Jurisprudence : CA Versailles, 05-09-2012, n° 11/04706, Confirmation

CA Versailles, 05-09-2012, n° 11/04706, Confirmation

A9057ITM

Référence

CA Versailles, 05-09-2012, n° 11/04706, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6870003-ca-versailles-05092012-n-1104706-confirmation
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Abstract

Est licite une clause de non-critique insérée dans une transaction, lorsqu'elle définit de manière précise les personnes physiques, morales et les programmes que l'ancien salarié, journaliste, s'engageait à ne ni critiquer ni dénigrer.



COUR D'APPEL DE VERSAILLES 15ème chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 SEPTEMBRE 2012
R.G. N° 11/04706
AFFAIRE
Patrick Z ZZZ
C/
SA TELEVISION FRANÇAISE 1 'TF1"
Décision déférée à la cour Jugement rendu(e) le 07 Novembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
Section Encadrement N° RG 09/02009
Copies exécutoires délivrées à
Me Francis ...
Me Benoît ...
Copies certifiées conformes délivrées à
Patrick Z ZZZ
SA TELEVISION FRANÇAISE 1 'TF1"
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Monsieur Patrick Z D'ARVOR

NEUILLY SUR SEINE
non comparant
représenté par Me Francis ... de la PUK WEIL GOTSHAL & MANGES - WGM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R011
APPELANT
****************
SA TELEVISION FRANÇAISE 1 'TF1"

BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX
non comparante
représentée par Me Benoît PILLOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G0333
INTIMÉE
****************

Composition de la cour
L'affaire a été débattue le 04 Juin 2012, en audience publique, devant la cour composée de
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats Madame Nathalie GIACOMINI
La Cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté par Mr Patrick Z ZZZ d'un jugement rendu en formation de départage le 7 novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt, section Encadrement, l'ayant condamné à payer à la société TF 1 les sommes de 400 000 euros hors taxe à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et 5000 euros hors taxe au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Le 4 mai 1987, Mr Z d'ARVOR, journaliste professionnel et la chaîne de télévision TF1 ont conclu trois contrats à durée déterminée avec effet au 1er juillet suivant, pour une durée de trois ans et avec cessation de plein droit sans préavis ni indemnité le 30 juin 1990,
ayant respectivement pour objet
- l'engagement par TF1 de Mr Z d'ARVOR afin d'exercer les fonctions de Rédacteur en chef chargé de la présentation du 'journal de 20 heures' ou du grand journal du soir susceptible de le remplacer,
- l'engagement par TF1 de Mr Z d'ARVOR en qualité de Producteur-Animateur d'une émission hebdomadaire,
- l'engagement par Mr Z d'ARVOR au profit de TF 1 d'exercer son activité professionnelle en matière audiovisuelle et radiophonique de manière exclusive, moyennant le versement par TF1 d'une contrepartie financière de 900 000 francs hors taxe.
Avant l'arrivée du terme de ces contrats, les parties ont signé le 19 septembre 1989, avec effet rétroactif au 1er juillet précédent
- un contrat à durée indéterminée par lequel Mr Z d'ARVOR a été engagé par TF1 pour exercer les fonctions de Directeur Adjoint de la rédaction, chargé de la présentation du 'journal de 20 heures' ou du grand journal du soir susceptible de le remplacer,
- un avenant au contrat d'exclusivité prévoyant une exclusivité à durée indéterminée avec stipulation, en contrepartie, du versement par TF1 d'une somme annuelle de 740 000 francs hors taxe.
Un second avenant au contrat d'exclusivité a été signé par les parties le 1er juillet 1990, portant à un million de francs brut le montant annuel de la contrepartie versée par TF1.
Lors de sa séance du 22 mai 2007, le conseil d'administration de TF 1 a enregistré la démission de Mr Patrick Z Z de ses fonctions de Directeur Général et nommé, pour lui succéder, Mr Nonce ....
