Jurisprudence : CA Limoges, 14-05-2013, n° 12/00988, Confirmation

CA Limoges, 14-05-2013, n° 12/00988, Confirmation

A2661KDW

Référence

CA Limoges, 14-05-2013, n° 12/00988, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8209578-ca-limoges-14052013-n-1200988-confirmation
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ARRÊT N° .
RG N° 12/00988
AFFAIRE
SNC LIDL
C/
Loïc Y
MS/MLM
Licenciement
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 MAI 2013
-------------
Le quatorze Mai deux mille treize, la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe

ENTRE
SNC LIDL, dont le siège social est STRASBOURG
représentée par Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Maître Emmanuelle DESTAILLATS, avocat au barreau de BORDEAUX
APPELANTE d'un jugement rendu le 24 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIMOGES
ET
Loïc Y, demeurant PANAZOL
représenté par Me Richard DOUDET, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Pauline BOLLARD, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉ
---==oO§Oo==---

A l'audience publique du 08 Avril 2013, la Cour étant composée de Monsieur Philippe NERVE, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, de Madame Nicole BALUZE-FRACHET, Conseiller, et de Monsieur Michel SORIANO, Vice Président placé faisant fonctions de Conseiller, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Monsieur Michel SORIANO, Vice-Président placé, a été entendu en son rapport oral, Maître Emmanuelle ... et Maître Pauline ..., avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis, Monsieur Philippe NERVE, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 14 Mai 2013, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
Loïc Y a été embauché par la SNC LIDL le 5 janvier 2009 en qualité de responsable de réseau, statut cadre niveau 7, par contrat de travail à durée indéterminée, la convention applicable étant celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
La durée du travail de monsieur Y était régie par une clause du contrat de travail prévoyant l'application d'un forfait jour.
Le 27 décembre 2010, monsieur Y recevait une lettre recommandée avec accusé de réception lui indiquant que son travail ne donnait pas entière satisfaction.
Le 8 janvier 2011, il est placé en arrêt de travail pour maladie.
Monsieur Y saisissait le conseil de prud'hommes de Limoges le 17 janvier 2011 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
En cours de procédure, la SNC LIDL a mis en oeuvre une procédure de licenciement.
Monsieur Y a été convoqué à un entretien préalable devant avoir lieu le 20 juillet 2011, suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 juillet 2011.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 août 2011, monsieur Y était licencié pour cause réelle et sérieuse.
Le Conseil de prud'hommes de Limoges a rendu sa décision le 24 juillet 2012 dans laquelle il a
- dit et jugé que monsieur Y n'a pas été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral,
- en conséquence,
- débouté monsieur Y de sa demande de résiliation judiciaire et de l'indemnité sollicitée à ce titre,
- dit et jugé que le licenciement de monsieur Y reposait une cause réelle et sérieuse,
- en conséquence,
- débouté monsieur Y de sa demande au titre de l'article 1235-3 du code du travail,
- dit et jugé que la convention de forfait en jour du contrat de travail est privée d'effet et dans ces conditions,
- condamne la SNC LIDL à verser à monsieur Y les sommes de * 30 906,71 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées,
* 3 090,67 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,
* 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements répétés aux dispositions impératives en matière de repos quotidien et hebdomadaire,
- condamné la SNC LIDL à payer à monsieur Y la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SNC LIDL a régulièrement relevé appel de cette décision et sollicite de la Cour de Vu le contrat de travail de monsieur Y,

Vu la charte de management et le document intitulé 'Philosophie de l'entreprise' annexé à son contrat de travail,
Vu les attestations versées au débat par la société LIDL,
Vu la lettre de licenciement de monsieur Y,
Vu les feuilles d'émargement signées par monsieur Y lors des formations dispensées par la société,
Vu l'ensemble des pièces versées au débat,
Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en date du 25 octobre 2012 (affaire BOURGUIGNON/SNC LIDL),
Vu la jurisprudence visée dans les présentes conclusions,
Adjuger de plus fort à la société concluante le bénéfice de ses précédentes écritures,

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Limoges en date du 24 juillet 2012 en ce qu'il a
- dit et jugé que monsieur Y n'a pas été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral,
- dit et jugé que les griefs formulés par monsieur Y à l'encontre de la SNC LIDL au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ne sont pas fondés,
