Jurisprudence : Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 11-12.510, FS-D, Cassation partielle

Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 11-12.510, FS-D, Cassation partielle

A0755KCX

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Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 11-12.510, FS-D, Cassation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8064332-cass-civ-1-10042013-n-1112510-fsd-cassation-partielle
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CIV. 1 JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 avril 2013
Cassation partielle
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 349 FS-D
Pourvoi no A 11-12.510
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick Z, domicilié Saint-Didier au Mont d'Or,
contre l'arrêt RG no 08/11514 rendu le 15 décembre 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société ABC News Intercontinental Inc, dont le siège est Royaume-Uni,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 mars 2013, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, Mme Crédeville, M. Gallet, Mme Marais, M. Garban, Mme Dreifuss-Netter, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, M. Reynis, conseillers, M. Jessel, Mme Darret-Courgeon, conseillers référendaires, M. Pagès, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. Z, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société ABC News intercontinental Inc, l'avis de M. Pagès, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z, entré en 1969 au service de la société américaine ABC News Intercontinental Inc, exploitant une chaîne de télévision américaine, et qui y a exercé à compter du 1er avril 1982 les fonctions de reporter-cameraman, a été affecté au bureau de Paris à partir de 1981, puis licencié pour motif économique le 8 octobre 2004 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement, de diverses prétentions salariales et indemnitaires, ainsi que de demandes au titre de la violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur du fait de l'exploitation non autorisée des reportages et documentaires dont il indiquait être l'auteur ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé, après avis de la chambre sociale

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, dont aucun des griefs n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen
Vu l'article 5-2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques ;
Attendu, selon ce texte, que la jouissance et l'exercice des droits d'auteur, qui ne sont subordonnés à aucune formalité, sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre ; que, par suite, en dehors des stipulations de la Convention, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée ;
Attendu que pour débouter M. Z de ses demandes au titre du droit d'auteur, l'arrêt retient que l'article 5-2 de la Convention de Berne régit le contenu de la protection de l'auteur et de l'oeuvre, mais qu'il ne fournit pas d'indication relative à la titularité des droits, à leur acquisition, non plus qu'à leur cession, de sorte que, dans le silence de ce texte, il y a lieu de faire application de la règle française de conflit de lois ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la détermination du titulaire initial des droits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit est soumise à la règle de conflit de lois édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne, qui désigne la loi du pays où la protection est réclamée, la cour d'appel a violé cette disposition par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z de ses demandes au titre du droit d'auteur, l'arrêt rendu le 15 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société ABC News Intercontinental Inc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ABC News Intercontinental Inc à payer à M. Z la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant le jugement entrepris, débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour violation des droits moraux et patrimoniaux d'auteur ;
AUX MOTIFS QUE " selon l'article 5-2 de la convention de Berne dont se prévaut M. Z, " l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée " ; que ce texte régit le contenu de la protection de l'auteur et de l'oeuvre ; qu'il ne fournit pas d'indication relative à la titularité même des droits d'auteur, à leur acquisition non plus qu'à leur cession ; qu'ainsi, dans le silence de la Convention de Berne, la société ABC News demande légitimement l'application de la loi française de conflit de lois qui remet à la loi du pays d'origine de l'oeuvre la définition du titulaire des droits d'auteur ; "