* * * * *
Le dimanche 8 juin 2008, Mr Z d'ARVOR a appris par une rumeur que Mme Laurence ... avait conclu un accord avec TF 1 pour présenter, dès la rentrée, le 'journal de 20 heures' en ses lieu et place, information reprise par l'ensemble des médias dès le 9 juin au matin et qui lui a été confirmée le jour même par Mr ... au cours d'un déjeuner.
Par courrier du 11 juin 2008, Mr ... a proposé à Mr Z d'ARVOR 'une modification non substantielle de son contrat de travail' devant prendre effet à la rentrée à une date à fixer, consistant à lui retirer la présentation du 'journal de 20 heures' et lui confier le poste de Directeur Délégué de l'Information rattaché directement au Directeur Général Adjoint en charge de l'Information du Groupe TF1 ( Mr Jean-Claude ...) tout en conservant en parallèle ses émissions littéraires 'Vol de Nuit' et 'Place aux livres' et à le libérer de ses obligations d'exclusivité. Par un communiqué de presse en date du 13 juin 2008, TF1 a démenti vouloir se séparer de Mr Z d'ARVOR.
Par lettres des 11 et 16 juin 2008, Mr Z d'ARVOR a notifié son refus à Mr ... et informé ce dernier qu'il considérait la décision de l'écarter du 'journal de 20 heures' ainsi que les conditions de sa mise en oeuvre comme constitutives d'un licenciement abusif lui causant un très grave préjudice dont il entendait obtenir réparation.
Convoqué le 18 juin 2008 à un entretien préalable à licenciement fixé au 25 juin suivant, Mr
Z d'ARVOR a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 17 juillet 2008, avec dispense d'exécution de son préavis de trois mois, ce licenciement étant motivé par son refus d'acceptation des modifications des conditions d'exécution de son contrat de travail rendues nécessaires par les modifications potentielles liées aux nouvelles règles de la publicité après 20 heures, refus auquel il avait de surcroît donné la plus large publicité.
La lettre de licenciement se référait à cet égard à un entretien du journaliste avec Mme Irène ... publié dans le magazine 'Paris Match' (semaine du 3 au 9 juillet) intitulé 'J'ai été trahi. Il y a quatre personnes dont je sais qu'elles ont ourdi mon départ', dans lequel Mr Z d'ARVOR précisait qu'à l'instant où on lui avait annoncé le souhait de se passer de ses services, il avait tourné la page, n'imaginant pas un seul instant rester à TF1, en dépit des promesses mirifiques qu'on lui avait faites et des égards dont on l'avait entouré, et faisait part de sa déception face à la trahison dont il venait d'être victime.
La polémique publique a continué avec la publication dans le magazine 'VSD' ( semaine du 20 au 26 août) d'un article consacré à Mr Z d'ARVOR intitulé 'La Télé, c'est fini'.
Afin de mettre un terme définitif au différend les opposant, Mr Z d'ARVOR et la société TF 1 ont signé le 17 septembre 2008 une transaction confidentielle aux termes de laquelle
- Mr Z d'ARVOR a accepté son licenciement et démissionné de tous ses mandats détenus au sein de TF1 et du Groupe TF1,
- les parties ont mis définitivement fin à leurs relations contractuelles le jour même, à l'exception de leurs obligations respectives stipulées à l'article 4 libellé ainsi qu'il suit
' - Patrick Z ZZZ s'interdit toute publication verbale ou écrite se rapportant à sa collaboration avec TF1, pendant les années 1987 à 2008, qui aurait pour objet ou pour effet de critiquer ou dénigrer la société TF1, les Sociétés du Groupe, les programmes diffusés par lesdites sociétés, cette interdiction étant étendue quant à leur objet, aux Dirigeants et Collaborateurs de TF1, et des Sociétés du Groupe, et ce pendant un délai de 18 mois, à compter de la signature des présentes.
