Jurisprudence : CA Douai, 07-05-2013, n° 12/03354, Infirmation partielle

CA Douai, 07-05-2013, n° 12/03354, Infirmation partielle

A1079KDC

Référence

CA Douai, 07-05-2013, n° 12/03354, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8206807-ca-douai-07052013-n-1203354-infirmation-partielle
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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 07/05/2013
***
N° de MINUTE 13/
N° RG 12/03354
Ordonnance (N° 99/01568)
rendue le 08 Décembre 2011
par le juge commissaire du tribunal de grande instance de BOULOGNE-SUR-MER
REF SB/KH

APPELANTS
EARL DE LA GRAND'MAISON représentée par sa gérante, Madame Anne Y ayant son siège social

BAZINGHEN
Représentée et assistée par la SCP VANBATTEN CATRIX (avocats au barreau de DUNKERQUE) constituée aux lieux et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués, suivant acte signifié le 12 juin 2012
Monsieur Raphaël X
né le ..... à AUDINGHEN, de nationalité française
domicilié

BAZINGHEN
Représenté et assistée par la SCP VANBATTEN CATRIX (avocats au barreau de DUNKERQUE) constituée aux lieux et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués, suivant acte signifié le 12 juin 2012
Monsieur Christophe X
né le ..... à Boulogne-sur-Mer, de nationalité française domicilié

BAZINGHEN
Représenté et assistée par la SCP VANBATTEN CATRIX (avocats au barreau de DUNKERQUE) constituée aux lieux et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués, suivant acte signifié le 12 juin 2012
Madame Anne YX épouse YX
née le ..... à HOLQUE, de nationalité française
domiciliée
BAZINGHEN
Représentée et assistée par Maître Dominique VANBATTEN, de la SCP VANBATTEN CATRIX (avocats au barreau de DUNKERQUE) constituée aux lieux et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués, suivant acte signifié le 12 juin 2012
INTIMÉS
Madame Catherine W épouse W, ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jacques W
née le ..... à MARQUISE
de nationalité Française
demeurant
MARQUISE
Représentée par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ..., collaborateur
Monsieur Frédéric W, agissant ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jacques W
de nationalité Française
demeurant
CREMAREST
Représenté par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assisté de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ...,
collaborateur
Madame Patricia W, agissant ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jacques W
de nationalité Française
demeurant RUEIL-MALMAISON
Représentée par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ..., collaborateur
Madame Bénédicte Emilienne Simone W, ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jacques W
de nationalité Française
demeurant
RONCQ
Représentée par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ..., collaborateur
Madame Marie-Paul WV VEUVE WV, agissant ès qualités d'ayant droit de Monsieur Jacques W
de nationalité Française
demeurant MARQUISE
Représentée par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ..., collaborateur
Monsieur Alain U
né le ..... à SAMEON
de nationalité Française
9 avenue Ferber
62250 MARQUISE
Représenté par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assisté de Me Christophe DESURMONT (avocat au barreau de LILLE), substitué par Me ..., collaborateur
Maître Pascal T, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de l'EARL DE LA GRAND'MAISON
demeurant BOULOGNE SUR MER
Représenté par la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)

