Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431747, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431747, mentionné aux tables du recueil Lebon

A85507AW

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:431747.20211105

Identifiant Legifrance : CETATEXT000044293877

Référence

CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431747, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/74174811-ce-910-chr-05112021-n-431747-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-01-04-01 1) Il résulte du 4 du IV de l'article 1727 et de l'article 1729 du code général des impôts (CGI) que, lorsque l'administration relève des inexactitudes ou des omissions dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, le décompte des intérêts de retard est arrêté au dernier jour du mois de la première proposition de rectification régulière notifiant au contribuable le supplément d'impôt en résultant, dont l'absence d'acquittement dans le délai légal a causé un préjudice au Trésor public et déclenché le décompte de ces intérêts.......2) Lorsqu'une première proposition de rectification, qui a pour objet de remettre en cause le montant du déficit déclaré par une société au titre d'un exercice mais qui ne conduit à l'établissement d'aucun supplément d'impôt au titre de cet exercice eu égard à la situation de l'entreprise qui demeure déficitaire, est suivie d'une autre proposition de rectification qui tire, au titre d'un exercice ultérieur, les conséquences de la réduction du déficit reportable sur le premier exercice bénéficiaire de l'entreprise, seule cette seconde proposition de rectification peut être regardée comme celle emportant arrêt du décompte des intérêts de retard en application du 4 du IV de l'article 1727 du CGI.......3) S'il résulte de l'article 223 A du code général des impôts (CGI) et de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que les rectifications apportées aux résultats déclarés par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré constituent les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom, cette circonstance n'implique pas que les propositions de rectification notifiées aux filiales intégrées au titre d'une période caractérisée par un résultat d'ensemble qui demeure déficitaire soient regardées, pour l'application du 4 du IV de l'article 1727 du CGI, comme déterminant le terme du décompte des intérêts de retard mis à la charge de la société tête de groupe au titre d'une période ultérieure comprenant son premier exercice bénéficiaire.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 431747

Séance du 18 octobre 2021

Lecture du 05 novembre 2021

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société Elior Group a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des intérêts de retard afférents aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. Par un jugement n° 1608627 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE03964 du 28 mai 2019, la cour administrative d'appel de Versailles⚖️ a rejeté l'appel formé par la société Elior Group contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 17 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Elior Group demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Elior Group ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Elior Group, anciennement dénommée société Holding Bercy Investissement, est la société mère d'un groupe fiscalement intégré dont la société Elior Participations, anciennement dénommée SCA Elior, est l'une des filiales intégrées. Au titre de son exercice clos en 2009, la SCA Elior a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, une opération en capital ayant permis la " déneutralisation " d'une moins-value à court terme d'un montant de 303 333 030 euros résultant du rachat par une société du groupe de ses propres titres détenus par la SCA Elior. Par deux propositions de rectification en date du 20 décembre 2012, l'administration a notifié à la SCA Elior et la société Holding Bercy Investissement les conséquences de cette rectification, lesquelles se sont notamment traduites par la remise en cause du déficit reportable déclaré par la société tête de groupe au titre de son exercice clos en 2009. Dans le cadre d'un règlement d'ensemble négocié avec l'administration, la société Elior Group a déposé le 10 novembre 2014 une liasse fiscale rectificative manifestant son acceptation du rehaussement tenant à la remise en cause de la " déneutralisation " de la moins-value litigieuse. Par une proposition de rectification en date du 11 décembre 2014, l'administration a tiré les conséquences de la remise en cause du déficit d'ensemble déclaré en 2009 au titre de l'exercice clos en 2011 par la société Elior Group, en mettant notamment à sa charge des pénalités pour manquement délibéré ainsi que des intérêts de retard d'un montant de 2 857 016 euros, décomptés du 2 février 2012 au 31 décembre 2014. Par un jugement du 2 novembre 2017 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Elior Group tendant à la réduction de ces intérêts de retard. La société Elior Group se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier d'appel que le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a clos l'instruction le 18 octobre 2018. Si la société Elior Group soutient que l'instruction aurait dû être rouverte à la suite de la production de sa note en délibéré du 17 mai 2019, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 février 2019 dont elle se prévalait dans cette note en délibéré ne faisait que confirmer une décharge prononcée le 15 juin 2016 par le tribunal administratif de Paris, dont elle avait déjà fait état dans ses écritures précédentes et dont la confirmation n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions la société Elior Group n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt qu'elle attaque aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

