Jurisprudence : CA Paris, 1, 5, 21-03-2013, n° 13/00147

CA Paris, 1, 5, 21-03-2013, n° 13/00147

A7246KAM

Référence

CA Paris, 1, 5, 21-03-2013, n° 13/00147. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8043306-ca-paris-1-5-21032013-n-1300147
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Abstract

Les règles de procédure applicables au règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel sont des règles spécifiques, d'ordre public, qui obéissent à un régime propre, auxquelles les règles régissant les sentences arbitrales, internes ou internationales, sont étrangères.



Copies exécutoires délivrées
aux parties le
République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 5 ORDONNANCE DU 21 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 13/00147
Décision déférée à la Cour Décision du 04 Septembre 2012 Bâtonnier de l'ordre des avocats de LYON - RG N° 736/213809 Nature de la décision Contradictoire

NOUS, Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de
Monsieur Jacques-Henry Z Z

LE CHESNAY
Rep/assistant Me Arnaud ... (avocat au barreau de PARIS, toque C0428)
DEMANDEUR
à
SELAS MARCCUS PARTNERS

COURBEVOIE
Rep/assistant Me Édouard ... ... et Me Michel ... de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIÉS (avocats au barreau de PARIS, toque P0298)
DÉFENDERESSE
Et après avoir entendu les conseils des parties lors des débats de l'audience publique du 07 Février 2013
Faits constants
Le 19 novembre 2010, M. Guillaume ... a notifié à la SELAS MARCCUS PARTNERS, cabinet d'avocats, sa décision d'exercer son droit de retrait. Le 10 décembre 2010, M. Jacques-Henry Z Z et Mme Silke ... ont fait de même. Dans le même temps, d'autres associés, collaborateurs et assistantes ont signifié leur démission. La plupart d'entre eux a rejoint la SCP LEFEVRE PELLETIER & Associés (LPA).
Un différend est né entre les parties sur les circonstances de ces retraits.
C'est dans ce contexte, et après échec d'une tentative de conciliation, que M. Rémi ..., Avocat au Barreau de Lyon, ancien Bâtonnier, a été saisi.
Par "Sentence du Bâtonnier en date du 4 septembre 2012 (Article 21 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée)", M. Rémi ..., Avocat au Barreau de Lyon, ancien Bâtonnier, statuant contradictoirement et en premier ressort
- a constaté qu'il résultait des circonstances de leur retrait de la SELAS MARCCUS PARTNERS que M. Jacques-Henry Z Z et Mme Silke ... ont manqué de loyauté envers elle,
- les a condamnés en conséquence à payer à la SELAS MARCCUS PARTNERS, M. Jacques-Henry Z Z la somme de 100 000 euros, Mme Silke ... celle de 25 000 euros, en réparation des préjudices matériel et moral causés par leurs fautes,
- a débouté la SELAS MARCCUS PARTNERS du surplus de ses demandes au titre de son action en concurrence déloyale,
- a donné acte à la SELAS MARCCUS PARTNERS qu'elle ne contestait pas plus devoir et qu'elle avait payé les sommes provisionnelles allouées à titre de rémunérations et remboursement de frais à Mme Silke ... et M. Guillaume ... par décision avant-dire droit du 23 janvier 2012, cet acquiescement conférant auxdites condamnations un caractère définitif,
- débouté Mme Silke ... et M. Guillaume ... du surplus de leurs demandes de soldes de rémunérations et remboursement de frais,
- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SELAS MARCCUS PARTNERS aux demandes reconventionnelles formées par M. Jacques-Henry Z Z à titre de rémunérations et remboursement de frais,
- condamné la SELAS MARCCUS PARTNERS à payer à M. Jacques-Henry Z Z une somme de 24 200 euros à titre de solde de bonus pour l'exercice 2008/2009 et débouté M. Z Z du surplus de ses demandes de soldes de rémunérations et remboursement de frais,
- débouté la SELAS MARCCUS PARTNERS de sa demande de désignation d'un nouvel expert pour déterminer la valeur des 12 250 actions de M. Z Z dans la SELAS,
- dit que la SELAS MARCCUS PARTNERS devra racheter ou faire racheter les 12 250 actions de M. Z Z pour le prix de 480 000 euros déterminé par l'expert, et ce dans un délai de quatre semaines à compter de la présente décision,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit que les dépens de la mesure d'instruction objet de la décision avant-dire droit en date du 11 juillet 2011 resteront à la charge définitive de la SELAS MARCCUS PARTNERS qui en a fait l'avance,