DÉBATS à l'audience publique du 05 Mars 2013 tenue par Stéphanie ... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller Stéphanie BARBOT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 février 2013
***
L'EARL GRAND'MAISON, venant aux droits du GAEC de GRAND'MAISON, exploitait une activité de production laitière nécessitant l'élevage d'un cheptel bovin qui a été suivi pendant un temps par les Docteurs W et U, vétérinaires.
Suspectant les vétérinaires de n'avoir pas prodigué les soins appropriés à son cheptel, le GAEC a obtenu, en 1995, la désignation d'un expert en référé.
Sur la base du rapport d'expertise, le juge des référés avait, en 1997, condamné Messieurs W et U au paiement d'une provision de 1 000 000 de francs, ainsi que d'une indemnité procédurale de 10 000 francs, mais, selon un arrêt du 27 mai 1999, la cour d'appel de
DOUAI a réformé ladite ordonnance, et notamment condamné le GAEC à restituer la somme de 996 678 francs à la société AZUR ASSURANCES, et celle de 3 222 francs (491,19 euros) à Messieurs W et U.
Selon jugement du 1er juillet 1999, l'EARL GRAND'MAISON a été placée en redressement judiciaire, ainsi que les associés.
Le 21 septembre 1999, la SCP MASUREL-THERY, SCP d'avoués, a procédé à une déclaration de créance pour un total de 1 018 820,33 francs, incluant la condamnation prononcée par la cour aux termes de l'arrêt sus visé, et les frais de procédure.
Parallèlement, l'EARL GRAND'MAISON ayant saisi le juge du fond d'une demande d'indemnisation de ses préjudices, le tribunal de grande instance de BOULOGNE-SUR-MER l'a déboutée de sa demande.
Compte tenu de l'appel interjeté à l'encontre de cette décision, le juge commissaire a, suivant ordonnance du 18 janvier 2000, constaté que la créance de Monsieur ... faisait l'objet d'une instance en cours.
Le 18 juillet 2000, le plan de redressement de l'EARL GRAND'MAISON a été homologué, Maître T étant nommé commissaire à l'exécution de ce plan.
L'action en responsabilité intentée à l'encontre des vétérinaires s'est achevée par un arrêt prononcé par la cour d'appel de DOUAI le 27 mars 2008, aujourd'hui revêtu de la force de chose jugée, condamnant Messieurs W et U à payer à l'EARL GRAND'MAISON la somme de 34 988,46 euros en indemnisation de ses pertes directes, celle de 2 362,96 euros au titre des pertes indirectes, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale.
En juin 2008, Maître T, commissaire à l'exécution du plan, a indiqué que l'EARL et les consorts X n'entendaient pas accepter l'admission de la créance " de Monsieur W " pour la totalité déclarée le 21 septembre 2009, et a donc invité le greffe à surseoir à l'inscription de cette créance.
Le 27 juillet 2008, Maître T a demandé au greffe la comparution des parties devant le juge commissaire, compte tenu de la lettre du conseil de Messieurs W et U l'interrogeant sur la date de paiement de leur créance. Le greffe a donc sursis à l'inscription de la créance et convoqué les parties devant le juge commissaire. L'instance a été interrompue, le 9 septembre 2010, en raison du décès de Monsieur Jacques W. Ses héritiers, Catherine W épouse W, Frédéric W, Patricia W, Bénédicte W, et Marie-Paul V veuve W (les Consorts W) ont repris l'instance aux côtés de Monsieur Alain U, en janvier 2011.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 8 décembre 2011, le juge commissaire du tribunal de grande instance de BOULOGNE-SUR-MER
- s'est déclaré compétent pour statuer, pour recueillir les dires des parties et statuer par ordonnance après avoir entendu les prétentions des parties,
- a déclaré irrecevables les prétentions de l'EARL GRAND'MAISON et de ses associés, les Consorts X, tendant à voir rejeter la créance invoquée par les Consorts W et Alain U, s'estimant dessaisi par l'effet de son ordonnance du 18 janvier 2000,
- a rappelé qu'en application de l'article 85 du décret du 27 décembre 1985 dans sa version applicable à la cause, il ne peut être fait échec à l'inscription d'une créance figurant à l'état des créances par le greffe, dès lors qu'une décision passée en force de chose jugée constate l'existence d'une créance au profit de celui qui en sollicite l'inscription,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
L'EARL GRAND'MAISON et les Consorts X ont interjeté appel de ladite ordonnance le 19 décembre 2011.
Par ordonnance du 4 avril 2012, le conseiller de la mise en étant a constaté l'interruption de l'instance d'appel par l'effet de la cessation d'activité de l'avoué des appelants.
Maître T, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, a fait assigner les appelants et les autres intimés en reprise d'instance par actes délivrés le 31 mai 2012.
Les appelants ont constitué avocat par acte signifié le 12 juin 2012.

PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2012, l'EARL GRAND'MAISON et les Consorts X demandent à la cour de
- infirmer l'ordonnance entreprise,
- dire que les Consorts W et Alain U ne disposaient d'aucune décision ayant l'autorité de chose jugée et qu'ils ne disposent donc d'aucune créance susceptible de faire l'objet d'une inscription directe sur l'état des créances en application du décret du 27 décembre 1985 dans sa version applicable à la cause,
- constater que le juge commissaire et, par voie de conséquence, la cour, sont régulièrement saisis d'une contestation sur la régularité de la créance déclarée le 21 septembre 1999,
- dire que cette déclaration de créance ne vaut que pour la seule créance de la SCP MASUREL-THERY, avoués, à savoir pour 1 987,47 euros,
- constater que la SCP MASUREL-THERY n'intervenait pas dans la procédure d'appel pour le compte de la compagnie AZUR ASSURANCES, qu'elle n'a justifié d'aucun pouvoir spécial pour procéder à une déclaration de créance pour cette compagnie,
- subsidiairement, si la contestation était considérée tardive, constater que la créance de " Monsieur ... " et d'Alain U se limite aux termes de l'arrêt du 27 mai 1999 à la somme de 491,19 euros,
- dire que l'inscription sur l'état des créances ne pourrait se limiter qu'à cette somme de " 597,920 euros ",
- en tout état de cause, relever que la condamnation en restitution prononcée par l'arrêt de 1999 ne concerne que l'EARL GRAND'MAISON, et non ses associés, les Consorts X,
- condamner solidairement les Consorts W, Alain U et Maître T, ès qualités, au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils font valoir que le 1er juge a dénaturé les décisions rendues et les éléments de fait et de droit ; qu'en effet, la créance de Messieurs W et U est limitée à 491,19 euros en vertu de l'arrêt rendu en 1999, l'autre partie de la condamnation à restitution ayant été prononcée au profit d'AZUR ASSURANCES, non partie à l'instance et n'ayant jamais déclaré sa créance ; que la déclaration de créance effectuée par la SCP d'avoués en 1999 reprenait à la fois la créance de la société AZUR, celle de Messieurs W et U et la créance personnelle de l'avoué ; qu'il n'y a pas de déclaration de créance ni au nom de la société AZUR, ni au nom de Monsieur U, mais seulement une déclaration au nom de Jacques W pour 1 0818 820,33 euros ; que l'article 85 du décret de 1985 n'est pas applicable, les Consorts W et Alain U ne disposant d'aucune décision passée en force de chose jugée susceptible de faire l'objet d'une inscription directe sur l'état des créances en application du décret du 27 décembre 1985, l'arrêt de 1999, statuant sur appel d'une ordonnance de référé, étant dépourvu d'autorité de la chose jugée ; que subsidiairement, la seule décision rendue au profit de Consorts W et d'Alain U fixe leur créance à 491,19 euros, montant auquel l'inscription devrait se limiter ; que l'instance en cours ayant motivée l'ordonnance du juge commissaire de 2000 est l'action en responsabilité intentée par l'EARL GRAND'MAISON à l'encontre des médecins vétérinaires ; que cette action étant désormais achevée, il convient d'établir le compte entre les parties, ce pourquoi ils n'ont pas accepté la créance déclarée par Monsieur ... à hauteur de 115 466,73 euros. Les appelants demandent donc à ce que soit tranché l'ensemble des difficultés relatives à la créance déclarée le 21 septembre 1999 ; que la déclaration de créance correspondante ne vaut que pour la créance de la SCP (1 987,47 euros), aux motifs que
- la SCP d'avoués ne disposait d'aucun pouvoir spécial pour effectuer une déclaration de créance au nom de Messieurs W ou U, ou de la société AZUR ASSURANCES ;
- les termes mêmes de cette déclaration de créance excluent qu'elle ait pu être faite pour le compte de tiers.
Ils ajoutent que l'on ne peut leur opposer que la déclaration de créance aurait dû être contestée dans le cadre du contentieux ayant abouti à l'arrêt sur le fond rendu en 2008, alors que, dans le cadre de cette instance, la cour n'a pas eu à se prononcer sur une demande de compensation et donc sur la régularité de la déclaration sur laquelle repose leur propre créance ; que l'ordonnance du juge commissaire de 2000 ne vise que la déclaration de créance de Monsieur .... Ils en concluent que le juge commissaire a été régulièrement saisi d'une contestation sur la régularité de la déclaration de créance effectuée le 21 septembre 1999.
Subsidiairement, si leur contestation était jugée tardive, l'EARL GRAND'MAISON et les Consorts X demandent de constater que la créance de Messieurs W ou U se limite à 491,19 euros aux termes de l'arrêt du 27 mai 1999.
En tout état de cause, ils soulignent que la condamnation en restitution prononcée en 1999 ne concerne que l'EARL GRAND'MAISON, et non ses associés.
~ ~ ~
Selon leurs dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2012, les Consorts W, agissant en qualité d'ayants droit de feu Jacques W, et Alain U demandent à la cour de
- débouter l'EARL GRAND'MAISON, et les Consorts X de l'intégralité de leurs demandes,
- les condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ils soutiennent que Messieurs W et U ont déclaré leur créance par l'intermédiaire de leur avoué le 21 septembre 1999, consécutivement à l'arrêt ordonnant la restitution de la provision allouée à l'EARL GRAND'MAISON ; qu'à la suite de l'arrêt de 2008 déterminant de façon définitive les responsabilités encourues, les docteurs W et U ont voulu obtenir l'inscription de leur créance, mais l'EARL GRAND'MAISON a contesté le chiffrage proposé.
Ils estiment que les prétentions de l'EARL GRAND'MAISON sont irrecevables, aux motifs que le juge commissaire n'est plus compétent pour statuer sur une contestation de créance dès lors que l'ordonnance du 18 janvier 2000 a constaté l'existence d'une instance en cours ; que l'ordonnance rendue par le juge commissaire concernant " la créance W " n'a jamais fait l'objet d'un recours ; que l'arrêt de 2008 a autorité de chose jugée ; que l'EARL GRAND'MAISON n'a jamais contesté les termes de l'arrêt de 1999 lors de l'instance au fond, notamment quant au fait que la restitution avait été ordonnée au profit d'AZUR ASSURANCES, non partie à l'instance, ou quant à la régularité de la déclaration de créance ; que le principe de concentration des moyens s'oppose à ce que l'EARL GRAND'MAISON soulève aujourd'hui des moyens qui pouvaient l'être devant le juge commissaire, avant son dessaisissement ; que l'arrêt de 2008 a définitivement fixé les montants dus ; qu'ainsi, en mettant une certaine somme à la charge des médecins, la cour a définitivement fixé leur créance à l'égard de l'EARL GRAND'MAISON.
~ ~ ~
Par dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2012, Maître Pascal T, agissant ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de l'EARL GRAND'MAISON, sollicite
- le rejet de l'ensemble des demandes formées par les appelants,
- la confirmation de la décision entreprise,
- la condamnation des appelants aux dépens de première instance et d'appel.
Il prétend que la décision entreprise a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