- dit et jugé que le licenciement de monsieur Y repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté monsieur Y de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de toutes indemnités ou dommages et intérêts découlant de la rupture de son contrat,
- débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés,
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la convention de forfait en jour inscrite à l'article 5 du contrat de travail de monsieur Y était privée d'effet et qu'il pouvait en conséquence prétendre au paiement des heures supplémentaires sur la base du calcul rapportée dans ses conclusions,
A titre principal, dire et juger que la convention de forfait en jours est régulière et doit produire tous ses effets,
En conséquence, débouter monsieur Y de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour déclarait irrégulière la convention de forfait en jours de monsieur Y
- constater l'absence totale de preuve certaine des heures supplémentaires alléguées par monsieur Y,
- constater que sur la base du taux horaire d'un cadre niveau VII en 2010, le salaire mensuel brut versé à monsieur Y correspondrait à une durée de travail de 51,50 H par semaine, incluant donc déjà la rémunération de 16,5 heures supplémentaires majorations comprises,
- constater que monsieur Y ne prouve pas avoir effectué 65 H/semaine,
- en conséquence, débouter monsieur Y de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
- débouter monsieur Y de l'intégralité de ses demandes, y compris de ses demandes nouvelles formulées dans le cadre de ses conclusions en date du 15 mars 2013,
- faire droit à la demande reconventionnelle formulée par la SNC LIDL et condamner monsieur Y à verser à la SNC LIDL la somme de 2000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.
La SNC LIDL expose à l'appui de son appel
- que l'insuffisance professionnelle de monsieur Y est révélée dans le cadre des comptes rendus de visites effectuées dès l'année 2009 par les différents supérieurs hiérarchiques de celui là,
- qu'à chaque visite, les mêmes remarques étaient faites à monsieur Y, sans qu'elles puissent constituer des brimades,
- que le courrier du 22 décembre 2010 adressé à monsieur Y relève dans un premier temps les points positifs dans le travail de ce dernier, puis lui rappelle les anomalies qui lui sont reprochées,
- qu'en sa qualité de responsable de réseau, monsieur Y était autonome et responsable de l'établissement de ses plannings et des dates d 'inventaire,
- que monsieur Y avait un appartement à Sarlat, commune située au coeur de son secteur géographique et de ce fait, il n'avait pas à effectuer les trajets quotidiens entre Limoges et son secteur géographique,
- que suite à la tentative de suicide de madame ..., chef de magasin de Gramat au mois de mai 2010, monsieur Y n'a pas eu une surcharge de travail puisque celle ci a été remplacée quasi immédiatement,
- sur le licenciement
-qu'il est reproché à monsieur Y d'avoir manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de sécurité à l'égard des salariés placés sous sa responsabilité,
- qu'il était parfaitement informé des difficultés de madame ... dans le cadre de ses fonctions et des difficultés relationnelles de celle ci avec ses collègues,
- qu'il n'a pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements,
- qu'il avait suivi des formations en droit social avant le mois de janvier 2011,
- qu'il avait toute latitude pour recruter des personnes afin que la masse salariale du magasin soit adaptée à son activité,
- que les conclusions du CHSCT suite à la tentative de suicide de madame ... sont particulièrement accablantes pour monsieur Y,
- sur la convention de forfait en jours
- que monsieur Y ne rapporte pas la preuve d'avoir travaillé 65 heures par semaine,
- que la convention de forfait est parfaitement régulière puisque conclue en application des dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et de l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail des cadres en date du 26 janvier 2000,
- que la loi du 20 août 2008 a précisé que les accords qui ont été conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi restaient en vigueur dans leur rédaction antérieure et que dès lors, la société LIDL n'était pas astreinte à un entretien annuel avec le salarié,
- sur les demandes nouvelles formulées par monsieur Y en cause d'appel
- qu'en ce qui concerne la demande sur le fondement de l'article L1152-1 du code du travail, celle ci est redondante par rapport à la demande de dommages et intérêts formulée par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui lié à sa demande de dommages et intérêts liée à la rupture de son contrat de travail,
- qu'en ce qui concerne la demande sur le fondement de l'article L1152-4 du code du travail, la Cour constatera que l'employeur a toujours engagé des négociations avec les partenaires sociaux sur le sujet du harcèlement au travail depuis le 27 janvier 2010,
- que l'employeur déclenche des enquêtes par le CHSCT dès qu'il est informé de telles situations de harcèlement.
