Jurisprudence : CA Chambéry, 07-06-2022, n° 20/00572, Confirmation

CA Chambéry, 07-06-2022, n° 20/00572, Confirmation

A144477M

Référence

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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY


Chambre civile - Première section


Arrêt du Mardi 07 Juin 2022


N° RG 20/00572 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOMB


Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 18 Février 2020, RG 2017J00271



Appelante


Société PRZERDSIEBIORSTWO USLUGOWO-HANDLOWE 'TRANS-WEK' Aa A dont le siège social est situé Topola Szlachecka NR 19 - 99100 LECZYCA - POLOGNE


Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par l'AARPI LMT AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS


Intimée


S.A.S. XPO GLOBAL FORWARDING FRANCE dont le siège social est situé Quartier des Pierrelles - 26240 BEAUSEMBLANT


Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par PARTNERSHIPS PENNINGTONS MANCHES COOPER LLP, avocats plaidants au barreau de PARIS


-=-=-=-=-=-=-=-=-



COMPOSITION DE LA COUR :


Lors de l'audience publique des débats, tenue le 10 mai 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,


Et lors du délibéré, par :


- M. Michel FICAGNA, Président,


- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,


- Madame Ab B DEL SARTE, Conseiller,


-=-=-=-=-=-=-=-=-


Il a été procédé au rapport.


Selon deux lettres de voiture du 24 août 2016, la société XPO Global Forwarding France (ci-après XPO ), a affrété la société Ac C X Wieslaw Nawrocki (ci-après Trans-Wek) pour l'organisation d'un transport d'une cargaison composée de deux lots de pièces détachées pour l'automobile, l'un de 67 colis pour un poids de 5,8 tonnes, l'autre de 103 colis, pour un poids de 7,7 tonnes depuis la France (Cran Gevrier) jusqu'à Moscou (Russie).


Le 31 août 2016, les douaniers bielorusses ont constaté que le chargement du camion comportait un excédent de 5 tonnes par rapport aux mentions figurant sur le carnet TIR, ce qui a donné lieu à une procédure d'infraction et à la saisie en date du 28 mars 2017 des 67 colis de marchandises litigieuses non déclarées.


Par acte du 3 octobre 2017, la société Xpo et la société Axa Corporate Solutions Assurance ont assigné la société Trans-Wek devant le tribunal de commerce d'Annecy aux fins de condamnation à leur payer la somme de 80 597,60 € à titre de dommages et intérêts pour faute commise lors de l'exécution d'une opération de transport international.


La société Trasn-Wek a soulevé divers moyens de nullité, d'irrecevabilité pour défaut de qualité ou d'intérêt à agir et pour prescription et aux fins de rejet des demandes.


La société Axa France Corporate Solutions Assurance s'est désistée.


Par jugement du 18 février 2020, le tribunal de commerce d'Annecy a :


- débouté la Sté Ac C X Aa A de sa demande de nullité de l'assignation,


- dit les demandes de la SAS Xpo Globel Forwarding France recevables et bien fondées,


- débouté la Sté Ac C X Aa A de toutes ses autres demandes,


- condamné la Sté Ac C X Aa A à payer à la SAS Xpo Global Forwarding France la somme de 58.000 € outre les intérêts au taux de 5 % à compter du 03.10.2017 qui seront capitalisés par année entière,


- condamné la Sté Ac C X Aa A à payer à la SAS Xpo Global Forwarding France la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,


- condamné la Sté Ac C X Aa A aux dépens.


Par déclaration du 29 mai 2020, la société Przedsiebiorstwo Uslugowo-handlowe Trans-wek Aa A, a relevé appel de ce jugement contre la société XPO seulement.


Aux termes de ses conclusions n° 4 du 27 avril 2022, la société Trans-wek demande à la cour :



Vu l'article 395 du code de procédure civile🏛,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile🏛,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile🏛,

Vu l'article 32 de la CMR,

Vu les articles 11, 8 et 17 de la CMR,


- Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,


Statuant à nouveau,


- Dire et juger que la société Xpo Global Forwarding France était irrecevable à assigner la société Trans-Wek à la date de la signification de son acte introductif d'instance,


- Dire et juger la société XPO irrecevable ou mal fondée en ses demandes,


- Débouter la société XPO de ses demandes,


- Condamner la société Xpo Global Forwarding France à verser la somme de 7 000 euros à la société Trans-Wek au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛,


- Condamner la société Xpo Global Forwarding France aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel étant distraits au profit de la société Juliette Cochet Barbuat.


