Jurisprudence : CA Chambéry, 30-08-2012, n° F 09/00188, Infirmation

CA Chambéry, 30-08-2012, n° F 09/00188, Infirmation

A0524IS9

Référence

CA Chambéry, 30-08-2012, n° F 09/00188, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6606418-ca-chambery-30082012-n-f-0900188-infirmation
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Abstract

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.



COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 AOÛT 2012
RG 11/02232 - MI/VA
Luc CHEMIN c/ SAS MELIAN (intervenant syndicat CGT)
Décision déférée à la Cour Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CHAMBERY en date du 30 Août 2011 - RG F 09/00188

APPELANT


BOURGNEUF
Comparant, assisté de Me ..., substituant Me DOS SANTOS (SELARL DS-J & associés, avocats au au barreau de LYON
INTIMÉES
SAS MELIAN

MONTMELIAN
Représentée par Me Martine RUFFIER MONET, avocat au barreau de GRENOBLE
PARTIE INTERVENANTE
Syndicat CGT

CHAMBERY
Représenté par M. J.F. REGNIER, délégué syndical, dûment muni des pouvoirs spéciaux

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de
Monsieur LACROIX, Président,
Madame CAULLIREAU-FOREL, Conseiller
Madame IMBERTON, Conseiller, qui s'est chargée du rapport
1 qui en ont délibéré
Greffier lors des débats Mme ALESSANDRINI,
********

Faits et procédure
La Société MELIAN exploite à MONTMELIAN (73800) un supermarché sous l'enseigne Intermarché. Le 1er février 2008, la société a été reprise par Philippe ..., qui a racheté le fonds de commerce de M. ..., en raison de son départ à la retraite.
Luc CHEMIN a été engagé le 21 mars 1997 par la Société MELIAN en qualité de chef boucher. Par avenant du 27 avril 2004 il a été promu au poste de 'manager du département boucherie' qualification cadre, niveau 7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Il percevait un salaire brut mensuel de 2 300 euros par mois sur 13 mois, soit 29 000 euros par an, outre prime d'objectifs.
Luc CHEMIN a été en arrêt maladie du 13 janvier 2009 au 8 février 2009, puis du 13 février au 14 mars 2009, pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel.
Par courrier du 27 février 2009, Luc CHEMIN a demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail. La convention a été signée le 3 mars 2009. La Direction Départementale du Travail a refusé d'homologuer ladite convention, au motif que le montant de l'indemnité de rupture était inférieur au minimum légal -correspondant à l'indemnité légale de licenciement- .
Une nouvelle demande comportant une indemnité conforme aux texte a été présentée et homologuée implicitement par la Direction du Travail. La rupture du contrat a été fixée au 9 avril 2009.
Contestant la validité de la rupture conventionnelle, et demandant sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Luc CHEMIN a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry par lettre recommandée avec accusé réception reçue au greffe le 3 juin 2009.
La CGT est intervenue volontairement par conclusions déposées le 16 mars 2010.