Monsieur Y a déposé des conclusions dans lesquelles il demande à la Cour de Sur la convention de forfait en jours
A titre principal
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Limoges en date du 24 juillet 2012 en ce qu'il a dénoncé la convention de forfait en jours imposée à monsieur Y,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à monsieur Y la somme de 30906,71 euros
B au titre des heures supplémentaires accomplies, outre 3090,67 euros au titre des congés payés correspondant,
- réformer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice subi par monsieur Y du fait de la méconnaissance des règles impératives en matière de temps de travail à la somme de 5000 euros,
A titre subsidiaire
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y une indemnité forfaitaire de 30000 euros en réparation du préjudice subi du fait des manquements aux règles impératives en matière de temps de travail,
Sur la rupture du contrat de travail
- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas accueilli la demande de résiliation judiciaire formée par monsieur Y,
- réformer le jugement en ce qu'il a admis que le licenciement de monsieur Y reposait sur une cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau
- dire et juger que les violations répétées de la SNC LIDL aux règles d'ordre public en matière de temps de travail constituent des fautes légitimant la résiliation judiciaire,
- dire et juger que la SNC LIDL a méconnu son obligation de sécurité de résultat, notamment en imposant à monsieur Y une charge de travail incompatible avec son droit au repos et en se rendant coupable de harcèlement managérial,
En conséquence
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur Y aux torts exclusifs de la SNC LIDL et à la date du licenciement, le 5 août 2011,
A titre subsidiaire
- dire et juger que le licenciement notifié à monsieur Y le 5 août 2011 ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
En toute hypothèse
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y la somme de 535,57 euros net à titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y la somme de 3657,84 euros B à titre de rappel sur l'indemnité de préavis conventionnel, outre 365,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y la somme de 4975,25 euros au titre des congés payés que monsieur Y a été empêché de prendre,
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y la somme de 50000 euros net au titre de l'indemnité prévue à l'article L1235-3 du code du travail,
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y
* la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de harcèlement (L1152-1 CT)
* la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par la société de son obligation de prévenir et d'empêcher les faits de harcèlement (1252-4 CT),
- condamner la SNC LIDL à verser à monsieur Y la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SNC LIDL aux entiers dépens de la procédure. Monsieur Y expose à l'appui de ses prétentions
- que la société LIDL a gravement manqué à des obligations contractuelles en imposant à monsieur Y une convention de forfait illégale le conduisant à assumer une charge de travail insupportable,
- que cette convention de forfait en jours n'est pas conforme aux exigences légales et jurisprudentielles,
- qu'elle ne comporte aucune disposition de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés,
- qu'elle ne fait aucune référence à une durée raisonnable de travail, et n'envisage nullement les conditions de contrôle par l'employeur de la durée maximale de travail et de la charge de travail des salariés concernés,
- que la société LIDL n'a jamais fait respecter les règles impératives en matière d'amplitude, de repos quotidien et hebdomadaire,
- que monsieur Y était soumis à des cadences infernales sans bénéficier de la moindre reconnaissance de la part de sa hiérarchie,
- que la société LIDL a manqué à son obligation de sécurité de résultat en imposant des conditions de travail indignes ayant pour effet de dégrader la santé de monsieur Y,
- qu'il était l'objet de remontrances perpétuelles sur la quantité et la qualité de son travail, - que ce dénigrement permanent était très difficile à supporter,
- que les insuffisances professionnelles alléguées n'ont pas été reprises dans le courrier de licenciement,
- que ces critiques étaient d'autant plus injustifiées que les magasins placés dans son secteur obtenaient de bons résultats,
- que certaines erreurs doivent être mises sur le compte de la surcharge de travail,
- que ces réprimandes permanentes ont finalement conduit monsieur Y jusqu'au burn out ; l'élément déclencheur étant la réception d'un courrier de LIDL adressé en recommandé le jour du réveillon de Noël 2010,
- que les violations de la loi et la faute contractuelle de la société LIDL justifient l'ensemble des demandes de monsieur Y sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail,
- qu'il est établi par les attestations produites qu'il travaillait au moins 65 heures par semaine, - à titre subsidiaire, sur le licenciement,
- que la société LIDL a manqué à son obligation élémentaire de formation et d'adaptation du salarié à son poste de travail,
- que monsieur Y n'avait nullement les moyens humains et matériels d'accomplir ses missions et d'assurer la délégation de pouvoir,
- qu'en réalité, il n'avait aucun pouvoir décisionnaire et aucune faculté de recruter le personnel qui lui faisait besoin,
- que c'est la société LIDL qui a manqué à son obligation de sécurité de résultat et non monsieur Y.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur les demandes au titre du forfait en jours sur l'année
Le contrat de travail de monsieur Y prévoit en son article 5 Rémunération et durée du travail
Votre salaire mensuel brut s'élève à 2879,69 euros à l'embauche.