Elle soutient :


- que c'est à tort que le tribunal de commerce d'Annecy a dit les demandes d'XPO recevables, considérant que la société Trans-Wek conteste[ait] à la société XPO son intérêt à agir au motif qu'à la date de l'assignation le préjudice de cette dernière n'était pas encore constitué, cette dernière n'ayant pas encore indemnisé son donneur d'ordre la société NTN-SNR alors que l'article 126 du Code de procédure civil🏛 précise au premier alinéa « Dans la cas où la situation de fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue », alors que la situation n'était pas « susceptible d'être régularisée » pour cause de prescription intervenue avant le paiement, conformément aux dispositions de cet article et au regard de la jurisprudence,


- que si deux lettres de voiture CMR n°10389 et 10390 ont bien été établies lors de la prise en charge des marchandises, il n'a jamais été contesté que les informations communiquées à Trans🏛
-Wek par Xpo à cette date ne pouvaient permettre l'établissement du carnet TIR et franchissement de la frontière Biélorusse (Trans-Wek ne disposant pas, à ce moment précis, des codes douaniers nécessaires),


- que les courriels échangés entre les parties ' dont Xpo n'a jamais remis en cause la teneur, pour les avoir même cités dans ses propres écritures de première instance - démontrent que seule une lettre de voiture contenant lesdits codes douaniers a été communiquée par courriel à Trans🏛-Wek le 29 août 2016,


- que la documentation et la jurisprudence versée aux débats par Xpo ne sont pas applicables au cas d'espèce,


- que le chauffeur n'est nullement tenu d'une obligation de vérification de la conformité de documents transmis tardivement - c'est à dire après le chargement et au cours du transport - par son donneur d'ordre au chargement,


- qu'il y avait lieu de voir appliquer les dispositions claires et précises de l'article 11.2. de la Convention CMR - soulevés par la concluante et ignorées par le tribunal - selon lesquelles « l'expéditeur est responsable envers le transporteur de tous dommages qui pourraient résulter de l'absence, de l'insuffisance ou de l'irrégularité [des] documents et renseignements [nécessaires en vue de l'accomplissement des formalités de douane et autres à remplir avant la livraison de la marchandise] ».


- que l'erreur commise lors de la rédaction du carnet TIR résultant du seul manquement aux obligations d'XPO de transmettre les codes douaniers nécessaires à Trans🏛
-Wek avant le franchissement de la frontière, celle-ci ne pourra qu'être déboutée de ses demandes.



Aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 3 du 8 avril 2022, la société Xpo Global Forwarding France demande à la cour :


- de confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce d'Annecy en date du 18 février 2020 en toutes ses dispositions,


Y ajouter,


- de condamner la société Trans Y à lui verser la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil🏛, ainsi qu'aux entiers dépens avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛 au profit de Maitre Audrey Bollonjeon, Selurl Bollonjeon.


- de débouter la société Trans Y de toute ses demandes plus amples ou contraires.


Elle soutient :


- qu'elle avait bien un intérêt à agir dès l'introduction de l'instance dès lors qu'elle faisait l'objet d'une réclamation de la part de sa cliente expéditrice,


- qu'aux termes de l'article 126 du code de procédure civile🏛, l'irrecevabilité éventuelle doit être écartée si sa cause a disparu au moment ou le juge statue,


- qu'elle a indemnisé son donneur d'ordre le 22 janvier 2018, soit avant que le tribunal n'entende l'affaire le 16 juillet 2019,


- que le fait pour un commissionnaire de transport d'indemniser son donneur d'ordre avant que le juge statue suffit à régulariser la procédure même si le règlement est effectué après l'acquisition de la prescription,


- que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Trans-Wek en application de l'article 8 et de l'article 17.1 de la CMR, étant relevé que le chauffeur a reconnu devant la justice bielorusse avoir omis de déclarer le second envoi de 67 colis,


- qu'elle justifie avoir indemnisé la société NTN à hauteur de la somme de 58 000 €.



MOTIFS


Sur l'absence d'intérêt et de qualité à agir d'Xpo


Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile🏛, seul celui qui a intérêt et qualité à agir peut engager une procédure judiciaire.