ALORS QUE en application de l'article 5-2 de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, la loi du pays où la protection est demandée régit toutes les questions relatives à l'exercice et à la jouissance des droits d'auteur, et notamment celle qui inclut la détermination du titulaire de ces droits ; qu'en décidant que la question du titulaire des droits d'auteur échappait à la convention de Berne pour relever de la règle de conflits de droit français, les juges du fond ont violé l'article 5-2 de la convention de Berne, ensemble l'article 3 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
(hypothèse où la convention de Berne ne serait pas applicable)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant le jugement entrepris, débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour violation des droits moraux et patrimoniaux d'auteur ;
AUX MOTIFS QUE " dans le silence de la Convention de Berne, la société ABC News demande légitimement l'application de la loi française de conflit de lois qui remet à la loi du pays d'origine de l'oeuvre la définition du titulaire des droits d'auteur ; qu'en l'espèce, l'émetteur est une société américaine, située aux États-Unis, dont le territoire de diffusion principal et essentiel est le territoire américain et les émetteurs matériels situés sur le sol américain ; qu'est dès lors indifférente la circonstance que, par le biais de la multidiffusion, d'autres territoires ont pu recevoir les programmes en cause ; qu'en application dès lors de l'article 17 U.S.C. paragraphe 201 A et B qui ne suscite pas de débat entre les parties, la société ABC News, employeur, est " considéré comme l'auteur,...sauf stipulation contraire figurant dans un instrument écrit signé par les parties " et partant, le détenteur originaire " de tous les droits compris dans le droit d'auteur ", puisqu'il est constant et non discuté que ni le contrat de travail ni aucun autre écrit ayant lié les parties n'a remis en cause cette désignation par la loi américaine ; que la mise en oeuvre des lois de police ou de l'exception d'ordre public ne peut permettre d'évincer l'application de la loi américaine en ce qu'elle désigne le titulaire des droits sur l'oeuvre ; que les prérogatives patrimoniales qui sont transmissibles peuvent en effet naître entre les mains d'un tiers sans heurter les principes fondamentaux du droit d'auteur français ; qu'en l'espèce ainsi, l'oeuvre ayant fait l'objet d'un " work made for hire ", l'employeur est seul détenteur de droit et, par conséquent, seul à pouvoir disposer matériellement de l'ensemble des prestations de chacun de ceux qui ont concouru à l'oeuvre de collaboration ; qu'enfin les développements de M. Z sont juridiquement inopérants en ce qu'ils portent sur la théorie de l'accessoire, au motif que le contrat de travail était soumis au droit français ; que la société ABC observe en outre justement que le rattachement du contrat de M. Z à la loi française résulte, non pas d'un choix d'entreprise, mais du caractère impératif du droit social français ; que du tout, il résulte que l'employeur est le seul titulaire des oeuvres créées à sa demande ; "
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
les reportages étant diffusés sur une chaine de télévision américaine, la loi
d'origine est américaine ;
ALORS 1o) QUE la règle attribuant à l'auteur un droit moral sur son oeuvre constitue une loi de police dont la mise en oeuvre entraîne l'éviction d'une loi étrangère qui, telle la loi américaine, ne reconnaît pas le droit moral d'auteur ; que pour dénier au salarié un droit moral sur les oeuvres dont il est l'auteur, la cour d'appel a refusé d'écarter la loi américaine, estimant que celle-ci ne se heurtait à aucune loi de police française ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1 et L. 111-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 3 du code civil ;
ALORS 2o) QUE en droit international privé français, la loi du pays où la protection du droit d'auteur est demandée régit non seulement l'exercice des prérogatives patrimoniales attachées à ce droit mais également la détermination du titulaire de ces droits ; qu'en appliquant la loi américaine, loi du pays d'origine de l'oeuvre à la détermination du titulaire des droits d'auteur, quand la loi française du pays où la protection est demandée régit les conditions d'existence des droits patrimoniaux d'auteur, les juges du fond ont violé l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 3 du code civil ;