Il évoluera par la suite conformément à la grille de salaires en vigueur applicable à votre fonction.
Il est précisé que la rémunération ainsi versée revêt un caractère forfaitaire correspondant à l'exercice d'une fonction que vous devez mener à bonne fin.
L'exercice de votre mission ne permettant pas une prédétermination et un contrôle de votre horaire de travail, vous bénéficiez d'une convention de forfait annuel exprimé en jours de travail et fixé conformément aux dispositions législatives et conventionnelles en vigueur (216 jours à la date de la signature du présent contrat).
Le respect de ce forfait donnera lieu à attribution de jours de repos dont le nombre, fixé chaque année en fonction de la réalité du calendrier, sera proraté d'après le nombre de jours non travaillés et non payés dans l'année considérée (par exemple entrée ou sortie en cours d'année, maladie non payée etc...).
...
Le régime juridique applicable aux conventions de forfait en jours sur l'année résulte
- des exigences d'ordre constitutionnel et des textes de l'Union Européenne rappelés par les premiers juges,
- de l'article 5-4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001,
- l'accord sur la réduction du temps de travail des cadres du 26 janvier 2000, - les dispositions des articles 3121-38 et suivants du code du travail.
Les premiers juges ont pertinemment relevé que l'article 5-7-2 concernant les forfaits en jours de la convention collective visée supra est établi dans le strict respect des dispositions visées ci dessus et qu'il renvoie à un accord d'entreprise pour ce qui est des modalités de suivi et de l'organisation du travail des cadres concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de charge de travail qui en découle.
La lecture de l'accord du 26 janvier 2000 montre que la fonction de responsable de réseau exercée par monsieur Y figure dans celles intéressées par le forfait jours.
Cet accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail conclu le 26 janvier 2000, antérieurement donc à la loi du 20 août 2008, n'ayant pas été renégocié après l'entrée en vigueur de cette loi, la convention de forfait annuel en jours à laquelle est soumise monsieur Y relève des anciennes dispositions législatives.
Par ailleurs, aux termes de l'article 19 de la loi du 20 août 2008, les accords conclus en application des articles du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi restent en vigueur.
La Cour de cassation a eu à statuer sur les difficultés liées à ces accords qui ne respecteraient pas les dispositions nouvelles et les articles 3121-38 et suivants du code du travail.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 26 septembre 2012, la Cour de cassation a décidé
Qu'en statuant ainsi, alors que ni les dispositions de l'article 2. 3 de l'accord ARTT du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ni les stipulations de l'avenant du 26 janvier 2000 à l'accord d'entreprise du 17 février 1999, qui, s'agissant de l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, ne prévoient qu'un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était privée d'effet, la cour d'appel a violé les textes sus visées (26 septembre 2012, n°11-14.540).
En l'espèce, les dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise ne prévoient aucun examen de la charge et de l'amplitude de travail des salariés concernés.
Selon la Cour de cassation, ces procédés sont insuffisants pour assurer la protection de la santé du salarié. Ils ne permettent pas d'instituer un véritable contrôle du temps de travail des salariés soumis au forfait jours de nature à les protéger véritablement.
En effet, l'employeur a l'obligation de protéger la santé des travailleurs qu'il emploie et donc de veiller à ce que le temps de travail des salariés reste raisonnable. Il importe peu que les règles qui l'encadrent soient assouplies par une convention de forfait.