Aux termes d'un arrêt du 11 décembre 2019, la Cour de cassation a précisé que l'indemnisation des ayants droit à la marchandise par le commissionnaire de transport relève de son intérêt à agir contre ses substitués, dont le défaut [peut] être régularisé jusqu'à ce que le juge statue (cass. civ., 11. Déc. 2019 n°18-11.195 ' suivi par Cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi, le 23 septembre 2021 (n°20/03239))


Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant du transporteur, n'a intérêt à agir pour exercer à l'encontre de ce dernier une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'il s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par ce commissionnaire contre le transporteur ou son assureur.


Au jour de l'assignation, XPO n'avait pas encore indemnisé la société NTN et elle ne justifie d'aucun engagement de dédommager la société NTN. Elle ne produit qu'une mise en demeure de cette dernière qui ne vaut pas engagement de dédommagement.


Elle ne pouvait donc agir à titre principal en paiement à l'encontre de Trans Y, faute de d'intérêt à agir, puisque la victime du dommage était alors seulement la société NTN.


Sur la régularisation du défaut de qualité et/ou d'intérêt à agir


Aux termes des dispositions de l'article 126 alinéa 1er du code de procédure civile🏛 :


'Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.'


Il en résulte que l'action engagée par une personne dépourvue d'intérêt à agir peut être régularisée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.


En l'espèce, la société XPO ayant dédommagé la société NTN avant que le juge ne statue, la fin de non recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir lors de l'introduction


de l'instance, ne peut lui être opposée.


Dès lors, son action contre la société Trans Y introduite dans le délai de prescription est nécessairement recevable.


Sur la responsabilité


Aux termes des dispositions de l'article 11 de la CMR :


« 1. - En vue de l'accomplissement des formalités de douane et autres à remplir avant la livraison de la marchandise, l'expéditeur doit joindre à la lettre de voiture ou mettre à la disposition du transporteur les documents nécessaires et lui fournir tous renseignements voulus.

2. - Le transporteur n'est pas tenu d'examiner si ces documents et renseignements sont exacts ou suffisants. L'expéditeur est responsable envers le transporteur de tous dommages qui pourraient résulter de l'absence, de l'insuffisance ou de l'irrégularité de ces documents et renseignements, sauf en cas de faute du transporteur. »


En l'espèce, la société Trans Wek reconnaît qu'il lui a été remis au départ, deux lettres de voitures pour la première partie du transport en Europe, lesquelles comportaient bien le nombre de colis comptabilisés par le chauffeur (67 et 103, soit 170 au total).


Elle indique que le chauffeur n'avait aucune raison de faire des réserves, ce qui sous-entend que le chauffeur a bien été en mesure de contrôler que le chargement était conforme aux deux lettres de voiture.


Or, arrivé à la frontière biélorusse, le chauffeur, pourtant en possession des deux lettres de voiture et ayant conscience du problème ainsi que cela résulte des échanges par messagerie entre le chauffeur et XPO, a édité un carnet TIR ne faisant mention que de 103 colis, c'est à dire ne faisant référence qu'à une seule lettre de voiture, avec une différence de plus de 5 tonnes.


Même si des documents complémentaires devaient lui parvenir par mail (codes douaniers) le chauffeur se devait d'alerter le commissionnaire de cette insuffisance manifeste et non conforme aux lettres de voiture ne lui permettant pas d'établir un carnet TIR conforme au chargement, et patienter à la frontière jusqu'à réception de ces pièces complémentaires, qui sont parvenues d'ailleurs très rapidement après la constatation de l'insuffisance des premières informations complémentaires reçues.


Le transporteur de Trans-Wek a ainsi établi un carnet TIR alors qu'il savait que les informations qui lui avaient été confiées pour l'établissement de ce carnet étaient incomplètes et erronées au regard des deux lettres de voitures en sa possession et au regard du chargement dont il avait connaissance.


En conséquence, il y a bien eu une faute du chauffeur qui engage la responsabilité de la société Trans Y.


Le jugement sera donc confirmé.


Sur l'article 700 du code de procédure civile🏛


Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Sur les dépens


Les dépens incombent à la partie perdante.



PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,


Confirme le jugement en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamne la société Trans-Wek à payer à la société XPO Global Forwarding France la somme supplémentaire de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en cause d'appel,


Condamne la société Ac C X Wieslaw Nawrocki aux dépens d'appel, dépens avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛 au profit de Maitre Audrey Bollonjeon, Selurl Bollonjeon.


Ainsi prononcé publiquement le 07 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.


Le Greffier, Le Président,

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