ALORS 3o) QUE, subsidiairement, dans l'hypothèse où la loi d'origine serait applicable la détermination du titulaire des droits d'auteur est soumise à la loi du pays où l'oeuvre a été diffusée pour la première fois ; qu'en énonçant que la première diffusion avait eu lieu aux États-Unis, sans répondre aux conclusions du salarié (p. 43), reprises à la barre, faisant valoir que les oeuvres étaient simultanément diffusées dans plusieurs pays dont la France, de sorte que les États-Unis n'étaient pas le pays de la première diffusion et que la loi américaine n'avait pas vocation à s'appliquer au litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 4o) QUE, encore plus subsidiairement, la qualité d'auteur appartient au créateur de l'oeuvre, fût-il salarié ; que les droits patrimoniaux d'auteur étant cessibles, le salarié peut consentir à son employeur une cession de ses droits, soit de façon expresse par l'inclusion d'une clause de cession dans le contrat de travail, soit de façon implicite par le choix d'une loi attribuant ses droits patrimoniaux à l'employeur ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir que la loi française étant applicable à son contrat de travail, elle régissait, en l'absence d'expression d'une volonté contraire des parties, le point de savoir qui, de l'employeur ou du salarié, devait être considéré comme le titulaire des droits patrimoniaux sur les oeuvres créées par ce dernier en exécution de son contrat de travail ; qu'en refusant d'appliquer la loi française en tant que lex contractus car la compétence de cette loi ne résulterait pas de la volonté des parties mais du caractère impératif du droit social français, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 111-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 3 du code civil.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité à 28.000 euros la condamnation de la Société ABC News au titre des heures supplémentaires effectuées par Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE " sur la demande de rappel d'heures supplémentaires, le premier juge a alloué à Monsieur Z la somme de 12.000 euros à ce titre ; que Monsieur Z soutient que cette somme ne le remplit pas de ses droits et que, tenant compte de la prescription quinquennale et de la transaction conclue le 27 juillet 2004 avec son ancien employeur, il limite sa prétention aux années 2000 et 2001 ainsi qu'à la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 2004 ; que la Société ABC News excipe de l'irrecevabilité de cette demande par le jeu de la transaction aux motifs en substance que lors de la conclusion de cette transaction, il n'existait aucune litige portant sur les années 2000 et 2001 dès lors que les heures supplémentaires effectuées au-delà de 37,5 heures antérieurement au 1er janvier 2002 avaient été régulièrement rémunérées et que Monsieur Z avait agi au mépris des principes de bonne foi et de loyauté ; que les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris ; qu'elle n'a ainsi autorité de la chose jugée entre les parties que dans les limites de la contestation à laquelle elle a mis fin ou qu'elle a empêchée ; que le juge ne peut dénaturer le sens et la portée des conventions légalement formées qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, par la transaction conclue le 27 juillet 2004, les parties ont clairement, précisément et sans ambiguïté convenu de mettre fin à leur différend portant sur les heures supplémentaires effectuées par Monsieur Z du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 ; que la demande soumise à la cour exclut la période couverte par la transaction ; qu'elle est donc recevable ; que, partant, le moyen pris de l'irrecevabilité sera rejeté ; que sur le bien fondé de cette prétention, la société communique les rapports journaliers d'activité de monsieur Z, aussi appelés "daily logs" portant sur les périodes en cause ; que ces documents précisent pour chaque jour les dates et les lieux de reportages effectués par les journalistes du bureau de Paris ; que ces documents ne comportent cependant aucune indication sur le nombre d'heures journalières travaillées, ni non plus sur la durée des temps de déplacement pour se rendre sur les lieux de tournage ; que Monsieur Z évalue à 119.050 euros sa demande sur la base de ces documents ; que pour ce faire, Monsieur Z a évalué son temps de travail lorsqu'il n'était pas en reportage à 7h30 par jour sur les années 2000 et 2001 et à 7 heures par jours au titre du second semestre 2004, de sorte ainsi qu'il n'a pas comptabilisé d'heure supplémentaire lorsqu'il n'était pas en reportage et ce point ne suscite pas de litige ; qu'en revanche, les parties sont en désaccord sur la comptabilisation du temps de travail journaliser effectif de Monsieur Z pour les jours de reportage ; qu'il résulte de l'examen de son décompte que Monsieur Z a comptabilisé une durée journalière de 13 heures de travail pour chaque journée de reportage quel qu'en soit le lieu, Paris, la province ou l'étranger, au cours des années 2000 et 2001 ; que sans expliciter cette évaluation du nombre d'heures supplémentaires, Monsieur Z soutient pour l'essentiel qu'il était dans l'obligation de se tenir à la disposition permanente de son employeur, que ses temps de trajet en avion pouvaient correspondre à un temps de travail effectif, que ses reportages étaient diffusés en direct, quelle que soit