- dit que les dépens de la mesure d'instruction objet de la décision avant-dire droit n°2 en date du 21 novembre 2011 resteront à la charge définitive de M. Jacques-Henry Z Z et de Mme Silke ... qui en ont fait l'avance avec M. Guillaume ..., à charge pour les deux premiers de rembourser au troisième sa participation dans cette avance,
- dit que les dépens de l'expertise de M. Olivier ... seront mis à la charge de la SELAS MARCCUS PARTNERS et l'a condamnée à rembourser à M. Jacques-Henry Z Z la somme de 8 820 euros H.T. dont celui-ci a fait l'avance,
- liquidé les frais d'arbitrage à la somme de 30 000 euros H.T. soit 35 880 euros TTC et dit qu'ils seront supportés pour moitié par la SELAS MARCCUS PARTNERS, pour moitié ensemble par M. Jacques-Henry Z Z et Mme Silke ...,
- dit que compte tenu de la provision de 15 000 euros H.T. dont MARCCUS PARTNERS et LPA ont fait l'avance à parts égales, MARCCUS PARTNERS d'une part, M. Jacques-Henry Z Z et Mme Silke ... ensemble d'autre part, devront s'acquitter du solde de 15 000 euros H.T. soit 17 940 euros TTC à parts égales, M. Z Z et Mme ... devant par ailleurs rembourser à LPA la somme de 7 500 euros H.T. dont elle a fait l'avance.
Le 26 septembre 2012, la SELAS MARCCUS PARTNERS a formé un recours à l'encontre de cette décision, devant la cour d'appel de Paris, "par application de l'article 16 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et de l'article 936 du code de procédure civile".
Par acte du 8 janvier 2013, M. Jacques-Henry Z Z a assigné la SELAS MARCCUS PARTNERS devant le Premier Président, sur le fondement de l'article 1497 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner l'exécution de la Sentence arbitrale du 4 septembre 2012 en ce que l'Arbitre a dit que la SELAS MARCCUS PARTNERS devra racheter ou faire racheter ses 12 250 actions pour le prix de 480 000 euros déterminé par l'expert, et ce dans un délai de quatre semaines à compter de la présente décision.
Prétentions et moyens de M. Jacques-Henry Z Z
Dans son assignation, complétée par des écritures du 7 février 2013, reprises oralement à l'audience, M. ... ... fait valoir
- que sa demande est recevable, l'article 1497 du code de procédure civile étant applicable en l'espèce,
- que l'exécution provisoire partielle est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, - à titre subsidiaire, que l'article 525 du code de procédure civile est applicable.
Il demande de dire son action recevable et bien fondée, de débouter la SELAS MARCCUS PARTNERS de toutes ses demandes formées à son encontre, d'ordonner l'exécution provisoire dans les termes précités et de condamner la SELAS MARCCUS PARTNERS à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Prétentions et moyens de la SELAS MARCCUS PARTNERS
Dans ses écritures du 7 février 2013, reprises oralement à l'audience, la SELAS MARCCUS PARTNERS fait valoir
- que la procédure devant le Bâtonnier, juridiction de première instance des différends entre avocats à charge d'appel devant la Cour, n'est pas une procédure d'arbitrage,
- que si la décision du Bâtonnier avait revêtu la nature d'une sentence arbitrale, ce qui n'est pas le cas, l'article 1497 du code de procédure civile n'aurait pu s'appliquer au regard des dispositions transitoires du décret l'ayant institué.
Elle demande de dire que les dispositions du code de procédure civile relatives à l'arbitrage ne s'appliquent pas à la procédure devant le Bâtonnier encadrée par les dispositions du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, de dire que les dispositions des articles 525 et 525-1 du code de procédure civile sont inapplicables à la décision du Bâtonnier rendue le 4 septembre 2012, de dire en tout état de cause que si la décision du Bâtonnier avait revêtu la nature d'une sentence arbitrale, ce qui n'est pas le cas, la mesure sollicitée n'aurait pu être prononcée, l'article 1497 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 n'étant pas en vigueur lors de l'introduction de la procédure devant le Bâtonnier par elle suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 décembre 2010.
Elle sollicite en conséquence de déclarer M. Z Z irrecevable en toutes ses demandes, de l'en débouter et de le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du référé.