- La Société TF1, qui se porte fort des Sociétés du Groupe, ainsi que de ses/leurs Dirigeants et Collaborateurs, s'interdit toute publication verbale ou écrite se rapportant à sa collaboration avec Patrick Z ZZZ pendant les années 1987, qui aurait pour objet ou pour effet de critiquer ou dénigrer Patrick Z ZZZ, avec cette précision que cette interdiction aura effet pendant un délai de 18 mois à compter de la signatures des présentes.'
- TF1 a versé à Mr Z d'ARVOR, pour solde de tout compte, une somme de 3 579 218,18 euros comprenant le salaire du 1er au 17 septembre 2008, le prorata du 13 ème mois, l'indemnité de congés payés de 31 jours, l'indemnité de licenciement fixée à 22 mois du dernier salaire moyen mensuel s'élevant à 96 666,66 euros et l'indemnité complémentaire transactionnelle représentant 14 mois du dernier salaire moyen tel que fixé ci-avant,
- les parties se sont désistées de leurs actions et ont accepté ces désistements réciproques. * * * * *
Toutefois, ultérieurement à la signature de cette transaction, le numéro d'octobre 2008 du mensuel 'Bretons' paru fin septembre publiait un très long entretien avec Mr Z d'ARVOR intitulé 'PPDA entre les lignes' dans lequel celui-ci mettait en cause Mr ...
qu'il accusait d'avoir institutionnalisé une surveillance des journalistes de TF1, à laquelle il avait échappé, dans le cadre d'une police privée, portant atteinte à leur liberté professionnelle et à leur vie privée, article à la suite duquel
- Mr ..., par lettre du 8 octobre 2008 adressée à Mr Z d'ARVOR, a formulé les plus expresses protestations et réserves et, eu égard aux diverses informations publiées par la presse relatives à la publication d'un ouvrage sous sa signature, lui rappelait les dispositions de l'article 4 de la transaction,
- Mr ... et la société TF1 ont fait citer Mr Poivre ZZZ par exploit d'huissier du 9 octobre 2008 à l'audience du 18 novembre 2008 de la 17 ème chambre correctionnelle du TGI de Paris pour y répondre du délit de diffamation publique ( dont Mr Z d'ARVOR sera déclaré coupable à l'égard de Mr ... par jugement définitif du 19 mai 2009).
Dans son édition du 4 au 10 octobre 2008, le magazine 'Télé Cablesat' relatait des déclarations de Mr Z d'ARVOR relatives à la baisse d'audience du '20 H' depuis l'arrivée de Laurence FERRARI ( 'depuis 21 ans j'ai essayé avec la rédaction de construire une belle mécanique avec ce JT. Aujourd'hui, il fait 2 millions de téléspectateurs de moins que lorsque j'y officiais') et à 'l'affaire' Florence ..., menacée de licenciement à TF1 ('je n'ai pas trouvé bien que TF1 essaie de faire porter le chapeau à une seule personne').
Dans son édition du 12 au 18 octobre 2008,l'hebdomadaire 'Figaro magazine' faisait figurer en couverture le titre et reproduisait en pages intérieures une interview de son auteur à l'occasion de laquelle celui-ci revenait sur les circonstances de son éviction et déclarait 'j'ai été agressé dans le dos et par surprise', 'on m'a débarqué d'abord, tout en signant avec quelqu'un d'autre. C'est seulement après qu'on a cherché à habiller dignement mon départ. Piloter une réforme de l'info n'avait plus aucun sens puisque le pivot de cette réforme était de '.
Le 15 octobre 2008, le livre intitulé 'A demain! En chemin vers ma liberté' rédigé par Mr Z d'ARVOR était disponible en librairie, son auteur se livrant dans le même temps à une intense campagne médiatique aux fins d'en assurer la promotion, notamment en participant à de nombreuses émissions TV diffusées les 16,17,18 et 25 octobre, 1er et 2 novembre 2008, au cours desquelles il a répondu à des questions de journalistes en lien avec les circonstances de la rupture de ses contrats de travail et la personne lui succédant.
Dans son édition du 20 octobre 2008, le magazine 'Télé 2 semaines' a publié une interview de Mr Z d'ARVOR au cours de laquelle ce dernier a notamment déclaré ' Le 8 juin, c'est le moment où j'apprends les choses...Bien sûr, c'est une trahison.'.