Par jugement du 30 août 2011, le conseil de prud'hommes de Chambéry, statuant en formation de départage, a rejeté les demandes d'auditions sollicitées par le salarié, a déclaré irrecevable l'intervention du syndicat CGT, a déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre du syndicat CGT, a rejeté l'ensemble des demandes de Luc CHEMIN, a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et a condamné Luc CHEMIN aux dépens.
Le conseil de prud'hommes a estimé
- sur les demandes d'auditions de salariés sollicitées par M. ...
.que de telles auditions, qui plus est sur le lieu de travail, ne pourraient que contribuer à exacerber les tensions existantes,
. de nombreux salariés dont il est demandé l'audition travaillent toujours pour la société Melian, leur relation hiérarchique avec M. ... ne les place pas en situation de s'exprimer librement;
Sur l'intervention du syndicat CGT qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice particulier ou d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession
- sur le harcèlement moral la preuve des agissements répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas rapportée,
- sur la nullité de la rupture conventionnelle Luc CHEMIN ne rapporte aucun élément de preuve de la violence que son employeur aurait exercée sur lui dans le but de lui faire signer la convention de rupture.
Luc CHEMIN a interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties
Aux termes des débats et des écritures des parties reprises oralement à l'audience et auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé des moyens qui y sont développés, il est demandé à la Cour
1. Par M. Luc ...
- de réformer la décision des premierss juges,
- de constater qu'il a été victime d'un harcèlement moral
- de constater que la rupture conventionnelle du contrat est entachée de nullité, qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- de condamner la Société MELIAN à lui payer
. la somme de 15 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
. 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
. 7 323,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 732,38 au titre des congés payés afférents
. 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
2. Par la Société MELIAN
- de dire que Luc CHEMIN n'a été victime d'aucun agissement de harcèlement moral de la part de son nouvel employeur
- de dire que la procédure de rupture conventionnelle a été régulièrement mise en oeuvre, suite à sa demande et sans contrainte morale
en conséquence,
- de le débouter
. de sa demande en dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral
. de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail
. de sa demande de requalification en rupture abusive de son contrat de travail
- et de le condamner au paiement de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles
Moyens respectifs développés par les parties
Sur le harcèlement
- Luc CHEMIN soutient
. Que l'employeur a fait preuve de harcèlement vis à vis de nombreux salariés, ce qui a engendré de nombreux départs depuis janvier 2008,
. qu'il établit le comportement vexatoire, humiliant, agressif de son employeur à son égard,
. qu'il existe de nombreuses autres procédures prud'homales en cours pour harcèlement à l'encontre de la Société MELIAN,
. que ces agissement ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé il a été en arrêt maladie pour état anxio dépressif réactionnel du 13 janvier au 8 février 2009, puis à nouveau du 13 février 2009 au 14 mars 2009;
- la Société MELIAN conteste le harcèlement et soutient
. qu'une autre salariée, Mme ..., est à l'origine de l'action contentieuse collective à laquelle s'est joint M. ...,
. que la mise en cause du travail de Mme ... a déclenché une véritable rébellion à l'encontre du nouvel employeur.
Sur la rupture conventionnelle M. ... affirme que
. le harcèlement subi a contraint Luc CHEMIN à demander la rupture conventionnelle son consentement est donc entaché de nullité.
. la convention étant nulle elle doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur affirme que
. C'est le salarié qui a demandé la mise en oeuvre d'une rupture conventionnelle
. le consentement de Chemin est valide toutes les garanties procédurales ont été respectées (entretiens, délais, etc..)
. Si il s'était senti menacé, M. ... n'aurait pas manqué de saisir de cette situation le contrôleur du travail ou la CGT
. M. ... ne s'est pas rétracté pendant le délai de 15 jours dont il disposait;

