Jurisprudence : Cass. civ. 2, 10-02-2022, n° 20-20.814, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 10-02-2022, n° 20-20.814, F-B, Cassation

A78527MR

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Cass. civ. 2, 10-02-2022, n° 20-20.814, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/78348062-cass-civ-2-10022022-n-2020814-fb-cassation
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Abstract

Mots-clés : transport aérien • accident aérien • vol aérien domestique • plafond d'indemnisation • transporteur non titulaire d'une licence d'exploitation • victime • CIVI • réparation intégrale Dans un arrêt du 10 février 2022, la Cour de cassation a jugé que le plafond indemnitaire prévu par le Code des transports en cas d'accident d'un vol aérien domestique qui s'applique à une action en indemnisation engagée contre le transporteur non titulaire d'une licence d'exploitation n'est pas opposable à la victime de l'accident ayant saisi la CIVI. ► Alors que l'article L. 6421-4 du Code des transports instaure un plafond de garantie, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et autres infractions (FGTI) est tenu à la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes aux personnes ; en cas de conflit, le premier est écarté et le principe de réparation intégrale s'impose, permettant ainsi à la victime d'obtenir une réparation intégrale.


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 février 2022


Cassation


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 186 F-B

Pourvoi n° N 20-20.814


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 FÉVRIER 2022


1°/ Mme [V] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [P] [T] et [D] [T],

2°/ Mme [Aa] [T],

3°/ Mme [Y] [T],

4°/ M. [Ab] [T],

tous domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° N 20-20.814 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [Ac], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [P] et [D] [T], ainsi que de Ad [Aa] et [Y] [T] et M. [Ab] [T], de la SCP Boré, Ae de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 septembre 2020), [C] [X] a pris place, le 12 septembre 2013, comme passager, dans l'aéronef piloté par [S] [O], le père de sa compagne, Mme [O], pour un vol au départ de Poitiers et à destination de Cannes.

2. L'appareil a percuté un massif montagneux, en Auvergne, et les deux hommes sont décédés.

3. Un tribunal de grande instance a, notamment, déclaré [S] [O] seul responsable de l'accident et fixé l'indemnisation revenant aux ayants droit de [C] [X] ainsi qu'à Mme [Ac], en réparation des préjudices occasionnés par le décès de celui-ci, dans la limite du plafond de 114 336 euros mentionné à l'article L. 6421-4 du code des transports🏛, qui a été réparti entre les différentes victimes par ricochet, au « marc l'euro ».

4. Mme [Ac], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [Y], [Ab], [P] et [D] [T], ainsi qu'[Aa] [T], la soeur de ces derniers, déjà majeure (les consorts [Ac]-[T]), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir la réparation de leur entier préjudice, consécutif au décès de [C] [X].


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les consorts [Ac]-[T] font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes tendant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait du décès de [C] [X], alors « que l'article 706-3 du code de procédure pénale🏛 prévoyant que la victime d'un acte présentant le caractère matériel d'une infraction a droit à l'indemnisation intégrale de ses préjudices auprès du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, aux seules conditions que cet acte revête le caractère matériel d'une infraction et qu'il ait entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, institue un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, les indemnités ainsi allouées n'étant pas subsidiaires aux réparations éventuellement allouées par ailleurs ; qu'il en résulte nécessairement que ce mode particulier de réparation échappe aux diverses dispositions limitant la responsabilité civile de droit commun, et notamment à celles fixées par l'article L. 6421-4 du code des transports🏛 et des articles 22 et 29 de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ; qu'en disant le FGTI fondé à se prévaloir du plafond institué par ladite convention de Varsovie pour limiter le montant de l'indemnisation à laquelle pouvait prétendre Mme [Ac] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, tout en constatant que les faits dont cette dernière était victime présentaient le caractère matériel d'une infraction, en l'occurrence d'un homicide par imprudence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales nécessaires de ses propres constatations au regard de l'ensemble des textes et convention susvisés, ensemble l'article 706-9 du code de procédure pénale🏛, qu'elle a donc violés. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale🏛, et L. 6421-4 du code des transports🏛, dans leur rédaction applicable au litige :

7. Il résulte du premier des textes susvisés que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

8. Selon le second, la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime, des prestations perçues par cette dernière, qu'il énumère, ainsi que des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.

9. Il résulte du dernier que la responsabilité du transporteur aérien qui n'est pas titulaire d'une licence d'exploitation délivrée en application du règlement (CE) n° 1008/2008⚖️ du 24 septembre 2008 est régie par les stipulations de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, même si le transport n'est pas international au sens de cette convention, dans la limite de 114 336 euros par passager.

10. Il s'induit de l'ensemble de ces dispositions que lorsqu'elle est saisie par la victime d'une infraction imputable à un transporteur aérien, sur le fondement du premier des textes susvisés, la CIVI, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage, suivant les règles du droit commun de la responsabilité, sans perte ni profit pour la victime, ne peut limiter l'indemnisation mise à la charge du FGTI au plafond de garantie prévu par le dernier de ces textes, qui ne régit que la responsabilité des transporteurs aériens.

11. Pour juger que Mme [O] a été remplie de ses droits en percevant le maximum de l'indemnisation à laquelle elle pouvait prétendre au vu du plafond institué par la convention de Varsovie, l'arrêt énonce que ce plafond est issu d'une convention internationale dont la valeur, dans la hiérarchie des normes, est supérieure à la loi nationale qui, à l'article 706-3 du code de procédure pénale🏛, retient le principe de réparation intégrale du préjudice des personnes qui subissent un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction.

12. L'arrêt ajoute qu'en vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale🏛, le FGTI sera, après paiement, subrogé dans les droits de la victime, et qu'à l'occasion de son recours contre les ayants droit et/ou l'assureur du responsable, ces derniers seront en droit de lui opposer ce plafond de garantie.

13. L'arrêt énonce encore que la circonstance que les faits présentent le caractère matériel d'une infraction n'est pas de nature à justifier que les victimes du préjudice éludent ce régime, issu d'un traité international, qui gouverne leur indemnisation et considère qu'au regard du fait que Mme [Ac] a expressément indiqué, dans ses écritures, que les sommes déjà reçues de l'assureur de l'aéronef étaient à déduire de l'indemnité réclamée devant la CIVI, il en résulte qu'elle est remplie de ses droits, ce qui justifie le rejet de ses demandes envers le FGTI.

14. En statuant ainsi, alors que le FGTI, légalement tenu de réparer intégralement le préjudice subi par la victime, indépendamment de l'étendue de son recours subrogatoire ultérieur, ne pouvait pas bénéficier du plafond de garantie institué par la convention de Varsovie en faveur du transporteur aérien, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et le condamne à payer à Mme [Ac], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils mineur [D] [T], ainsi qu'à [Aa], [Y], [J] et [P] [T], cette dernière étant devenue majeure, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme [Ac], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [P] et [D] [T], ainsi que Ad [Aa] et [Y] [T] et M. [Ab] [T]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [O] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes tendant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait du décès de M. [C] [X],

1° ALORS QUE l'article 706-3 du code de procédure pénale🏛 prévoyant que la victime d'un acte présentant le caractère matériel d'une infraction a droit à l'indemnisation intégrale de ses préjudices auprès du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, aux seules conditions que cet acte revête le caractère matériel d'une infraction et qu'il ait entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, institue un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, les indemnités ainsi allouées n'étant pas subsidiaires aux réparations éventuellement allouées par ailleurs ; qu'il en résulte nécessairement que ce mode particulier de réparation échappe aux diverses dispositions limitant la responsabilité civile de droit commun, et notamment à celles fixées par l'article L 6421-4 du code des transports🏛 et des articles 22 et 29 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ; qu'en disant le FGTI fondé à se prévaloir du plafond institué par ladite Convention de Varsovie pour limiter le montant de l'indemnisation à laquelle pouvait prétendre Mme [Ac] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, tout en constatant que les faits dont cette dernière était victime présentaient le caractère matériel d'une infraction, en l'occurrence d'un homicide par imprudence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales nécessaires de ses propres constatations au regard de l'ensemble des textes et convention susvisés, ensemble l'article 706-9 du code de procédure pénale🏛, qu'elle a donc violés,

2° ALORS QUE l'article 3, alinéa 2 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 prévoit que si le transporteur accepte le voyageur sans qu'il ait été délivré de billet de passage, il n'aura pas droit de se prévaloir des dispositions de cette convention qui excluent ou limitent sa responsabilité ; qu'en disant le FGTI fondé à se prévaloir du plafond institué par ladite Convention de Varsovie pour limiter le montant de l'indemnisation à laquelle pouvait prétendre Mme [O], tout en constatant que le transport avait été effectué à titre gratuit, donc nécessairement sans délivrance d'un billet de passage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales nécessaires de ses propres constatations au regard des articles 3 alinéa 2, 22 et 29 de la convention susvisée, ensemble les articles 706-3 du code de procédure pénale🏛, et L 6421-4 du code des transports🏛, qu'elle a donc violés derechef.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [O] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes tendant à la réparation du préjudice d'affection subi par chacun de ses cinq enfants du fait du décès de M. [C] [X],

ALORS QUE le juge ne peut pas refuser d'évaluer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe, ni refuser d'évaluer ce préjudice au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ont expressément constaté que les enfants de Mme [Af] [Ac] avaient noué de l'attachement envers la victime, M. [C] [X] ; qu'en les déboutant pourtant de leur demande d'indemnisation de leur préjudice d'affection, au seul motif de ce que la brièveté de la période pendant laquelle ils l'auraient réellement côtoyé ne permettrait pas d'établir ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil🏛.

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