Cependant, ces moyens de contrôle doivent être logés dans l'accord collectif qui autorise le recours au forfait en jours.
Dans ses décisions récentes, la Cour de cassation affirme que les accords collectifs doivent organiser une pratique des forfaits en jours assurant la protection de la sécurité, de la santé et du repos des salariés. Le défaut ou l'insuffisance de ces stipulations conventionnelles " prive d'effet " la convention de forfait. Les règles applicables au salarié sont alors celles qui découlent de la soumission du contrat de travail à la durée légale de travail.
Dans une espèce rendue le 31 janvier 2012, la Cour de cassation répond que les dispositions minimalistes des accords collectifs en cause ne garantissent pas suffisamment le droit au repos et à la santé du salarié. Ces accords doivent déterminer les modalités et les caractéristiques principales des conventions. Le simple renvoi au contrat de travail est donc insuffisant. Les précisions ainsi exigées doivent accompagner l'encadrement de cette pratique l'entretien individuel (C. trav., art. L. 3121-46) et les modes de contrôle. Il ne revient pas au seul salarié de vérifier que le temps de travail accompli respecte les dispositions en vigueur.
Il convient dans ces circonstances de confirmer le jugement critiqué, par substitution de motifs, en ce qu'il a conclu que la convention de forfait litigieuse est privée d'effet.
Il en résulte que le salarié peut prétendre au paiement d'un rappel de salaire correspondant aux heures de travail supplémentaires effectuées et à la réparation du préjudice né du manquement aux règles de repos minimal et de congés.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Toutefois, celui ci ne peut rejeter une demande d'heures supplémentaires au motif que les éléments produits par le salarié ne prouveraient pas le bien fondé de sa demande, ce qui ferait peser sur le seul salarié la charge de la preuve.
Pour étayer ses dires, monsieur Y produit des attestations de
- Huguette Y Lorsqu'il faisait des inventaires, il finissait souvent son travail vers minuit et devait repartir tôt le lendemain (exemple du jeudi 21 octobre 2010 où il faisait un inventaire au magasin de Biars. Il est arrivé à mon domicile à 1h30 du matin et devait être en réunion à Angoulême le lendemain à 8h30.
- Clément ... Je suis rentré dans la société LIDL le même jour que monsieur Y. Comme beaucoup de responsable de réseau, j'ai travaillé au moins 65 heures par semaines et parfois même pendant mes jours de libre. Il nous est arrivé de terminer après minuit certains soirs et de reprendre le lendemain à 8 heures. De plus, la direction n'était jamais satisfaite du travail effectué, il est donc très difficile de mener une vie sociale en effectuant ce métier.
- Ingrid ... J'ai travaillé sous les ordres de monsieur Y qui a été mon responsable réseau du 15/12/09 au 1/04/10.
A plusieurs reprises monsieur Y s'est présenté sur le magasin hors de ses jours de travail. Nous avons même travaillé jusqu'à 2 heures du matin et monsieur Y était présent au magasin à 8 heures le lendemain.
- Nicolas HOEHNE (responsable administratif chez LIDL, il a eu en charge la formation de monsieur Y) Nous avions durant cette formation mais également au quotidien certaines contraintes horaires telles que
- réalisation mensuelle des inventaires de nos 6 magasins (inventaire se terminant généralement après 22 h)
- réalisation de contrôle tôt et contrôle tard (1 de chaque par semaine). Il consiste à contrôler les salariés à leur arrivée au travail (6h ou 7h) et à leur fin de poste (20h30/21H)
- chaque mardi téléconférence obligatoire, de plus nous nous faisons appeler vers 19 heures pour l'analyse de nos chiffres,
Il nous était difficile d'établir nos plannings hebdomadaires qui, de plus, devaient changer fréquemment en fonction des changements de dernière minute.
Les journées de travail d'un responsable réseau sont intenses avec un rythme de travail imposé par la direction obligeant à travailler 50 à 60 heures par semaine. Il est rare de pouvoir respecter les 12 heures de repos entre la fin de la journée et la prise de poste. J'ai constaté un turn over important sur ce poste tout au long de ma carrière notamment dû à ce rythme et à l'investissement demandé.