Le magazine 'Le Parisien TV Hebdo' a publié dans son édition du 24 octobre 2008 un entretien avec Mr Z d'ARVOR au cours duquel ce dernier a confirmé raconter dans son livre les conditions de son départ de TF1.
* * * * *
Estimant qu'en faisant publier cet ouvrage auquel il avait donné la plus large publicité et en transformant cette campagne de promotion en campagne de critique tout azimut de son ancien employeur, Mr Z d'ARVOR avait violé l'article 4 de la transaction conclue le 17 septembre 2008, la société TF 1 l'a assigné par exploit d'huissier du 11 décembre 2008 devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre en condamnation à lui payer la somme de 400 000 euros de dommages-intérêts.

Par décision du 25 septembre 2009, la juridiction saisie s'est déclarée incompétente au profit du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt.
* * * * *
Mr Z d'ARVOR demande à la Cour
- à titre principal
* de constater que l'article 4 du protocole transactionnel du 17 septembre 2008 lui interdit tout droit de critique,
* de dire et juger que cette interdiction constitue une atteinte disproportionnée à l'exercice de sa liberté d'expression,
* d'annuler cet article 4,
* de constater que les propos qu'il a tenus n'excèdent pas l'usage de son droit critique,
- en conséquence
* d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
* de débouter la société TF1 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
* de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- à titre subsidiaire, de la condamner au paiement d'1 euros symbolique à la société TF1.
La société TF1 sollicite
- la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris,
- de dire et juger que Mr Z d'ARVOR a abusé de sa liberté d'expression en la critiquant en la dénigrant de manière répétitive et avec une large publicité, en violation de l'article 4 de la transaction,
- de condamner en conséquence Mr Z d'ARVOR à lui payer la somme de 400 000 euros de dommages-intérêts,
- y ajoutant, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
Sur la nullité de l'article 4 de la transaction en ce qu'il interdit tout droit de critique
Il convient préalablement de relever que pour estimer que les termes de l'article 4 de la transaction apportaient à la liberté d'expression de Mr Z d'ARVOR des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché par les parties à l'acte, le Conseil de Prud'hommes s'est fondé sur
- l'importance que les chaînes de télédiffusion généralistes privées accordent à l'image du présentateur du journal de 20 heures pour la promotion des messages publicitaires qui précèdent et suivent ce programme,
- la liberté de l'employeur de renouveler l'image du présentateur,
- la connaissance nécessaire que Mr Z d'ARVOR avait de l'importance de cette image et des risques que la société TF1 a pris à l'occasion de son remplacement,
- le montant élevé des indemnités de départ convenues au profit de Mr Z d'ARVOR.
Les deux premières considérations étant sans rapport direct avec l'objet du litige, c'est à tort que les juges prud'homaux les ont retenues.
A l'appui de sa demande en nullité de l'article 4 de la transaction, Mr Z d'ARVOR fait valoir que la Convention Européenne des Droits de l'Homme, le code du travail et la jurisprudence sociale de la Cour de Cassation ont posé le principe selon lequel la liberté d'expression n'admet que des restrictions strictement nécessaires et qu'en tout état de cause, est nulle toute clause limitant de façon disproportionnée l'usage de la liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression.
Contrairement à ce que prétend la société TF1, les dispositions de l'article L 1121-1 du code du travail invoquées par l'appelant ont vocation à s'appliquer entre la date de notification et la date de conclusion de la transaction, la dispense d'exécution du préavis de trois mois expirant le 16 octobre 2008 accordée à Mr Z d'ARVOR par TF1 dans la lettre de licenciement, n'ayant pas eu pour effet d'avancer la date à laquelle a pris fin le contrat de travail, de telle sorte qu'en réalité, le journaliste n'était pas encore délié du lien salarial au moment de la signature de la transaction dont s'agit. C'est en conséquence au regard de ce statut de salarié qu'il y a lieu d'apprécier la nullité invoquée.