4. D'une part, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts🏛 : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. () / III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. / IV. - 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement () / 4. Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification () ". Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas d'abus de droit () ; c. 80 % en cas de manuvres frauduleuses () ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration relève des inexactitudes ou des omissions dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, le décompte des intérêts de retard est arrêté au dernier jour du mois de la première proposition de rectification régulière notifiant au contribuable le supplément d'impôt en résultant, dont l'absence d'acquittement dans le délai légal a causé un préjudice au Trésor public et déclenché le décompte de ces intérêts. Lorsqu'une première proposition de rectification, qui a pour objet de remettre en cause le montant du déficit déclaré par une société au titre d'un exercice mais qui ne conduit à l'établissement d'aucun supplément d'impôt au titre de cet exercice eu égard à la situation de l'entreprise qui demeure déficitaire, est suivie d'une autre proposition de rectification qui tire, au titre d'un exercice ultérieur, les conséquences de la réduction du déficit reportable sur le premier exercice bénéficiaire de l'entreprise, seule cette seconde proposition de rectification peut être regardée comme celle emportant arrêt du décompte des intérêts de retard en application du 4 du IV de l'article 1727 du code général des impôts🏛.

6. D'autre part, aux termes de l'article 223 A du code général des impôts🏛, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. cent au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement () / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987🏛 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. () ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts🏛 la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document ".

7. S'il résulte de ces dispositions que les rectifications apportées aux résultats déclarés par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré constituent les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom, cette circonstance n'implique pas que les propositions de rectification notifiées aux filiales intégrées au titre d'une période caractérisée par un résultat d'ensemble qui demeure déficitaire soient regardées, pour l'application du 4 du IV de l'article 1727 du code général des impôts🏛, comme déterminant le terme du décompte des intérêts de retard mis à la charge de la société tête de groupe au titre d'une période ultérieure comprenant son premier exercice bénéficiaire.

8. Pour juger que le décompte des intérêts de retard mis à la charge de la société Elior Group avait à bon droit été arrêté non pas au 31 décembre 2012 mais au dernier jour du mois de la proposition de rectification du 11 décembre 2014 notifiant à la société tête de groupe les redressements d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de son exercice clos en 2011, la cour a relevé que la proposition de rectification du 20 décembre 2012 tirant les conséquences du contrôle de la société Elior Participations ne pouvait pas être regardée comme la première proposition de rectification faite à la société Elior Group au sens du 4 du IV de l'article 1727 du code général des impôts🏛, sans qu'ait d'incidence la circonstance que les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de son exercice clos en 2011 résultaient de la reprise de son déficit reportable déclaré en 2009. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, ni d'erreur de droit ni de contradiction de motifs.

9. Enfin, il résulte des dispositions citées au point 4, ainsi que de ce qui a été dit aux points 5 et 7 ci-dessus, que le décompte des intérêts de retard court jusqu'au dernier jour du mois du paiement de l'impôt ou, lorsqu'il est fait application de l'article 1729 du code général des impôts🏛, du mois de la première proposition de rectification régulière au sens du 4 du IV de l'article 1727 de ce code🏛. C'est par suite sans erreur de droit que la cour a pu écarter le moyen tiré de ce que la décharge prononcée, dans une autre instance, quant au seul chef de redressement que la société contestait parmi ceux figurant dans la proposition de rectification du 11 décembre 2014, aurait fait obstacle à ce que les intérêts soient décomptés, pour les impositions maintenues, jusqu'au 31 décembre 2014.

10. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Elior Group doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Elior Group est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Elior Group et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la Section du contentieux, présidant ; M. J I, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre; Mme A M, M. F H, Mme K C, M. L D, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. N B

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Guiard

La secrétaire :

Signé : Mme E G431747- 4 -

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