Une fois par an lors des inventaires fiscaux, nous devions réaliser l'ensemble des inventaires de nos magasins en une semaine. Pendant cette semaine, nous terminions après 22 heures avec un temps de trajet de 30 minutes à 1h30 pour réembaucher le lendemain pour enchaîner l'inventaire suivant (en plus de notre travail quotidien).
- Thierry MINARD (responsable de réseau) Notre planning est organisé en partie par la direction, qui nous demande de remplir un contrôle temps sur lequel figure des obligations (contrôle tôt, contrôle tard, coffre ...) qui nous obligent à nous calquer sur les horaires d'ouverture du magasin voire du personnel avant ouverture.
Monsieur Y soutient avoir travaillé 65 heures par semaine pendant ces deux années de présence au sein de la société LIDL.
Pour contester les dires du salarié, l'employeur produit un tableau récapitulatif de comptabilisation des jours de travail au titre de l'année 2010.
Il fait également état de
- l'attestation de Luis ... qui indique
Je soussigné, Mr ... Luis, atteste que lors des réunions des responsables de réseaux organisées à BAZIEGE, madame ..., chef des ventes, et/ou ses adjoints nous précisait que lorsque nous réalisions un inventaire le soir en magasin jusqu'à 22 H ou 23 H, nous devions être en magasin le lendemain qu'à partir de 10 heures par exemple, ou de positionner un jour de repos.
- l'attestation de monsieur ... Durant 3-4 ans, Mr ... était mon supérieur hiérarchique. Il représente pour moi, un collaborateur travailleur, respectueux et droit dans son management et ses décisions vis à vis des salariés dont il avait la responsabilité. Durant ses heures de présence dans mon point de vente, qui variaient de 07 - 08H00 le matin, à 19-20H00 le soir (hors inventaires), il s'efforçait à répondre à mes diverses attentes et à résoudre les problèmes liés à l'actualité du site. Suite à mon évolution de carrière, il demeure pour moi un supérieur hiérarchique de grande qualité.
- l'attestation de Lionel ... Je soussigné, ... Lionel, atteste qu'en tant que chef des ventes, je me tiens à respecter un certain nombre de règles managériales à l'équilibre de la vie professionnelle et personnelle de mes collaborateurs qui sont
- pas d'organisation de réunions téléphoniques ou d'appels professionnels en fin de journée (sauf cas exceptionnel),
- pas d'obligation d'être tôt en magasin après un inventaire de soir, - impose la prise d'un jour de repos hebdomadaire.
- les attestations de monsieur ..., mesdames LAHAYE et VAROUX, responsables de réseau, qui indiquent qu'ils disposent d'une grande liberté dans l'organisation de leur temps de travail, sans contrainte de durée et d'horaire.
Il apparaît ainsi que le salarié produit deux attestations le concernant directement (madame Y et madame ...) qui démontrent qu'il effectuait à certains moments des heures au delà de la durée légale.
Les autres attestations concernent d'autres salariés et la Cour ne saurait les retenir pour le cas personnel de monsieur Y.
Par ailleurs, il résulte du taux horaire conventionnel d'un cadre niveau VII en 2010, tel que retenu par monsieur Y pour chiffrer sa demande de rappel de salaire, que le salaire à lui versé par la société LIDL inclut déjà 16,5 heures supplémentaires.
Monsieur Y ne rapportant pas la preuve de ce qu'il effectuait des heures supplémentaires au delà de 51,5 heures hebdomadaires, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire et le jugement critiqué sera réformé de ce chef.
2 - Sur la demande en dommages et intérêts du fait de la méconnaissance des règles impératives en matière de temps de travail
La Cour relève que monsieur Y ne rapporte pas la preuve qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses jours de repos.
Là encore, il ne peut être constaté que les éléments de preuve fournis par monsieur Y ne le concernent pas directement, la Cour ne pouvant tenir pour acquis pour l'ensemble des salariés un cas personnel concernant quelques salariés de l'entreprise.
Ce faisant, le jugement déféré sera réformé et monsieur Y sera débouté de ce chef de demande.