sa situation géographique et le décalage horaire correspondant ; que pour contester l'effectivité d'heures supplémentaires et conclure au rejet de la demande, la Société ABC News excipe en substance que Monsieur Z omet de déduire les temps de déplacements en début et en fin de mission, les temps de pause et les périodes pendant lesquelles il pouvait vaquer librement à ses occupations, fût-il en déplacement, et qu'il a en outre bénéficié d'un nombre très élevé de jours de congés et de jours de repos qui venaient compenser les journées plus chargées passées à l'étranger ; qu'est un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que Monsieur ..., alors chef du bureau de paris, a attesté au profit de Monsieur ..., autre journaliste du bureau de Paris que "lorsque Monsieur ... était en mission, sa journée ne se réduisait jamais à 8 heures" ; que "les longues journées, parfois 14 ou 16 heures d'affilée n'étaient pas rares" et que "lorsqu'un reportage avait lieu à Paris, le décalage horaire avec New-York s'appliquait également et une journée pouvait se terminer à l'issue du programme, à savoir à 1 heure du matin, heure de Paris" ; que s'il doit ainsi être admis que Monsieur Z restait à la disposition de son employeur pendant une durée plus grande à l'occasion des reportages effectués en province ou à l'étranger, dans la mesure notamment où il pouvait être amené à devoir effectuer des prises de vues ou à rechercher des contacts entre les prises de vues, cette attestation n'étaye néanmoins pas l'affirmation selon laquelle un reportage donnait systématiquement lieu à des heures supplémentaires de travail de 5,5 heures par jour ; que Madame ... a occupé les fonctions de chargée de production pour la Société ABC News de 1995 à 1998 ; qu'elle témoigne ainsi de faits antérieurs à la période litigieuse ; qu'au demeurant, s'il résulte de son attestation selon laquelle "le décalage horaire avec les USA entraînait la plupart du temps des horaires de travail sans limites les tournages s'effectuaient souvent tôt le matin ou très tard le soir" que Monsieur Z était amené à travailler selon des horaires décalés par rapport aux horaires habituels de travail (tournages tôt le matin ou très tard le soir), ce témoignage ne corrobore pas l'allégation d'une durée d'activité continue pendant 13 heures ; qu'également, le courriel du 27 juillet 2004 de Monsieur ..., producteur exécutif du journal télévisé d'ABC News rappelle simplement la nécessité, en cas de catastrophe, de pouvoir joindre les journalistes de l'équipe "dans un délai raisonnable" après avoir stigmatisé la difficulté qu'il venait de rencontrer à cet effet à l'occasion de la survenance d'une catastrophe naturelle ; que le manuel relatif aux frais de déplacement et de représentation établit la prise en charge par l'employeur des frais de dîners en cas d'amplitude de travail supérieure à 10 heures et la Société ABC News fait justement valoir que l'amplitude de travail ne se confond pas avec le temps de travail effectif ".
ET QUE " le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financièrement ; que s'il est en l'espèce vrai que Monsieur Z a effectué un certain nombre de déplacements à l'étranger ou en province, il est non moins constant que les reportages à Paris ou à Versailles, lesquels correspondent à un nombre non négligeable des reportages, objet de la prétention financière n'ont pas occasionné un temps de déplacement particulier ; que s'agissant des déplacements en province ou à l'étranger, la Société ABC News fait par ailleurs valoir que Monsieur Z a bénéficié d'une compensation puisqu'il a disposé de 55 jours de repos et congés, en plus des jours fériés et des week-ends, en 2000 et de 72 jours au même titre en 2001 ; que c'est de manière inopérante que Monsieur
Etcheverry argumente ici sur le fait qu'il a été amené à travailler en avion, tel pour exemple, lorsque le président et les ministres organisaient des points presse avec les journalistes à l'arrière de l'avion et qu'il lui était ainsi demandé de filmer dans l'avion, ne s'agissant pas ici d'une activité pendant un temps de trajet pour se rendre de son domicile à son lieu de travail ; que Monsieur Z ne peut non plus utilement soutenir que les jours de repos supplémentaires avaient pour objet de compenser les samedis d'activité puisque ses bulletins de salaires établissent que les samedis travaillés donnaient lieu à une compensation financière sous la forme d'une rémunération à un taux de 150 % ; qu'au surplus, Monsieur Z comptabilise 13 heures de travail effectif par jour quel que soit le lieu de tournage sans s'expliquer sur les temps nécessaires consacrés aux déplacements pour se rendre sur le lieu de tournage, la cour restant dans l'ignorance des horaires de ses déplacements notamment par voie aérienne ; qu'enfin, l'éloignement de son domicile ne permet pas