SUR CE,
Attendu qu'aucune des parties ne conteste la disposition par laquelle le premier juge s'est déclaré compétent pour statuer, et recueillir les dires des parties après avoir entendues celles-ci ; que ces dispositions seront dès lors confirmées ;
Attendu par ailleurs que pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a fait application de l'article 85 du décret 27 décembre 1985, dans sa version applicable à la cause, texte suivant lequel " Le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de redressement judiciaire une expédition de cette décision. Le greffier mentionne la décision sur l'état des créances. " ;
Qu'en l'occurrence, la déclaration de créance litigieuse, qui date du 21 septembre 1999, a pour origine l'arrêt prononcé par la cour le 27 août 1999 statuant en appel d'une ordonnance de référé et, dès lors, avec les seuls pouvoirs conférés au juge des référés ; qu'en vertu de l'article 488 du Code de procédure civile, une telle décision, fut-elle prononcée par la cour, était donc dépourvue d'autorité de chose jugée au principal ; qu'elle ne pouvait par conséquent justifier une demande de transcription sur l'état des créances en application de l'article 85 sus visé, comme l'a décidé à tort le premier juge ;
Que par ailleurs, l'arrêt rendu par la cour le 27 mars 2008 sur le fond du litige a condamné Messieurs W et U envers l'EARL de la Grand'Maison ; qu'en conséquence, en vertu de cette décision, Messieurs W et U ne pouvaient se prévaloir d'aucune créance consacrée par cette décision, bien que celle-ci fût passée en force de chose jugée au sens de l'article 85 précité ;
Qu'en conséquence, la cour estime que cet article 85 ne trouve pas à s'appliquer au présent cas d'espèce au profit d'Alain U et des Consorts W, ès qualités d'ayant droits de Monsieur Jacques W, aujourd'hui décédé ;
Attendu qu'il convient à présent d'apprécier si les appelants sont fondés à contester la régularité de la déclaration de créance du 21 septembre 1999 ;
Que cette déclaration a fait l'objet d'une inscription sur la liste provisoire des créances de la procédure collective de l'EARL et des Consorts X pour la totalité de la somme déclarée, soit 1 018 820,33 francs, sur le fondement de l'arrêt infirmatif du 27 mai 1999, la créance ainsi déclarée incluant la somme de 1 000 0000 francs due par l'EARL en remboursement de la provision que Messieurs W et X lui avaient versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés réformée par la cour ;
Qu'à la date de cette déclaration de créance, laquelle équivaut à une demande en justice, apparaissaient déjà les irrégularités aujourd'hui soulevées par l'EARL et les consorts X
- d'une part, le défaut de pouvoir spécial joint à la déclaration de créance alors qu'elle avait été effectuée par un avoué ;
- d'autre part, le fait que la condamnation à restitution prononcée par la cour en 1999 ne bénéficiait à Messieurs W et U qu'à hauteur de la somme de 3 222 francs - montant de leur franchise contractuelle - le surplus de la provision indûment versée (996 678 francs) devant être restitué à l'assureur, AZUR ASSURANCES, non partie à l'instance en référé ;
Que l'EARL et les consorts X, qui connaissaient donc ces difficultés dès l'année 1999, ne les ont toutefois jamais soumises à l'examen du juge-commissaire, pourtant compétent pour statuer sur l'admission - et notamment la recevabilité - d'une déclaration de créance ; que bien plus, alors que, par courrier du 16 novembre 1999, Maître T, ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de l'EARL et des consorts X, a demandé au juge-commissaire de trancher la contestation tenant à cette déclaration de créance, seule a été soumise à ce magistrat la difficulté suscitée par l'existence d'une instance en cours liée à l'action en responsabilité intentée, sur le fond, par l'EARL à l'encontre de Messieurs W et U ; que c'est dans ces conditions que, par ordonnance du 18 janvier 2000, le juge commissaire a rendu une décision constatant l'existence d'une instance en cours sur le fond ; qu'il n'a jamais été interjeté appel de cette décision ;