En revanche la jurisprudence sociale invoquée par Mr Z d'ARVOR relative à des cas de licenciements pour abus de la liberté d'expression et à un cas dans lequel le salarié avait tenu des propos en réponse à des déclarations publiques de son supérieur hiérarchique est inopérante au cas d'espèce.
Si la liberté d'expression est une liberté fondamentale consacrée par l'article 10 alinéa 1er de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, son exercice n'est cependant pas total et souffre diverses restrictions énumérées à l'alinéa 2, constituant des mesures nécessaires, entre autres, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui. De même, si l'article L 1121-1 du code du travail énonce que nul ne peut porter atteinte (...) aux libertés individuelles (...), ce texte en autorise néanmoins les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
En l'espèce, eu égard au contexte d'intense polémique médiatique entretenue par Mr Z d'ARVOR après la présentation de son dernier 'journal de 20h', ayant conduit à l'élaboration de la transaction en cause, il apparaît que cette dernière n'a enfreint ni les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ni celles du code du travail, les restrictions apportées par cet acte à la liberté d'expression des parties étant justifiées et proportionnées au but recherché s'agissant de la protection de la réputation des parties, d'autant que si Mr Z d'ARVOR disposait, en sa qualité de journaliste, d'un droit de critique qui est l'essence même de sa profession, il est évident que de par sa notoriété qu'il qualifie lui-même d'incomparable, les critiques qu'il est susceptible d'émettre auprès du public, ont un impact beaucoup plus important que celles d'une personne moins connue.
Par ailleurs, la circonstance que cette restriction ait été limitée dans le temps ne saurait s'analyser, comme le prétend l'appelant, en une reconnaissance par TF 1 de son caractère injustifiable.
Comme le rappelle à juste titre TF1, Mr Z d'ARVOR ne s'est pas vu imposer cette clause par l'employeur, ladite clause ne constituant pas une clause de style mais résultant au contraire de négociations menées par les deux parties avec l'assistance de leurs conseils respectifs ainsi qu'il est mentionné en page 4 de la transaction et donc d'une libre acceptation de son contenu, chaque partie ayant librement renoncé à l'exercice de l'un de ses droits dans un but licite permettre l'apaisement des relations entre les parties suite aux conditions dans lesquelles est intervenue la rupture de la relation de travail et à la polémique publique s'en étant suivie au début de l'été 2008.
De plus, contrairement à ce qu'allègue Mr Z d'ARVOR, et outre le fait qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à la présente affaire la jurisprudence invoquée par l'appelant en matière de clauses de non-concurrence ou de clauses d'exclusivité, ni un extrait d'une doctrine d'ailleurs non produite, cette restriction à sa liberté d'expression n'était pas exprimée en termes trop généraux mais au contraire limitée dans son objet et dans sa forme, la clause définissant de manière précise les personnes physiques, morales et les programmes que Mr Z d'ARVOR s'engageait à ne pas critiquer ni dénigrer.
La Cour estime également que Mr Z d'ARVOR ne peut valablement exciper de la nullité d'une clause contractuelle qu'il a acceptée librement, alors qu'il était assisté d'un avocat de renom, connu pour sa compétence en matière de médias, dont il est impensable d'imaginer qu'il aurait incité son client à signer un acte nul, contraire à ses intérêts et alors que Mr Z d'ARVOR n'a jamais dénoncé cette clause avant la mise en oeuvre de la présente procédure.
Enfin et en tout état de cause, ainsi que le rappelle justement TF1 dans ses écritures, il résulte de la chronologie des faits que Mr Z d'ARVOR avait mis en oeuvre et exercé son droit de critique qu'il tenait de sa liberté d'expression antérieurement à la signature de la transaction, et que dans un tel cas, il est toujours possible pour une partie de renoncer à l'application d'une loi, fût-elle d'ordre public. Il s'ensuit dès lors que l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme n'interdisait nullement les engagements pris par les parties dans l'article 4 de la transaction.