MOTIFS
1. Sur le harcèlement moral
Attendu que l'article L 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
que par application de l'article L 1154-1 du même code, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
qu'il convient en conséquence de déterminer en premier lieu si Luc CHEMIN rapporte des éléments faisant présumer de l'existence d'un harcèlement moral ; que dans l'affirmative, il conviendra de déterminer si l'employeur établit que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
1. 1 Sur l'existence d'éléments permettant de présumer de l'existence d'un harcèlement moral
Attendu que Luc CHEMIN fait état d'actes répétés de harcèlement qui ont selon lui entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé physique et mentale
- agressions verbales, reproches et humiliations devant les autres membres du personnel, - convocations régulières dans le bureau du directeur pour y subir des remontrances ; qu'il verse aux débats de nombreuses attestations de salariés précisant que
- à compter de l'automne 2008, M. ... a commencé à 'mettre la pression sur tous les agents de maîtrise, les compétences de tous étaient remises en cause, (pièce 13)
- M. ... était souvent pris à partie par l'employeur devant tous les employés, qu'il lui était reproché ses résultats (pièces 12, 19)
- le 18 novembre 2008, Luc CHEMIN était pris violemment à partie par l'employeur devant le rayon libre service boucherie, lui reprochant d'être incapable de donner des ordres, et de surveiller son personnel (pièce 17),
- Luc CHEMIN était dénigré sur sa façon de travailler, la gestion de son personnel, ses marges (pièces 13, 19)
- que le nouvel employeur cherchait la moindre faille pour l'humilier (pièce 18)
- que M. ... cherchait à manipuler l'équipe en tentant de leur faire croire que M. ... les critiquait (pièce19),
- Luc CHEMIN était très souvent convoqué dans le bureau du directeur pour y subir des reproches, (pièces 12, 18, 17),
- M. ... disait bonjour au personnel en arrivant le matin mais passait devant Luc CHEMIN et ne le saluait pas (pièce 17),
- que depuis le départ de M. ..., l'employeur a de nouvelles cibles (pièce 19) ;
que le responsable de l'entreprise de propreté intervenant dans le magasin témoigne également (pièce 22) de ce qu'il a été témoin d'agressions verbales de M. ... envers Luc CHEMIN, et envers d'autres salariés, les traitant de 'con' et de 'bons à rien' devant tout le monde ;
que de nombreuses attestations de clients (pièces 14, 15, 16, 24, 25, 26, 27, 31, 33) corroborent le fait qu'après l'arrivée de la nouvelle direction, l'ambiance du magasin a changé, elle est devenue très tendue, le stress des employés est palpable, la bonne humeur a disparu, les prix ont augmenté, le personnel est malmené, rudoyé, que les employés ont reçu l'ordre de ne plus parler avec les clients ; que certains de ces clients attestent du changement dans le caractère de Luc CHEMIN fin 2008 ;
que certains salariés précisent que Luc CHEMIN était très affecté par la situation d'autant plus qu'il avait de bons résultats, était très apprécié de la clientèle, faisait preuve d'une conscience professionnelle exemplaire (13), et qu'il était très investi dans son travail (18);
que les grandes qualités professionnelles, relationnelles, et les performances de Luc CHEMIN sont d'ailleurs confirmées par une attestation de M. ... (23) ancien employeur,
que de nombreux salariés expliquent avoir été victime ou témoin du comportement de M. ... à l'égard de nombreux salariés, y compris devant d'autres membres du personnel ou des clients critiques, cris, altercations, explosions de fureur (pièces 28, 36, 37, 40 à 44, 48, 49, 52) ;
que plusieurs autres salariés expliquent avoir également fait l'objet de pressions, d'humiliations, de réprimandes, et avoir de ce fait démissionné ou avoir été licenciées (28, 29, 30, 34);
que l'ensemble de ces éléments établit l'existence d'actes susceptibles de constituer un harcèlement moral, agissements caractérisés par des agressions verbales, des propos et comportements humiliants, dévalorisants, portant atteinte de façon répétée à ses compétences professionnelles et à l'autorité s'attachant à ses fonction de cadre responsable du service boucherie ;
1.2. Sur la preuve de la dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel
Attendu que la dégradation des conditions de travail de M. ... résulte de nombreuses attestations de salariés versées aux débats ; que certains salariés précisent en effet que Luc CHEMIN était très affecté par la situation et que son caractère avait changé à compter de l'automne 2008 ; que l'une des salariées travaillant sous sa direction a précisé qu'elle ne reconnaissait plus son chef tant il avait changé du fait de ce conflit (pièce 19);
Attendu que Luc CHEMIN verse également aux débats plusieurs attestations faisant état de la dégradation de son état de santé physique et moral (12, 18, 17, 19)
que la dégradation de son état de santé est confirmée par un certificat médical du Docteur ... qui précise que 'Luc CHEMIN lui a déclaré avoir des relations professionnelles très conflictuelles', et qu' 'il présente un syndrome anxio dépressif réactionnel qui a nécessité plusieurs arrêts de travail à compter de janvier 2009" (pièce 59);
