Jurisprudence : CE 5 SS, 27-03-2013, n° 354426



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


354426


M. Thierry BUSSI


M. Gérald Bégranger, Rapporteur

Mme Fabienne Lambolez, Rapporteur public


Séance du 1er mars 2013


Lecture du 27 mars 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème sous-section)


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 29 novembre 2011 et le 28 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry Bussi, demeurant 4 rue du Pertuis à Champigny-sur-Marne (94500) ; M. Bussi demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler le jugement n° 1101484/5-1 du 20 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 26 octobre 2010 du préfet de police rejetant sa demande de congé bonifié et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de statuer à nouveau sur sa demande ;


2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à cette demande ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Gérald Bégranger, Maître des Requêtes en service extraordinaire,


- les observations de la SCP Blanc, Rousseau, avocat de M. Bussi,


- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de M. Bussi ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 26 octobre 2010, le préfet de police a refusé à M. Bussi, gardien de la paix affecté à la préfecture de police, le bénéfice d'un congé bonifié pour se rendre en Guadeloupe du 9 juillet au 9 septembre 2011 ; que l'intéressé se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;


2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d'outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l'Etat : " Les personnels mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier, dans les conditions déterminées par le présent décret, de la prise en charge par l'Etat des frais d'un voyage de congé, dit congé bonifié (.) " ; qu'aux termes de l'article 1er de ce décret : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux magistrats et aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leurs fonctions : (.) / b) Sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer " ; qu'aux termes de l'article 3 du même texte : " Le lieu de résidence habituelle est le territoire européen de la France ou le département d'outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé " ;


3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la localisation du centre des intérêts moraux et matériels d'un fonctionnaire il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité ;


4. Considérant que, pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif a relevé que M. Bussi, né le 20 septembre 1979 à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine, avait vécu en métropole jusqu'en 1998, qu'il y résidait à nouveau depuis son recrutement comme gardien de la paix en février 2005 et qu'il avait reconnu y avoir conclu un pacte civil de solidarité le 6 décembre 2010 ; que le tribunal a estimé que ces circonstances démontraient qu'à la date de la décision litigieuse l'intéressé avait en métropole le centre de ses intérêts moraux et matériels, alors même que ses parents résidaient en Guadeloupe où il leur rendait régulièrement visite et où lui-même avait résidé de 1998 à 2004, période au cours de laquelle il avait accompli ses études supérieures et s'était notamment présenté à des concours de recrutement dans la fonction publique territoriale aux Antilles ;


5. Considérant que si le tribunal administratif a pu, sans erreur de droit, tenir compte de la conclusion, postérieure de quelques semaines à la décision litigieuse, d'un pacte civil de solidarité, en estimant, dans le cadre d'une appréciation souveraine, qu'elle éclairait la situation existant à la date de cette décision, il a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en se fondant sur cet élément sans répondre à l'argumentation de M. Bussi selon laquelle sa partenaire avait elle-même le centre de ses intérêts moraux et matériels en Guadeloupe ; qu'il a, par ailleurs, omis de prendre parti sur les éléments, invoqués devant lui, tirés de ce que l'ensemble des membres de la famille de l'intéressé résidaient en Guadeloupe et de ce qu'il avait demandé à y être muté ou détaché ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. Bussi est fondé à demander l'annulation du jugement ;


6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. Bussi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 octobre 2011 est annulé.


Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.


Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. Bussi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry Bussi et au ministre de l'intérieur.


Délibéré dans la séance du 1er mars 2013 où siégeaient : M. Didier Chauvaux, Président de sous-section, présidant ; M. Jean-Philippe Thiellay, Conseiller d'Etat et M. Gérald Bégranger, Maître des Requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

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