La Cour confirmera donc, mais par substitution de motifs, le jugement attaqué en ce qu'il a estimé qu'il n'y avait pas lieu à annuler la clause mentionnée à l'article 4 de la transaction.
Sur la nature et les conséquences des propos tenus par Mr Z d'ARVOR
Pour estimer que Mr Z d'ARVOR, en tenant des propos relevant du dénigrement et de la critique abusive avait délibérément violé par des moyens répétés et systématiques les obligations auxquelles il était tenu par la transaction et ainsi engagé sa responsabilité civile sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, les premiers juges se sont livrés à une analyse exhaustive desdits propos susceptibles de relever du dénigrement et précisé que les autres, reprochés par TF 1 dans ses conclusions auxquelles ils ont fait expressément référence, tendant systématiquement à ramener toutes les qualités éditoriales passées de la société TF1 à sa personne pour assimiler son départ de l'entreprise à une faute de l'employeur et affirmer ainsi l'échec de sa succession constituaient un abus du droit de critique.
De son côté, pour affirmer que les propos qu'il a tenus dans son livre et lors de sa promotion dans les médias, n'excédaient pas l'usage de son droit de critique au regard du contexte dans lequel ils ont été tenus, contexte que le Conseil de Prud'hommes a selon lui omis de prendre en considération, Mr Z d'ARVOR allègue qu'à deux exceptions près, l'intégralité desdits propos qu'il lui est reproché d'avoir tenus
- sur les circonstances de son départ,
- sur les résultats d'audience de Mme Laurence ... qui lui a succédé,
- sur le fonctionnement de la Direction de TF1 postérieurement à son départ,
- sur le licenciement de Mme Florence ... intervenu à une date postérieure à sa période de collaboration avec TF1 et n'entrant donc pas dans les prévisions de l'article 4 de la transaction, sont analysés par TF 1, comme des critiques et non comme du dénigrement, l'intimée reconnaissant par là qu'il a simplement usé de son droit de critique qu'il estime d'autant plus justifié que son licenciement est intervenu dans un contexte très particulier de polémique médiatique.
Il y a lieu de relever que par l'accord transactionnel conclu le 17 septembre 2008, les parties ont définitivement mis fin à cette date à toutes leurs relations contractuelles (article 1er), y compris celle relative au contrat de travail, la seule relation perdurant entre elles ayant trait à la clause de l'article 4. C'est donc à tort que dans ses écritures l'appelant soutient que postérieurement au 17 septembre 2008, les dispositions du code du travail et la jurisprudence en découlant relatifs à l'appréciation de la liberté d'expression d'un salarié à l'égard de son employeur trouveraient à s'appliquer, Mr Z d'ARVOR n'ayant plus le statut de salarié. Il s'ensuit que l'application de l'article 4 de la transaction, postérieurement au 17 septembre 2008 ne relève pas du droit social mais du droit commun des contrats comme l'ont à juste titre estimé les juges prud'homaux.
Il y a également lieu de rappeler que le droit commun des contrats impose leur exécution de bonne foi et que l'article 4 de la transaction, qui avait pour objet de mettre fin à la campagne de dénigrement, devait être observé dans son esprit.
Si Mr Z d'ARVOR a pu être humilié par les circonstances dans lesquelles il a appris son éviction de TF 1, s'il a pu la ressentir comme brutale, vulgaire, témoignant d'une ingratitude à l'égard d'un présentateur vedette depuis 20 ans, s'il a pu la vivre comme une blessure narcissique en y voyant le fait du prince, il n'en demeure pas moins que la transaction avait justement pour objet, entre autres, de mettre un terme au litige né de cette rupture et de réparer le préjudice en résultant.
