Jurisprudence : CA Versailles, 28-03-2013, n° 11/02194, Confirmation



COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES Code nac 80A 19ème chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 MARS 2013
R.G. N° 11/02194 AFFAIRE
Narcisse ONIER C/
SA SQYBUS
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 05 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section Commerce N° RG 10/00129
Copies exécutoires délivrées à
Me Christian ... ...
Me Elise ...
Copies certifiées conformes délivrées à
Narcisse Z
SA SQYBUS
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE TREIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Monsieur Narcisse Z
Né le . à Kasserine ( Tunisie)

PUTEAUX
Comparant en personne, assisté de Me Christian ... ...,
avocat au barreau de PARIS, (vestiaire B0754)
APPELANT
****************
SA SQYBUS


TRAPPES
Représentée par Me Elise ...
de la SELARL PRAXES Avocats,
avocat au barreau de PARIS, (vestiaire L0197)
INTIMÉE
****************

Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Monsieur Jean François CAMINADE, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats Monsieur Arnaud DERRIEN,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Statuant sur l'appel interjeté par M. Narcisse Z contre le jugement déféré prononcé par la juridiction prud'homale, qui saisie le 5 février 2010 par celui-ci dans le cadre d'un litige l'opposant à la société SQYBUS, son ancien employeur, de demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre indemnités complémentaires, a dit que le licenciement du salarié a une cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur au paiement de la somme de 2. 799 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure, au paiement des indemnités de rupture ( préavis, congés payés et indemnité de licenciement), a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné la remise des documents légaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard, avec faculté de se réserver la liquidation de l'astreinte, ordonné l'exécution provisoire, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société SQYBUS aux dépens.
**
M. Narcisse Z a été engagé par CDD en date du 1er novembre 1995, à compter du 28 novembre 1995, en qualité de contrôleur de route ( voyageur), catégorie employé, coefficient 132.5, par la société SQYBUS, entreprise de transport routier, investie d'une mission de service public, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1. 736, 64 euros pour 151 h 67 par mois, outre primes.
Le 16 décembre 1996, son contrat est devenu à durée indéterminée.
Son ancienneté était reprise au 1er novembre 1995 et il avait pour mission le contrôle sur ligne des voyageurs.
A compter du 1er septembre 2001, il était promu chef contrôle trafic voyageurs, statut agent de maîtrise, groupe 2, coefficient 157, 5.
En novembre 2009, la société SQYBUS a organisé une surveillance des équipes de contrôle dans leur travail au quotidien, sur toutes les amplitudes des horaires de travail, donnant lieu à la rédaction d'un rapport.
Le préavis de grève prévue le 15 décembre 2009 était levé le 9 décembre 2009.
Une convocation à entretien préalable était adressée au salarié le 23 décembre 2009 pour le 5 janvier 2010 et par lettre du 25 janvier 2010, la société SQYBUS lui notifiait son licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture, ainsi qu'à trois autres salariés, dont M. ... et M. Z, membres de l'équipe n°3.
La relation de travail a pris fin le 26 janvier 2010.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport. Le salarié avait une rémunération brute mensuelle de 2. 799, 37 euros au dernier état de la relation contractuelle.
La société occupe plus de 11 salariés.

MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la faute grave
Considérant selon l'article L.1235-1 'qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié';
Que les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement fixent les termes et les limites du litige et la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c'est-à-dire, matériellement vérifiables
Qu'un salarié ne peut être licencié que pour des faits précis et objectifs qui lui sont personnellement imputables ;
Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve et de démontrer qu'il a contraint le salariée à quitter son emploi dès la constatation de la faute ;
Que la jurisprudence exige la réunion de trois éléments pour constituer une faute grave
- la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié personnellement
- le ou les faits incriminés doivent constituer une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise
- la violation reprochée au salarié doit être d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis
Considérant en l'espèce, que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 janvier 2010, la société SQYBUS a procédé au licenciement pour faute grave de M. Z en lui reprochant l'absence de traçabilité des tickets de contrôle à l'arrivée le 13 novembre 2009 à 23 heures, son départ avant la fin de son service (23 h au lieu de 23h 30), l'absence de contrôle effectué le 14 novembre 2009 de 18h 30 à 2h 00, d'avoir laissé seul le 26 novembre 2009 M. ... et d'être parti au magasin la Foir'Fouille à Coignières, alors que l'équipe devait effectuer un taux de contrôle entre 17 et 19 hà la gare de la Verrière, ajoutant que l'abandon de poste au milieu de service ou de manière prématurée, constitue une violation manifeste de ses obligations contractuelles ainsi qu'un manquement à la discipline générale prévu dans le règlement intérieur de la société ;
Considérant que l'appelant conteste ne pas avoir remis un ticket de contrôle le 13 novembre 2009, qu'il conteste avoir quitté son poste avant la fin du service, que les autres griefs allégués (filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié) se fondent sur un mode de preuve illicite en vertu des articles 8 de la CEDH et de l'article 9 du code civil et de l'article L 1121-1 du code du travail, qu'il conteste s'être absenté de 23h 10 à 1h 30 le 14 novembre 2009, qu'il disposait d'un temps de pause pour dîner, que s'il s'est rendu au magasin la Foir'Fouille à Coignières, c'était pendant son temps de pause, que la procédure a été engagée tardivement alors que le préavis de grève avait été levé ;
Que l'employeur qui demande à la cour de constater l'existence d'une faute grave, réplique qu'en sa qualité de chef d'équipe, l'appelant était tenu d'une obligation de loyauté et de rigueur renforcée, que l'équipe n°3 constituée de M. Onier, M. Daudelet, M. Z et Mlle ..., a été observée sur les services des 13, 14 et 26 novembre 2009, que des manquements inacceptables ont été à l'occasion de cette enquête, été relevés à l'encontre de cette équipe, dont M. Z les 13, 24 et 26 novembre 2009, que les agents de contrôle de l'équipe n°3 ont manqué à leurs obligations en violant délibérément les consignes qui leur étaient données en matière de traçabilité des opérations, que les agents ne respectaient pas leurs horaires de travail ( 23 h au lieu de 23h 30), que des manquements ont été constatés lors du service dans la soirée du 14 novembre 2009 (abandon de poste, contrôle fictif) et lors du service du 26 novembre 2009 (M. ... est resté seul pour effectuer la vérification du taux de contrôle en gare de la Verrière, au mépris des règles de sécurité au travail alors que les deux autres collègues incluant le salarié étaient partis au magasin Foir'Fouille à Coignières entre 18 h 04 et 18 h 33), que l'allégation selon laquelle le licenciement du salarié revêtirait un caractère économique, est mensongère, que le licenciement du salarié ne présente aucun lien avec le préavis de grève déposé en décembre 2009, objecte que la preuve des faits qui est reprochée au salarié n'a pas été obtenue de manière illicite, que c'est précisément au cours de l'enquête menée par la direction de Sqybus en vue d'améliorer les conditions de travail des contrôleurs évoquant la pénibilité de leur travail, que la société a constaté les manquements graves du salarié;
Considérant que le contrôle organisé par l'employeur, confié à des cadres, pour observer les équipes de contrôle dans un service public de transport dans leur travail au quotidien sur toutes les amplitudes et horaires de travail, ne constitue pas un moyen de preuve illicite, dès lors qu'exclusivement limité au temps de travail, il n'impliquait aucune atteinte à la vie privée des salariés observés, exclusif de toute filature jusqu'à leur domicile et qu'il était destiné à améliorer les conditions de travail des agents, du fait de revendications liées à la pénibilité de celles-ci ;
Qu'en l'espèce, au vu des pièces produites par l'employeur (rapport suivi contrôleurs, rapports journaliers et fiche de fonction), les manquements invoqués contre le salarié sont établis et caractérisés, alors que celui-ci avait la qualité de chef contrôle trafic voyageurs (chef d'équipe), avec ancienneté de 15 ans ;
Que toutefois, celui-ci après l'avoir contesté, ayant reconnu au cours de l'entretien préalable s'être rendu au magasin Foir'Fouille et en l'absence d'antécédents disciplinaires pour un agent ayant une grande ancienneté, il convient de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu'au titre des indemnités de rupture allouées;
Que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré d'un licenciement économique déguisé ;
- Sur la régularité de la procédure de licenciement
Considérant que l'appelant demande la confirmation du jugement qui a condamné l'employeur au paiement de la somme de 2. 799 euros à titre de dommages et intérêts représentant un mois de salaire pour non-respect de la procédure, en précisant que l'entretien préalable s'est tenu en présence de quatre personnes aux lieu et place de l'employeur seul, alors que l'employeur réplique que la présence d'autres salariés (trois cadres) que le directeur était parfaitement justifiée et répondait à l'intérêt du salarié (présence des agents qui avaient procédé aux opérations de surveillance) et que celui-ci ne se prévaut d'aucun préjudice de ce chef ;
Mais considérant que la présence auprès de l'employeur de trois autres personnes cadres lors de l'entretien préalable du salarié, était de nature à rompre le principe de l'égalité des armes, le salarié eût-il été assisté d'un délégué syndical ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité au salarié représentant un mois de salaire ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité de procédure au salarié ;
Qu'en cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions au profit de l'une ou l'autre des parties ;

PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la SA SQYBUS aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean François ..., Président et par Monsieur ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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