que ce syndrome anxio dépressif a également été constaté par le médecin du travail qui précise que cet état est 'incompatible avec un travail de responsabilité' (pièce 10) ;
que l'ensemble de ces éléments permettent d'établir que les faits dont le salarié a été victime ont, de par leur nature, leur multiplicité, et leur répétition pendant plusieurs mois, dégradé ses conditions de travail et porté atteinte à sa dignité, et ont altéré sa santé physique et mentale;
1. 3. Sur la preuve par l'employeur que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
Attendu que la Société MELIAN conteste les accusations de harcèlement, soutenant que Luc
CHEMIN n'était plus motivé dans son travail, qu'il ne disposait pas du dynamisme requis pour faire face aux exigences de son employeur, qu'en réalité, Mme ..., autre salariée, qui ne donnait pas satisfaction à l'employeur, a introduit une action judiciaire à son encontre, et a entraîné d'autres salariés, notamment M. ... ;
qu'au soutien de ses dires, l'employeur verse aux débats des attestations de plusieurs salariés précisant que
- certains salariés -notamment Mme ... et M. ...- faisaient ce qu'ils voulaient, ne supportaient aucune remarque de l'employeur, (pièce 25)
- certains salariés n'ont pas supporté la présence de M. et Mme ... et ont colporté de fausses rumeurs pour leur nuire, tout n'étant que mensonge et complot (pièce 21, 29, 17, 37)
- des représentants du syndicat CGT sont venus à plusieurs reprises dans le magasin et ont démobilisé le personnel (26 à 30)
- M. Luc ... était dépressif avant l'arrivée de M. ...,
- M. Luc ... avait manifesté le souhait de créer sa propre entreprise ;
que de nombreux salariés et certains clients affirment par ailleurs que M. ... se montrait humain, qu'il était respectueux, et très à l'écoute du personnel (pièces 25 et suivantes, pièces 49 et suivantes ) ;
que cependant, il convient de rappeler que compte tenu du lien de subordination des auteurs de ces attestations avec l'employeur, les déclarations faites doivent être analysées avec prudence ;
qu'en outre, l'analyse de ces attestations révèle qu'elles sont formulées de façon générale, rapportent les opinions de leurs auteurs sans être étayées par des faits objectifs ;
que surtout, un nombre important de ces attestations ne concernent pas le comportement et les propos de M. ... à l'égard de M .CHEMIN, et ne contredisent en conséquence pas les récits objectifs de propos dénigrants et d'agressions verbales de l'employeur à son égard ;
qu'en outre, l'affirmation selon laquelle M. ... était dépressif avant 2008 est contredite par les éléments médicaux versés aux débats dont il résulte que les arrêts médicaux pour état dépressif n'ont été prescrits qu'à compter de janvier 2009 ; qu'enfin, la volonté supposée qu'aurait eu M. ... de créer sa propre entreprise ne s'est pas concrétisée au regard des éléments versés aux débats ;
qu'en conséquence, les attestations versées aux débats par l'employeur ne permettent pas de remettre en cause les atteintes répétées de l'employeur à l'encontre de M. ..., telles que décrites avec précision par de nombreux autres salariés ;
attendu que la Société MELIAN soutient par ailleurs que, compte tenu du contexte collectif du conflit dont fait état le salarié, le comportement de l'employeur n'étant pas dirigé exclusivement à l'encontre de M. ..., mais à l'encontre de nombreux salariés, il ne peut y avoir harcèlement moral,
que cependant, peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;
qu'en l'espèce, si M. ... soumettait de nombreux salariés à une pression importante, des reproches incessants, des propos dénigrants, ses méthodes se traduisaient, en ce qui concerne M. ..., par des faits spécifiques de harcèlement moral ayant entraîné un état dépressif réactionnel ;
qu'ainsi, par ces explications, et ces éléments, l'employeur n'a pas établi que ses agissements à l'encontre de Luc CHEMIN étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
qu'il convient dès lors de réformer le jugement déféré et de dire que M. Luc ... a été victime de harcèlement moral du fait de son employeur, la Société MELIAN ;
2. Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
Attendu que les faits de harcèlement subis par M .Luc CHEMIN ont entraîné pour lui un préjudice important ; qu'ainsi, alors qu'il avait toujours progressé professionnellement depuis son embauche par la Société MELIAN, et avait acquis la qualité de manager du rayon boucherie, qu'il était reconnu pour ses qualités professionnelles tant par l'ancien dirigeant de la société que par ses collègues et les clients, il s'est trouvé brutalement dénigré et rabaissé par son nouvel employeur, de façon répétée, pendant plus de trois mois ; que ces agissements ont entraîné une dégradation de son état de santé, constatée par plusieurs certificats médicaux, émanant du médecin du travail (pièce 10) et de son médecin traitant;
qu'il convient compte tenu de ces éléments, de lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;
3. Sur la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail
Attendu que l'article L 1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire, est nul ;
qu'en conséquence, une rupture conventionnelle du contrat de travail intervenue suite à des faits de harcèlement moral est nulle ;