SUR QUOI,
Considérant que selon l'article 1497 du code de procédure civile modifié par Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 - art. 2
Le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut
1° Lorsque la sentence est assortie de l'exécution provisoire, arrêter ou aménager son exécution lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou
2° Lorsque la sentence n'est pas assortie de l'exécution provisoire, ordonner l'exécution provisoire de tout ou partie de cette sentence. ;
Considérant que ce texte est applicable en matière d'arbitrage ;
Que, cependant, la sentence du Bâtonnier du 4 septembre 2012, rendue au visa de l'article 21 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, ne constitue pas un arbitrage au sens des articles 1442 et suivants du code de procédure civile, quand bien même le Bâtonnier serait qualifié d'arbitre par les textes ou les parties ;
Que les articles 179-1 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 prévoient les règles de procédure applicables au règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel ;
Que ces règles spécifiques, d'ordre public, obéissent à un régime propre, auxquelles les règles régissant les sentences arbitrales, internes ou internationales, sont étrangères ;
Que le litige entre les parties a été soumis à ces règles spécifiques ;
Qu'il n'est en effet justifié en l'espèce d'aucune clause compromissoire ou d'un compromis ;
Que l'article 39 des statuts de la société MARCCUS PARTNERS, selon lequel "Toutes contestations susceptibles de surgir pendant la durée de la société ou après sa dissolution pendant le cours des opérations de liquidation, soit entre les Actionnaires, le Président et la Société, soit entre les Actionnaires eux- mêmes, relativement aux affaires sociales ou à l'exécution des stipulations, dispositions statutaires, seront soumises à l'arbitrage du Bâtonnier de l'ordre des avocats duquel dépend la société", ne peut être considéré comme une clause compromissoire, mais constitue de toute évidence un rappel aux dispositions du décret du 27 novembre 1991, que les parties ont appliqué, notamment en ses dispositions de l'article 179-2 s'agissant d'un différend opposant des avocats de barreaux différents ;
Qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'existence d'un compromis, que ne constitue ni la lettre du 23 décembre 2010, par laquelle la société MARCCUS PARTNERS a saisi le Bâtonnier du Barreau des Hauts de Seine, se fondant expressément sur les dispositions des articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1991 modifié, ni l'acte de mission signé par les parties les 23 mai, 1er juin et 6 juin 2011, après que le Bâtonnier du Barreau des Hauts de Seine et le Bâtonnier du Barreau de Paris avaient désigné d'un commun accord, en application des dispositions de l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1991, le Bâtonnier du Barreau de Lyon, Barreau tiers ;
Qu'en conséquence, l'article 1497 du code de procédure civile n'est pas applicable ; que la demande formée sur ce fondement est irrecevable ;
Considérant que selon l'article 525 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été refusée, elle ne peut être demandée, en cas d'appel, qu'au premier président statuant en référé ou, dès lors qu'il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu'il y ait urgence ;
Considérant que selon l'article 179-7 du décret du 27 novembre 1991, lorsqu'elles ne sont pas déférées à la cour d'appel, les décisions du bâtonnier peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance auprès duquel est établi son barreau ;
Que le décret du 27 novembre 1991 ne comporte aucune disposition spécifique conférant à une juridiction le pouvoir de rendre exécutoire les décisions du bâtonnier lorsqu'elles sont déférées à la cour d'appel ;
Que cependant, selon l'article 277 dudit décret, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret ;
Considérant, dès lors, que si l'article 525 peut être considéré comme applicable en son principe, force est de constater que les conditions de son application ne sont pas réunies en l'espèce ;
Qu'en effet, l'exécution provisoire, qui avait été demandée par M. Z Z (mémoire du 16 mai 2012), n'a pas été refusée par le Bâtonnier du Barreau de Lyon, dès qu'aucune disposition de la loi ou du règlement ne donne pouvoir au Bâtonnier saisi sur le fondement de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 27 novembre 1991 d'assortir sa décision de l'exécution provisoire ;
Que de surcroît, l'urgence, qui ne résulte ni de la seule "date butoir" de paiement du prix des actions dans un délai de quatre semaines ni d'une prétendue situation obérée de la société MARCCUS PARTNERS, n'est pas démontrée ;
Qu'en conséquence, M. Z Z sera débouté pour le surplus ;
Considérant qu'il sera inéquitable de laisser à la charge de la société MARCCUS PARTNERS les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;
Que M. Z Z, qui succombe, devra supporter les dépens de la présente instance ;

PAR CES MOTIFS
Déclarons la demande irrecevable sur le fondement de l'article 1497 du code de procédure civile, Déboutons M. Jacques-Henry Z Z pour le surplus,
Condamnons M. Jacques-Henry Z Z à payer à la SELAS MARCCUS PARTNERS la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. Jacques-Henry Z Z aux dépens de la présente instance.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère

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