3 - Sur la demande en dommages et intérêts du fait des manquements aux règles impératives en matière de temps de travail
Il a été indiqué supra que monsieur Y ne rapportait pas la preuve d'avoir effectué des heures supplémentaires au delà de 51,5 heures hebdomadaires, ni d'avoir été empêché de prendre ses jours de repos.
Dans ces circonstances, il ne peut prétendre à des dommages et intérêts sur ce fondement.
Le jugement déféré ne pourra qu'être réformé sur ce point.
4 - Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
L'article 1184 du code civil stipule que " la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. "
Appliqué aux relations contractuelles employeur-salarié ce texte permet, à l'employeur très exceptionnellement, et au salarié, de demander à la juridiction prud'homale la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution des obligations en découlant.
Le salarié peut ainsi poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations contractuelles et il appartient alors au juge d'apprécier la gravité du manquement invoqué.
Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, monsieur Y fonde sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur sur les violations répétées de la SNC LIDL aux règles d'ordre public en matière de temps de travail.
Il a été statué supra que, nonobstant la décision de la Cour sur l'absence d'effet de la convention de forfait litigieuse, il a été constaté que monsieur Y n'avait pas effectué d'heures supplémentaires au delà de ce qui lui avait été réglé par l'employeur et qu'il ne justifiait pas ne pas avoir pu prendre ses jours de repos.
Dans ces circonstances, il ne peut être relevé aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant par sa gravité la résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur Y.
Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
5 - Sur le licenciement
Selon l'article L. 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail, " lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ".
Selon l'article L. 1232-1 du même code tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Enfin, selon l'article L. 1235-1 " en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
En l'espèce, monsieur Y a été licencié pour le motif suivant
Madame ..., chef de magasin sur GRAMAT a fait, en mai 2010, une tentative de suicide sur son lieu de travail. Cette dernière affirme que cette tentative a été motivée par des difficultés professionnelles inhérentes à sa fonction de chef de magasin lorsqu'elle était sous votre responsabilité, lesquelles se sont ajoutées à une situation personnelle préexistante très douloureuse, notoirement connue au sein du magasin. En effet, en réaction aux carences et lacunes professionnelles de madame ..., les chefs caissières du magasin ont fait bloc contre cette dernière et lui ont tenu régulièrement propos désobligeants et humiliants. Il ressort des vérifications récemment opérées que bien que conscient et averti des difficultés que rencontrait madame ..., vous n'avez à aucun moment pris de mesure ferme visant à endiguer celles ci, et à lui venir en aide. Ce faisant, vous vous êtes volontairement soustrait aux obligations qui vous incombent en votre qualité de cadre chargé de manager et soutenir, au besoin, vos équipes, et avez manqué à l'obligation de sécurité que vous avez à l'égard de vos salariés. En effet, il est précisé dans votre descriptif de poste que le responsable de réseau
- est attentif au climat social, à la motivation et à la compétence des personnels,
- encadre, soutient, dynamise, forme et responsabilise les agents de maîtrise à leur métier,
- régule et traite les situations conflictuelles.
En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Les fonctions d'un responsable de réseau consistent notamment à
Activité exploitation commerciale
En situation d'ouverture de magasin
- prévoit les besoins en personnel
- recrute le personnel de caisse
- participe au recrutement des agents de maîtrise de magasin
- accueille le personnel nouvellement embauché, assure son intégration et veille à la bonne exécution de leur formation initiale,
...
Activité management/formation
- veille à l'animation et à la motivation des équipes des magasins, en particulier
- est attentif au climat social, à la motivation et à la compétence des personnels,
- encadre, soutient, dynamise, forme et responsabilise les agents de maîtrise à leur métier,
- régule et traite les situations conflictuelles,
- sensibilise et implique le personnel à la performance et au résultat,
...
- est garant du respect des dispositions légales et réglementaires en matière du droit du travail (horaires, paies, sécurité...) et de conditions de travail,
- fournit les informations, les réponses aux sollicitations de salariés sur leurs droits et sur la société,
...
Activité gestion/administration
...
- signe les contrats de travail (CDI, CDD),
Cadre de délégation
Responsabilité totale (décide seul de)
- tenue, respect du concept et performance des magasins,
- motivation et compétence du personnel et climat social,
- embauche, sanction ou licenciement des caissières,
...
