CIV. 1
COUR DE CASSATION LG
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
Audience publique du 11 septembre 2012
NON-LIEU A RENVOI
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 1069 F-D
Pourvoi no N 12-14.135
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 15 juin 2012 et présentée par M. Jean-Yves Z, domicilié Versailles,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre deux arrêts rendus les 10 juin 2010 et 28 avril 2011 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant
1o/ au président de la chambre de la compagnie des avoués près la cour d'appel de Versailles, domicilié Versailles,
2o/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié Versailles,
3o/ au président de la Chambre nationale des avoués près les cours d'appel, domicilié Paris,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique de ce jour,
Sur le rapport de M. Y, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. Z, l'avis de M. X, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z, ancien avoué, qui a fait l'objet, à la fois, de poursuites pénales et de poursuites disciplinaires, a été successivement condamné, pénalement, pour usage de faux et abus de confiance, à douze mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction d'exercer la profession d'avoué pendant la durée de cinq ans par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles en date du 18 avril 2008, devenu définitif, et, disciplinairement, à la peine de la destitution par un arrêt du 28 avril 2011 de la première chambre civile de la même cour d'appel, après que cette juridiction avait, par un arrêt du 10 juin 2010, refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'il lui avait soumise ; que, s'étant pourvu en cassation contre l'arrêt du 28 avril 2011, statuant sur les poursuites disciplinaires, il demande que soit posée au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante
" Les dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance no 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels et les articles 131-27 et 441-10 du code pénal, prévoyant l'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément aux principes non bis in idem et au droit à un procès équitable tels que garantis par l'article 8 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'ils n'excluent pas leur application cumulative pour des faits identiques ? " ;
Attendu que, présenté par un mémoire spécial, motivé et distinct du mémoire ampliatif produit au soutien du pourvoi, le moyen tiré de l'atteinte alléguée aux droits et libertés garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est recevable en la forme ;
que les dispositions de l'ordonnance no 45-1418 du 28 juin 1945 qui sont au fondement de l'arrêt attaqué sont effectivement applicables au litige, de même qu'elles constituaient le fondement des poursuites disciplinaires engagées contre M. Z ; que l'interprétation jurisprudentielle constante qui conduit à en faire une application cumulative avec les dispositions pénales sanctionnant les mêmes faits entre dans le champ du contrôle de constitutionnalité a posteriori ;
Mais attendu, d'abord, que la question, en tant qu'elle se fonde sur les normes constitutionnelles tirées des articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, n'est pas nouvelle, au sens des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 en sa rédaction issue de la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;
Qu'ensuite, d'une part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu'en l'occurrence, si le législateur n'a pas exclu l'application cumulative à une même personne d'une sanction pénale et d'une sanction disciplinaire pour des faits identiques, la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel la subordonne, en vertu des principes de nécessité et de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à l'exigence que ne soit pas dépassée la sanction la plus élevée, prévue par les textes ainsi appliqués ; que, d'autre part, le respect de cette exigence doit être assuré par les juridictions, sous le contrôle de la cour suprême de l'ordre auquel elles appartiennent, de sorte que la personne qui fait l'objet de l'application cumulative contestée bénéficie d'un droit à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable ; que, dès lors, une telle application ne porte pas atteinte à un droit ou à une liberté que la Constitution garantit ; qu'il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité proposée n'est pas sérieuse ;
Qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en l'audience publique du onze septembre deux mille douze ;
Où étaient présents M. Charruault, président, M. Gallet, conseiller rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, M. Domingo, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre.