Jurisprudence : Cass. soc., 25-09-2012, n° 11-17.987, F-D, Cassation

Cass. soc., 25-09-2012, n° 11-17.987, F-D, Cassation

A6080ITD

Référence

Cass. soc., 25-09-2012, n° 11-17.987, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6865652-cass-soc-25092012-n-1117987-fd-cassation
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SOC. PRUD'HOMMES LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 septembre 2012
Cassation
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1961 F-D
Pourvoi no D 11-17.987
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Léonard Z, domicilié Erstein,
contre l'arrêt rendu le 22 mars 2011 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance Alsace, société anonyme, dont le siège est Strasbourg,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2012, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Foerst, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Z, de la SCP Boullez, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Alsace, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z, engagé à compter du 1er décembre 1969 par la Caisse d'épargne de Strasbourg, aujourd'hui absorbée par la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace, est devenu responsable d'agence au mois d'avril 1973 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur auquel il reprochait un harcèlement moral ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt retient que le grand espacement dans le temps des agissements invoqués exclut leur caractère répétitif ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté au texte légal une condition temporelle qu'il ne prévoit pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace à payer à M. Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Z de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dire que cette résiliation emportait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace condamnée à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 1184 du code civil, comme dans tous les contrats synallagmatiques, la condition résolutoire est sous entendue dans le contrat de travail pour les cas où l'une des parties ne satisfait pas à ses obligations ; qu'en l'espèce, au soutien de sa prétention à la résiliation judiciaire de son contrat de travail débuté le 1er décembre 1969, le salarié intimé reproche à son employeur d'avoir manqué à ses obligations en l'exposant à un harcèlement moral ; que le harcèlement moral se caractérise, selon l'article L.1152-1 du code du travail par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il incombe néanmoins au salarié, en application de l'article L.1154-1 du code du travail, d'établir des faits qui permettent au moins de présumer l'existence du harcèlement moral qu'il invoque ; qu'en premier lieu, le salarié intimé fait valoir, sans être contredit, le retard que la banque appelante a observé pour n'avoir équipé son agence de Strasbourg-Neuhof de moyens techniques de protection qu'après le vol à main armée de juin 1985, la tentative de vol à main armée du 5 août 1989, la tentative d'escroquerie de septembre 1991, et le dernier vol à main armée commis le 31 décembre 1991 ; qu'en deuxième lieu, le salarié intimé produit un courriel circulaire du 6 janvier 2003 par lequel le chef de groupe M. ... a adressé ses voeux au personnel placé sous son autorité, notamment M. Z, en concluant en ces termes vexatoires " si ton labeur est dur et les résultats sont minces, n'oublie pas qu'un jour le grand chêne a été un gland comme toi " ; qu'en troisième lieu, le salarié intimé se réfère à un courriel du 4 mars 2003 par lequel le même M. ... a fait reproche à trois agences de son groupe, dont celle dirigée par M. Z, de représenter " 50% du retard " ; qu'en quatrième lieu, le salarié intimé allègue du rappel des circonstances d'un des vols à main armée lors d'une réunion du 20 août 1993 ; mais qu'il se limite à présenter sa propre relation des propos tenus, sans aucunement les établir ; qu'en cinquième lieu, le salarié intimé présente un courriel du 20 juin 2005 par lequel son supérieur hiérarchique a reproché à neuf agences, dont celle dirigée par M. Z, de ne pas faire " l'effort de recoller aux ratios du groupe " ; qu'en sixième lieu, le salarié intimé produit un courriel du 21 juillet 2005 par lequel son supérieur hiérarchique a encore visé l'agence dirigée par M. Z en écrivant " Pour info, action et forte réaction ... pour certaines agences situées dans les bas-fonds des classements ...
Elles se reconnaîtront " ; qu'en septième lieu, le salarié produit un courriel du 4 août 2005, par lequel son supérieur hiérarchique a encre adressé des reproches en concluant "la situation est inadmissible pour les agences de Neuhof, Illkirch Centre et Obernai " ; qu'en huitième et dernier lieu, le salarié intimé fournit une série de documents médicaux qui décrivent une dégradation de son état de santé, en lien avec ce qu'il a subi sur son lieu de travail ; que le dernier en date est un certificat du Dr ... qui a décrit un syndrome post-traumatique avec action anxio-dépressive majeure, et qui en trouve les causes dans les attaques dont M. Z a été victime dans ses fonctions de directeur d'agence bancaire d'une part, et dans les pressions exercées par l'employeur d'autre part ; mais qu'il doit être relevé que les faits invoqués par le salarié intimé sont très éloignés dans le temps les uns des autres ; qu'onze années séparent la fin du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail, lorsqu'il a installé des systèmes de protection de l'agence bancaire à la suite des attaques qui y avaient été perpétrées, et les courriels vexatoires que le salarié intimé reproché à son employeur de lui avoir adressés en 2003 ; que deux autres années séparent ces courriels de la série de 2005 par laquelle ont été pointées les insuffisances des résultats de l'agence dirigée par M. Z ; que ce grand espacement dans le temps exclut le caractère répétitif que supposent des agissements constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'il en résulte que si le salarié intimé montre la possibilité d'un lien entre la dégradation de son état de santé et les conditions dans lesquelles il a exécuté son contrat de travail, ce qui a déjà justifié une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels puis l'allocation d'une pension d'invalidité, les faits qu'il allègue ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il s'ensuit que le salarié intimé doit être débouté de sa demande en résiliation du contrat de travail pour harcèlement moral et ses demandes subséquentes ;
1/ ALORS QU' en cas de demande de résiliation judiciaire de contrat de travail motivée par l'existence d'un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'ancienneté de certains faits ou le laps de temps les séparant les uns des autres ne sont pas de nature exclure leur répétition ; que les dispositions légales n'imposent aucune obligation concernant les modalités de la répétition des agissements imputés à l'employeur ou du délai dans lequel ces agissements doivent avoir eu lieu ; qu'en retenant que le grand espacement dans le temps des faits invoqués par M. Z excluait le caractère répétitif que supposent des agissements constitutifs d'un harcèlement moral, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE les faits allégués par un salarié laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral imposant à l'employeur de démontrer que ces agissements y sont étrangers et justifiés par des éléments objectifs, quand les agissements répétés imputés à l'employeur ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la cour d'appel a constaté que le salarié intimé montrait la possibilité d'un lien entre la dégradation de son état de santé et les conditions dans lesquelles il avait exécuté son contrat de travail, circonstance qui avait déjà justifié une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels puis l'allocation d'une pension d'invalidité ; qu'en refusant néanmoins de retenir l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.

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