qu'en l'espèce, Luc CHEMIN a formulé une demande de rupture conventionnelle fin février 2009, alors qu'il était en arrêt maladie pour syndrome anxio dépressif réactionnel, et alors qu'il avait fait l'objet d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral pendant les mois précédent son arrêt maladie ; qu'ainsi, dans un tel contexte, son consentement ne pouvait être librement donné à une rupture conventionnelle ;
que dès lors, la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. Luc ..., intervenue suite à des faits de harcèlement moral, est nulle par application de l'article L 1152-3 précité ;
qu'il convient en conséquence de réformer le jugement déféré du conseil de prud'hommes de CHAMBERY et de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ;
4. Sur les demandes indemnitaires de Luc CHEMIN au titre de la nullité de la rupture conventionnelle
Attendu que la réparation du préjudice résultant de nullité de la rupture conventionnelle ne pouvant être inférieure à celle résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié victime de cette rupture abusive du contrat de travail a droit d'une part, aux indemnités de rupture - indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement- et d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de la rupture et au moins égale à celle prévue par l'article L 1235-3 du code du travail, 4.1 Sur les indemnités de rupture
Attendu qu'il convient de constater que Luc CHEMIN ne sollicite pas d'indemnité de licenciement, ayant déjà perçu, dans le cadre de la rupture conventionnelle, une indemnité spécifique équivalente d'un montant de 7 000 euros ;
Attendu qu'ayant la qualité de cadre, et un salaire moyen mensuel de 2 632,92 euros au moment de la rupture de la relation de travail (voir convention de rupture pièce 57 de Luc CHEMIN), M. ... doit se voir allouer une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire,
que compte tenu du quantum de la demande de M. ..., il convient de lui allouer la somme de 7 323,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 732,38 euros au titre des congés payés afférents ;
4.1 Sur les dommages et intérêts du fait de la rupture abusive du contrat de travail
Attendu que Luc CHEMIN avait une ancienneté de 12 ans au sein de la Société MELIAN; qu'il percevait un salaire moyen brut mensuel de 2 632,92 euros au moment de la rupture;
qu'il a, lors de l'audience devant la cour, déclaré être resté sans emploi pendant sept mois, et avoir retrouvé un emploi d'agent de maîtrise en qualité de boucher, pour une rémunération mensuelle brute de 2 800 euros par mois ;
qu'il n'a cependant pas versé aux débats d'éléments justifiant de ses dires ;
qu'il convient, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de réformer le jugement déféré de ce chef et de lui allouer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail ;
5. Sur l'intervention de la CGT
Attendu que par application de l'article L 1154-2 du code du travail, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L 1152-1 à L 1153-3 et L 1153 à L 1153-4 du code du travail ;
Que M. ... a donné son accord écrit à l'intervention de la CGT ;
attendu qu'en outre, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession résulte de nombreuses attestations de salariés de la Société MELIAN qui ont dénoncé les méthodes de gestion mises en oeuvre par le nouveau dirigeant, méthodes de gestion ayant entraîné, outre le départ de certains salariés, un climat social délétère ;
qu'il convient en conséquence de déclarer recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT et de lui allouer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession;
6. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Attendu que l'équité impose de condamner la Société MELIAN à payer à Luc CHEMIN la somme de 2 500 euros au titre de l'ensemble des frais irrépétibles exposés au cours de la procédure et au syndicat GCT la somme de 500 euros de ce chef, et de rejeter la demande de la Société MELIAN à ce titre ;
que la Société MELIAN qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Réforme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de CHAMBERY en date du 30 août 2011 dans son intégralité,
Statuant à nouveau,
Dit que Luc CHEMIN a été victime de harcèlement moral du fait de la SAS MELIAN,
Dit que la rupture conventionnelle conclue entre Luc CHEMIN et la SAS MELIAN le
9 avril 2009 est nulle,
Condamne la SAS MELIAN à verser à Luc CHEMIN les sommes suivantes
- 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral
- 20 000 euros au titre de la rupture abusive du contrat de travail
- 7 323,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 732,38 euros au titre des congés payés afférents ;
Déclare recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT,
Condamne la SAS MELIAN à verser au syndicat CGT la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;
Y ajoutant
Condamne la SAS MELIAN à verser à Luc CHEMIN la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles;
Condamne la SAS MELIAN à verser au syndicat CGT la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles;
Rejette la demande de la SAS MELIAN au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SAS MELIAN aux entiers dépens de l'instance;
Ainsi prononcé publiquement le 30 Août 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur ..., Président, et Madame ..., Greffier.
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