Jurisprudence : Cass. civ. 1, 11-05-2022, n° 21-16.647, FS-B, Rejet

Cass. civ. 1, 11-05-2022, n° 21-16.647, FS-B, Rejet

A56397WR

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100429

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045822631

Référence

Cass. civ. 1, 11-05-2022, n° 21-16.647, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/84849833-cass-civ-1-11052022-n-2116647-fsb-rejet
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Abstract

Selon l'article L. 6421-4 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021, la responsabilité du transporteur aérien non titulaire d'une licence d'exploitation est régie par les stipulations de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dans les conditions définies par les articles L. 6422-2 à L. 6422-5 du même code, et, sauf stipulations conventionnelles contraires, sa responsabilité, lorsqu'il effectue un transport gratuit, n'est engagée que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute qui lui est imputable. Aux termes de l'article L. 6422-5, alinéa 1, devenu l'article L. 6422-4, alinéa 1, du code des transports, l'action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination, du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport. L'ignorance d'une faute imputable au pilote ne caractérise pas une impossibilité d'agir au sens de l'article 2234 du code civil


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022


Rejet


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 429 FS-B

Pourvoi n° D 21-16.647


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022


1°/ M. [T] [N], domicilié [… …],

2°/ M. [Aa] [N], domicilié [… …],

3°/ Mme [D] [N], domiciliée [Adresse 6],

4°/ M. [Ab] [N], domicilié [Adresse 2],

5°/ Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 7],

6°/ Mme [Z] [E], épouse [U], domiciliée [Adresse 9],

7°/ Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° D 21-16.647 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [S] [A], épouse [M], … [… …],

2°/ à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE,

3°/ à la société Allianz France, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Melkan, Prigent, Drusch, avocat de MM. [T], [J] et [L] [N] et de Ac [Ad] [N], [X], [K] et [Z] [E], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [A], des sociétés Allianz Global Corporate & Speciality SE et Allianz France, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Ae, Af, Le Gall, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 janvier 2021), le 9 juin 2014, l'aéronef piloté par Mme [M] (la pilote), à bord duquel [W] [N] avait pris place à titre gratuit, s'est écrasé, provoquant la mort de la passagère.

2. Par jugement du 4 mai 2017, la pilote a été déclarée coupable d'homicide involontaire sur la personne de [W] [N].

3. Le 21 février 2018, le conjoint de [W] [N], M. [T] [N], leurs enfants, MM. [J] et [L] [N], et Mme [D] [N], ses soeurs, Mmes [X] et [Z] [E], ainsi que sa mère, Mme [K] [E] (les consorts [N]-[E]), ont assigné en indemnisation la pilote et la société Allianz France, qui ont opposé la prescription.

4. La société Allianz Global Corporate & Speciality est intervenue volontairement à l'instance.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts [Ag]-[E] font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes irrecevables comme prescrites, alors :

« 1°/ que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que pour dire prescrite l'action en responsabilité diligentée par les exposants contre Mme [M], la cour d'appel s'est bornée à relever que M. [Ag] ne s'était pas constitué partie civile devant la juridiction pénale, de sorte que le cours de la prescription biennale prévue par l'article L. 6422-5 du code des transports🏛 n'avait été ni interrompu ni suspendu ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si jusqu'à la date de l'audience pénale qui s'est tenue le 4 mai 2017, les consorts [N]-[E] n'avaient pas été dans l'impossibilité d'agir, pour avoir, de manière légitime et raisonnable, ignoré l'existence d'une faute commise par le pilote à l'origine de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil🏛, ensemble l'article L. 6422-5 du code des transports🏛 ;

2°/ qu'en déclarant prescrite l'action des consorts [N]-[E] au motif qu'ils auraient agi tardivement, cependant, d'une part, qu'en dépit de l'ouverture d'une action pénale contre le pilote pour homicide involontaire, les juridictions répressives n'étaient pas compétentes pour connaître de l'action civile des victimes, et, d'autre part, que la règle selon laquelle "le criminel tient le civil en l'état" et l'autorité de chose jugée attachée au jugement pénal pouvaient légitimement conduire les consorts [N]-[E] à attendre la décision pénale et la reconnaissance d'une faute pour agir à l'encontre du transporteur devant les juridictions civiles, la cour, qui a privé les consorts [N]-[E] du droit fondamental de voir leur cause entendue par le jeu de la prescription articulée à des règles spéciales de compétence des juridictions pénales et civiles, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l'homme🏛. »


Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 6421-4 du code des transports🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021🏛, la responsabilité du transporteur aérien non titulaire d'une licence d'exploitation est régie par les stipulations de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dans les conditions définies par les articles L. 6422-2 à L. 6422-5 du même code🏛, et, sauf stipulations conventionnelles contraires, sa responsabilité, lorsqu'il effectue un transport gratuit, n'est engagée que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute qui lui est imputable.

7. Aux termes de l'article L. 6422-5, alinéa 1er, devenu l'article L. 6422-4, alinéa 1er, du code des transports🏛, l'action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination, du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport.

8. C'est à bon droit et sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, dès lors que l'ignorance d'une faute imputable au pilote ne caractérise pas une impossibilité d'agir, ni avoir méconnu le droit de toute personne à un procès équitable, dès lors que les consorts [N]-[E] n'ont pas été privés du délai de deux ans précité pour agir, que la cour d'appel a retenu, en l'absence de constitution de partie civile des consorts [N]-[E], que le délai de prescription, qui avait commencé à courir le 9 juin 2014, n'avait pas été interrompu ni suspendu, de sorte que l'action engagée plus de deux ans après la survenance de l'accident était prescrite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [T], [J] et [L] [N] ainsi que Ac [Ad] [N], [X], [K] et [Z] [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux, signé par lui et Mme Tinchon, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour MM. [T], [J] et [L] [N] et de Ac [Ad] [N], [X], [K] et [Z] [E].

Les consorts [N]–[E] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes formées à l'encontre de Mme [M], pilote d'avion, et tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'accident ;

1) ALORS QUE la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que pour dire prescrite l'action en responsabilité diligentée par les exposants contre Mme [M], la cour d'appel s'est bornée à relever que M. [Ag] ne s'était pas constitué partie civile devant la juridiction pénale, de sorte que le cours de la prescription biennale prévue par l'article L. 6422-5 du code des transports🏛 n'avait été ni interrompu ni suspendu; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si jusqu'à la date de l'audience pénale qui s'est tenue le 4 mai 2017, les consorts [N]-[E] n'avaient pas été dans l'impossibilité d'agir, pour avoir, de manière légitime et raisonnable, ignoré l'existence d'une faute commise par le pilote à l'origine de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil🏛, ensemble l'article L. 6422-5 du code des transports🏛 ;

2) ALORS QU'en déclarant prescrite l'action des consorts [N]-[E] au motif qu'ils auraient agi tardivement, cependant, d'une part, qu'en dépit de l'ouverture d'une action pénale contre le pilote pour homicide involontaire, les juridictions répressives n'étaient pas compétentes pour connaitre de l'action civile des victimes, et, d'autre part, que la règle selon laquelle "le criminel tient le civil en l'état" et l'autorité de chose jugée attachée au jugement pénal pouvaient légitimement conduire les consorts [N]-[E] à attendre la décision pénale et la reconnaissance d'une faute pour agir à l'encontre du transporteur devant les juridictions civiles, la cour, qui a privé les consorts [N]-[E] du droit fondamental de voir leur cause entendue par le jeu de la prescription articulée à des règles spéciales de compétence des juridictions pénales et civiles, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l'homme🏛.

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