à lui seul de déduire que le salarié est en permanence à la disposition de son employeur et qu'il ne peut vaquer à des occupations personnelles ; que la nécessaire autonomie attachée au poste qu'occupait Monsieur Z contredit l'allégation selon laquelle chaque reportage donnait lieu à un temps de travail effectif de 13 heures par jour, sans pause ni temps libre ; que l'ensemble de ce qui précède emporte la conviction de la cour que si Monsieur Z a effectué des heures supplémentaires pendant la période litigieuse, le premier juge a procédé à une juste évaluation de ces heures supplémentaires réalisées, si ce n'est en ce qu'il a déduit les sommes figurant sur les bulletins de paie de Monsieur Z au titre d'heures majorées à 150 % au motif que ces paiements correspondaient à des heures supplémentaires, alors que Monsieur Z prétend exactement que ces versements majorés correspondaient au paiement des samedis travaillés ; que la prétention de Monsieur Z sera donc accueillie à hauteur de la somme de 28.000 euros " ;
ALORS 1o) QUE pour limiter la créance de Monsieur Z au titre des heures supplémentaires, l'arrêt énonce que les pièces communiquées par le salarié des documents étayaient effectivement sa demande mais ne démontraient pas l'exécution systématique de cinq heures et demi supplémentaires de travail par jour, ni l'existence d'une durée d'activité continue pendant treize heures ; qu'en statuant de la sorte, quand elle avait auparavant constaté que la société ABC News n'avait produit que les " daily logs ", rapport journaliers d'activité du salarié, qui ne comportaient aucune indication sur le nombre d'heures journalières travaillées, ni sur la durée des temps de déplacement pour se rendre sur les lieux de tournage, la cour d'appel, faisant ainsi peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires effectuées, bien qu'il appartienne réciproquement à l'employeur d'apporter la preuve contraire, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS 2o) QUE Monsieur Z avait rappelé qu'en étant envoyé sur le terrain de catastrophes naturelles, de guerres ou de coups d'Etat, il ne pouvait sérieusement s'en tenir à une durée journalière de travail de sept heures puisque les conséquences des évènements qu'il devait couvrir étaient imprévisibles, de sorte que les exigences de son métier de reporter et les conditions dans lesquelles il l'exerçait excluaient en réalité toute possibilité de vaquer librement à des occupations personnelles autres que celles, élémentaires, de se nourrir et de dormir ; qu'en se contentant, dès lors, d'affirmer, pour exclure que la durée du travail invoquée par le salarié ait pu correspondre à une durée de travail effectif au sens de l'article L.3121-1 du code du travail, que l'éloignement de son domicile ne permettait pas à lui seul de déduire qu'il aurait été en permanence à la disposition de son employeur, sans même rechercher si la nature particulière des fonctions de Monsieur Z et les conditions extrêmes dans lesquelles il les exerçait n'excluaient pas, par principe, toute possibilité de vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3121-1 et L.3171-4 du code du travail ;
ALORS 3o) QUE aux termes de l'article L.3121-4 du code du travail, tel que résultant de la loi no 2005-32 du 18 janvier 2005, si la durée du déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas assimilable au temps de travail effectif, en revanche " s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financièrement " ; que pour refuser une compensation financière des temps de trajet, l'arrêt retient que " les reportages à Paris ou à Versailles, lesquels correspondent à un nombre non négligeable des reportages, objet de la prétention financière, n'ont pas occasionné un temps de déplacement particulier " ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser ni le lieu du domicile du salarié, ni son lieu habituel de travail, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le caractère normal ou non des temps de trajet, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-4 et L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS 4o) QUE pour rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que le salarié comptabilisait treize heures de travail effectif par jour quel que soit le lieu de tournage " sans s'expliquer sur les temps nécessaires consacrés aux déplacements pour se rendre sur le lieu de tournage, la cour restant dans l'ignorance des horaires de ses déplacements notamment par voie aérienne " ; qu'en faisant ainsi peser sur le seul salarié la charge de la preuve du temps nécessaire pour se rendre sur les lieux de tournage, quand il appartenait réciproquement à l'employeur d'apporter la preuve contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.3121-4 et L.3171-4 du code du travail.

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