C'est donc avec une particulière mauvaise foi que Mr Z d'ARVOR a enfreint quelques jours plus tard cette transaction en donnant des interviews dans les médias puis en faisant publier un livre qu'il avait commencé de rédiger durant l'été et ayant pour objet la relation de son expérience de marcheur sur les traces des pèlerins suivant le chemin de Compostelle, interviews et livre par lesquels il a multiplié des propos très critiques, voire dénigrants à l'égard de TF1 quant à la décision de gestion prise par cette dernière après qu'elle eut appris du journaliste lui-même, qu'il souhaitait mettre fin à ses fonctions en 2009, quant aux circonstances de son éviction, quant aux suites de son remplacement, quant au comportement de la nouvelle Direction, propos énumérés dans les écritures de l'intimée ( pages 9 à 17, 19, 20) auxquelles la cour se réfère expressément, justement analysés par les premiers juges dans la décision attaquée.
C'est également tout à fait vainement que pour se justifier, Mr Z d'ARVOR allègue dans ses écritures que TF 1 aurait de mauvaise foi tenté d'expliquer que 'critique' et 'dénigrement' sont synonymes, dès lors qu'en tout état de cause, l'article 4 de l'accord transactionnel visant les deux actions de 'critiquer' et de 'dénigrer', il n'y a pas lieu de se livrer à un débat sémantique à ce sujet.
Le jugement sera en conséquence confirmé sauf en ce qu'il a visé l'article 1147 du code civil, l'article applicable au cas d'espèce étant l'article 1142 du code civil qui dispose que 'toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.
* * * * *
C'est à tort que Mr Z d'ARVOR prétend dans ses écritures que pour fixer de façon forfaitaire et arbitraire le montant des dommages-intérêts alloués à TF 1, le conseil de prud'hommes s'était borné à faire valoir qu'il était proportionné avec l'indemnité convenue entre les parties à la transaction, la lecture du jugement révélant que les premiers juges ont, outre ce dernier élément, également retenu la gravité des manquements commis par l'intéressé ainsi que son âge, Mr Z d'ARVOR étant proche de l'âge de la retraite lorsqu'a été négociée son indemnité de départ de l'entreprise.
De plus, contrairement à ce que l'appelant allègue dans ses écritures, il ne résulte nullement des notes tenues par le greffier à l'audience du Conseil de Prud'hommes du 17 janvier 2011, que TF1 aurait indiqué que la somme de 400 000 euros réclamée constituait 10% du montant de la transaction.
La Cour estime que l'âge de l'appelant n'est pas un critère à retenir au titre de l'évaluation du préjudice causé à TF1.
En revanche, la gravité des manquements à son obligation contractuelle commis par
Mr Z d'ARVOR retenue dans le jugement, même si elle n'est pas développée plus avant, résulte de leur caractère quasi-immédiat et répété en un laps de temps relativement court, de surcroît à grand renfort de publicité dans les médias au cours de programmes de fin de semaine réunissant de nombreux téléspectateurs, alors que l'intéressé savait pertinemment que la presse allait relayer ses critiques. Ces manquements ont donc indubitablement causé un préjudice d'image important à la société TF1 et à ses dirigeants présentés sous un jour peu flatteur.
Mr Z d'ARVOR ayant perçu au titre de l'indemnité complémentaire transactionnelle une somme de 1 353 333,24 euros, il ne paraît pas anormal que l'appelant soit tenu de payer des dommages intérêts à hauteur de 400 000 euros, représentant moins du tiers de cette indemnité, la circonstance selon laquelle l'indemnité transactionnelle a été assujettie aux cotisations de sécurité sociale et à l'impôt sur le revenu étant inopérante au regard des faits de la cause.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Mr Z d'ARVOR succombant en toutes ses prétentions devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel et sera condamné à payer à la société TF 1 une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 10 000 euros en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.
Mr Z d'ARVOR sera en conséquence débouté de sa demande pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annuler la clause mentionnée à l'article 4 de la transaction,
Confirme le jugement pour le surplus sauf en ce qu'il a retenu l'âge de Mr Z d'ARVOR pour apprécier le montant des dommages-intérêts alloués à la société TF1, la cour ne reprenant pas ce motif,
Déboute Mr Z d'ARVOR de l'ensemble de ses demandes,
Condamne Mr Z d'ARVOR à payer à la société TF1 la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia ..., Président et par Madame ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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