a subi une précarité durant quatre ans et n'a pu bénéficier des nombreux avantages accordés aux salariés permanents de l'entreprise, ainsi les primes de participation, d'intéressement, les chèques vacances, la mutuelle d'entreprise.


Selon l'article L. 8231-1 du code du travail🏛, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.


Il résulte par ailleurs de l'article L. 8241-1 du code du travail🏛 que toute opération à but lucratif ayant pour object exclusif le prêt de main d'oeuvre est interdite, étant toutefois précisé que ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre des dispositions du présent code relatives au travail temporaire.


Il résulte de cette seconde disposition que la fourniture de main-d'oeuvre à titre lucratif opérée par une entreprise de travail temporaire bénéficie d'une présomption de légalité.


Aussi, sauf à justifier de ce que l'entreprise d'intérim se serait volontairement placée en dehors du cadre légal lui permettant de mettre à disposition des salariés au profit d'une entreprise utilisatrice à titre onéreux, la simple requalification de contrats intérimaires en contrat à durée indéterminée ne permet pas de caractériser le délit de marchandage dès lors que le salarié, du fait de l'application du principe à travail égal salaire égal, bénéficie de tous les avantages de la convention collective applicable dans l'entreprise utilisatrice.


Par ailleurs, sans contester la possibilité que l'entreprise utilisatrice puisse être coauteur de ce délit de marchandage en cas de concertation frauduleuse avec l'entreprise de travail temporaire, encore est-il nécessaire, alors que le texte précise la fourniture, et non pas l'obtention ou l'usage de main-d'oeuvre, qu'il soit justifié que l'entreprise intérimaire ait elle-même volontairement fourni de la main-d'oeuvre en sachant qu'elle causerait un préjudice au salarié ou qu'elle aurait pour effet d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail.


Or, en l'espèce, la requalification a été ordonnée en raison d'une absence de justification du motif invoqué par l'entreprise utilisatrice, sans qu'il ne ressorte d'aucune pièce du dossier que la société intérimaire aurait pu avoir connaissance du caractère injustifié du recours.


Il convient en conséquence de débouter M. [Aa] de sa demande de dommages et intérêts pour délit de marchandage, étant au surplus relevé qu'il ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé par l'allocation des sommes préalablement accordées, ce qui ne permet pas davantage de lui accorder des dommages et intérêts pour exécution défectueuse de la relation contractuelle.


Sur la remise de documents


Il convient d'ordonner à la société Coved de remettre à M. [Aa] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire dûment rectifiés conformément à la présente décision, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.


Sur les intérêts


Les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.


Sur les dépens et frais irrépétibles


En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Coved aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et de la condamner à payer à M. [Aa] la somme de

3 000 euros sur ce même fondement.



PAR CES MOTIFS


LA COUR


Statuant contradictoirement,


Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [Aa] de ses demandes de dommages et intérêts au titre des chèque cadeaux-chèques vacances et au titre du marchandage et modalités d'exécution du contrat ;


Statuant à nouveau des chefs infirmés,


Ordonne la requalification des contrats précaires en contrat à durée indéterminée à compter du 11 mars 2014 ;


Dit que la rupture intervenue le 17 janvier 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


Condamne la SASU Coved à payer à M. [C] [Aa] les sommes suivantes :


indemnité de requalification : 1 800,00 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans


cause réelle et sérieuse : 5 500,00 euros


indemnité compensatrice de préavis : 2 993,16 euros bruts

congés payés y afférents : 299,32 euros bruts

indemnité légale de licenciement : 1 438,60 euros

rappel de primes d'intéressement : 2 164,31 euros nets

rappel de primes de participation: 3 452,35 euros nets

rappel de salaire sur primes d'ancienneté: 654,56 euros bruts

congés payés y afférents : 65,46 euros bruts


Ordonne à la SASU Coved de remettre à M. [C] [Aa] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire dûment rectifiés conformément à la présente décision;


Dit n'y avoir lieu à astreinte ;


Dit que les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;


Ordonne à la SASU Coved de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [C] [Aa] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois ;


Condamne la SASU Coved à payer à M. [C] [Aa] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Déboute la SASU Coved de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Condamne la SASU Coved aux entiers dépens de première instance et d'appel.


La greffièreLa présidente

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