Qu'en conséquence, la cour estime qu'en vertu du principe de concentration des moyens, l'EARL et les consorts X sont désormais irrecevables à contester la déclaration de créance en cause s'agissant, premièrement, de sa recevabilité pour défaut de pouvoir spécial et, deuxièmement, du montant de la créance ainsi déclarée ;
Que dès lors, les appelants doivent être déboutés de leur demande tendant à ce que l'inscription sur l'état des créances soit limitée, non à " 597,90 euros " comme indiqué à tort dans le dispositif de leurs écritures, s'agissant d'une erreur de plume admise à l'audience par le conseil des appelants, mais à 491,19 euros ;
Attendu néanmoins que selon les termes mêmes de cette déclaration de créance, le nom de Monsieur U n'apparaît à aucun moment, à telle enseigne que c'est au seul nom de Monsieur W que la créance a été prise en compte dans l'ensemble des actes subséquents afférents à la procédure collective - la liste provisoire des créances, la contestation de la créance, et l'ordonnance du juge commissaire de 2000 ;
Que dans ces conditions, la cour ne peut que constater que Monsieur U n'a pas déclaré sa créance, et qu'il ne peut donc se prévaloir d'aucune créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de l'EARL et des consorts X ;
Attendu enfin que ne constitue pas une prétention ressortissant à la compétence de la cour la disposition des conclusions des appelants suivant laquelle il est sollicité qu'en tout état de cause, il soit constaté que l'arrêt du 27 mai 1999 n'a condamné que l'EARL de la Grand'Maison, et non les associés ;
Attendu qu'il convient encore de souligner qu'aux termes de leurs dernières écritures, les Consorts W et U n'ont pas formulé de prétention autre que celle tendant à ce que les appelants soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes ; que pour sa part, Maître T, ès qualités, s'est borné à requérir la confirmation de l'ordonnance entreprise ; qu'en conséquence, la cour n'est saisie d'aucune demande visant à ce que les comptes soient opérés entre les parties en fonction de leurs créances réciproques ; qu'il appartiendra au commissaire à l'exécution du plan d'y procéder, sur la base des indications ci-dessus arrêtés par la cour ;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que les dépens de première instance seront mis à la charge de la procédure collective de l'EARL de la Grand'Maison, s'agissant de frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, tel que prévu à l'articles L 622-17 du code de commerce ;
Qu'en revanche, l'EARL et les consorts X succombant en leur recours, ils seront condamnés aux dépens d'appel ;
Attendu enfin que l'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
- INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a dit que le juge commissaire était compétent pour statuer ;
Et statuant de nouveau, par voie de réformation pour le surplus,
- DIT que l'article 85 du décret du 27 décembre 1985 est inapplicable au profit des Consorts W et d'Alain U ;
- DIT que l'EARL DE LA GRAND'MAISON, Raphaël X, Christophe X et Anne Y sont irrecevables à contester la déclaration de créance effectuée le 21 septembre 1999 par la SCP THERY-MASUREL pour défaut de pouvoir spécial du déclarant et concernant le montant de la créance ainsi déclarée ;
- En conséquence, DÉBOUTE Raphaël X, Christophe X et Anne Y de leur demande tendant à ce que l'inscription sur l'état des créances de la créance objet de la déclaration du 21 septembre 1999 soit limitée à 491,19 euros ;
- CONSTATE qu'en l'absence de déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective de l'EARL DE LA GRAND'MAISON (venant aux droits du GAEC de la Grand'Maison) et des consorts X, Alain U ne peut se prévaloir d'aucune créance dans ce cadre ;
- DÉBOUTE chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- MET les dépens de première instance à la charge de la procédure collective de l'EARL DE LA GRAND'MAISON ;
- CONDAMNE l'EARL DE LA GRAND'MAISON, Raphaël X, Christophe X et Anne Y aux dépens d'appel, et AUTORISE la S.C.P. DELEFORGE-FRANCHI à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M.M. HAINAUT P. ...

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