Par ailleurs, il résulte des pièces produites par l'employeur que, contrairement à ce qu'affirme le salarié, ce dernier a participé à des formations en matière de gestion de personnel (embauche, contrats de travail, modifications au contrat, procédures disciplinaires...).
En outre, ses fonctions telles que définies supra lui permettaient de prendre toute mesure, même disciplinaire, et pouvant aller jusqu'au licenciement de caissières, pour mettre fin au conflit existant entre madame ... et les caissières du magasin de GRAMAT.
Il apparaît encore qu'il disposait de la possibilité de procéder à des embauches, contrairement à ce qu'il indique dans ses écritures.
L'enquête diligentée par le CHSCT suite à la tentative de suicide de madame ... conclut à la responsabilité de monsieur Y
...
M.YY, responsable de réseau en charge du magasin, alerté de la situation tant par les chefs caissières que par Mme ... ne s'est à aucun moment positionné en tant que manager responsable de ses équipes et n'a pris aucune mesure ferme visant à rétablir la situation.
...
M.YY quant à lui s'est entièrement dégagé des responsabilités inhérentes à sa fonction ; l'entreprise doit par conséquent prendre les mesures qui s'imposent à son égard.
Dans ces circonstances, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de monsieur Y pour cause réelle et sérieuse était justifié.
6 - Sur les demandes fondées sur les dispositions des articles 1152-1 et 1152-4 du code du travail Sur le harcèlement moral invoqué
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ces agissements ne peuvent résulter ni de contraintes de gestion ni du pouvoir de direction de l'employeur mais doivent être la conséquence d'éléments identifiables portant atteinte à la dignité de la personne et créant un environnement intimidant, hostile ou humiliant.
Lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, monsieur Y se plaint
- d'une politique interne et un management particulièrement agressifs qui ont fait plusieurs victimes dont monsieur Y et madame ...,
- de conditions de travail indignes ayant pour effet de dégrader sa santé,
- de remontrances perpétuelles sur la quantité et la qualité de son travail.
Les pièces produites par l'employeur démontrent que monsieur Y, comme tous les responsables de réseau, faisaient l'objet de contrôles par le responsable hiérarchique.
Le fait que les résultats de ces contrôles fassent apparaître des points négatifs ne peut à lui seul constituer un acte de harcèlement.
Concernant le cas de madame ..., les explications développées supra démontrent que l'employeur n'est pas responsable de sa tentative de suicide.
Concernant les courriers adressés à monsieur Y, leur lecture montre qu'il s'agit de l'usage par l'employeur de son pouvoir de direction.
Enfin, les pièces médicales produites ne permettent en aucune manière de démontrer que son état est dû à un harcèlement moral de l'employeur, ou tout simplement à son activité professionnelle.
Ainsi, ni l'usage par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, ni un changement des conditions de travail, présumé décidé conformément à l'intérêt de l'entreprise, ne sont constitutifs en eux-mêmes d'un harcèlement moral.
L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par monsieur Y sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
L'article L. 1152-4 du même code oblige l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Aucun acte de harcèlement ne pouvant être reproché à l'employeur, la demande présentée par monsieur Y sur le fondement des dispositions visées ci dessus sont sans objet.
7 - Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposé dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Chacune des parties succombant partiellement dans leurs prétentions, le jugement critiqué sera réformé en ce qu'il fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de monsieur Y.
Pour ce même motif, les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 24 juillet 2012 par le Conseil de prud'hommes de Limoges par substitution de motifs, en ce qu'il a conclu que la convention de forfait litigieuse est privée d'effet,
LE CONFIRME en ce qu'il a jugé que Loïc Y n'a pas été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral,
LE CONFIRME par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Loïc Y,
LE CONFIRME en ce qu'il a jugé que le licenciement de Loïc Y reposait sur une cause réelle et sérieuse,
LE REFORME pour le surplus, Y AJOUTANT,
DÉBOUTE Loïc Y de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour manquements répétés aux dispositions impératives en matière de repos quotidiens et hebdomadaires ;
DÉBOUTE Loïc Y de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur les dispositions des articles 1152-1 et 1152-4 du code du travail,
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, DIT que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties,
LE GREFFIER, LE CONSEILLER, Geneviève .... Philippe NERVE

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