Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 15-05-2013, n° 357479



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


357479


CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et CONFEDERATION FRANÇAISE DE L'ENCADREMENT CFE-CGC


Mme Julia Beurton, Rapporteur

M. Alexandre Lallet, Rapporteur public


Séance du 8 avril 2013


Lecture du 15 mai 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 11 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la confédération générale du travail, dont le siège est 263, rue de Paris, case 426 à Montreuil (93514 Cedex), et la confédération française de l'encadrement CFE-CGC, dont le siège est 59, rue du Rocher à Paris (75008) ; les confédérations requérantes demandent au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code de la sécurité sociale ;


Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, notamment son article 113 ;


Vu la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, notamment le II de son article 17 ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,


- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Confédération générale du travail et de la confédération française de l'encadrement CFE-CGC ;




1. Considérant que le sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, prévoit que les contributions des employeurs destinées au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance qui bénéficient à leurs salariés en vertu d'un accord collectif de travail, ou d'un accord ou d'une décision mentionnés à l'article L. 911-1 du même code, sont exonérées de cotisations sociales à la condition, notamment, de bénéficier à l'ensemble de ceux-ci ou à une partie d'entre eux " sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat (.) " ; que, pour l'application de ces dispositions, le décret attaqué du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire fixe la liste des critères permettant d'établir ces catégories de salariés ;


Sur la légalité externe du décret attaqué :


2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les confédérations requérantes, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, les dispositions de l'article R. 242-1-6 introduit dans le code de la sécurité sociale par le décret attaqué ont été soumises, en portant alors le numéro R. 242-1-5, à la consultation du conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et des conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la Caisse nationale des allocations familiales, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole ; que, d'autre part, aucune disposition relative à un plafonnement de l'exonération de cotisations sociales n'a figuré dans le projet soumis à ces consultations et n'a été ensuite retirée du texte adopté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la consultation des organismes nationaux de sécurité sociale aurait été irrégulière manque en fait ;


3. Considérant qu'il ressort de la copie de la minute de la section sociale du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été produite au dossier par le ministre des affaires sociales et de la santé, que le texte publié ne contient pas de dispositions qui différeraient soit du texte adopté par le Conseil d'Etat, soit du projet du Gouvernement ; que les confédérations requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que le décret attaqué aurait, pour ce motif, été pris selon une procédure irrégulière ;


Sur la légalité interne du décret attaqué :


4. Considérant que l'article R. 242-1-1, introduit dans le code de la sécurité sociale par le décret attaqué, fait figurer au nombre des critères à partir desquels une catégorie de salariés peut être définie " les tranches de rémunération fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite " issus de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ou de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 ; qu'il résulte des dispositions de cet article, ainsi que de l'article R. 242-1-2 également créé par le décret attaqué, que lorsque les garanties considérées bénéficient à l'ensemble des salariés relevant d'une même catégorie définie en fonction de ces tranches de rémunération, les contributions des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire, de prestations destinées à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou la perte de revenus en cas de maternité ou, sous certaines conditions, de prestations destinées à couvrir le risque de décès peuvent bénéficier de l'exonération de cotisations sociales prévue par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il en est de même pour les prestations destinées à couvrir des frais de santé ou une perte de revenu en cas de maladie, à condition que l'ensemble des salariés de l'entreprise soient couverts ; que, pour le financement d'autres prestations, si les garanties ne couvrent pas l'ensemble des salariés de l'entreprise, l'employeur doit être en mesure de justifier que la ou les catégories établies à partir de ce critère permettent de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées ;


5. Considérant que, contrairement à ce que les confédérations requérantes soutiennent, les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale n'imposent pas que les critères objectifs fixés par décret en Conseil d'Etat soient issus d'une négociation collective ; qu'elles ne sauraient utilement invoquer, eu égard à l'objet du décret attaqué, la méconnaissance du droit des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail au motif que la rémunération de chaque salarié fait l'objet d'un accord individuel entre celui-ci et son employeur ;


6. Considérant que le critère des tranches de rémunération fixées pour le calcul des cotisations aux régimes AGIRC et ARRCO, elles-mêmes fonction du plafond de la sécurité sociale, constitue un critère objectif, eu égard à son objet qui est de vérifier le caractère collectif des garanties pour le financement desquelles une exonération de cotisations sociales est accordée, s'agissant essentiellement de garanties destinées à atténuer l'écart existant entre le revenu dont disposait le salarié et le revenu de remplacement assuré par les régimes obligatoires de sécurité sociale ; que, par suite, il ne méconnaît pas l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;


7. Considérant que les dispositions critiquées, dont le seul objet est de définir les garanties de retraite ou de prévoyance complémentaire pour lesquelles les contributions des employeurs sont exclues de l'assiette des cotisations sociales, n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les conditions de la validité des accords ou décisions qui les instituent et sont sans incidence sur le contrôle de celle-ci par le juge ; que le recours au critère des tranches de rémunération n'est pas, par lui-même, de nature à entraîner la méconnaissance du principe d'égalité par un accord ou une décision du chef d'entreprises ; que les confédérations requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que les dispositions qu'elles attaquent seraient contraires au principe d'égalité ;


8. Considérant que les articles R. 242-1-1 et R. 242-1-2 du code de la sécurité sociale disposent également que, pour bénéficier de l'exonération prévue par l'article L. 242-1, certaines des garanties de retraite ou de prévoyance complémentaires peuvent ne couvrir qu'une ou plusieurs catégories de salariés sous réserve que ces catégories, définies à partir des critères qu'il fixe, permettent " de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées " ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que la notion d'activité professionnelle serait insuffisamment précise n'est pas de nature à caractériser une atteinte au principe d'égalité ;


9. Considérant que la circonstance, à la supposer vérifiée, que certains des critères fixés par le décret litigieux seraient susceptibles d'entraîner, dans l'hypothèse où ils fonderaient la définition des catégories de bénéficiaires, des modifications fréquentes, au cours de la carrière des salariés, dans les garanties dont ils bénéficient, n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance du principe de sécurité juridique par le décret attaqué ;


10. Considérant que si les confédérations requérantes critiquent le manque de précision de plusieurs des dispositions du décret, il n'en résulte pas que celui-ci porterait atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme ou, en tout état de cause, au principe de sécurité juridique ;


11. Considérant que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires sociales et de la santé, il résulte de tout ce qui précède que les confédérations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ; que les conclusions qu'elles présentent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;




D E C I D E :


Article 1er : La requête de la confédération générale du travail et de la confédération française de l'encadrement CFE-CGC est rejetée.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la confédération générale du travail, à la confédération française de l'encadrement CFE-CGC, au Premier ministre, à la ministre des affaires sociales et de la santé, au ministre de l'économie et des finances et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Copie en sera adressée pour information au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

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